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Ce documentaire plonge dans la vie et l'héritage de T.E. Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie, qui a joué un rôle clé pendant la Première Guerre mondiale. La vidéo explore son esprit aventureux, ses stratégies militaires et l'impact de ses exploits dans la péninsule arabique. À travers des images d'archives, des interviews d'experts et des reconstitutions dramatiques, les spectateurs obtiennent un aperçu du caractère complexe de Lawrence, de ses relations avec les leaders arabes et de son influence durable sur la région. Ce documentaire dresse un portrait vivant de cette figure énigmatique et des temps tumultueux qu'il a traversés, invitant le public à réfléchir aux implications plus larges de ses aventures.

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Voyages
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00:00:00Thomas Edward Lawrence, brillant officier de l'armée britannique,
00:00:14dépeint ici dans les scènes exaltantes du classique du cinéma,
00:00:18Lawrence d'Arabie.
00:00:23C'est un trajet de près de 1000 kilomètres à dos de dromadaire,
00:00:26c'est vraiment extraordinaire.
00:00:29Considéré comme un militaire visionnaire, il participe à la grande révolte arabe.
00:00:35Il adapte les principes de la guérilla aux circonstances et à l'environnement.
00:00:40Un événement qui va changer la face du monde.
00:00:44Les Britanniques et les Français se partagent les territoires arabes.
00:00:52Mais Lawrence reste l'une des figures les plus énigmatiques du XXe siècle.
00:00:58C'est principalement à cause de toutes ces contradictions
00:01:04que nous le trouvons si fascinant.
00:01:11Est-il simplement un homme fuyant son passé ?
00:01:16C'est une famille qui cachait un secret terrible pour l'époque
00:01:21et qui se présentait comme une famille normale.
00:01:26Un homme pétri de doutes quant à son identité ?
00:01:30Il décrit des sévices à la fois physiques et sexuels
00:01:33mais qui lui auraient procuré du plaisir.
00:01:37À quel point Lawrence était-il influencé par la littérature d'évasion ?
00:01:42L'esprit de Lawrence est rempli d'images héroïques.
00:01:46Il voit tout cela comme une véritable quête.
00:01:52Son parcours le conduit au cœur d'un Moyen-Orient totalement bouleversé.
00:02:00Ce sont des frontières qui ignorent totalement les tribus et les ethnies existantes.
00:02:07Elles n'ont aucun sens.
00:02:11Avec à la clé une vie entière de culpabilité.
00:02:15Les espoirs des Arabes sont complètement anéantis.
00:02:19Reste alors un sentiment de déception et de trahison.
00:02:23Voici l'histoire du véritable Lawrence d'Arabie.
00:02:35Pendant près de 15 ans jusqu'à sa mort en 1935,
00:02:39Thomas Edward Lawrence est l'homme le plus célèbre d'Angleterre.
00:02:50Il est l'ami des rois.
00:02:54Son nom fait la une des journaux.
00:03:02Mais l'homme le plus célèbre d'Angleterre est peut-être aussi le plus malheureux.
00:03:08Lawrence recherche la solitude et le calme.
00:03:13Et c'est ici qu'il les trouvera.
00:03:16A Clouds Hill, une petite maison rudimentaire dans le Dorset.
00:03:21Un refuge loin de la célébrité qui le tue à petit feu.
00:03:26Je pense qu'il cherchait la célébrité, mais qu'elle ne lui a pas plu une fois qu'il l'a obtenue.
00:03:32C'était une situation inconfortable pour lui.
00:03:38Il lui arrivait de rester assis au même endroit toute la matinée sans bouger et sans rien dire.
00:03:44Il était profondément dépressif.
00:03:47Lawrence s'est mis en retrait.
00:03:50Non seulement de la célébrité, mais je crois aussi de lui-même.
00:04:00Sa retraite dans le Dorset est un lieu propice à l'écriture.
00:04:05Un lieu pour essayer de comprendre cette célébrité qui l'a tant déstabilisée.
00:04:11Ses progrès sont ponctués de lettres à des amis.
00:04:15« Aie trouvé une maison en ruine. Aie refait le toit et suis passé au plancher.
00:04:20Pour l'instant, une chaise et une table.
00:04:23Trop de gens me parlent.
00:04:28Ne peux pas écrire. »
00:04:32Le mythe de Lawrence a fait de cet homme étrange et solitaire une star internationale.
00:04:42Ce mythe naît alors qu'une Europe épuisée et en ruine
00:04:46traverse péniblement les derniers jours sanglants de la Première Guerre mondiale.
00:04:51Les Français et les Britanniques sont à la peine sur le front de l'Ouest.
00:04:56Non seulement la France est empêtrée dans l'enfer de Verdun,
00:05:01mais il y a aussi la terrible bataille de la Somme,
00:05:04dont la première journée est la plus sanglante de l'histoire de l'armée britannique,
00:05:08avec plus de 20 000 morts.
00:05:14La légende de Lawrence débute par un pur hasard.
00:05:19En 1917, les États-Unis rejoignent le conflit.
00:05:24À cette époque, le gouvernement américain cherche à vendre la guerre à ses citoyens
00:05:28à travers des articles captivants.
00:05:30Il fait appel à un talentueux journaliste new-yorkais.
00:05:35« Lowell Thomas est un journaliste américain.
00:05:38Il est envoyé en Europe pour écrire des articles
00:05:41qui pourraient convaincre les jeunes Américains de s'engager.
00:05:44Il se rend d'abord sur le front de l'Ouest.
00:05:47« Il n'y trouve que de la boue, des viscères et de l'eau.
00:05:51Il n'y trouve que de la boue, des viscères et autres horreurs.
00:05:54Donc il se dit, non, ça ne va pas marcher. »
00:06:00Avisé de ce qui ressemble à une guerre plus vendable,
00:06:03à un millier de kilomètres vers l'Est,
00:06:06Thomas et son caméraman échouent au caire.
00:06:14Ici, les Britanniques, sous le commandement du général Allenby,
00:06:18affrontent les Turcs ottomans.
00:06:20« Au départ, Lowell Thomas se promène avec son caméraman
00:06:24et fait quelques plans réussis d'Allenby, défilant avec ses troupes.
00:06:28On y voit un tas de soldats britanniques.
00:06:30Et puis il s'intéresse à ce jeune officier
00:06:32qui enchaîne les exploits dans le désert,
00:06:34tel un héros de magazine pour jeunes garçons. »
00:06:38Tandis que ce jeune Bédouin passait vêtu de sa magnifique robe royale,
00:06:42la foule devant les bazars se retournait pour le regarder.
00:06:49Le Bédouin blond, comme le surnomme Lowell par Asta journalistique,
00:06:53est Thomas Edward Lawrence. Il a 38 ans.
00:07:03« Il obtient l'autorisation de le filmer
00:07:05et comprend immédiatement qu'il va crever l'écran.
00:07:10On voit des hommes en robe de Bédouin, ados de dromadaires.
00:07:13Voilà ce qui va vendre la guerre au grand public américain et britannique.
00:07:18»
00:07:25En 1919, Lowell monte un spectacle
00:07:27qu'il baptise « Avec Allenby en Palestine et Lawrence en Arabie ».
00:07:31Au bout d'un moment, il se rend compte
00:07:33que les gens sont plus intéressés par Lawrence en Arabie.
00:07:36Donc il laisse tomber Allenby en Palestine
00:07:38et renomme son spectacle « Avec Lawrence en Arabie ».
00:07:47Le journal de voyage de Lowell est une véritable expérience multimédia.
00:07:53Films, photographies en couleurs, portraits de Lawrence, danseuses, enceintes.
00:07:59Le tout commenté en direct par la voix exaltée de Lowell Thomas.
00:08:08« Ce spectacle rencontre un succès phénoménal
00:08:11et crée la légende de Lawrence d'Arabie.
00:08:15Il fond de Lawrence une célébrité.
00:08:18Tout le monde connaît son nom.
00:08:20Il devient ce qu'il décrit lui-même comme l'idole des matinées. »
00:08:29C'est l'histoire d'un héros de guerre qui se rend en Arabie
00:08:33et qui, presque à lui seul, unifie pour la première fois une armée arabe.
00:08:39« Lawrence est l'une des premières célébrités des médias.
00:08:42La première personne à être filmée et glorifiée sur pellicule.
00:08:46C'est l'un des tout premiers.
00:08:48Mais il est mitigé face à cette situation. »
00:08:52On raconte qu'il allait souvent voir ses projections
00:08:55mais qu'il s'essayait incognito au fond de la salle.
00:09:02Une autre lettre trahit son irritation.
00:09:05« J'ai parfaitement conscience de ce que fait M. Lowell Thomas.
00:09:09Il a été envoyé en Égypte par le gouvernement américain.
00:09:12Il a passé une semaine en Arabie.
00:09:14Je l'ai vu deux fois à cette période.
00:09:16Et là, il a pris conscience de mon potentiel en tant que star du grand écran. »
00:09:23Tandis que la presse du monde entier
00:09:25s'agglutine devant les murs de sa retraite du Dorset,
00:09:28l'homme le plus célèbre de tous les temps
00:09:31est paralysé par le doute et la culpabilité.
00:09:36Une légende est née sur grand écran
00:09:39mais un spectre brisé, au regard vide, observe en coulisses.
00:09:45Qui est cet homme tourmenté ?
00:09:47Qu'est-il arrivé à Laurence d'Arabie ?
00:10:02Thomas Edward Laurence
00:10:13Thomas Edward Laurence grandit dans une famille typique
00:10:17de la classe moyenne supérieure britannique.
00:10:20Il est le deuxième des cinq fils de Thomas et Sarah Laurence.
00:10:27Mais la confortable demeure du 2 Polstead Road
00:10:30à Oxford ne dit pas tout.
00:10:35La découverte d'un terrible secret de famille
00:10:38va chambouler la vie du petit Thomas.
00:10:45« À l'âge de 10 ans, Laurence surprend une conversation de son père
00:10:48évoquant sa famille.
00:10:51Ce qu'il entend le sidère.
00:10:54Il se trouve que son père a une autre famille en Irlande
00:10:59et que le nom Laurence est une pure fiction.
00:11:05Ses parents ne sont pas mariés.
00:11:07Le père de Laurence, Thomas Chapman de son vrai nom
00:11:10a abandonné sa première femme et ses filles en Irlande.
00:11:16Sa mère, Sarah Juner, était la gouvernante des filles de Thomas Chapman.
00:11:23Ce dernier est tombé amoureux de Sarah
00:11:27et il est parti avec elle.
00:11:30L'épouse de Chapman n'a jamais accepté le divorce.
00:11:34Ce qui veut dire qu'ils n'ont jamais pu légitimer leur relation en se mariant.
00:11:42Dans l'esprit du jeune Laurence, c'est une situation indigne.
00:11:46Ce caractère illégitime le couvre de honte.
00:11:50C'est une famille normale
00:11:52au moins qui voudrait être une famille normale,
00:11:54mais avec un terrible secret.
00:11:58Loin des regards,
00:12:00ce sont les enfants de Laurence qui paient le prix des choix de leurs parents.
00:12:05La mère en particulier,
00:12:07qui vient d'un milieu religieux extrêmement strict,
00:12:10n'assume pas vraiment son statut de femme non mariée.
00:12:14Et elle élève ses garçons
00:12:16comme s'il leur appartenait d'expier ses propres péchés.
00:12:22Elle se sent terriblement coupable du caractère illégitime de ses cinq fils.
00:12:29Elle les voit en quelque sorte comme les fruits du péché,
00:12:35en particulier Ned,
00:12:38comme il était surnommé,
00:12:40qui est le plus têtu,
00:12:43le plus indépendant et le plus rebelle.
00:12:47Elle a donc pris l'habitude de le battre.
00:12:53On ne parle pas d'une simple fessée ponctuelle,
00:12:56après je ne sais quelle bêtise,
00:12:58c'est quelque chose de bien plus sévère.
00:13:01S'il n'en a pas gardé de traces physiques,
00:13:03je pense qu'il en a gardé à vie un traumatisme émotionnel.
00:13:09Elle fait naître en lui plusieurs paradoxes.
00:13:14Le plus important, à mon sens,
00:13:16est ce lien malsain entre l'amour et la douleur.
00:13:20Comme si les deux faisaient partie d'une seule équation.
00:13:25Il est déchiré par son statut illégitime,
00:13:29par la stigmatisation sociale de sa naissance hors mariage
00:13:32et toute l'anxiété que cela peut engendrer
00:13:36quand vous faites partie de la classe moyenne supérieure anglaise
00:13:39dans la période d'avant-guerre.
00:13:43Leurs voisins remarquent que cette famille est un peu étrange.
00:13:46Ils ne se mêlent pas beaucoup au reste de la population.
00:13:51Donc très tôt, Lawrence se sent marginal.
00:13:55Il commence à remettre en cause ce qu'on veut lui enseigner.
00:13:59Il estime que les règles ne s'appliquent pas à lui.
00:14:02Il n'a pas l'impression d'être à sa place.
00:14:07Solitaire et tourmenté,
00:14:09Lawrence se réfugie dans les livres.
00:14:12Il trouve dans les légendes arthuriennes
00:14:14des récits peuplés de chevaliers héroïques,
00:14:16des compagnons à la moralité limpide.
00:14:20Il est à la recherche d'un monde manichéen
00:14:23où l'on reconnaît les méchants des gentils.
00:14:26Un monde à l'opposé de sa vie de famille,
00:14:29fait d'ambiguïté,
00:14:32de malhonnêteté,
00:14:34de secrets et de façades.
00:14:38Lawrence est totalement conquis par ses contes de fées.
00:14:42Peut-être commence-t-il à s'imaginer jouer un rôle comparable,
00:14:46tel un héros arthurien contemporain.
00:14:56Lawrence est absorbé par ce monde protecteur.
00:15:00Adolescent, il parcourt la campagne de l'Oxfordshire
00:15:03sur son fidèle destrier
00:15:05à la recherche d'églises médiévales
00:15:07et de tombes de chevaliers oubliés.
00:15:12Il trouve refuge dans un monde par définition immuable,
00:15:15car il appartient au passé.
00:15:18Ce qui lui plaît,
00:15:20ce sont ces chevaliers qui accomplissent des actes héroïques
00:15:23pour le bénéfice d'autrui,
00:15:25comme pour oublier les mauvaises actions de ses parents.
00:15:31Pour Lawrence, ce code de la chevalerie
00:15:33implique de se mettre soi-même à l'épreuve.
00:15:37Dès son plus jeune âge,
00:15:39il a tendance à vouloir repousser ses limites,
00:15:42en accomplissant d'incroyables exploits physiques ou intellectuels.
00:15:50Il pouvait s'agir de descendre des rivières,
00:15:52d'escalader des parois abruptes, de jeûner,
00:15:55tout pour repousser les limites physiques de son corps.
00:16:01Ces épreuves étranges se produisent
00:16:04Ces épreuves étranges se poursuivent
00:16:06lorsqu'il entre à l'université d'Oxford.
00:16:10Un jour, on l'a retrouvé en train de tirer au pistolet
00:16:13depuis une fenêtre, et il a dit
00:16:15« Oh, je suis resté 52 heures sans dormir
00:16:18pour voir quel effet cela me ferait. »
00:16:22Lawrence semble avoir une résistance très élevée à la douleur.
00:16:26C'est souvent lié à un phénomène de dissociation dans l'enfance,
00:16:29cette capacité à sortir de son corps
00:16:32et à se regarder comme un observateur extérieur
00:16:35jusqu'à ce que la douleur soit passée.
00:16:38Toute sa vie, il a donc été insensible à la douleur.
00:16:41Il pouvait la surmonter, car il l'avait déjà fait,
00:16:46à une époque où il était vulnérable
00:16:48et où elle lui était infligée par une personne en qui il avait confiance.
00:16:52Il ne cesse donc de dépasser ses propres limites physiques.
00:16:57Lors de ces études,
00:17:00il prend une décision insensée,
00:17:03consacrée son mémoire au château bâti par les croisés.
00:17:07Il choisit de se rendre au Moyen-Orient,
00:17:11seul,
00:17:13avec un appareil photo et un carnet.
00:17:16C'est un endroit très dangereux,
00:17:19très inhospitalier.
00:17:23Il a marché, je dis bien marché,
00:17:25plus de 1600 kilomètres à travers la Syrie
00:17:27et ce qui est aujourd'hui la Jordanie,
00:17:29étudiant ses châteaux, dessinant des croquis,
00:17:31rencontrant les villageois, ce genre de choses.
00:17:36Laurence trouve malgré tout le moyen d'envoyer des lettres à ses proches.
00:17:42J'ai tant marché que mes chaussures sont en miettes.
00:17:46Mes pieds sont couverts de coupures, de brûlures et d'ampoules.
00:17:50Dans ce climat, la moindre entaille se transforme en un rien de temps,
00:17:53en une horrible plaie.
00:18:02Ayant survécu à son périple syrien,
00:18:05il rentre à Oxford où, en 1910,
00:18:08ses recherches lui valent un diplôme avec mention.
00:18:11Et surtout, on lui offre l'opportunité de retourner dans ce désert qu'il aime tant.
00:18:17Laurence étant un étudiant en surduis,
00:18:20ses mentors à l'université d'Oxford
00:18:24sont tout à fait disposés à l'orienter vers son premier emploi
00:18:29sur le prestigieux site de fouille de Kharkemesh,
00:18:33dans le nord de la Syrie.
00:18:37Là-bas, malgré son jeune âge,
00:18:40il dirige le chantier et gère la main-d'œuvre locale.
00:18:46Il améliore son arabe, s'intéresse à la géographie,
00:18:49à la culture, à la langue,
00:18:52et développe une affinité avec la population.
00:18:56Cela lui permet de sortir du carcan que l'Angleterre édouardienne lui impose.
00:19:01Personne ne sait qui il est, personne ne sait d'où il vient.
00:19:06C'est un monde fantastique,
00:19:08un lieu qu'il éloigne de ses parents et du traumatisme familial,
00:19:12et lui permet de vivre dans un univers romantique.
00:19:15En un sens, le Moyen-Orient, à cette époque,
00:19:18représente une échappatoire à la moralité
00:19:21et à l'idéologie européenne-occidentale.
00:19:25Le Moyen-Orient est vu comme un espace de libération,
00:19:28en particulier pour les marginaux,
00:19:30ceux qui ne se sentent pas chez eux en Europe.
00:19:35À Kharkemesh,
00:19:37Lawrence fait la connaissance d'un jeune arabe de 14 ans,
00:19:40Daoum.
00:19:41Un personnage qui occupera une place centrale
00:19:44dans son imagination pour le restant de ses jours.
00:19:53Daoum est un personnage intéressant,
00:19:56plus intelligent que la moyenne.
00:19:58Il parle d'aller à l'école à Alep
00:20:00grâce à l'argent qu'il aura gagné avec nous.
00:20:02Je vais essayer de garder un œil sur lui pour voir ce qu'il en sera.
00:20:12Daoum devient un ami très proche de Lawrence.
00:20:15Il y a également, très certainement entre eux,
00:20:18une relation homoérotique.
00:20:24Des photos les montrent portant les vêtements l'un de l'autre.
00:20:30Lawrence sourit rarement quand il est photographié.
00:20:33Mais sur les photos avec Daoum, c'est un homme différent.
00:20:37Ami, c'est certain.
00:20:39Mais amant ?
00:20:41Tout contact physique avec une autre personne
00:20:44était très compliqué pour lui.
00:20:47Parfois, il refusait même de serrer la main à quelqu'un.
00:20:50Donc l'idée qu'il étude des relations physiques avec un homme ou une femme,
00:20:53sans même parler de coït, est vraiment saugrenue.
00:20:58Je pense que cette relation n'a jamais été consommée.
00:21:02Je pense que tout au long de sa vie,
00:21:04Lawrence a sévèrement réprimé son homosexualité.
00:21:08Il y a cette citation que je trouve très intéressante.
00:21:12Quand il dit
00:21:15« Poser ma main sur un être vivant, c'est le souiller. »
00:21:18Donc pour moi, c'est un puritain.
00:21:26Mais Daoum est bien plus qu'ami ou qu'un amant.
00:21:29Pour Lawrence, il incarne la pureté fantasmée
00:21:32de cette culture arabe qui l'envoûte.
00:21:35La vulgarité parfaitement inepte de l'arabe,
00:21:38à moitié européanisée, est déplorable.
00:21:41Mieux vaut mille fois l'arabe pur.
00:21:44Les étrangers viennent ici pour enseigner
00:21:47alors qu'ils feraient mieux d'apprendre.
00:21:50Car en tout, si ce n'est l'intelligence et le savoir,
00:21:53l'arabe est supérieur.
00:21:59Daoum devient une sorte de jeune arabe,
00:22:01idéalisé, pur,
00:22:04qui, dans un certain sens,
00:22:07n'a pas été contaminé, perverti
00:22:10et corrompu
00:22:13par la modernité.
00:22:16La modernité est pour lui quelque chose d'horrible.
00:22:19Il utilise le mot monstrueux.
00:22:22Il s'est toujours vu comme quelqu'un
00:22:25qui n'appartient pas à l'époque moderne.
00:22:28Un romantique,
00:22:31un héros classique né dans la mauvaise époque.
00:22:35Si l'on voit Laurence
00:22:38comme un chevalier arthurien en puissance,
00:22:41il doit trouver une personne en détresse,
00:22:44quelqu'un qui a besoin d'un héros
00:22:47pour le sauver.
00:22:50Dans l'esprit de Laurence,
00:22:53les arabes du désert, les Bédouins,
00:22:56avec qui il se familiarise à Carkemish,
00:22:58ce sont des gens qu'il faut aider,
00:23:01des gens qu'il faut extraire de leur ignorance
00:23:04et de leur pauvreté,
00:23:07et, dans ce cas précis, de leur oppression
00:23:10sous le joug de l'empire ottoman.
00:23:13On retrouve donc ce lien avec le roi Arthur,
00:23:16les chevaliers de la table ronde,
00:23:19les croisades et tout le tintouin.
00:23:22Quand il rencontre les Bédouins, c'est Kaamelott,
00:23:25mais avec des chameaux. Cela lui plaît énormément.
00:23:28L'esprit de Laurence est rempli d'images héroïques.
00:23:31Il voit tout cela comme une véritable quête.
00:23:34Laurence pose définitivement
00:23:37un regard excentrique sur la réalité,
00:23:40mais la Première Guerre mondiale
00:23:43va mettre sa vision du monde à rude épreuve.
00:23:46Tout est prêt pour qu'il entame sa quête héroïque.
00:23:49Son chemin est tout tracé.
00:23:59Le conflit qui aura un impact décisif
00:24:02sur la vie de Laurence éclate en juillet 1914.
00:24:05La Première Guerre mondiale se joue sur plusieurs fronts
00:24:08et met en jeu des alliances complexes.
00:24:11Pour les Britanniques,
00:24:14l'ennemi principal dans la Première Guerre mondiale
00:24:17est l'Allemagne.
00:24:20Mais c'est une guerre d'alliances.
00:24:23La Grande-Bretagne entre en guerre avant tout
00:24:25pour soutenir la France.
00:24:28Et bien sûr, l'Allemagne a ses propres alliés.
00:24:31En octobre 1914,
00:24:34l'Empire ottoman entre en guerre
00:24:37aux côtés de l'Allemagne.
00:24:40L'Empire ottoman, dont la capitale est Constantinople,
00:24:43l'actuel Istanbul,
00:24:46est depuis quatre siècles la plus grande puissance du Moyen-Orient.
00:24:48La guerre contre les Turcs ottomans
00:24:51sera donc la destinée de Laurence.
00:24:58Laurence se porte volontaire
00:25:01dès que la guerre éclate.
00:25:04En raison de son bagage assez particulier,
00:25:07il est immédiatement envoyé au Caire
00:25:10pour rejoindre les services de renseignement britanniques.
00:25:13Il est nommé Ombudsman.
00:25:15C'est une sorte d'unité de recherche stratégique
00:25:18rattachée au renseignement britannique.
00:25:21Pour commencer, on demande à Laurence
00:25:24de réunir des informations sur le Moyen-Orient,
00:25:27sur les différentes régions de l'Empire ottoman
00:25:30et sur l'Afrique du Nord.
00:25:33Il se retrouve dans un bureau
00:25:36à faire de la cartographie.
00:25:39Il n'aime pas la cartographie.
00:25:42C'est un peu comme la cartographie.
00:25:45Il n'aime pas faire le salut militaire.
00:25:48Il n'aime pas porter l'uniforme.
00:25:51Il est souvent insolent envers les officiers supérieurs.
00:25:54Il aime taquiner les personnes importantes
00:25:57pour voir s'il peut les déstabiliser.
00:26:00Et bien sûr, cela en agace plus d'un.
00:26:03Ses collègues le jugent gris et provocateur.
00:26:06Lui se considère comme un formidable guerrier
00:26:09ignoré et sous-utilisé.
00:26:12Nous ne vivons aucune aventure,
00:26:15si ce n'est à travers notre plume.
00:26:18On serait bien plus heureux dans une tranchée
00:26:21où l'on n'aurait pas à se soucier de politique
00:26:24et de renseignements toute la journée.
00:26:27Je suis coincé au caire jusqu'au jour de ma mort.
00:26:31La guerre fait rage tout autour de lui.
00:26:34Et lui ne voit aucun combat.
00:26:37Deux de ses frères sont tués sur le front de l'Ouest
00:26:39avant même qu'il ait entendu
00:26:42le moindre coup de feu ennemi.
00:26:46Il était proche de ses frères.
00:26:49Tous les frères Lawrence étaient proches les uns des autres.
00:26:52Cela a dû être un choc terrible.
00:26:56Une succession de débâcles militaires alliés
00:26:59contre les Ottomans va donner à Lawrence
00:27:02l'occasion de venger ses frères.
00:27:06En 1915, les Britanniques
00:27:09et leurs troupes australiennes et néo-zélandaises
00:27:12organisent un débarquement sur la péninsule de Gallipoli.
00:27:17Très vite, les Britanniques et leurs alliés
00:27:20réalisent qu'ils font face à un ennemi redoutable.
00:27:24Ils débarquent au pied de falaises abruptes
00:27:27et les troupes ottomanes
00:27:30leur tirent dessus depuis le sommet.
00:27:33C'est un bain de sang.
00:27:36On comprend aisément pourquoi
00:27:39toute autre attaque conventionnelle
00:27:42contre les Ottomans est écartée.
00:27:45Progressivement, les stratèges britanniques
00:27:48comprennent qu'ils doivent mener la guerre différemment
00:27:51dans cette région du monde.
00:27:57Au début de la Première Guerre mondiale,
00:28:00la carte du Moyen-Orient n'est pas celle que nous connaissons aujourd'hui.
00:28:03De nombreux pays n'existent pas encore.
00:28:06La majeure partie de la région est sous contrôle ottoman.
00:28:12Les Britanniques veulent défaire les Ottomans
00:28:15sans engager leurs troupes.
00:28:18Le mouvement de résistance naissant des Arabes bédouins
00:28:21leur donne cette opportunité.
00:28:24Il permet aussi à Lawrence de fuir son travail de bureau.
00:28:27Le personnage clé de cette résistance
00:28:29est Hussein Ben Ali,
00:28:32shérif de la Mecque et roi du Hejaz.
00:28:35Il descend d'une grande dynastie.
00:28:38C'est un homme ambitieux.
00:28:41Il cherche à protéger sa lignée.
00:28:44Il tient à sa disposition des ressources
00:28:47et des combattants prêts à le suivre, lui et ses fils.
00:28:50En retour, que demande Hussein Ben Ali ?
00:28:53Et bien principalement la promesse
00:28:56d'un État arabe indépendant à la fin de la guerre.
00:28:59Les Britanniques lui répondent, parfait, vous l'aurez.
00:29:02Mais Hussein Ben Ali leur répond,
00:29:05attendez, sur quoi se mettons d'accord exactement ?
00:29:08Où seront les frontières de mon royaume d'Arabie ?
00:29:11Et les Britanniques répondent, écoutez,
00:29:14nous n'avons pas le temps de discuter de cela maintenant.
00:29:17Nous verrons les détails après la guerre.
00:29:20Il en sort avec le sentiment d'une promesse claire.
00:29:23En contrepartie d'une révolte arabe contre l'Empire ottoman,
00:29:26la Grande-Bretagne soutiendra la création
00:29:29de la Grande-Bretagne et sa famille à sa tête.
00:29:35La révolte arabe débute en juin 1916.
00:29:48Mais elle se heurte dans ses premières phases
00:29:51à une armée ottomane bien organisée, bien approvisionnée
00:29:54et avec une puissance de feu supérieure.
00:30:00En raison de sa connaissance du terrain,
00:30:03Lawrence est mandaté par le commandement britannique
00:30:06pour voir comment les Arabes pourraient rejoindre cette révolte.
00:30:13En octobre 1916,
00:30:16Lawrence rencontre pour la première fois les dirigeants arabes
00:30:19pour savoir comment les Britanniques
00:30:22peuvent apporter leur soutien à la révolte arabe.
00:30:25La révolte arabe parle directement au fantasme de Lawrence.
00:30:29Voilà enfin une véritable quête arthurienne.
00:30:34Il se voit comme un défenseur des indigents et des opprimés.
00:30:37En plus, ce sont des gens qui combattent à cheval
00:30:40ou à dos de dromadaires,
00:30:43ce qui renvoie à cette vision romantique des combats de chevaliers.
00:30:49Lawrence rapporte à ses supérieurs
00:30:51le manque d'armes, d'argent et de soutien.
00:30:54Mais cette révolte a aussi besoin d'un chef
00:30:57sur lequel les Britanniques pourront s'appuyer.
00:31:00Lawrence s'est persuadé d'avoir trouvé cet homme providentiel.
00:31:03Le voici en sa compagnie,
00:31:06c'est Faisal, fils de Hussein Ben Ali.
00:31:09Il est très impressionné par le charisme de Faisal,
00:31:12tout emprunt de gravité et de dignité arabe.
00:31:15Il a l'air d'être un homme d'honneur.
00:31:18Il a l'air d'être un homme d'honneur.
00:31:21C'est l'atout du véritable prince arabe.
00:31:27J'ai su au premier regard qu'il était l'homme
00:31:30que j'étais venu chercher en Arabie.
00:31:33Le chef qui mènerait la révolte arabe au sommet de sa gloire.
00:31:38Faisal était très grand, droit et mince,
00:31:41dans sa longue robe de soie blanche.
00:31:44Ses mains étaient croisées devant lui sur sa dague.
00:31:48Immédiatement, Lawrence sait qu'il est en face de l'homme
00:31:51qui a mené cette révolte.
00:31:54Il informe donc ses supérieurs
00:31:57que Faisal est le chef de guerre
00:32:00dans lequel ils doivent investir leurs ressources.
00:32:03Très tôt, une relation privilégiée
00:32:06se développe entre les deux hommes,
00:32:10à tel point que Faisal
00:32:13demande aux autorités britanniques
00:32:16d'assigner définitivement Lawrence à son équipe
00:32:18en tant qu'officier de liaison.
00:32:23La relation de Lawrence avec Faisal est cruciale.
00:32:26Elle est aussi complexe.
00:32:30Il sait que la tenue offerte par Faisal
00:32:33est une tenue de mariage.
00:32:36Cela vient flatter ses fantasmes homo-érotiques.
00:32:39Il est clair qu'il l'aime beaucoup
00:32:42et qu'il le trouve très beau.
00:32:45Il est gagnant sur tous les tableaux.
00:32:48Faisal est un arabe à la tête d'une révolte.
00:32:51Il combat à ses côtés
00:32:54et porte la tenue de mariage qu'il lui a offerte.
00:32:59Vivre dans le désert
00:33:02est l'occasion pour lui de vivre ses fantasmes.
00:33:05L'étranger dans un pays lointain.
00:33:08Il s'immerge totalement dans ce rôle.
00:33:11Cette relation devient absolument cruciale
00:33:14pour les deux hommes
00:33:16et poursuit.
00:33:19Les deux hommes ont une cible,
00:33:22la ville de Damas, alors sous contrôle ottoman.
00:33:25La capitale historique des Arabes
00:33:28exerce un énorme attrait émotionnel.
00:33:31Lawrence exalte les passions en mentionnant Damas
00:33:34lors de leur première réunion à Wadi Safar.
00:33:37« Que penses-tu de nos installations ici à Wadi Safar ? »
00:33:40demanda Faisal.
00:33:43« C'est très bien » répondis-je.
00:33:47Le nom était tombé comme une épée au cœur de l'assemblée.
00:33:50Un frémissement.
00:33:53Chacun se rédit sur son siège
00:33:56et retint sa respiration le temps d'une minute silencieuse.
00:33:59Faisal leva les yeux,
00:34:02me souriant et dit
00:34:05« Dieu soit loué ! »
00:34:10Comprenant que le rêve de Damas
00:34:13va leur demander un peu d'imagination,
00:34:16le port d'Aqaba tenu par les Ottomans.
00:34:23Aqaba revêt une importance majeure dans cette guerre,
00:34:28car c'est le port le plus au nord de la mer Rouge.
00:34:32Des forces stationnées à Aqaba
00:34:35seraient en mesure de frapper Damas.
00:34:43Lawrence est au Moyen-Orient depuis trois ans.
00:34:46Assez longtemps pour savoir que les autorités britanniques
00:34:49ne tiendront pas leur promesse d'un royaume arabe indépendant.
00:34:55Il sait que les Britanniques vont racheter son projet de prendre Aqaba,
00:34:59car cela donnerait de l'influence aux Arabes
00:35:02et redessinerait la carte du Moyen-Orient d'après-guerre.
00:35:06Déchiré, Lawrence n'a pas le choix.
00:35:11Il doit fuir avec les Arabes et disparaître.
00:35:15Ils ne savent pas où il est.
00:35:18Il est totalement libre d'agir comme bon lui semble.
00:35:21Ce qui lui plaît énormément, cela convient également à Faisal
00:35:24tant que Lawrence fait ce qu'il lui demande.
00:35:27Personne ne sait comment le contacter.
00:35:30Il ne dit à personne où il va.
00:35:33Il ne communique avec personne, car il sait très bien
00:35:36que l'on risque de lui donner l'ordre direct de ne pas y aller.
00:35:39Lawrence et l'armée arabe quittent la ville d'Al Waj au bord de la mer Rouge.
00:35:49Ils doivent traverser l'une des régions les plus impitoyables de la planète.
00:35:55Un désert aride et brûlant à perte de vue.
00:35:59L'idée de déplacer des troupes à travers un tel désert
00:36:02pourrait être considérée, si ce n'est comme une mission suicide,
00:36:05au moins comme une très mauvaise idée.
00:36:11C'est un trajet de près de 1000 kilomètres à dos de dromadaire.
00:36:15C'est vraiment extraordinaire.
00:36:18Même Lawrence écrit,
00:36:21« Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression
00:36:24que je ne peux plus continuer longtemps. »
00:36:27Ce qui montre à quel point c'était éprouvant, car il était endurci.
00:36:30Il s'était endurci en marchant dans le désert pieds nus
00:36:33juste pour voir s'il pouvait habituer ses pieds.
00:36:36Enfin, après huit semaines exténuantes dans le désert,
00:36:40leur cible est en vue.
00:36:43La base turque d'Aqaba.
00:36:49La charge est une scène épique du film,
00:36:51« Lawrence d'Arabie »,
00:36:54une scène basée sur la description qu'en a faite Lawrence lui-même.
00:36:57La charge d'une armée à dos de dromadaire
00:37:00lancée à près de 50 km heure était irrésistible.
00:37:03Les Turcs tirèrent quelques coups de feu,
00:37:06mais la plupart crièrent seulement d'effroi avant de fuir.
00:37:10Dans un déferlement furieux de combats au corps à corps,
00:37:13le bataillon ottoman est anéanti.
00:37:16Les Arabes rejoignent enfin Aqaba et la mer.
00:37:19Leur arrivée est immortalisée par cette photographie prise le 6 juillet 1917.
00:37:28Lawrence et Faisal savent tous les deux que la prise d'Aqaba leur fournit
00:37:32non seulement une base d'opération,
00:37:35mais aussi une grande victoire psychologique.
00:37:42Le parcours de Lawrence est incroyable.
00:37:44Le jeune garçon, jadis réfugié dans ses remords arthuriens,
00:37:47vit aujourd'hui une véritable aventure.
00:37:52Mais il sait que son rêve d'un royaume arabe indépendant est en péril.
00:37:57La poursuite de ce rêve manquera de le détruire.
00:38:15Juillet 1917.
00:38:18La première guerre mondiale dure depuis trois ans.
00:38:22Lawrence et le prince Faisal ont mené leur armée arabe à Aqaba.
00:38:30A l'ouest, les forces britanniques dirigées par le général Allenby
00:38:34gagnent du terrain sur les Ottomans.
00:38:37Tous se dirigent vers le nord, vers Damas,
00:38:40le cœur stratégique de l'armée ottomane.
00:38:45La capture d'Aqaba est une victoire cruciale pour les Arabes.
00:38:50Des forces stationnées à Aqaba seraient en mesure de frapper Damas.
00:38:56Ils ont pris l'initiative.
00:38:59À partir de là, les Arabes sont aux commandes des opérations.
00:39:06Lawrence, ici avec son garde du corps,
00:39:09comprend également que la quête de souveraineté des Arabes
00:39:11passe par les rues poussiéreuses de Damas.
00:39:21Ses camarades bédouins ont appris à lui faire confiance.
00:39:26Sa modestie et son respect si peu britannique
00:39:29sont évidents lors des réunions avec les chefs de tribus.
00:39:34Lawrence ne dit rien.
00:39:36Il écoute tous les chefs bédouins donner leur opinion.
00:39:39Et quand tous ont fini de parler,
00:39:41il prend discrètement la parole pour dire
00:39:44« Qu'est-ce que vous pensez de ça ? »
00:39:47S'il avait commencé en disant « Je ne veux pas de votre avis,
00:39:51on en a discuté et voilà ce qu'on va faire »,
00:39:53il lui aurait tous dit d'aller se faire voir.
00:39:55Ils auraient tourné les talons et il ne l'aurait pas écouté.
00:39:59Vous ne pouvez pas tromper des gens comme ça.
00:40:03Ils n'ont peut-être pas un niveau d'éducation très élevé,
00:40:05mais ils sont extrêmement perspicaces
00:40:10quand il s'agit d'identifier l'authenticité des gens.
00:40:15Si vous n'êtes pas honnête, ils le voient immédiatement.
00:40:18Ils sont pourtant dupes.
00:40:22Lawrence cache en effet un secret.
00:40:25Il a connaissance d'une entente confidentielle
00:40:27entre les Britanniques et les Français
00:40:29qui vient rompre la promesse d'un royaume arabe indépendant.
00:40:36Lawrence sait qu'il mène des opérations militaires,
00:40:40qu'il mène des hommes au combat,
00:40:42des hommes qui parfois y laissent leur vie
00:40:44sur la base d'un mensonge.
00:40:49Nous leur demandons de se battre pour un mensonge
00:40:52et je ne le supporte pas.
00:40:57Les accords Sykes-Picot sont signés en 1916
00:41:01sans consultation des Arabes.
00:41:03Il prévoit le découpage des territoires
00:41:06qui leur ont été promis par les Britanniques et les Français
00:41:09à l'issue de la guerre.
00:41:13Lorsqu'il apprend la vérité sur ces accords,
00:41:16il ne peut pas en parler.
00:41:18C'est extrêmement douloureux pour lui.
00:41:23Lawrence est déchiré par cette contradiction
00:41:27entre une sorte de nationalisme arabe naissant
00:41:30auquel il s'identifie
00:41:33et l'imagination des puissances impériales
00:41:36qu'il ne connaît que trop bien.
00:41:40Il se retrouve médiateur des ambitions conflictuelles
00:41:43des différentes parties,
00:41:46mais en même temps,
00:41:48il utilise ces parties pour donner corps à ses fantasmes,
00:41:53pour être ce chevalier
00:41:56qui vit des aventures.
00:41:58Lawrence met Faisal au courant des accords Sykes-Picot.
00:42:02Les deux hommes savent que pour mener à bien
00:42:05leur quête d'un royaume arabe indépendant,
00:42:07Lawrence devra se faire discret
00:42:09et user de son influence en coulisses.
00:42:16Lawrence fait bien attention
00:42:18de ne rien laisser transparaître.
00:42:20Il laisse les gens tirer leurs propres conclusions.
00:42:23Il mise tout son temps
00:42:24sur son talent naturel
00:42:26qui consiste surtout
00:42:28à faire bonne impression.
00:42:30Il veut qu'on lui fasse confiance.
00:42:32Je ne sais pas trop pour ceux que je représente,
00:42:34mais moi, vous pouvez me faire confiance.
00:42:36Et ça marche.
00:42:41En dépit de cette trahison,
00:42:43la prise d'Akaba a mis Lawrence et les Arabes
00:42:46au premier plan de la lutte contre les Ottomans.
00:42:51C'est à eux qu'il incombe
00:42:52de repousser l'ennemi vers l'Est.
00:42:54Lawrence frappe là où ça fait mal,
00:42:56le chemin de fer du Hejaz.
00:43:01Le chemin de fer du Hejaz
00:43:03relie Médine à Damas.
00:43:05Il fait 1300 kilomètres de long.
00:43:08C'est une ligne de ravitaillement vitale
00:43:11qui permet aux Ottomans
00:43:13de maintenir leur emprise
00:43:15sur la région du Hejaz.
00:43:18Le chemin de fer permet surtout aux Ottomans
00:43:19de transporter leurs troupes du nord au sud
00:43:22et d'étouffer rapidement
00:43:24tout début de révolte parmi les tribus arabes.
00:43:28Lawrence et ses hommes n'auraient aucune chance
00:43:30dans un affrontement conventionnel
00:43:32face aux Ottomans surarmés.
00:43:34Il le sait bien.
00:43:37Il se fixe donc une cible idéale,
00:43:39le chemin de fer.
00:43:45Le train est extrêmement vigilant.
00:43:48Le train est extrêmement vulnérable
00:43:50aux actions de guérillas.
00:43:53Des cavaliers surgissent du désert,
00:43:56frappent rapidement
00:43:58et disparaissent dans l'immensité aride.
00:44:02Des attaques courtes
00:44:04et ciblées.
00:44:07Lawrence n'a pas inventé la guérilla.
00:44:09Il adapte simplement ses principes
00:44:11aux circonstances,
00:44:13à l'environnement et à l'adversaire.
00:44:18Les affrontements ne sont pas directs.
00:44:20Son idée,
00:44:22c'est de faire exploser la voie ferrée
00:44:24mais sans trop l'endommager
00:44:26pour que les Turcs viennent la réparer.
00:44:28Ensuite, il la détruit à nouveau
00:44:30pour leur causer un maximum de complications.
00:44:35La stratégie de Lawrence est si efficace
00:44:37que 20 000 Turcs sont mobilisés
00:44:39pour tenter de l'arrêter.
00:44:44Mais il estime que ces méthodes de guérilla
00:44:45manquent de panache.
00:44:47On frappe rapidement
00:44:49et sans discrimination,
00:44:51on tue des combattants
00:44:53mais aussi des civils.
00:44:56Les Arabes passent derrière
00:44:58pour nettoyer,
00:45:00c'est-à-dire pour tuer les survivants
00:45:02et les détrousser.
00:45:04Achever quelqu'un à coup d'épée,
00:45:06ce n'est pas ce qu'on appelle
00:45:08une guerre propre.
00:45:10Il y a eu des massacres,
00:45:12que ce soit par les balles
00:45:13ou par la poignée.
00:45:16Le massacre incessant des Turcs
00:45:18est horrible.
00:45:20Lors de la charge finale,
00:45:22alors qu'ils gisent de toutes parts,
00:45:24mutilés,
00:45:26certains encore en vie
00:45:28et que vous pensez aux centaines
00:45:30que vous avez déjà tués de la même façon
00:45:32et aux centaines que vous devez encore tuer
00:45:34si vous le pouvez.
00:45:36Ce n'est pas la vision romantique
00:45:38de la guerre
00:45:40que l'on peut voir dans les peintures
00:45:41d'Henri Raphaël Hitte.
00:45:44C'est une sale besogne.
00:45:52La guerre fantasmée de Laurence,
00:45:54noble et chevaleresque,
00:45:56menée au nom d'un peuple opprimé,
00:45:58s'estompe sous la lumière creuse du désert.
00:46:04La réalité est différente.
00:46:07La guerre réelle est un enfer.
00:46:12Tandis que Laurence et son armée
00:46:14harcèlent les Turcs sur le front Est,
00:46:17les forces britanniques se rapprochent par l'Ouest
00:46:19en partant du Caire.
00:46:21Damas les attend.
00:46:23Les Australiens, les Néo-Zélandais
00:46:25et les Britanniques
00:46:27font invariablement reculer les Turcs.
00:46:29Ils prennent Gaza,
00:46:31puis Jérusalem.
00:46:35L'Empire Ottoman,
00:46:37qui pendant 400 ans
00:46:39semble être invulnérable,
00:46:41est en train de s'effondrer.
00:46:44Partout, les canons des alliés
00:46:46accélèrent la retraite de l'armée turque
00:46:48vers Constantinople.
00:46:51L'ancienne cité arabe de Damas
00:46:54est prête à tomber.
00:46:57Faisal et Laurence
00:46:59en ont déjà longuement discuté.
00:47:01Pour eux, il faut mettre en place
00:47:03un gouvernement à Damas.
00:47:05Il n'y a qu'un seul moyen
00:47:07de déjouer le projet franco-britannique
00:47:09de découpage territorial,
00:47:11le premier à Damas.
00:47:13Ils espèrent qu'en mettant les alliés
00:47:15devant le fait accompli,
00:47:17en installant les Arabes à Damas,
00:47:19ces derniers pourront revendiquer
00:47:21leur autorité et que cela fera changer les choses.
00:47:23Forcés par les événements
00:47:25à choisir entre les Britanniques
00:47:27et ses amis Arabes,
00:47:29Laurence choisit les Arabes.
00:47:31Le 1er octobre 1918,
00:47:33Damas tombe aux mains
00:47:35de la cavalerie britannique.
00:47:37Laurence et Faisal arrivent trop tard.
00:47:46On les voit ici devant l'hôtel Victoria
00:47:48où ils vont s'entretenir
00:47:50avec le général britannique
00:47:52Edmund Allenby.
00:47:54Comme Laurence et Faisal le craignaient,
00:47:56les Britanniques ne comptent pas
00:47:58honorer leur accord avec les Arabes.
00:48:00Les Britanniques
00:48:02préfèrent honorer la promesse
00:48:03faite aux Français
00:48:05de leur céder la Syrie
00:48:07plutôt que de satisfaire
00:48:09le souhait de quelques Arabes.
00:48:15Faisal quitte l'hôtel Victoria.
00:48:18Faisal se voit imposer
00:48:20des conseillers français,
00:48:22une situation
00:48:24qui lui déplaît fortement.
00:48:28Laurence est en colère lui aussi.
00:48:30Il a le sentiment
00:48:31que Faisal et les Arabes
00:48:33ont été trahis.
00:48:37Mais au fond de lui,
00:48:39il se sent responsable.
00:48:44C'est là que ce sentiment
00:48:46de culpabilité
00:48:48qui va le ronger de l'intérieur
00:48:50commence à prendre racine.
00:48:53La détresse de Laurence
00:48:55est visible sur cette photographie
00:48:57prise à l'hôtel Victoria.
00:48:59Une demi-heure plus tôt,
00:49:01Laurence vient de démissionner
00:49:03de son poste dans l'armée britannique.
00:49:05Son rêve de royaume du désert
00:49:07s'effondre.
00:49:09Laurence est rongée
00:49:11par les regrets et les remords.
00:49:13J'ai supposé,
00:49:15ne voyant aucun autre leader
00:49:17doté d'assez de volonté et de pouvoir,
00:49:19que je survivrais à cette campagne
00:49:21et que je pourrais vaincre
00:49:23non seulement les Turcs
00:49:25sur le champ de bataille,
00:49:27mais aussi mon propre pays
00:49:29et ses alliés dans la salle du conseil.
00:49:31Je n'avais aucune permission
00:49:33d'engager les Arabes
00:49:35dans une voie aussi dangereuse.
00:49:38S'ajoute à cela
00:49:40le décès de son cher ami Daoum.
00:49:42Le jeune et beau garçon,
00:49:44pour toujours associé
00:49:46au bonheur insouciant
00:49:48de son séjour à Kharkémych,
00:49:50a succombé à la fièvre typhoïde
00:49:52quelques semaines auparavant.
00:49:56Quand Daoum meurt,
00:49:58Laurence est frappée de deuil.
00:49:59Daoum représente
00:50:01une certaine innocence,
00:50:03une certaine pureté.
00:50:05Il est l'incarnation
00:50:07d'un ancien peuple d'Orient.
00:50:10J'étais très proche
00:50:12d'un Arabe en particulier
00:50:14et je pensais que
00:50:16la liberté pour sa race
00:50:18serait un présent acceptable.
00:50:20Laurence a-t-il fait tout cela
00:50:22pour Daoum ?
00:50:30Sa mort représente
00:50:32la mort de tous les fantasmes
00:50:34auxquels il s'était accroché
00:50:36pendant relativement longtemps.
00:50:39Il est presque arrivé à ses fins,
00:50:41mais Daoum est mort.
00:50:43C'est la mort du rêve
00:50:45arabe de Laurence.
00:50:48Je crois qu'il est au plus bas.
00:50:51Il est désespéré, déprimé.
00:50:55Il demande donc à Allenby
00:50:57d'être démobilisé,
00:50:59Allenby accepte
00:51:01et Laurence rentre chez lui.
00:51:06La guerre se termine
00:51:08et je n'ai plus d'utilité.
00:51:10Je me demande comment
00:51:12les grandes puissances
00:51:14laisseront les Arabes continuer.
00:51:17Pour lui,
00:51:19il s'agissait d'une quête innocente.
00:51:21Le fait qu'elle ait été souillée
00:51:23en cours de route
00:51:25par la politique
00:51:27et les intérêts
00:51:29s'est moralisé.
00:51:31Il a perdu toute illusion
00:51:33sur le rôle qu'il avait joué.
00:51:35Son rêve s'est évaporé.
00:51:54La grande guerre est terminée.
00:51:56L'Allemagne et ses alliés ont vaincu.
00:52:00Épuisé et désabusé,
00:52:02Laurence est de retour à Londres.
00:52:08Les puissances occidentales
00:52:10redécoupent le Moyen-Orient.
00:52:12Les Arabes sont mis à l'écart.
00:52:15Un jour, sans préavis,
00:52:17Laurence est convoquée
00:52:19au palais de Buckingham.
00:52:21Il s'y rend sans délai.
00:52:24Lorsqu'il arrive,
00:52:26on lui propose
00:52:27d'être fait chevalier.
00:52:29C'est le plus grand honneur civil
00:52:31en Grande-Bretagne.
00:52:33Il refuse.
00:52:36Apparemment, il aurait refusé d'emblée
00:52:38sans même y réfléchir.
00:52:42Le roi aurait alors été stupéfait,
00:52:44choqué.
00:52:46On dit rarement non à un roi.
00:52:49Il justifie son refus
00:52:51en évoquant la trahison des Arabes.
00:52:53Pour Laurence,
00:52:55l'Empire britannique et la France
00:52:57n'ont rien à leur revener.
00:52:59Ils ont déshonoré leur pays
00:53:01et ils ne veulent pas être mêlés à cela.
00:53:03Il ne veut tirer aucun profit
00:53:05de ces événements,
00:53:07d'aucune façon que ce soit.
00:53:09Cela irait à l'encontre
00:53:11de sa conscience
00:53:13et de ce qu'il considère comme juste.
00:53:191919.
00:53:22Les pays victorieux se rencontrent
00:53:24à Paris en 1919
00:53:25pour décider du sort de l'Allemagne
00:53:27et de ses alliés
00:53:29et pour diviser les territoires conquis.
00:53:33En coulisses,
00:53:35Laurence se bat pour obtenir
00:53:37une représentation arabe.
00:53:39Il a écrit de nombreuses lettres
00:53:41aux journaux britanniques de l'époque
00:53:43en disant que nous les avions trahis,
00:53:45que nous les avions abandonnés,
00:53:47que c'était terrible.
00:53:49Il perçoit de les Britanniques
00:53:51que les Arabes doivent être représentés.
00:53:53Les Britanniques doivent ensuite
00:53:55participer à la Conférence de la paix de Paris.
00:53:57Le représentant est le prince Faisal.
00:54:00Laurence fait office d'interprète
00:54:02pour Faisal,
00:54:04mais il est bien plus que ça.
00:54:06Il est officiellement rattaché
00:54:08à la délégation britannique,
00:54:10mais en réalité,
00:54:12il collabore avec son ami
00:54:14et son frère d'armes Faisal.
00:54:17Il cherche évidemment
00:54:19à obtenir le meilleur accord possible
00:54:21pour les Arabes.
00:54:23Dans le camp britannique
00:54:25et dans le camp français,
00:54:27certains se demandent sérieusement
00:54:29de quel côté exactement est Laurence.
00:54:36Laurence et Faisal protestent
00:54:38en rappelant l'accord
00:54:40qui a été passé avec les Arabes.
00:54:42Mais dans la galerie des glaces
00:54:44du château de Versailles,
00:54:46on fait la sourde oreille.
00:54:49Il fait de son mieux
00:54:50pour sauver ce qu'il reste
00:54:52de cette promesse brisée.
00:54:55Il pense que la honte
00:54:57pourra faire changer d'avis
00:54:59son pays.
00:55:02Lorsque la conférence
00:55:04de la paix de Paris se termine,
00:55:06le sort du Moyen-Orient
00:55:08n'est toujours pas décidé.
00:55:10Un nouveau sommet
00:55:12aura lieu au Caire.
00:55:20Mais avant cela,
00:55:22un autre événement
00:55:24va changer à jamais
00:55:26la vie de Laurence.
00:55:28La sortie sur grand écran
00:55:30du film de Lowell Thomas.
00:55:32Le journaliste américain
00:55:34qui l'a filmé pendant quelques jours
00:55:36dans le désert
00:55:38a fait de ces images
00:55:40un documentaire spectaculaire.
00:55:42Laurence reconnaît à peine
00:55:44le personnage qu'il voit à l'écran.
00:55:46Politiquement,
00:55:48c'est un atout pour Laurence.
00:55:50Cela confère à la cause arabe
00:55:52une visibilité
00:55:54qui aurait été impossible
00:55:56à obtenir sans Lowell Thomas.
00:56:01Mais d'un point de vue personnel,
00:56:03la célébrité est la dernière chose
00:56:05dont Laurence a besoin.
00:56:08L'homme qui regarde au loin
00:56:10sur les photos promotionnelles
00:56:12prises par Thomas
00:56:13n'a aucune idée
00:56:15de ce qui l'attend.
00:56:17Mais il le découvre rapidement.
00:56:22Lowell Thomas donne des conférences
00:56:24en Amérique et à Londres
00:56:26et il a écrit une série
00:56:28de six articles sur moi.
00:56:30Ils sont abjects au possible
00:56:32et rendent ma vie très difficile.
00:56:37Il y a le traumatisme de la guerre,
00:56:40le sentiment de culpabilité,
00:56:41ajouté au fait qu'il est encore
00:56:43impliqué dans la diplomatie
00:56:45d'après-guerre.
00:56:47Il essaie d'obtenir gain de cause
00:56:49pour les Arabes,
00:56:51ses anciens frères d'armes.
00:56:53Et en même temps,
00:56:55il devient une figure héroïque,
00:56:57une célébrité.
00:56:59C'est l'un des premiers exemples
00:57:01de culte de la personnalité
00:57:03au XXe siècle.
00:57:05Je pense que c'est un poids énorme
00:57:07pour lui à ce moment de sa vie.
00:57:11Je n'ai ni les moyens,
00:57:13ni le désir de faire vivre
00:57:15ce personnage d'imposteur
00:57:17qu'il a créé.
00:57:19Il possède de nombreuses
00:57:21informations correctes
00:57:23qu'il saupoudre d'histoires
00:57:25entendues ça et là,
00:57:27ou inventées.
00:57:29Cette soudaine image héroïque,
00:57:31après avoir combattu dans le désert
00:57:33sur fond des accords de Saïx-Picot,
00:57:35lui donne encore plus
00:57:37le sentiment d'être un imposteur.
00:57:39Il ne pense pas mériter
00:57:41cette image.
00:57:43Elle est donc très douloureuse
00:57:45pour lui.
00:58:04La conférence du Caire
00:58:06a lieu en mars 1921.
00:58:08Il y a une photo fabuleuse.
00:58:09Bateau à dos de dromadaire
00:58:11et Laurence à côté de lui,
00:58:13beaucoup plus à l'aise.
00:58:15Ils prennent la pose de circonstance
00:58:17devant les pyramides.
00:58:19Laurence est au Caire
00:58:21en qualité de conseiller
00:58:23auprès de Churchill,
00:58:25qui, à l'époque,
00:58:27est secrétaire d'État aux colonies.
00:58:29Dans une certaine mesure,
00:58:31Churchill comprend.
00:58:33Il n'aime pas ce qu'il voit.
00:58:35Il n'aime pas l'idée
00:58:37que les Britanniques soient vus
00:58:39comme un rêve.
00:58:41Mais Laurence sait
00:58:43que le sens de l'honneur de Churchill
00:58:45ne suffira pas.
00:58:47Les accords Sykes-Picot
00:58:49reviennent à néantir ses espérances
00:58:51pour Faisal et les Arabes.
00:58:53C'est le moment
00:58:55où Laurence accepte
00:58:57que pour les Britanniques,
00:58:59les Français sont plus importants
00:59:01que les Arabes.
00:59:03C'est lors de la conférence du Caire
00:59:05que les accords de Sykes-Picot
00:59:07prennent tout leur sens.
00:59:09Ils partagent
00:59:11les territoires arabes.
00:59:15Ils persistent néanmoins
00:59:17chez les Britanniques
00:59:19un certain sens de l'obligation.
00:59:21Les Britanniques savent
00:59:23qu'ils ont une dette
00:59:25envers Faisal.
00:59:27S'ils ne peuvent pas
00:59:29lui donner ce qu'il veut,
00:59:31peut-être peuvent-ils
00:59:33lui donner autre chose.
00:59:35Faisal est proclamé
00:59:37roi d'Irak,
00:59:40il est envoyé à Bagdad.
00:59:42La première fois
00:59:44qu'il met les pieds dans ce pays,
00:59:46c'est le jour de son couronnement.
00:59:48Faisal n'a pas obtenu l'Arabie
00:59:50comme on le lui avait promis.
00:59:52Et le voici devenu Faisal
00:59:54premier roi d'Irak
00:59:56grâce aux Britanniques.
01:00:02J'imagine qu'ainsi,
01:00:04les Britanniques ont l'impression
01:00:06d'honorer à moitié la promesse
01:00:07faite à Hussein
01:00:09tout en honorant leur promesse
01:00:11faite aux Français.
01:00:13Mais en réalité,
01:00:15ce n'est qu'une façon détournée
01:00:17de renforcer l'impérialisme britannique.
01:00:22La Nouvelle Carte du Moyen-Orient
01:00:24ne convient à personne
01:00:26si ce n'est aux Français
01:00:28et aux Britanniques.
01:00:30Ce sont des frontières
01:00:32qui ignorent totalement
01:00:34les tribus
01:00:35et les ethnies existantes.
01:00:37Elles n'ont aucun sens.
01:00:41Les espoirs des Arabes
01:00:43sont complètement anéantis
01:00:45par le découpage final.
01:00:47Reste alors un sentiment
01:00:49de déception et de trahison.
01:00:51Ceux qui avaient accueilli
01:00:53à bras ouverts
01:00:55Laurence et Faisal à Damas
01:00:57voient ces accords comme une trahison.
01:00:59Une trahison de Laurence lui-même.
01:01:01Presque tous
01:01:03estiment que Laurence
01:01:05a conspiré contre eux,
01:01:08qu'il était un agent
01:01:10du pouvoir impérialiste.
01:01:15Laurence se retire.
01:01:17Il essaie de se convaincre
01:01:19qu'il s'agit d'un compromis
01:01:21honorable pour la paix.
01:01:24Je leur ai assuré lors de nos campagnes
01:01:26que nous tenions nos promesses.
01:01:28Je leur ai donné ma parole.
01:01:31En sortant de cette affaire
01:01:33les mains propres,
01:01:35mon soulagement est immense.
01:01:39Mais au fond de lui,
01:01:41il sait que c'est une trahison
01:01:43pure et simple.
01:01:45Après son retour en Angleterre,
01:01:47sa mère le décrit assis
01:01:49du matin au soir,
01:01:51le regard perdu dans le vide.
01:01:54La vie n'est pas aussi simple
01:01:56qu'il l'espérait quand il était enfant
01:01:58et qu'il parcourait la campagne
01:02:00du roi Arthur
01:02:02et des chevaliers de la table ronde.
01:02:05L'empire pour lequel il travaille
01:02:07est un empire déloyal.
01:02:09Toutes sortes de considérations modernes
01:02:11viennent contredire
01:02:13les fantasmes de Laurence.
01:02:18Lui qui se voyait en noble étranger
01:02:20venant en aide à un peuple opprimé
01:02:22réalise que ce scénario
01:02:24était destiné à l'échec.
01:02:27Tant de compromis,
01:02:28de petits arrangements
01:02:30et de duprises sont venus s'ajouter
01:02:32en cours de route
01:02:34qu'il est devenu,
01:02:36à ses propres yeux,
01:02:38un menteur.
01:02:43Il ressent une véritable lassitude.
01:02:48Une lassitude autant physique
01:02:50que mentale
01:02:52qui la câble psychologiquement
01:02:55et le pousse jusqu'au point de rupture.
01:02:59A cette époque, il le dit lui-même,
01:03:01il est au bord du suicide.
01:03:16Au début des années 1920,
01:03:18celui que l'on appelle désormais
01:03:20Laurence d'Arabie
01:03:22est malgré lui une célébrité internationale.
01:03:26Son rôle dans la révolte arabe
01:03:28est reconnu publiquement comme crucial
01:03:30dans la défaite de l'Empire ottoman
01:03:32et la fin de la Grande Guerre.
01:03:36Encensé par la royauté et le gouvernement,
01:03:39Laurence pourrait obtenir tout ce qu'il désire
01:03:42des dirigeants de l'Empire britannique.
01:03:46Au lieu de cela,
01:03:48il choisit de disparaître,
01:03:50seul, dans la campagne du Dorset.
01:03:55C'est une petite maison d'ouvriers
01:03:56sans électricité ni eau courante.
01:03:59Elle est entourée d'une forêt.
01:04:02C'est un lieu où il peut se retrouver seul.
01:04:06C'est le seul lieu où il peut prétendre être chez lui.
01:04:09C'est une atroce petite maison en réalité.
01:04:13Je pense qu'après toutes ces années dans le désert,
01:04:16il apprécie la simplicité des lieux.
01:04:18Il y a quelque chose du moine chez Laurence.
01:04:22Seul face à ses pensées,
01:04:24Laurence trouve refuge dans l'écriture
01:04:26d'un récit de la révolte arabe,
01:04:28personnel et révélateur,
01:04:30intitulé « Sept piliers de la sagesse ».
01:04:33Une œuvre qu'il mûrit depuis quelques temps.
01:04:39C'est une biographie extraordinaire,
01:04:41car c'est un acte cathartique.
01:04:44Il ne fait aucun doute à la lecture de ce livre
01:04:47que l'on est face aux effusions d'un homme profondément perturbé.
01:04:52Un homme pétri de culpabilité,
01:04:53accablé par l'angoisse au sortir de la guerre,
01:04:56et qui essaie d'exorciser cela en partie
01:04:59en couchant sur le papier ses états d'âme,
01:05:02en verbalisant sa détresse sous la forme d'un livre.
01:05:09Le livre relatait ma participation au mouvement arabe.
01:05:13En le terminant, j'étais exténué,
01:05:15comme dans un brouillard,
01:05:17incertain de ce que je venais de faire.
01:05:20Autant que possible,
01:05:21j'ai reproduit ce qu'ont vu mes yeux,
01:05:24ce que mes sens et mes émotions ont glané.
01:05:27Ceux qui le liront comme un livre d'histoire se tromperont.
01:05:31Jour après jour,
01:05:33année après année,
01:05:35je me hais toujours plus pour le rôle que j'y ai joué.
01:05:40Laurence a vu dans la cause arabe
01:05:42la forme réelle de la quête chevaleresque
01:05:45dont il avait toujours rêvé.
01:05:46La réalité de la guerre et ses répercussions
01:05:50sont une terrible déception.
01:05:55C'est lorsqu'il réalise que son fantasme est erroné
01:05:59qu'il commence à perdre pied.
01:06:03Il s'était imaginé une sorte de Kaamelott
01:06:06à dos de dromadaire
01:06:09et le réveil a été brutal.
01:06:10Dans le monde réel,
01:06:12les intentions pures n'existent pas.
01:06:15Tout est souillé,
01:06:17sordide.
01:06:22Les cyniques tractations impériales de Versailles et du Caire
01:06:26enterrent définitivement le rêve d'une nation arabe.
01:06:34Lorsqu'il y a eu l'arrivée de la guerre,
01:06:37Laurence se sent coupable.
01:06:40Les Arabes ont cru en lui et il les a déçus.
01:06:47Des hommes étaient morts pour un mensonge,
01:06:50ce qui ne dérangeait pas la majorité du corps militaire
01:06:53à l'époque de la Première Guerre mondiale.
01:06:55Mais lui, cela le dérangeait.
01:06:59En plus de cela,
01:07:01il a découvert à ses dépens le cynisme sanglant et cruel de la guerre.
01:07:05Laurence est un homme consciencieux,
01:07:08un homme bien, pourrait-on dire,
01:07:10et je crois qu'il est traumatisé par tout cela.
01:07:15Il a vu et fait des choses,
01:07:18et peut-être aussi subi des choses pendant la guerre qui le hantent encore.
01:07:26Il souffrait certainement de ce qu'on appelle aujourd'hui
01:07:29un syndrome post-traumatique.
01:07:31On n'avait pas encore compris
01:07:32ce qui aurait pu l'aider à surmonter ce trouble.
01:07:38Le syndrome post-traumatique est extrêmement épouvant.
01:07:41Vous pouvez sentir, goûter, entendre,
01:07:44vous pouvez tout voir comme si vous y étiez à nouveau.
01:07:54C'est au moment où les projecteurs sont braqués sur lui
01:07:57qu'il a envie, au contraire, de se retirer au calme dans l'obscurité.
01:08:00Pour surmonter son désarroi,
01:08:02Laurence se retire de la vie publique
01:08:04pour chercher la paix intérieure
01:08:06dans la solitude et l'anonymat de son enfance.
01:08:14Je ne suis pas né d'une famille très respectable,
01:08:17et j'ai dû tracer mon propre chemin.
01:08:19La guerre m'a élevé trop haut,
01:08:21et je suis retombé.
01:08:22Il est profondément dépressif.
01:08:24Il ne veut plus avoir à réfléchir.
01:08:26Il veut simplement qu'on lui dise quoi faire,
01:08:28avoir un emploi stable,
01:08:30une routine loin des projecteurs.
01:08:34En 1922, Laurence prend une décision pour le moins inattendue.
01:08:38Il s'engage dans l'armée de l'air britannique
01:08:41en tant que simple pilote,
01:08:43et sous un faux nom, Ross.
01:08:45L'armée de l'air britannique
01:08:47est un groupe de pilotes
01:08:49Quand la presse le démasque,
01:08:51il rejoint le corps blindé
01:08:53sous un nouveau nom d'emprunt, Shaw.
01:08:55Sa vie avait commencé sous un faux nom.
01:08:57C'est juste une énième réinvention.
01:08:59Il faut garder en tête
01:09:01que Laurence est une personne multiple.
01:09:03Il a d'innombrables facettes.
01:09:05Il se réinvente constamment.
01:09:07Je pense qu'il a compris très tôt
01:09:09qu'il s'agissait d'un seul pilote.
01:09:11C'est ce qu'il a fait.
01:09:13C'est ce qu'il a fait.
01:09:15C'est ce qu'il a fait.
01:09:16Je pense qu'il a compris très tôt
01:09:18qu'il s'agissait simplement d'étiquettes
01:09:20qu'il pouvait changer à sa guise.
01:09:22Comme on change une paire de chaussures.
01:09:26J'étais un Irlandais quelconque.
01:09:28J'ai tenté quelque chose.
01:09:30J'ai échoué.
01:09:32Et je suis de nouveau un Irlandais quelconque.
01:09:36Mais Laurence Daraby
01:09:38ne peut plus échapper à l'anonymat.
01:09:43Rien n'y fait.
01:09:44Changer illégalement son nom
01:09:46n'est pourtant pas une masse à faire.
01:09:48Il n'essaie pas d'attirer l'attention sur lui,
01:09:50mais on finit toujours par le retrouver.
01:09:54Son grand ami, George Bernard Shaw,
01:09:56s'agace de voir Laurence tenter d'échapper
01:09:58à sa propre légende.
01:10:02Comme tous les héros,
01:10:04et j'ajouterai comme tous les idiots,
01:10:06tu exagères grandement ta capacité
01:10:08à modeler l'univers selon tes convictions personnelles.
01:10:11Tu as créé Laurence,
01:10:12et désormais tu dois conjuguer avec lui
01:10:14du mieux que tu le peux.
01:10:18Était-il naïf ?
01:10:20Je ne choisirais pas ce mot.
01:10:22C'est plutôt que cette célébrité était inattendue
01:10:24et il ne comprenait pas
01:10:26les motivations des journalistes.
01:10:32Mais Laurence a des secrets.
01:10:34Des secrets qu'il craint devoir révéler au public.
01:10:43Lors de son passage dans le corps blindé,
01:10:45Laurence a payé un jeune soldat écossais
01:10:48appelé John Bruce pour le battre.
01:10:52Ses corrections étaient, à la demande de Laurence,
01:10:54fréquentes et brutales.
01:11:00C'est un sujet qui le couvre de honte.
01:11:03À cause de cela,
01:11:05Laurence estime qu'il ne peut pas revenir à la vie publique.
01:11:07C'est trop risqué.
01:11:12Ce n'est pas un comportement normal.
01:11:14Ce n'est pas comme ça que l'on exorcise ces démons.
01:11:24Il a clairement des tendances masochistes.
01:11:28Était-ce une punition pour avoir trahi les Arabes ?
01:11:31Était-ce une punition parce qu'il n'avait pas pu sauver Dahoum ?
01:11:34On peut même remonter jusqu'à son enfance,
01:11:36lorsque sa mère le battait.
01:11:38L'amour, la douleur et le châtiment
01:11:41sont liés entre eux de façon malsaine.
01:11:45C'est un sujet qu'il va chercher à reproduire
01:11:47de nombreuses fois, pendant toute sa vie.
01:11:57Les corrections infligées par John Bruce
01:11:59s'inscrivent dans ce schéma.
01:12:03Ce besoin de réconciliation
01:12:05de ressentir la douleur
01:12:07pour exorciser ces démons
01:12:09fait de lui une victime dans son scénario.
01:12:11Quelqu'un dont on a pitié.
01:12:20La simplicité et le dépouillement de son mode de vie
01:12:22ne reflètent pas le bouillonnement intérieur
01:12:24qui l'habite.
01:12:29Il n'est ni l'homme qu'il semble être
01:12:31ni celui qu'il veut être.
01:12:33Mais il peut s'appuyer
01:12:35sur une autre pulsion
01:12:37pour panser ses blessures
01:12:39et lui redonner temporairement le moral.
01:12:42Le frisson du danger.
01:12:46Quand mon esprit s'enflamme
01:12:48et que je tourne en rond de façon incontrôlable,
01:12:51je sors ma moto
01:12:53et je me lance à pleine vitesse
01:12:55sur ces routes trop étroites
01:12:57pendant des heures.
01:12:58Mes nerfs, insensibles, presque morts,
01:13:00ne peuvent être ravivés
01:13:02que par ces heures de danger délibérées.
01:13:08Mais la vitesse libératrice
01:13:10que Laurence trouve sur la route
01:13:12va le conduire à sa perte.
01:13:23Il s'intéresse à toutes sortes de choses
01:13:25et à chaque chose
01:13:27Il s'intéresse à toutes sortes de choses
01:13:29farfelues et imaginaires.
01:13:31Mais en même temps, il est capable de démonter,
01:13:33de remonter entièrement une moto.
01:13:35Il sait faire plein de choses.
01:13:37C'est un touche-à-tout.
01:13:41Ces deux facettes se rejoignent sur sa moto.
01:13:44Laurence l'a baptisée
01:13:46Boanerges, fils du tonnerre.
01:13:49C'est le surnom que Jésus avait donné
01:13:51à ses disciples Jacques et Jean.
01:13:53Pour Laurence, c'est de la poésie sur route.
01:13:58La vitesse est pour lui une autre forme d'échappatoire
01:14:00comme elle l'est pour beaucoup de gens.
01:14:02Il dit que rouler vite sur des routes de campagne
01:14:04est sa soupape de sécurité.
01:14:09Il explique qu'il peut s'oublier,
01:14:11se perdre quand il roule à pleine vitesse.
01:14:15Ce genre de moto pouvait facilement dépasser
01:14:17les 160 km heure.
01:14:19Imaginez, au début des années 1900,
01:14:20c'était une vitesse phénoménale.
01:14:33Le 13 mai 1935,
01:14:35Laurence est chez lui à Clouds Hill.
01:14:38Il termine la rédaction d'une lettre.
01:14:43C'est un épistolier infatigable.
01:14:45Il a écrit des centaines de lettres à ses amis.
01:14:50Cette lettre sera sa dernière.
01:15:00Il enfourche Boanerges pour se rendre à la poste,
01:15:03puis il prend le chemin du retour.
01:15:06La route est sinueuse et ondulée.
01:15:10Arrivé au sommet d'une butte,
01:15:12il aperçoit deux jeunes garçons à vélo.
01:15:17Des témoins racontent que les garçons
01:15:18zigzaguaient sur la route
01:15:20comme le font tous les garçons à vélo.
01:15:25Il a fait une embardée pour les éviter.
01:15:32Laurence est éjectée par-dessus le guidon
01:15:34et projetée contre un arbre.
01:15:39Il n'a jamais repris connaissance.
01:15:43Il est grièvement blessé.
01:15:45Laurence d'Arabie meurt à l'hôpital
01:15:46six jours plus tard.
01:15:51Le 21 mai 1935,
01:15:53les funérailles de Laurence
01:15:55ont lieu dans cette église,
01:15:57à Morton, à cinq kilomètres de Clouds Hill.
01:16:01C'est une petite église de village.
01:16:03Morton est à peine à un mot.
01:16:08Winston Churchill fait partie des célébrités
01:16:10à avoir fait le déplacement.
01:16:13Churchill est en larmes.
01:16:15A tort ou à raison,
01:16:17ils pensent tous avoir perdu un homme
01:16:19irremplaçable et formidable.
01:16:22Cela ne fait aucun doute.
01:16:25La congrégation entonne Jésus,
01:16:27lover of my soul,
01:16:29de John Wesley,
01:16:31le cantique préféré de Laurence.
01:16:36En toi abonde la grâce,
01:16:39une grâce pour couvrir tous mes péchés.
01:16:45Qu'abonde les flots de la guérison
01:16:48qui me rendent et me gardent pur.
01:17:01Tout se termine par un enterrement très modeste
01:17:03dans un cimetière très modeste,
01:17:05ce qui, je crois,
01:17:07correspond à quelque chose qui lui tenait à cœur,
01:17:09cet ascétisme,
01:17:11cette volonté de simplicité d'une vie modeste
01:17:13que la célébrité est venue bouleverser.
01:17:20La tombe de Laurence
01:17:22est à la fois modeste et majestueuse.
01:17:24C'est la plus grande du cimetière,
01:17:26mais elle ne dit presque rien,
01:17:28une ambivalence plutôt appropriée
01:17:30pour celui qui y repose.
01:17:43La nouvelle fait la une de tous les journaux.
01:17:47La nation pleure un fils chéri de l'Empire.
01:17:52Laurence se voyait pourtant comme un raté.
01:17:57Laurence d'Arabie était un personnage fictif,
01:18:00il en avait bien conscience.
01:18:02Il avait donc du mal à s'identifier à ses succès.
01:18:05Il n'en avait gardé que les échecs
01:18:07et les aspects négatifs.
01:18:09Aux yeux de ceux qui savent,
01:18:12j'ai échoué lamentablement,
01:18:14là où un peu plus de résolution
01:18:16aurait fait aboutir ou bien laisser tel quel.
01:18:21C'est quelque chose de très commun
01:18:23dans la culture de la célébrité.
01:18:25Un personnage public est créé,
01:18:27et si vous ne vous sentez pas
01:18:29authentiquement proche de ce personnage,
01:18:31un fossé psychologique se creuse
01:18:33jusqu'à ce que vous ne puissiez plus
01:18:35vous attribuer le mérite de son succès.
01:18:36C'est le syndrome de l'imposteur.
01:18:48Bien des années se sont écoulées
01:18:50depuis que Laurence a perdu la vie
01:18:52au détour d'une route de forêt.
01:18:59Mais son aura lui a survécu.
01:19:01Il est l'unique soldat
01:19:03de la Première Guerre mondiale
01:19:04dont le nom est encore célèbre.
01:19:08Je pense que s'il a survécu
01:19:10depuis si longtemps
01:19:12dans l'imaginaire des Britanniques,
01:19:14c'est parce qu'il incarne,
01:19:16d'une façon un peu étrange,
01:19:18des qualités pour lesquelles
01:19:20les Anglais ont une admiration inavouée.
01:19:22Un esprit brillant,
01:19:24une vague ascendance aristocratique,
01:19:26un courage à toute épreuve,
01:19:28une ténacité sans borne.
01:19:31Le mythe et la légende de Laurence
01:19:32sont en partie dus
01:19:34à ses propres écrits.
01:19:36Sept Piliers de la Sagesse
01:19:38est une tentative d'expiation,
01:19:40une façon de distancer
01:19:42ce qu'il a vécu.
01:19:44Le livre est toujours proposé
01:19:46en librairie.
01:19:48Sept Piliers de la Sagesse
01:19:50est une oeuvre extraordinaire,
01:19:52une oeuvre controversée.
01:19:54En fait,
01:19:56ce sont des mémoires de guerre
01:19:58extrêmement fiables,
01:20:00extrêmement précises,
01:20:02un peu longues et empoulées.
01:20:05C'est un livre stupéfiant.
01:20:07Il y a des passages incroyables,
01:20:09fantastiques,
01:20:11mais il manque de cohésion,
01:20:13il part un peu dans tous les sens.
01:20:15Bien que remarquable,
01:20:17Sept Piliers de la Sagesse
01:20:19n'a pu prédire le futur.
01:20:21Et les conséquences
01:20:23du découpage territorial d'après-guerre
01:20:25auquel Laurence a participé
01:20:27restent une application
01:20:29qui a inévitablement sali sa réputation.
01:20:32Après la Première Guerre mondiale,
01:20:34les gens comme Churchill et Laurence
01:20:36sont jugés responsables de ce découpage.
01:20:44S'en suivra un siècle de conflits,
01:20:46de répression et de luttes.
01:20:51Il ne fait aucun doute
01:20:53que le découpage de ces territoires
01:20:55en entité géopolitique
01:20:58a été un désastre pour la paix
01:21:00et pour le bien-être des populations
01:21:02de cette région du monde.
01:21:12Je ne dirais pas
01:21:14qu'ils sont responsables
01:21:16de tous les problèmes actuels au Moyen-Orient.
01:21:19Je pense que les politiques successives,
01:21:21britanniques puis américaines,
01:21:23ont toutes une part de responsabilité
01:21:25dans la situation du Moyen-Orient.
01:21:29C'est ce que je pense.
01:21:47Malgré lui,
01:21:49Laurence a contribué au découpage d'après-guerre
01:21:51qui a fait naître de nouvelles nations
01:21:53tout droit sorties du chapeau impérial.
01:21:56Son plan à lui était différent.
01:22:00Je pense que Laurence avait une vision
01:22:02plus saine du Moyen-Orient d'après-guerre.
01:22:05Il envisageait la création
01:22:07d'un État arabe indépendant.
01:22:10Mais je pense qu'il était irréaliste
01:22:12quant à la manière d'y parvenir.
01:22:18Ses opinions politiques
01:22:20l'empêchaient de comprendre
01:22:22la véritable nature
01:22:24de la révolution nécessaire.
01:22:27Personne au sein
01:22:29de la population britannique
01:22:31n'avait conscience
01:22:33de la véritable ambition révolutionnaire
01:22:35des peuples du Moyen-Orient.
01:22:38C'est bien plus profond
01:22:40que ce qu'ils imaginent.
01:22:42Il y a une dimension intellectuelle.
01:22:44Les britanniques ne le comprennent pas.
01:22:46Ils ne savent pas à quoi ils ont affaire.
01:22:48Ils n'imaginent pas
01:22:50les conséquences de leur trahison.
01:22:52Tout cela les dépasse.
01:23:00Lawrence n'avait certainement pas
01:23:02les compétences pour être un homme d'État.
01:23:04Mais en tant que stratège militaire,
01:23:06il était probablement en avance sur son temps.
01:23:11Il faut le dire une fois pour toutes,
01:23:13Lawrence n'a pas gagné la guerre.
01:23:16Ce n'était pas une grande révolte arabe.
01:23:18Elle n'a pas accompli grand-chose.
01:23:20Allenby serait parvenu seul.
01:23:22Il était peut-être brillant,
01:23:24mais il n'avait pas de grandes responsabilités.
01:23:26Il ne prenait pas les décisions.
01:23:28Néanmoins, il serait probablement reconnu aujourd'hui
01:23:31comme un théoricien
01:23:33et un spécialiste des techniques de guérilla.
01:23:41Il a clairement introduit un concept totalement nouveau
01:23:44dans la guerre irrégulière
01:23:46qui a été ensuite repris par le SAS
01:23:48et bien d'autres forces militaires.
01:23:50Si l'on pense à la révolution cubaine,
01:23:53à la révolution vietnamienne,
01:23:55à la guerre d'Algérie,
01:23:57Lawrence est un authentique innovateur
01:24:00qui a développé et mis en pratique
01:24:03des méthodes de guérilla
01:24:05qui ont résisté à l'épreuve du temps.
01:24:13Cependant, de plus en plus de gens
01:24:16se sont rendus compte
01:24:17que la vie de Lawrence
01:24:19fait partie intégrante du mythe impérial.
01:24:24C'est une histoire facile,
01:24:26une histoire d'héroïsme.
01:24:28Quelqu'un qui se sacrifie presque
01:24:30pour venir en aide à un autre peuple.
01:24:32Sauf qu'on ne nous raconte pas la fin.
01:24:34On reste ancré dans l'exceptionalisme britannique,
01:24:36cette idée selon laquelle
01:24:38il s'agit d'un peuple semblable à aucun autre.
01:24:42Nous ignorons une grande partie du récit
01:24:44qui n'a rien à voir avec la réalité.
01:24:46C'est très révélateur
01:24:48sur la façon dont l'histoire impériale britannique
01:24:51est écrite,
01:24:53ou plus exactement,
01:24:55perçue dans ce pays.
01:24:58La révolte arabe,
01:25:00telle qu'elle nous est contée,
01:25:02doit être centrée autour d'un homme blanc
01:25:04issu de l'aristocratie.
01:25:07En tant que nation,
01:25:09nous devons regarder
01:25:11à ce qu'il s'agisse d'un peuple
01:25:12avec plus d'honnêteté
01:25:14notre passé impérial.
01:25:20Même si l'on accepte
01:25:22ce tableau d'ignorance,
01:25:24d'arrogance et de trahison,
01:25:26Lawrence reste un personnage unique
01:25:28en son genre.
01:25:30Il ne fait aucun doute
01:25:32que Lawrence était un insoumis.
01:25:34C'était un rebelle,
01:25:36un rebelle au sein de l'establishment.
01:25:38C'est une grande loi.
01:25:39Mais je crois qu'au fond,
01:25:41il était libre.
01:25:44Le film Lawrence d'Arabie
01:25:46ne l'a pas vraiment aidé.
01:25:48Les Arabes se sont dit,
01:25:50et voilà, ce sont encore les Anglais les héros.
01:25:52Alors qu'en fait,
01:25:54il a vraiment tout donné pour eux à l'époque.
01:25:56Cela ne fait aucun doute.
01:25:58C'était un homme décent et honorable.
01:26:00Il a fait tout ce qu'il a pu
01:26:02et ceux qui en doutent se trompent.
01:26:04Au fond de lui,
01:26:06c'est un homme consciencieux
01:26:07une personne décente
01:26:09qui veut faire ce qui est juste.
01:26:11C'est pour cela qu'il est rongé
01:26:13par la culpabilité.
01:26:19En Arabie,
01:26:21j'étais prisonnier de mon fardeau
01:26:23et je ne m'exprimais qu'à travers
01:26:25son prisme déformant.
01:26:27J'ai fait du tort à des tiers.
01:26:29Ce n'était pas voulu,
01:26:31simplement inévitable de la part
01:26:33d'un commandant dont l'esprit
01:26:35est en guerre civile.
01:26:37C'est ce qu'il vit avec lui-même.
01:26:42C'est en partie à cause
01:26:44de ces contradictions
01:26:46qui sont centrales dans son personnage
01:26:48et dans son rôle
01:26:51ou peut-être principalement
01:26:53à cause de ces contradictions
01:26:55que nous le trouvons si fascinant.
01:27:07C'est pour cette raison
01:27:09que les héros imparfaits
01:27:11nous fascinent tant.
01:27:13Ils exposent leurs forces
01:27:15comme leurs faiblesses
01:27:17à la vue de tous.
01:27:19Ils ont le courage
01:27:21d'essayer de répondre
01:27:23à ces questions complexes
01:27:25sur notre humanité,
01:27:27la raison de notre présence
01:27:29sur cette planète.
01:27:31Nous sommes incités
01:27:33à trouver des solutions
01:27:35dans notre propre vie.
01:27:37C'est ce que nous faisons.
01:27:39C'est ce que nous faisons.
01:27:41C'est ce que nous faisons.
01:27:43C'est ce que nous faisons.
01:27:45C'est ce que nous faisons.
01:27:47C'est ce que nous faisons.
01:27:49C'est ce que nous faisons.
01:27:51C'est ce que nous faisons.
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01:27:55C'est ce que nous faisons.
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01:27:59C'est ce que nous faisons.
01:28:01C'est ce que nous faisons.
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01:28:07C'est ce que nous faisons.

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