• il y a 11 heures
Dans le grand entretien, nous recevons Baptiste Morizot, écrivain et maître de conférence en philosophie à l'université d'Aix-Marseille pour le livre "Rendre l’eau à la terre. Alliance avec le peuple castor face au désert qui vient" avec Suzanne Husky, publié aux éditions Actes Sud. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-samedi-19-octobre-2024-5160560

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00:00Et dans le Grand Entretien, ce matin, nous avons le bonheur de recevoir l'un des penseurs
00:05les plus intéressants de notre époque, il est l'auteur de livres qui font date sur
00:09nos manières d'être vivants, sur nos relations avec les vivants et il publie un plaidoyer
00:15pour la défense de nos rivières face au chaos climatique, aux crus, aux sécheresses
00:20autant dire, des questions qui sont d'une brûlante actualité et c'est une enquête
00:25qui, comme souvent avec lui, est une recherche d'une piste, d'une piste d'un animal et
00:31en l'occurrence, il s'agit du castor.
00:34Le titre de ce très beau livre, c'est « Rendre l'eau à la terre », c'est publié chez
00:39Actesud, livre qui est un dialogue entre un philosophe avec des aquarelles de l'artiste
00:45et co-autrice Suzanne Husky, bonjour Baptiste Moriseau, et bienvenue, on est ravi de vous
00:51recevoir, vous réfléchissez aux nouvelles manières de cohabiter avec notre environnement
00:56et on voulait vous entendre juste avant l'ouverture de la COP biodiversité en Colombie pour essayer
01:02de comprendre comment on peut réinventer notre rapport à ce qu'on appelle familièrement,
01:08peut-être trop facilement, la nature.
01:10Vous pourrez dialoguer avec les auditeurs d'Inter au 01 45 24 7000 où ils peuvent
01:16vous écrire sur l'application d'Inter, mais un mot d'abord pour présenter votre
01:21travail Baptiste Moriseau, sur quoi est-ce que vous travaillez ? Quelles sont les pistes
01:26que vous suivez, les concepts que vous employez et en quoi essayez-vous de réfléchir différemment
01:31à des questions qui se posent à nous tous globalement ?
01:34À mon sens, ce qui se joue dans mon travail, c'est une philosophie du monde vivant qui
01:41essaie de nous sortir d'un oubli et cet oubli c'est que c'est le monde vivant qui
01:46rend la terre habitable pour la vie et pour nous.
01:49C'est l'action des pollinisateurs qui nous permet de manger, c'est l'action des rivières
01:52quand elles sont en santé qui atténuent les sécheresses et les inondations, qui hydrate
01:58les sols et c'est quelque chose qu'on a oublié en croyant que nous étions les seuls
02:01auteurs de l'habitabilité de la planète.
02:03Donc c'est pas une question d'aimer ou pas les animaux, c'est une question aussi de
02:07survie et de prospérité des sociétés humaines et je soutiens qu'elle n'aura pas lieu si
02:12on ne change pas radicalement nos rapports collectifs avec le monde vivant.
02:16Alors encore un mot justement sur votre démarche parce qu'il s'agit de dépasser des oppositions
02:20qui nous semblent naturelles entre par exemple le civilisé, la vie en société avec des
02:27hommes qui s'opposent à la vie sauvage, le progrès face à l'effondrement promis
02:33par certains, vous dites que ces oppositions là, elles sont stériles.
02:37Stériles et factices à beaucoup d'égards.
02:39Je pense que là, le cas dont on va parler aujourd'hui c'est explicite, il y a une opposition
02:44omniprésente par exemple entre économie et biodiversité, comme s'il fallait choisir
02:48les économies humaines, ou la nature dans beaucoup de contextes, si on accepte d'être
02:53suffisamment critique envers l'économie mainstream et tout ce qu'elle a de problématique,
02:56on voit qu'il y a des alliances possibles avec des formes de vie, l'agroécologie paysanne
03:00c'est une alliance avec les pollinisateurs et c'est aussi bien au service de formes
03:04de vie humaines que de formes de vie non humaines.
03:06Alors l'alliance avec le castor, qu'est-ce qu'elle veut dire ? Parce que ça n'est pas
03:09anecdotique, vous avez été sur la piste des loups, des ours, des panthères, des neiges
03:14et donc le castor, on a souvent une image un peu caricaturale de ce vivant, là en l'occurrence
03:21c'est un projet extrêmement sérieux, c'est un projet qui prend à bras le corps la réduction
03:28des crues, la lutte contre la sécheresse des sols, mais qu'est-ce qu'il raconte notre
03:34relation à nous humains avec les castors ? Qu'est-ce qu'elle nous enseigne cette relation ?
03:38C'est très intéressant le castor parce que dans notre imaginaire c'est une sorte de petit
03:43animal à fourrure, c'est un gros rongeur mignon et en vérité si on va chercher les sciences
03:48écologiques sérieuses qui racontent ce qu'il fait au milieu, c'est une force écologique
03:52majeure qui est capable par son action spontanée d'atténuer les crues, de lutter contre les
03:57sécheresses, de limiter les mégafeux et donc c'est un allié face au bouleversement climatique
04:02dans lesquels nous sommes et j'aimais vraiment ce mouvement par lequel on peut commencer à se
04:07guérir de notre mépris ascensionnel pour le monde non humain parce que là c'est une belle
04:12plaisanterie de la vie sur terre, elle a doté cet animal de capacité à régénérer les milieux et à
04:18faire face, à nous aider à faire face au changement climatique. Le castor c'est le héros, c'est aussi
04:23un symbole dans votre livre qui est découpé en mini chapitres un peu comme des haïkus et qui est
04:28vraiment magnifiquement illustré, il s'appelle « Rendre l'eau à la terre » mais quand on voit les
04:33pluies d'Illuvienne de ces derniers jours, les 33 départements, plus de 60 centimètres tombés en 48
04:38heures en Ardèche, ça semble décaler et en fait c'est tout le contraire. Oui absolument, ça c'est
04:43très important, il faut vraiment restituer un peu l'histoire hydrologique de nos continents.
04:48La sécheresse et l'inondation sont les deux faces d'une même pièce, c'est le même phénomène et ça a
04:54à voir avec, ici bien évidemment c'est amplifié par le changement climatique, mais à
04:58l'origine ça a à voir avec deux siècles d'aménagement des territoires par le drainage, c'est l'ère du
05:04drainage, ce n'est pas moi qui le dit, c'est les historiens de l'hydrologie. L'ère du drainage c'est
05:09l'idée d'accélérer le chemin de l'eau pour qu'elle aille le plus vite à la terre pour assécher les
05:13terres et pour pouvoir y mettre nos agricultures et nos villes. Dès lors qu'on accélère le chemin
05:17de l'eau, que se passe-t-il ? En été, l'eau ne peut pas rester dans les sols, donc sécheresse. Au
05:22moment des perturbations, l'eau ne peut pas ralentir dans les sols, s'infiltrer dans les
05:26sols, donc elle arrive à toute vitesse dans les rivières et elle accélère en aval dans les
05:30infrastructures humaines et ça donne les tragiques inondations qu'on connaît. Et d'ailleurs vous
05:35travaillez moins sur le castor en tant que tel que sur l'effet castor. L'effet castor, pour le coup,
05:39il a été même cité dans un rapport du GIEC, c'était assez récemment, en 2022, et un animal qui peut
05:46donc être notre allié contre les effets délétères du dérèglement climatique. Vous faites le constat
05:52que nous vivons dans un monde asséché. C'est quelque chose que les experts du climat disent
05:57depuis longtemps. Nous sommes les héritiers de l'ère du drainage. Qu'avons-nous fait à nos
06:01rivières ? Ça, c'est une des questions que vous posez à votre livre. Le mot même de rivière,
06:06il est réducteur. Et il est révélateur de quoi ? Il est révélateur d'une histoire dans laquelle
06:12nous avons, parce que nous avons voulu prendre la terre, pour y mettre nos agricultures et nos
06:17villes, et c'est un héritage, moi je ne dis pas du tout qu'il faut revenir en arrière, j'essaie de
06:22raconter l'histoire pour comprendre où nous sommes et où il faut aller. Cette frise chronologique
06:27est clé. Pour prendre la terre, nous avons corseté les rivières et nous leur avons pris l'espace
06:31latéral dans lequel elles se déployaient. Et cet espace latéral est nécessaire aux rivières en
06:36bonne santé, on appelle ça son espace de bon fonctionnement ou son espace de liberté, pour
06:40produire tous les effets d'habitabilité qu'une rivière vivante produit, à savoir hydrater les
06:45sols, abriter la diversité de la vie. Mais les rivières sont en danger. Vous avez une expression
06:51aussi qui est très étonnante et qui peut dérouter. Les rivières sont en ruine. Oui, cette métaphore de
06:57la ruine, elle est clé pour moi parce que ça a à voir à nouveau avec le fait de lutter contre
07:00l'amnésie environnementale. On ne peut pas contribuer à la santé du monde vivant et de
07:05ses liens avec les sociétés humaines si on ne sait pas ce qu'a été le monde et ce qui peut
07:10être. En effet, les rivières ont été façonnées, travaillées par des forces vivantes comme des
07:15forêts, des castors pendant des millions d'années et nous avons déforesté et
07:20éradiqué les castors en quelques siècles. On n'a même plus d'image de ce que peut être une rivière
07:24dans l'hémisphère nord quand elle joue tous ses rôles. Vous dites, vous écrivez, nous avons inventé
07:28une manière de nommer et de voir la rivière qui la déconnecte de sa terre éponge. On l'a trop
07:33domestiquée en clair et on le voit vraiment, y compris dans les exemples dont je parlais tout à
07:37l'heure des inondations dans la vallée du Gier. Il y a un maire par exemple qui raconte qu'il a couvert
07:41la rivière pour utiliser l'espace pour un parking et que ça a provoqué l'inondation. Mais comment
07:48trouver le curseur entre une espèce de retour à l'état de nature idéal où il y avait justement
07:53cette terre éponge et la domestication totale que vous critiquez aujourd'hui ?
07:57Oui, moi ça ne m'intéresse pas du tout le retour au passé ou à quoi que ce soit de ce genre.
08:01C'est ça, alors où situer l'idéal en quelque sorte ?
08:04Et là il faut rentrer finement dans des questions d'hydrologie, d'hydromorphologie. La question c'est
08:08une rivière a besoin d'espace pour jouer tous ses rôles, pour abriter la vie et atténuer les
08:14crises. La question c'est à quel endroit on peut restituer.
08:17Il faudrait que vous précisiez concrètement quel est le lien entre notre manière de traiter la rivière et les effets que l'on peut voir et dont on parle beaucoup, les crues et les sécheresses.
08:29Là on peut parler des crues puisque là il y a quand même un enjeu.
08:31Donc nous quand on entend rivière, on entend le trait bleu sur la carte.
08:36Mais ça c'est un produit de la pensée aménagiste et de l'aménagement systématique des hydrosystèmes pendant deux siècles.
08:41Spontanément une rivière prend de l'espace latéral, elle se déploie latéralement et elle irrigue des milieux riches en eau, des zones humides, dérépissives, des prairies humides.
08:49Imaginez des grosses perturbations en tête de bassin versant. L'eau arrive.
08:55Lorsque la rivière est corsetée, l'eau avance à toute vitesse dans le chenal et elle génère inondations et crues.
09:01Lorsque la rivière a de l'espace latéral, la force de la crue se dissipe dans l'espace latéral, ralentit, s'infiltre dans les sols et donc arrive beaucoup moins vite en aval.
09:14Donc il faut trouver un juste milieu entre ce qu'on disait, la rivière trop corsetée et en même temps celle qui nous empêcherait de vivre et d'installer nos villes.
09:21Bien sûr, mais je ne sais même pas si c'est un juste milieu. Le vrai problème c'est d'hériter, c'est-à-dire que le monde, il est ce qu'on en a fait maintenant.
09:26Donc il ne s'agit pas de fantasmer ce qu'il devrait être, il s'agit de dire maintenant, dans les espaces qui existent, où est la rivière possible ?
09:33Qu'est-ce qu'on peut lui restituer ? À quel endroit il va falloir apprendre à donner pour recevoir ?
09:39Mais bien évidemment que ça se fait dans le monde dans lequel on est. Simplement, moi, je veux aller jusqu'au bout d'une certaine radicalité à cette idée.
09:45Les rivières vivantes, ce n'est pas simplement un enjeu esthétique ou parce qu'on aime la nature. Elles sont nécessaires au fonctionnement de la vie et donc des sociétés humaines.
09:54On va partir au Standard, où nous attend Frédéric. Bonjour Frédéric !
09:58Oui, bonjour à tous !
09:59Et bienvenue sur France Inter !
10:01Oui, bonjour à vous, Baptiste Moriseau, bonjour ! J'aimerais que vous nous donniez votre avis pour savoir pourquoi nous restons globalement, collectivement indifférents,
10:12j'allais dire aussi autour de nos dirigeants, vis-à-vis des catastrophes écologiques qui nous attendent et que nous le savons parfaitement.
10:20Merci Frédéric pour votre question. Don't look up, Baptiste Moriseau !
10:24C'est abyssal comme question. En fait, pour être honnête, je ne sais pas.
10:28Mais vous partagez le constat ?
10:30Oui, c'est clair. Je partage le constat. Je pense qu'il y a mille choses qui se jouent. C'est tellement complexe. Je pense qu'il y a un déni qui est lié à l'ampleur du phénomène.
10:38Je pense qu'il y a, au niveau des dirigeants, des logiques structurelles, des logiques de courte vue, des logiques électorales.
10:44Il y a aussi un poids énorme des lobbies, des intérêts en présence qu'il ne faut pas non plus nier ou cacher sous le tapis.
10:50Moi, à mon sens, le gros enjeu, c'est comment on va négocier, comment on va réussir à porter la bonne conversation sur ces fameuses crises qui arrivent.
11:00Par exemple, là, les inondations sont là. L'enjeu, on ne peut plus ne pas les voir.
11:04Vous, vous parlez même de chaos. Non pas simplement de dérèglement, non pas simplement de changement, mais de chaos climatique.
11:11Il faut dire les choses. C'est vers ça qu'on va. Ça ne sert à rien de minimiser l'ampleur du phénomène.
11:18Et donc, face à ces événements critiques, est-ce qu'on va laisser des logiques de technosolutionnisme hors sol, de suraménagement prendre le pouvoir ?
11:28Ou est-ce qu'au contraire, on va pouvoir changer la nature de la conversation pour dire, il va falloir transformer nos relations au monde vivant, au milieu, il va falloir laisser de l'espace,
11:36il va falloir restituer aux rivières, au milieu, la capacité de fonctionner librement parce que c'est comme ça qu'ils peuvent contribuer à la vie et à nous.
11:44Et faire alliance avec les castors, peut-être, parce que c'est ça que vous proposez.
11:48Gilles, sur l'application France Inter, se demande à quoi ressembleraient les forêts si les castors étaient l'espèce dominante sur Terre.
11:56Est-ce que ça aura des conséquences s'il y a plus de castors ?
11:58Mais ce n'est pas du tout un enjeu. Les espèces dominantes, c'est un imaginaire militaire qui n'existe pas dans le vivant.
12:06Il y a des espèces qui peuvent arriver d'ailleurs et coloniser des écosystèmes.
12:10Oui, mais les castors sont onomiques. Ils ont toujours été là. On les a éradiqués.
12:14Il faut arrêter d'imaginer que ceux qu'on a éradiqués sont des colonisateurs qui vont nous remplacer.
12:20On connaît cet imaginaire et je crois que ce n'est pas du tout de ça qu'il s'agit.
12:23Et après tout, c'est nous l'espèce dominante.
12:26Si vous deviez définir l'effet castor précisément et l'alliance qu'on peut nouer avec lui,
12:32il y a une forme de mimétisme que vous évoquez dans le livre. Expliquez-nous ce que c'est.
12:38L'effet castor, c'est l'air du drainage, c'est accélérer, évacuer, drainer l'eau.
12:44Aujourd'hui, les hydrologues disent que face au changement climatique, il faut ralentir, infiltrer, restituer la complexité à l'eau.
12:51Or, que fait le castor depuis millions d'années ? Littéralement ça.
12:54Il construit des structures, il aménage les rivières de manière à générer du ralentissement dynamique
12:58et à infiltrer l'eau dans les sols, ce qui permet de travailler sur les sécheresses,
13:03puisque les éponges du sol sont pleines d'eau, sur les inondations, puisque l'eau peut être ralentie,
13:07et enfin sur les feux, et enfin sur l'érosion de la biodiversité.
13:11Par contre, je voudrais être clair sur le fait qu'il ne s'agit pas de solution technologique
13:15et il ne s'agit pas de tout parailler là-dessus, ça n'a aucun sens.
13:18Il s'agit d'imaginer l'une parmi les mille alliances avec le monde vivant dont on a besoin pour faire face à ce qui va se passer.
13:26Parce que c'est ce qui est véritablement au cœur de votre travail, c'est les relations entre les espèces
13:32et les millions d'espèces qui existent sur Terre.
13:35Il y a la conférence de l'ONU sur la biodiversité, la COP16, qui va s'ouvrir lundi en Colombie.
13:41Qu'est-ce que vous vous en attendez alors qu'on sait qu'il y a un effondrement du nombre d'espèces,
13:47alors pas seulement au vertébré puisqu'il s'agit aussi d'insectes et ce qu'on appelle la sixième extinction qui est en cours.
13:55Une réunion comme celle-là, elle vous paraît participer de cette diplomatie que vous appelez de vos voeux,
14:00de cette diplomatie avec le vivant ?
14:02Je pense que ce genre d'événement est nécessaire dans la pluralité des stratégies, des approches, des luttes, des mobilisations.
14:11Bien évidemment, je n'en attends rien d'absolument révolutionnaire.
14:14Rien ?
14:15Rien de révolutionnaire. Ça joue un rôle, ça contribue à porter le sujet dans la conversation.
14:19Mais vous savez aussi bien que moi quels sont les enjeux de géopolitique
14:23et comment la géopolitique du vivant est parfaitement écrasée par l'ampleur des autres enjeux.
14:28Donc, ce qui est fort dans cette affaire, c'est de dire comment est-ce qu'on remet ces enjeux dans l'espace de l'attention politique collective
14:38et comment ce faisant, on permet à tous les niveaux, étatiques, personnels, habitants, collectifs, dans les luttes, dans les associations, de s'en emparer.
14:48Et la COP joue un rôle parmi ça, mais c'est ni nul et ni logique.
14:53Mais vous savez qu'on va dire, vous êtes un doux rêveur, Baptiste Morisot, que votre pensée, elle est contre-intuitive.
14:59C'est pas comme ça que ça fonctionne, que la vie institutionnelle, économique fonctionne ?
15:06Alors ça, on peut dire ce qu'on veut, ça m'est parfaitement indifférent.
15:10Moi, par contre, j'ai des vrais sujets, des vrais enjeux.
15:13C'est-à-dire qu'on peut parler de sécheresse, si vous voulez.
15:15Et là, quand on arrive en disant qu'aux Etats-Unis, il y a de nouvelles approches qui imaginent à faible coût, en low-tech, en bas carbone,
15:24de régénérer des milieux de manière à atténuer les sécheresses, les crues et les inondations.
15:27Là, c'est moi qui parle de choses sérieuses, en fait.
15:30Dans la foulée des événements climatiques qu'on a vus ces derniers jours, pour le coup, des crues et des inondations, des excès d'eau,
15:36on a entendu la ministre de la Transition écologique qui a réclamé un budget à la hauteur de la situation.
15:41Une situation, elle dit, jamais vue de mémoire d'homme, sous peine d'en tirer les conclusions.
15:46C'est ce qu'elle a dit. Est-ce qu'elle a raison ?
15:49Ou est-ce que finalement, cette défense de la biodiversité, cette fin de la civilisation, du drainage, c'est pas une question d'argent ?
15:57Je ne sais pas. J'avoue que, pardonnez-moi, c'est pas vraiment mon espace.
16:02Chacun joue son rôle.
16:04Mon problème, c'est plutôt comment est-ce que, collectivement, on change de paradigme concernant le rôle que jouent les milieux vivants autour de nous.
16:18Et donc, dans certains contextes, c'est un problème d'argent.
16:20Mais pas toujours.
16:22Et surtout, tout ne se joue pas dans les ministères.
16:25Il faut décaler jusqu'au bout l'enjeu.
16:27Alors, il y a des enjeux d'argent majeurs.
16:30Et notamment, il y a des enjeux de sobriété radicale dans les prélèvements d'eau.
16:33Ça aussi, c'est la question qui fâche qu'il faut poser.
16:35Et ça, c'est un enjeu de politique publique.
16:37C'est un enjeu de politique publique, parce que ça a à voir avec l'agriculture et l'industrie.
16:40Mais c'est pas là que tout se joue.
16:43Et c'est pas aux ministères que tout se transforme.
16:49On va retourner au standard.
16:51Une grande conférence sur l'eau, en réponse à toute cette crise climatique qui a été annoncée par le Premier ministre.
16:56Si vous, vous étiez invité, vous lui diriez quoi ?
16:59Je dirais ce que dit Daniel Zimmer dans « L'eau est la planète ».
17:03À savoir, il faut changer de rapport collectif à l'eau.
17:06Changer de culture politique de l'eau.
17:09Avec cette très belle pensée qui dit, un, efficacité dans les usages de l'eau.
17:14Parce qu'aujourd'hui, on est complètement dans le gaspillage.
17:17Deux, sobriété radicale dans les prélèvements d'eau.
17:20Et trois, régénération des milieux.
17:22Bonjour Thomas.
17:23Oui, bonjour.
17:24Et bienvenue sur France Inter.
17:26Merci.
17:27Vous avez une question pour notre invité Baptiste Morisot ?
17:31Tout à fait. J'aurais voulu savoir ce que pensait M. Morisot de donner un statut juridique aux cours d'eau, aux fleuves et aux rivières.
17:39Afin justement de les protéger d'un détournement.
17:44Merci pour votre question.
17:46Oui, merci pour votre question.
17:47C'est un débat très complexe.
17:49On pourrait en parler des heures.
17:51Je me suis beaucoup penché sur la question.
17:53Moi, je pense que les recherches juridiques aujourd'hui pour essayer de transformer le cadre de prise en compte des non-humains sont très intéressantes.
18:03Qu'elles doivent se poursuivre, explorer dans toutes les directions.
18:06Après, je ne voudrais pas qu'on croit que c'est une solution magique pour faire une différence.
18:12On le voit dans l'histoire du droit.
18:15On a effectivement donné des statuts juridiques de personnes à des entités non-humaines.
18:19Parfois, ça a accru les effets de protection.
18:21Parfois, ça n'a produit aucun effet.
18:22Une forêt, une montagne, une rivière par exemple.
18:25Il y a eu des parlements de la loi pour essayer de donner un statut juridique à ce fleuve.
18:28Il y a quelque chose de symbolique là-dedans qui peut être intéressant, qui peut fonctionner.
18:31Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est dans la technicité du droit.
18:33Qu'est-ce qui permet vraiment de protéger ?
18:35Qu'est-ce qui permet vraiment de punir les coupables ?
18:38Et là, il faut élargir le débat pour chercher les brèches.
18:41Et donner enfin la capacité au droit environnemental de percer le plafond de verre.
18:45Actuellement, il n'est pas du tout capable de protéger le monde qui abrite nos sociétés.
18:51Qu'est-ce qui nous manque ? Ce sera la fin de cet entretien.
18:53Qu'est-ce qui nous manque pour parler enfin d'écologie ?
18:56D'écologie politique ou de politique écologique ?
19:00Il nous manque de changer notre image de nous-mêmes.
19:04Il nous manque d'arrêter de croire que c'est nous qui sommes les seuls sujets dans un monde passif de choses.
19:10Il nous manque l'acte de se remémorer que c'est le monde vivant qui rend la planète habitable pour tout le monde.
19:16Et qu'il faut commencer à le prendre vraiment au sérieux.
19:18Merci infiniment Baptiste Moriseau de vous être arrêté dans notre studio.
19:22Je rappelle donc ce livre co-écrit avec Suzanne Husky.
19:26« Rendre l'eau à la terre. Alliance au pluriel dans les rivières face au chaos climatique ».
19:32C'est passionnant et c'est publié chez Actes Sud.
19:34On vous laisse reprendre la route et aller poursuivre votre travail de pisteur et d'explorateur.
19:42Merci Baptiste Moriseau.

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