Maître Virginie Le Roy, avocate de la famille de Samuel Paty, était l'invitée du Live BFMTV ce lundi 14 octobre 2024. Ce jour, les élèves français vont rendre hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard, deux professeurs assassinés lors d'attentats terroristes en 2020 et 2023. Une minute de silence sera organisée dans tous les collèges et lycées.
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00:00Ces jours d'hommage, ces jours-là, comment est-ce qu'ils les vivent, les parents de Samuel Paty ?
00:06C'est toujours difficile parce que pour eux, avant l'hommage, c'est le triste anniversaire de la mort de Samuel, bien entendu.
00:14Mais j'en ai discuté avec eux la semaine dernière, ils sont capitaux, ces hommages.
00:19Ces hommages, c'est le signe qu'on ne renonce pas, ces hommages, c'est faire vivre Samuel aussi, c'est ne pas oublier.
00:25Mais il faut expliquer pourquoi il ne faut pas oublier. Il y a beaucoup de choses derrière, il faut y mettre de l'intention.
00:29Il ne faut pas que ce soit juste une minute de silence ?
00:31Non, la minute de silence en elle-même, pardon, elle ne sert à rien.
00:35Si on n'y met pas de l'intention, si on ne contextualise pas, on explique aux élèves pourquoi on l'a fait, pourquoi c'est important de la faire,
00:42qu'est-ce qui s'est passé exactement. Moi, je suis assez surprise, des fois, en discutant, de réaliser qu'en réalité,
00:48il y a plein de gens qui ne savent pas véritablement ce qui s'est passé et pourquoi il a été assassiné.
00:53Et ça, c'est primordial, il faut s'en saisir, c'est capital de s'en saisir.
00:57Est-ce qu'il y a déjà un risque d'oubli ?
00:59Risque d'oubli, je ne pense pas, mais il faut le cultiver, justement. Il ne faut pas qu'il y ait ce risque d'oubli.
01:04Vous disiez qu'il faut en parler, quels mots on pourrait employer ? C'est une des questions autour de laquelle on tourne depuis ce matin,
01:12et je posais la question tout à l'heure à des profs, quand on a une classe comme ça, qui ont dit, écoutez,
01:16on va respecter cette minute de silence pour Dominique Bernard, pour Semel Paty, quels mots il faut employer autour ? Comment on accompagne ça ?
01:22Moi, je pense qu'il faut être très clair et qu'il faut aller au milieu du sujet. On a un professeur, deux professeurs, qui se sont fait assassiner,
01:29sous couvert de choses nauséabondes, de blasphèmes, d'insultes aux prophètes.
01:35Je crois qu'il faut remettre les choses au milieu et au centre de ce qu'on est nous, de ce qu'est notre démocratie.
01:41L'école a été attaquée. L'école, c'est le socle de notre démocratie.
01:47Et il faut renforcer cette idée selon laquelle l'école forme les hommes et les femmes de deux mains.
01:52C'est ça qu'il faut leur dire aux élèves. Cette école, elle vous forme votre esprit critique. Cette école, elle vous libère.
01:58Il faut absolument pouvoir discuter de tout à l'école, même des caricatures. C'est ça qu'il faut leur dire.
02:05C'est une chance. C'est votre avenir qui est dans vos mains et c'est votre avenir qu'on attaque en attaquant vos professeurs.
02:11Les parents de Samuel Paty, est-ce qu'ils ont le sentiment aujourd'hui que les profs, l'école, mais les profs sont plus ou moins en danger qu'il y a 4 ans ?
02:19Oui, moi je pense qu'on n'en a pas du tout terminé. Et ça, moi je l'ai constaté, j'ai pas vu ce sursaut.
02:28Moi j'attendais un sursaut, un sursaut unanime en disant on se met debout, on est fiers de nos écoles, on est fiers de nos professeurs.
02:35Laisser nos professeurs libres de nous enseigner avec les outils qu'ils veulent. Parce que finalement, pourquoi Samuel a été assassiné ?
02:43Parce qu'il a utilisé des caricatures comme outils pédagogiques. Parce qu'il a montré des dessins pour expliquer à ses élèves ce que c'était que la liberté d'expression
02:50et quelles étaient les limites de la liberté d'expression. C'est pour ça qu'il a été assassiné.
02:54Mais pour vous, il manque toujours le sursaut. On entendait la ministre de l'éducation nationale dire encore hier que tout le monde était debout,
03:00que tout le monde était là, que tout le monde était rassemblé pour ces hommages.
03:03Vous parliez de la minute de silence. On a parlé des incidents qui sont produits autour des minutes de silence.
03:08C'est bien qu'il y a encore quelque chose, il y a encore un problème. Vous n'allez pas me dire, j'ai écouté hier, il y a 5000 demandes de protections fonctionnelles
03:16parce que depuis Samuel Paty, les professeurs ont été sensibilisés à cette possibilité de faire des demandes de protections fonctionnelles.
03:24C'est-à-dire que l'éducation nationale aide les professeurs qui ont pu être menacés par exemple ?
03:28Oui, mais ça sous-entend qu'en amont, il y a des menaces ou des attaques. Donc 5000 par an, c'est beaucoup, c'est trop.
03:34Il y a un événement qui est important, qui pourra arriver dans les mois qui viennent.
03:38Ça concerne le collège où enseignait Samuel Paty, Collège du Bois d'Aulne, et qui pourrait être rebaptisé Collège Samuel Paty.
03:46Il y a eu un accord qui a été donné par le collège, un accord par la mairie. Il manque l'accord du conseil départemental pour que tout soit complet.
03:53Mais on sent et on lit ce que disent les parents d'élèves, les associations, etc. Ce n'est pas unanime.
03:58Non, ce n'est pas unanime. Ce baptême au nom de Samuel, c'était une demande très, très tôt des parents.
04:05Moi, je la trouve très légitime, évidemment. Alors, on justifie le fait de ne pas être d'accord par une peur, par des menaces qui seraient refaites sur ce collège.
04:18Non, ça, c'est un renoncement pour moi. Il faut y aller. Et puis, on n'effacera jamais ce qui s'est passé à Conflans.
04:24On ne l'effacera pas, alors il faut s'en saisir. Il faut que ce soit une fierté, en fait. Il faut continuer, Samuel. Absolument.
04:30Mais ça peut être lourd à porter aussi.
04:32Ça peut être lourd, mais je ne pense pas que la dénomination du collège soit véritablement la source de cette lourdeur.
04:41En réalité, ce qui est lourd, c'est ce qui s'est passé. Et c'est normal. Mais il faut s'en saisir, justement.
04:46Ça permettrait de faire vivre toujours la mémoire de Samuel Passif ?
04:50Bien sûr.
04:51Aux yeux de ses parents, c'est important ?
04:53C'est important. Et puis, il faut trouver dans un assassinat aussi horrible, il faut trouver du sens.
04:59Et baptiser le collège du nom de Samuel, c'est le continuer, c'est-à-dire c'est faire vivre la liberté d'enseignement.
05:06C'est ça, au bout du bout. Et c'est ça qui est important.
05:08C'est terrible à dire, mais quel sens ils y ont trouvé, eux ?
05:13Je pense que ça, ils pourront répondre à cette question peut-être après le procès.
05:17Pour l'instant, c'est compliqué d'y trouver du sens, parce que c'est injuste, parce que c'est ignoble.
05:22Mais le seul sens qu'on peut y trouver, c'est justement ça, c'est se raccrocher à nos valeurs démocratiques
05:26et puis faire vivre cette liberté d'enseignement coûte que coûte.
05:29Il y a déjà eu un procès. C'est un procès en deux parties, parce qu'on se souvient qu'il y avait des mineurs
05:33qui ont été impliqués dans la mort de Samuel Passif.
05:37Six ados ont déjà été jugés. Sur les six, un seul a pris de la prise en ferme, si je ne m'abuse.
05:43Oui, qui a été aménagé avec une mesure de brasser l'éclair.
05:45Qui a été aménagé, absolument. Mais c'est lui qui avait désigné Samuel Passif à la sortie du collège à Honzorov,
05:50celui qui l'a assassiné ensuite. Les parents de Samuel Passif ont mal vécu cette sanction-là ?
05:55Oui, parce que... Et sur ça, je les rejoins totalement. Je trouve que, moi, on n'était pas à la hauteur.
06:01Les peines n'étaient pas à la hauteur de ce qui s'est passé.
06:04Et puis, une peine judiciaire, c'est évidemment fait pour punir, mais ça envoie un signal.
06:09Et ce signal, il faut qu'il soit fort, il faut qu'il soit ferme.
06:12Et oui, sur ça, moi, je trouve qu'on aurait pu aller un peu plus haut.
06:15Là, pour vous, il n'y a pas de signal ? Le signal, il ne fonctionne pas ?
06:18Non, non, non.
06:20Quand on prend l'exemple, et on va en reparler aussi, mais notamment parmi ces adolescents,
06:24il y a cette jeune fille qui a menti, qui a expliqué qu'elle était en cours,
06:28qui a expliqué que Samuel Passif avait demandé aux élèves musulmans de sortir.
06:31C'était faux. Elle a menti. Elle, elle ne prend que du sursis.
06:34C'est surtout sur cette peine-là, en réalité, que nous étions très déçus,
06:39parce qu'elle ne fait pas que mentir, cette jeune fille.
06:42Elle ment, mais elle poursuit son mensonge.
06:45Et le jour même de l'assassinat de Samuel, elle réitère son mensonge à l'égard d'un des adolescents,
06:50celui que vous venez de citer, qui est en présence du terroriste,
06:54qui met le téléphone sur au parleur.
06:56Et le terroriste, en fait, avant de passer à l'âge, dit bon, on est sûr.
07:00Et il appelle cette jeune fille qui réitère son mensonge.
07:04Elle va au bout, alors qu'elle sait que Samuel Passif est insulté,
07:08alors qu'elle sait qu'il y a une fatwa sur lui.
07:10C'est ça qui est dramatique.
07:12Et le signal de l'institution judiciaire, il doit être fort, ferme et sans appel.
07:17Il y a un deuxième procès qui arrive, le procès des majeurs, des adultes dans cette affaire-là.
07:21Ce sera à partir du 4 novembre. Ils seront huit à être jugés.
07:24Il y a des amis du terroriste qui sont jugés pour complicité d'assassinat terroriste,
07:28pour l'avoir accompagné notamment au moment de l'achat des armes.
07:31Six sont jugés pour association de malfaiteurs terroristes criminels,
07:34dont un homme, le père de la collégienne dont on parlait,
07:38cette collégienne qui a menti, lui a répercuté le mensonge sur les réseaux sociaux.
07:49Il y a une espèce de boule de neige qui s'est faite et à la fin, il y a ce drame-là.
07:52C'est cette mécanique-là qui va être jugée au procès ?
07:54Oui, c'est cette mécanique-là et c'est assez inédit puisque déjà,
07:59c'est un acte de terrorisme qui arrive à l'école, ce qui est inédit,
08:04suite à une fatwa lancée sur les réseaux sociaux.
08:07C'est ça qu'on va juger concernant cette partie-là du dossier, en tout cas ces accusés-là.
08:13Là encore, la réponse doit être absolument symbolique, ferme,
08:19parce que ces mécaniques-là, elles prennent facilement.
08:22Il a fallu peu de moyens.
08:24On part d'un mensonge d'une gamine qui est instrumentalisée,
08:27qui est dévoyée et qui est transformée en propagande islamiste radicale.
08:31C'est ça dont on parle.
08:33Via les réseaux sociaux ?
08:34Via les réseaux sociaux.
08:36La mécanique, on le sait, c'est des vidéos.
08:39Il y a plusieurs vidéos, mais il y a une vidéo en particulier
08:43qui est faite par Abdelhakim Seyfrioui,
08:46qui lui est bien connu de la mouvance islamique radicale
08:50et qui est véritablement un outil de propagande.
08:53Samuel Paty, il est présenté comme voyou,
08:55comme voyou qui stigmatise les musulmans, qui hait les musulmans.
08:59Ce n'est pas rien.
09:00Son nom, son lieu, c'est une véritable cible.
09:04Et ça, c'est ça qui doit être sanctionné.
09:06Les parents de Samuel Paty, vous dites qu'ils connaissent le dossier par cœur.
09:09Oui, bien sûr.
09:10Ça fait quatre ans qu'ils se nourrissent de l'actualité, du dossier d'instruction.
09:14Ce procès, ça fait quatre ans qu'il est attendu.
09:17Donc oui, il y a beaucoup d'enjeux pour eux.
09:19Et puis c'est d'abord, à leur échelle, la justice pour leurs fils.