Procès pour maltraitance sur mineurs: l'interview de Me Jean Sannier, avocat de victimes

  • il y a 1 minute
À Châteauroux, un procès au tribunal correctionnel s'ouvre ce lundi 14 octobre. 19 personnes seront jugées pour des faits de maltraitance et travaux forcés sur des mineurs, placés dans des familles d'accueils non agrémentées. 

Category

📺
TV
Transcription
00:00Et puis il y a donc ce procès qui se trouve tout à l'heure devant le tribunal correctionnel de Château-Roué.
00:04Ce sont 19 personnes qui seront jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs dont certains auraient subi des violences physiques et pas seulement d'ailleurs.
00:12Oui, violences psychologiques, humiliations, même travail forcé des enfants confiés en fait illégalement par l'Aide sociale à l'enfance du Nord à une structure d'accueil située dans l'Indre.
00:22C'est pour cela que le procès se tient tout à l'heure à Château-Roué.
00:25On est en direct ce matin avec Jean Sagné. Bonjour et merci d'être avec nous.
00:29Vous êtes l'avocat de victimes et de l'association Innocence en danger qui s'est portée partie civile dans cette affaire.
00:35Qu'est-ce que ces enfants ont subi d'abord ?
00:39Alors ils ont subi tout ce que l'on peut imaginer donner à un enfant, c'est-à-dire des gifles, des coups de poing d'ailleurs en guise d'accueil en général.
00:48C'est quelques coups de poing en guise d'accueil en leur disant de toute façon on ne te croira pas.
00:52Des coups de pied mais des coups de cravache aussi, des coups de taser, le jeu du couteau, c'est-à-dire qu'on leur met la main sur une table
01:00et puis avec un gros couteau de cuisine on leur fait comprendre qu'on va leur couper un doigt mais au dernier moment on fait autre chose.
01:06On leur met la tête dans la cuvette des WC et on tire un chasse-d'eau, on leur pisse dessus.
01:12On trouve aussi un médecin pour donner des médicaments tels que la Bilify, c'est-à-dire des médicaments pour des traitements de schizophrènes de façon à les abrutir.
01:21On leur fait subir toutes les humiliations possibles et puis aux jeunes filles, on va leur demander de ne pas porter de sous-vêtements ni en haut ni en bas.
01:30Et puis tous les matins on va vérifier en mettant la main dans l'entrecuisse que les jeunes filles ne portent pas.
01:36On va leur faire subir toutes les humiliations possibles.
01:40Ce sont des enfants donc en difficulté qui avaient été placés par l'administration, l'Aide sociale à l'enfance du département du Nord.
01:47Comment ces enfants ont-ils pu être placés au sein de cette association qui s'appelle Enfance et Bien-être alors qu'elle n'avait pas l'agrément ?
01:55Tout à fait. L'Aide sociale à l'enfance, c'est ce qu'on appelait autrefois l'ADAS, c'est plus connu encore sous ce nom-là.
02:01Pour pouvoir confier ces enfants à ces familles, on va faire tout ce qu'il faut pour ne rien voir.
02:08On va commencer par ne pas demander d'agrément parce que de toute façon il n'y en a pas.
02:12Et même lorsqu'on va être alerté sur cette question d'agrément, on ne va pas chercher à savoir.
02:16Mais on pourrait encore imaginer que sans agrément, on puisse avoir des familles bienveillantes.
02:21Donc on ne va pas demander le casier judiciaire parce que de toute façon, si on avait demandé le casier judiciaire,
02:26on se serait aperçu que ces familles n'avaient pas le droit, judiciairement, n'avaient pas le droit d'entrer en contact avec des enfants
02:33pour avoir été pour plusieurs d'entre eux et à plusieurs reprises condamnés pour des infractions sexuelles à l'égard d'enfants confiés par l'ASE.
02:42On ne comprend pas comment cette association et ces gens-là ont pu prospérer pendant des années.
02:48On ne parle pas d'une poignée d'enfants, on parle jusqu'à une centaine d'enfants concernés, n'est-ce pas ?
02:53On ne le comprend pas. Et bien entendu, l'ASE du Nord, l'ex-EDAS du Nord, est totalement taisante là-dessus.
03:01L'ex-EDAS du Nord n'est pas sur le banc des prévenus. Pas plus d'ailleurs qu'elle n'est sur le banc de la partie civile.
03:08Autrement dit, on envoie un message très clair à l'ASE du Nord qui consiste à dire vous n'y êtes pour rien, vous n'êtes pas responsable.
03:16Et c'est ce qui permet au directeur départemental du Nord de dire je ne suis ni coupable ni responsable.
03:24On est face à un échec total de la protection de l'enfance en France.
03:28– Mais pardon, comment vous expliquez que l'aide sociale à l'enfance ne soit pas dans le procès ? C'est quoi la justification ?
03:34– Alors, de ce côté-ci de la barre, on ne peut pas se l'expliquer.
03:39C'est au procureur de la République tout à l'heure, à l'ouverture de l'audience, de nous expliquer les raisons pour lesquelles le choix a été fait.
03:45À aucun moment, à aucun moment, de mettre en cause l'ASE du Nord.
03:51Le choix a été fait de leur envoyer un signal très fort qui consiste à dire de toute façon,
03:57quoi que vous ayez fait, vous ne serez pas poursuivi.
04:02– Est-ce que vous pensez que cette histoire terrible qui concerne l'aide sociale à l'enfance du Nord dépasse le département du Nord
04:11et peut concerner potentiellement d'autres départements ?
04:15– Oui, elle concerne d'autres départements.
04:18Elle concerne certains départements de la Couronne parisienne, bien entendu.
04:23Elle peut concerner d'autres départements, l'essentiel de la troupe,
04:26enfin, disons, le département qui a été le plus sourd est le département du Nord,
04:31mais il n'est pas le seul à être impliqué dans ce dossier parce que, vous comprenez, c'était simple.
04:36On avait des familles qui avaient une capacité d'accueil illimitée,
04:40c'est-à-dire qu'il suffisait de leur proposer 10 enfants pour qu'ils en prennent 10, c'était très simple.
04:45De toute façon, on les hébergait dans des conditions indignes.
04:48– Et ils ont gagné beaucoup d'argent ?
04:50– Que ce soit l'hiver, que ce soit l'été, c'était dans des caravanes,
04:53démunis d'eau, démunis d'électricité, mais il y avait un saut, un saut pour les besoins.
05:00– C'est terrible parce que vous…
05:01– Oui, l'argent, on voit dans le dossier 630 000 euros, on regardera, moi je compte plus d'un million d'euros.
05:08– Très bien.
05:09– Vous nous dites qu'en fait, il y a des enfants qui continuent d'être maltraités aujourd'hui dans d'autres départements,
05:14des enfants placés qui partent déjà dans la vie avec pas les mêmes cartes que tout le monde
05:18et qui continuent aujourd'hui d'être maltraités.
05:21– Et ça fait du monde, ça fait du monde, j'ai regardé les chiffres ce matin,
05:24le Nord comptait au mois de septembre…
05:25– C'est très simple, effectivement, il suffit de regarder les enfants
05:27qui vont tout à l'heure être au palais de justice.
05:30– Voilà, 22 837 enfants sous mesure de protection dans le département du Nord,
05:34dont plus de 12 800 placés en famille d'accueil ou en foyer.

Recommandations