Julie Delpy a-t-elle réussi à faire rire avec "Les Barbares" ?

  • il y a 9 heures
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Transcription
00:00Dans les barbares, d'eux et avec Julie Delpy, les habitants de la petite commune de Paimpont,
00:05interprétée notamment par Sandrine Kiberlin, Laurent Lafitte, Jean-Charles Cliché ou Mathieu Demy,
00:11doivent accueillir chez eux des réfugiés syriens. Et comment ça se passe, Simon ?
00:15Bien, vous pensez donc ! C'est un pur film de Julie Delpy. Mais alors du coup, qu'est-ce que c'est le cinéma de Julie Delpy ?
00:21C'est une qualité immense et qui est assez rare, ou qu'on regarde dans toutes les cinématographies du monde, c'est la versatilité.
00:27Elle a fait des films dont on pouvait se dire qu'ils étaient encore sous l'influence de Richard Linklater,
00:31qu'il y avait en partie révélés avec Before Midnight, toute la trilogie des Before, After et Joyeuseté du Sunset.
00:38Et bien, ce n'est pas vrai, en fait. Elle a un style très particulier. Souvent, elle va aborder des thèmes sociétaux qui lui sont chers.
00:45Et là, elle va le faire… Alors, on pouvait redouter un petit peu qu'il y ait eu une tentative de faire ce portrait d'une France rurale,
00:51un peu renfermée, un peu rance. Et en fait, il me semble qu'elle nous propose quelque chose de radicalement différent
00:56qui permet à son film d'éviter beaucoup d'ornières et qui en fait une authentique comédie de l'absurde.
01:00Et ça, je vais vous le montrer avec un petit extrait.
01:05Alors, on a comme ça des petits airs de cinéma naturaliste dans ce petit bled breton.
01:10Mais en fait, à bien y regarder, on est très loin de ce que peuvent nous montrer moult reportages sur les campagnes hexagonales.
01:16On est dans une petite ville qui, en fait, est très vivante, très dynamique.
01:20Il y a plein de gens, il y a même une télé locale qui vient faire un reportage.
01:22On a au premier plan ce couple d'épiciers qui commencent à se dire « nos réfugiés syriens, ils ne ressemblent pas à des réfugiés ».
01:31Tout d'un coup, les voilà qui arrivent au premier plan.
01:34Et là, Delpy va faire quelque chose qu'elle va souvent utiliser dans le film,
01:36c'est mélanger cette espèce de simili-comédie naturaliste à un faux reportage.
01:46Voilà, donc là, bonjour.
01:48Alors, Anne et Philippe.
01:51Bonjour.
01:52On décidait, voilà, de vous offrir, de vous faire don, de vous donner des produits d'ici, gratuits.
01:59Free food.
02:00Et là, tout à coup, dans cette espèce de faux documentaire qui est une fiction, en fait, pour tout le monde parce que chacun joue un rôle.
02:05Les réfugiés veulent être de bons réfugiés.
02:07Et en même temps, certains parlent français, ça surprend énormément les français.
02:11Le couple d'épiciers veut bien sûr faire des dons.
02:13Mais il y a bien sûr l'institutrice jouée par Delpy qui, elle, veut vraiment, vraiment montrer qu'elle est vertueuse.
02:18Et elle va donc, du coup, créer une comédie qui ne s'attache pas tant à décrire le réel parce qu'encore une fois...
02:23Ça commence par « il était une fois ».
02:24Voilà. Et ce petit bled breton, je pense, c'est vraiment pas une captation du réel, de la ruralité ou de certains territoires français.
02:31Pas du tout. C'est un théâtre, c'est un pur théâtre.
02:34Et elle, elle est là.
02:35Il y a un côté un peu aussi Seventy, je trouve, dans sa galerie de personnages.
02:38Non, Claire, vous ne trouvez pas ?
02:40Moi, je trouve qu'on est entre « Bienvenue chez les Ch'tis » et « The Old Oak ».
02:42Parce que dans le côté comédie, elle dépeint ce village-là du nord de la France.
02:48Et en même temps, elle amène un peu de profondeur.
02:50Et je pense que sa force à elle, c'est peut-être son rapport, vu qu'elle est franco-américaine.
02:55C'est ce rapport entre les deux pays.
02:56C'est de voir la France de loin.
02:57Et du coup, il y a certaines réalités qu'on voit au quotidien qui lui sautent à la figure.
03:01Et je pense que c'est en ça que l'interprétation de Sandrine Kiberlin, de Laurent Lafitte surtout, est assez truculente.
03:08Mais est-ce qu'on baigne dans les bons sentiments ou alors est-ce qu'elle retrouve sa vert vraiment satirique, Frédéric ?
03:14Il me semble que le film commence de façon extrêmement féroce et assez jubilatoire.
03:18Et il y a le sens de l'absurde avec ce faux tournage à un moment dans le film.
03:21Je trouve que ça donne effectivement de l'épaisseur.
03:23Et il me semble que là, elle est très inspirée.
03:25Elle est très inspirée quand elle croque un petit peu ses personnages avec douleur,
03:28quand elle montre vraiment qu'évidemment, les barbares ne sont pas ceux qu'on croit ou ceux qu'on devine.
03:34Mais au fur et à mesure du film, il me semble que plus elle va,
03:37évidemment, je raconte un peu le programme, vers la réconciliation de tout le monde,
03:40moins je la sens en tant que cinéaste, moins je la sens inspirée en tant que cinéaste.
03:44Je trouve qu'à ce moment-là, ces scènes vont beaucoup plus vite, sont beaucoup plus bâclées.
03:48Je trouve que même les dialogues sont moins féroces.
03:50Je trouve qu'en fait, le film se débrouille.
03:52On ne peut pas révéler la fin, mais il y a une scène qui ne s'ouvre pas à le dire,
03:57mais au contraire, qui est déployée jusqu'à l'absurde, comme tu disais, qui est incroyable.
04:01Je n'ai jamais autant ri devant un film que dans ces six derniers mois.
04:05De plus, moi, ça n'a pas de bon sens, sérieusement.
04:08Il y a toute... Pardon, mais je trouve que ce film raconte tellement la vie de tous les jours.
04:13Évidemment, ça dépasse largement ce village de Pimpon.
04:16L'idée n'est pas de se moquer de la ruralité, pas du tout.
04:18Il y a tout un éventail comme ça, du racisme ordinaire,
04:22de toutes ces personnes, en fait, qui sont racistes, mais ne se disent pas racistes.
04:26C'est surtout ça, le film, entre le plombier, qui lui est hyper raciste,
04:31et Joël, qui est ultra bienveillante.
04:34Il y a tout ce qu'il y a au milieu.
04:35Et la scène que tu as montrée de l'épicerie, à un moment donné,
04:39Marouane, un des réfugiés, va goûter une noix.
04:44Et je crois que c'est vraiment la métaphore de ce film.
04:46C'est la noix de la discorde.
04:48Et l'épicier lui reproche.
04:49Non, on ne fait pas ça dans notre pays.
04:50On ne prend pas les noix, etc.
04:52Mais c'est ça, c'est la métaphore, en fait,
04:54de ce monde qui, à la fois, comprend la tolérance, le racisme...
04:57Mais elle ne le tient pas du tout jusqu'au bout.
04:59Non, mais je le tranchais, je le tranchais, Philippe.
05:02Ce qui est sympathique, c'est qu'il y a presque à côté Jean-Pierre Mocky.
05:05C'est-à-dire que ça va très loin dans la farce et dans la caricature des personnages.
05:10Et au milieu de ces histoires de bienséance, de racisme,
05:14il y a aussi des histoires de coqus et de saucissons.
05:17Et tiens, vas-y, prends-le, ton saucisson.
05:19Et ça, c'est ça qui est amusant.
05:22Mais elle ne le tient pas du tout, en tout cas, à un moment donné,
05:25ça se dégonfle, la bouche se dégonfle.
05:27Mais non, mais il faut que ce soit un peu solide.
05:29Il y a un truc qu'on oublie.
05:30Souvent, je trouve, dans la comédie française,
05:32ce qui n'est pas si fréquent, c'est le méchant de comédie.
05:34Et là, Lafitte, c'est un espèce de grand méchant de comédie.
05:37Mais qui n'est pas du tout aussi.
05:40Et justement, il donne de la finesse aux autres
05:41parce que, lui, on assume de le rendre ultra caricatural.
05:44Parce que, je veux dire, c'est Jean-Michel Raciste.
05:46Mais moi, je ne crois même pas qu'il soit si caricatural que ça.
05:49C'est ça que j'aime beaucoup dans ce film.
05:50À l'inverse, d'autres films qui ont essayé comme ça de parler du racisme,
05:53ce n'est pas si caricatural.
05:54Et Julie Delpy, qui ne se fait pas d'efforts non plus.
05:58La strip bien pensante, on est dans un conte,
06:01mais elle enseigne bien aux petits-enfants de maternelle
06:03qu'évidemment, chez Disney, après 30 ans, les princesses, c'est foutu.

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