Dans "Tout Public" du vendredi 4 octobre 2024, retour sur la carrière remarquable de l'acteur et réalisateur Michel Blanc.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Place à tout public, et à vous Frédéric Carbone, on rend hommage évidemment à Michel Blanc.
00:07Ben oui, parce que nous sommes nombreux à nous être tournés vers notre voisin, voisine,
00:10ce matin en disant « toi aussi t'as si flotté sur un télésiège, sur un téléphérique
00:16étoile des neiges ». Et puis, surtout peut-être parce qu'ils ne sont pas si nombreux comme
00:20Michel Blanc à faire l'écart, le grand écart en tout cas, entre Jean-Claude Duss
00:24et Monsieur Hyre, entre des rôles de comédie, de veulerie parfois, mais on a tous rigolé
00:31comme des bossus pendant tous ces films, et puis des rôles beaucoup plus tourmentés
00:35qui correspondaient peut-être aussi plus à ce qu'était Michel Blanc d'ailleurs.
00:39Donc oui, jusqu'à 14h, Michel Blanc, tous les Michel Blanc, avec nos invités, avec
00:44les spécialistes cinéma de France Info aussi, en allant d'abord voir le public, parce qu'acteur
00:48infiniment populaire, Michel Blanc, bonjour Boris Loumagne.
00:52Bonjour Frédéric.
00:53Vous n'êtes pas loin de ce qu'était le Splendide à l'époque, du temps de la troupe.
00:58Que disent les personnes que vous rencontrez ? Quel Michel Blanc garde-t-il ?
01:01Écoutez, tout d'abord, on a rencontré l'administratrice du théâtre du Splendide qui nous a fait
01:08part de son émotion, de son choc, elle nous a raconté ce souvenir qu'elle avait encore
01:13il y a 6 mois, toute la troupe du Splendide qui était réunie pour fêter les 50 ans
01:18de la troupe, qui s'étaient assis tous ensemble dans les fauteuils rouges du théâtre
01:22du Splendide.
01:23Il y avait les Juniors, l'Ermite, Balasco, Chazelle, tout le monde, et Michel Blanc forcément
01:29réuni pour cette photo parue dans Paris Match.
01:33Grosse émotion donc ce matin pour l'administratrice de ce théâtre, pour Bruno Moineau également,
01:39le directeur du théâtre, qui nous a fait la crêpe au sucre également, on s'en souvient
01:46dans les Bronzés fondusquis, qui lui non plus n'a pas voulu témoigner à notre micro
01:53trop de choc, trop d'émotions, donc forcément c'est ce qui vient en tête quand on parle
01:58aux Parisiens, cette émotion-là, le rire également, parce qu'il nous cite tous cette
02:05scène du télésiège dans les Bronzés fondusquis, Michel Blanc un acteur qui faisait rire mais
02:11qui a ému également les Français, vous en parliez de ce grand écart, une forme de
02:15fragilité peut-être, qui se dégageait de lui, de la tristesse en tout cas dans les
02:20cœurs ce matin, chez Catherine notamment, une Parisienne à qui on a appris la nouvelle
02:24ce matin.
02:25C'est quelqu'un que j'avais trouvé d'abord superficiel, puisqu'il avait des rôles d'acteur
02:28superficiel, et en fait très très profond, beaucoup de ressentis, et déjà c'est un
02:33film avec un rôle bouquet où il m'avait déjà un peu stupéfaite, et puis après le
02:38reste de sa carrière je trouvais qu'il avait changé de registre et que c'était vraiment
02:41bien.
02:42Voilà, un acteur qui visiblement, aux yeux de beaucoup de Français en tout cas, avait
02:45réussi à se défaire de cette image de gentil looser, dragueur un peu lourd du début de
02:51sa carrière.
02:52Michel Blanc le disait lui-même, cette bascule dans sa carrière, il le devait en partie
02:56à Bertrand Blier et à Tenue de soirée, c'est ce film qui a marqué claire une Parisienne.
03:01Dans le film avec Depardieu, Tenue de soirée, extraordinaire ce film, c'est ce que j'aime
03:08dans son travail plus que les films dits comiques, je trouve ça plus intéressant.
03:13Oui, à la fois il n'était pas très beau, mais il générait quand même, il avait une
03:19vraie présence cinématographique, et je trouve qu'avec Depardieu, il faisait une bonne équipe.
03:24Alors un homme pas très beau, on l'a beaucoup entendu ici ce matin dans les rues de Paris,
03:28pas très beau, nous disait une autre Parisienne, mais beaucoup de charme, concluait-elle, et
03:32beaucoup de talent.
03:33Boris Loumane, merci beaucoup devant le Splendide, donc en plein coeur de Paris, en rambobine
03:38avec vous, la Thierry Fioril, peut-être Michel Blanc saison 1, le Splendide, effectivement,
03:44Patrice Lecomte, les Bronzés, le Père Noël et les autres.
03:47Oui, avec des débuts tout simplement au lycée, quand il se retrouve avec ce qu'il a appelé
03:52sa bande de crétins, c'était amical vous en doutez, il n'était pas forcément fait
03:56pour ça, mais il avait cette intuition, lycée Pasteur à Neuilly, sa mère parvient à l'inscrire,
04:01il y a des générations comme ça, il se retrouve avec Thierry Lhermitte, Christian Clavier,
04:05Gérard Juniau, Anne-Marie Chazelle, et ça commence effectivement avec le Père Noël
04:08est une ordure, mais lui, il n'est pas dans la distribution au départ au théâtre, et
04:12ce qui est étonnant, c'est qu'un jour, Gérard Juniau qui joue le Père Noël est malade,
04:16il va le remplacer, et sur scène, il ne se sent pas à l'aise, il se rend compte que
04:20le public ne rit pas, il est parfaitement lucide sur ses capacités et des domaines
04:24de l'humour dans lesquels il se sent plus à l'aise, et quand le film est tourné,
04:28eh bien il est simplement au téléphone Michel Blanc.
04:31« Joyeux Noël, enfin si je puis m'exprimer ainsi. »
04:33« Comment vous appelez-vous ? »
04:34« Je m'appelle Thérèse. »
04:35« Oui, je t'encule Thérèse, je te prends, je te retourne contre le mur, je te baisse
04:39par tous les trous, je te défonce, je te mêle Thérèse, je te mêle ! »
04:42« Ça ne nous intéresse pas, arrêtez ça, arrêtez, ça ne nous intéresse pas, ça ne
04:45nous intéresse plus ! »
04:46« Je vais pas vous finir par parler de vous, ça ne nous intéresse pas ! »
04:48« C'est un démon hein, Thérèse. »
04:50C'est un démon d'abord, c'est un petit peu grossier on va le dire, mais ça fait
04:54partie du patrimoine du cinéma français, donc autant l'entendre.
04:58Effectivement, après, dans « Les Bronzés », il rentre dans ce personnage d'abord
05:04à la plage, puis après au ski, de comique, qui ressemble à des personnages de Woody
05:09Allen, il le dira plus tard.
05:11Il y a presque un côté héros ou albéquien avant l'heure du loser sexuel, qui est parfaitement
05:16conscient de ses limites, et il dira aussi que, quand ils ont commencé à bosser sur
05:20l'idée de faire une comédie à partir du Club Med, ce qui était intéressant, c'est
05:23que le Club Med, c'est finalement un club de rencontres, et qu'est-ce qu'il y a d'intéressant
05:26là-dedans ? C'est lui qui n'arrive pas à s'éduire et à conclure.
05:31« Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, j'ai été attaqué par des bêtieux.
05:33» « Ils sont plutôt inoffensifs ici.
05:35» « Tu pars, je vais te montrer mes braques, j'ai été bouffé par les moustiques.
05:38Après ça, j'ai un lézard qui est rentré dans le sac.
05:40Je vais me faire rapatrier par en route d'assistance, moi ça ne va pas faire un pli, tu vas voir.
05:43» « Tu ne t'emballes pas, tu viens juste d'arriver.
05:44» « Mais je ne m'emballe pas, je ne peux pas supporter le soleil.
05:46Ce que j'aime, c'est un climat un peu humide, tu vois, la Normandie, l'heure.
05:50» « Tu ne vas pas rester là-dedans toute la journée, va te tremper, t'as besoin d'un
05:53coup de fouet, t'es tout tien osé. »
05:54Bon, ça c'était avec Christian Clavier, on reconnaît les voix, Matteo Maestraci, ça
05:57c'est beaucoup de compagnonnage avec Patrice Lecomte, et peut-être les deux, le réalisateur
06:01et l'acteur, ont eu le même cheminement dans le cinéma français, de La Gaudrielle
06:04au reste.
06:05Oui, ils ont commencé avec des grosses comédies, grosses au sens figuré, ce n'est pas méchant,
06:10mais des grosses comédies populaires, et ensuite, peut-être que ce qui a marqué le
06:14tournant, il y a celle qu'on a citée, il y en a eu d'autres après, notamment circulées
06:18Il n'y a rien à voir, qui sont moins connues et qui sont moins restées dans l'imaginaire
06:21collectif.
06:22Et lorsqu'il fait M.
06:23Hyre en 1989, Patrice Lecomte avec un Michel Blanc tailleur, qui épie sa voisine Sandrine
06:31Bonnaire devant sa fenêtre, qui est un misanthrope et quelqu'un d'extrêmement angoissant, et
06:35qui a eu une autre bascule de son jeu et de sa filmographie, ils sont ensemble et effectivement
06:40ils s'ouvrent tous les deux à d'autres horizons que la simple et pure Gaudriole.
06:43Oui, ça, ça va de la saison 2, peut-être passons-y Thierry Furet, la saison 2 d'entrée,
06:48vous voulez peut-être nous faire écouter un peu le réalisateur, peut-être le réalisateur
06:52Michel Blanc.
06:53C'est mon favori, c'est là.
07:24Tu promets ?
07:25Ben oui.
07:26Homer, tu restes là.
07:27On est en 1984, Michel Blanc devient réalisateur, ce qu'il faut dire c'est qu'à ce moment-là,
07:36il va quitter La Troupe du Splendide pour deux raisons, d'abord parce qu'il avait dès
07:40le départ cette ambition, tout en étant conscient de ses capacités de ne pas faire
07:44que de la comédie, il voulait jouer tout ce qu'un acteur peut jouer et aussi, il le
07:49dira plus tard, moi je suis un fils unique, le côté troupier, la bande, ça va au moment,
07:54mais j'ai bien envie de mener ma barque toute seule.
07:58Le tournant, effectivement, ce sera Tenue de soirée de Bertrand Blié, film totalement
08:02improbable où il partage avec Miu-Miu le rôle de la moitié d'un couple qui part à
08:07la dérive et qui va se faire littéralement phagocyter par un escroc joué par Gérard
08:11Depardieu et ce qui est assez amusant, c'est qu'au départ, Bertrand Blié pensait à Bernard
08:15Giraudeau, qui était quand même, rappelez-vous, le beau gosse de l'époque et là, on va
08:19apprendre le petit chauve qui, du coup, coupe sa moustache parce qu'il faut quand même
08:23passer dans un autre registre et il est tout simplement bouleversant dans ce film.
08:49Ça, c'est effectivement avec Gérard Depardieu, Bertrand Blié, Prix d'interprétation à Cannes et il dira
08:57ce sera un des plus beaux souvenirs de ma vie professionnelle parce qu'il ne s'attendait pas
09:00au succès, au prix et aussi que la communauté gay à l'époque qui n'est pas aussi affirmée
09:07qu'elle l'est aujourd'hui ne prennent pas ce film au premier degré. C'est assez courageux,
09:13il avait cette audace aussi d'aller chercher en tant qu'acteur quand on lui proposait des
09:18rôles, des choses effectivement assez audacieuses. Il aura juste un autre prix, un César, un peu plus
09:22tard, second rôle, l'exercice de l'Etat, on entendra dans une minute le réalisateur de ce film, Pierre
09:27Schoeller et nous serons également en ligne avec Eric Tanguy, compositeur, parce que c'était un
09:32immense mélomane. Michel Blanc, la musique, c'était sa passion absolue, vitale pour lui. Tout ça après
09:38le Fil-Info, deux heures moins le quart à Montpérou-Logar. Emmanuel Macron salue la mémoire d'un
09:44monument du cinéma français qui nous a fait pleurer de rire et ému aux larmes. Michel Blanc est donc
09:49mort la nuit dernière à l'âge de 72 ans, il a joué dans plus de 70 films, il a notamment incarné le
09:54mythique Jean-Claude Dusse des Bronzés, il a aussi réalisé plusieurs longs métrages salués par la
09:59critique, notamment Marche à l'ombre, Grosse fatigue ou encore Mauvaise passe. Des milliers de voyageurs
10:04toujours bloqués en Corse depuis hier après-midi, les ports et aéroports sont paralysés par une grève
10:09des agents de la Chambre de Commerce et d'Industrie. Ils s'opposent à un changement de gestion des ports
10:13et aéroports de l'île voulu par l'État. La filière du cognac craint des représailles de Pékin avec une
10:19surtaxe des eaux de vie exportées vers la Chine. Réaction au feu vert donné ce matin par les états
10:24membres de l'UE, ils ont approuvé l'imposition de droits de douane supplémentaires sur les voitures
10:28électriques importées de Chine. Cinq états dont l'Allemagne ont tout de même voté contre. La Commission
10:33européenne assure que les négociations continuent avec Pékin. Israël ne remportera jamais la victoire
10:38sur le Hezbollah et le Hamas, c'est ce qu'affirme le guide suprême iranien Ali Rameini. Assure aussi
10:44qu'Israël n'en a plus pour longtemps, il s'est exprimé ce matin devant des milliers de personnes
10:48à Téhéran. Israël toujours à l'offensive au Liban, l'armée israélienne confirme avoir tué dans une
10:53frappe sur la région de Beyrouth le commandant des systèmes de communication du Hezbollah Mohamed
10:58Rachid Skafi. Et puis lui est poursuivi pour viol en Argentine. Le rugbyman français Hugo
11:03Oradou sera de retour sur les terrains demain pour la première fois de la saison avec son club
11:07Depeau, ce sera face à Perpignan.
11:17Michel Blanc, l'acteur qui aura endossé tant de costumes et effectivement Mathéo Maestratis
11:23qui a eu un premier tournant avec tenue de soirée de Bertrand Blier, un deuxième quelques années
11:28après on sera en ligne avec le réalisateur dans un instant. Mais disons un mot de ce film,
11:31l'exercice de l'État que tout le monde n'a peut-être pas en mémoire, un film politique dans lequel
11:36c'était pas évident de voir un Michel Blanc a priori ? Non, c'est un film vraiment formidable parce
11:40qu'il nous emmène vraiment dans les coulisses de la politique. Olivier Gourmet est ministre des
11:44transports, Michel Blanc joue son directeur de cabinet et on voit peut-être pour la première
11:50fois à ce point-là dans une fiction, on voit quel est le quotidien d'un ministre qui avale des
11:55kilomètres en voiture. Il y a même un accident d'ailleurs assez mémorable dans le film, en train,
11:59les négociations hors caméra, hors micro avec les conseillers et Michel Blanc fait écrit les
12:07discours de ce ministre et il y a des scènes assez mémorables où Michel Blanc, chez lui ou dans les
12:14couloirs du ministère, écoute à toute blinde des discours très forts ayant marqué l'histoire
12:20politique française, que ce soit André Malraux, le général de Gaulle, pour s'en imprégner et
12:25permettre à son ministre, Olivier Gourmet, de restituer les meilleurs discours possibles.
12:31Donc c'est un rôle absolument formidable.
12:33Le réalisateur Pierre Schoeller est en ligne avec nous, bonjour.
12:36Bonjour Pierre Schoeller.
12:39Êtes-vous là Pierre Schoeller ?
12:42Bonjour.
12:43Qu'est-ce qui vous avait fait choisir Michel Blanc pour ce rôle qui lui faisait, dit-il,
12:47un peu peur de conseiller ministériel ?
12:50C'est sur les conseils de ma casting, Aurélie Guichard, on cherchait un comédien pour ce rôle
12:56qui n'était pas évident, c'était un rôle en retrait et en même temps en influence et est
13:03venu Michel et du coup on a fait un rendez-vous, il a lu très vite, on s'est vus et dès les
13:10premières minutes j'ai su qu'il allait incarner ce conseiller.
13:16Pourquoi ? Comment vous l'avez vu immédiatement ?
13:18Parce qu'on s'est mis à parler simplement d'autres choses, c'était assez simple, on a parlé politique,
13:27on a parlé musique et puis il m'a dit, parce qu'il y a évidemment le rôle interprété par
13:33Olivier Gourmet qui est Saint-Jean et le rôle de Michel et Michel m'a dit, le rôle du ministre,
13:40je l'aurais laissé, lui ce qui m'intéresse c'est celui qui est à côté et c'est celui-là que je
13:44veux faire et je me suis retrouvé dans une situation idéale d'un comédien qui avait l'envie d'un rôle
13:49avant même que le projet se présente. Et pourquoi voulait-il quelque chose d'à côté et pas forcément
13:55quelque chose qui est au centre ? Parce que c'est le conseiller qui l'intéressait. Alors je sais pas,
14:00vous voyez, moi je ne le connaissais pas avant, on s'est rencontrés autour de ce film, mais il m'a
14:05dit qu'il s'était beaucoup intéressé à Grossouvre, ce conseiller de Mitterrand qui s'est suicidé à
14:12l'Elysée et que vraiment ça l'intéressait beaucoup. Et je sais pas, ça lui parlait et il a été incroyable
14:23dès le premier jour de tournage, d'une disponibilité totale, me donnant des conseils en me disant fais
14:29attention à ce cadre, à ce jeu, il faut que je le joue comme ça, pas trop appuyé, etc. Et voilà,
14:37c'était vraiment un bonheur de travailler avec lui, un vrai bonheur. Il vous a bluffé comme acteur ?
14:42Mais c'est pas qu'il m'a bluffé, j'y pense tout le temps, c'est qu'il est un comédien qui m'a donné
14:51des choses pour le cinéaste, pour le metteur en scène, il m'a ouvert à des choses par sa connaissance
15:01de son art. Il y a eu une rencontre avec Olivier Gourmet évidemment très forte, et la rencontre avec
15:11Michel aussi a été très forte. Il vous a fait grandir ? Il m'a appris des choses et après on a
15:16gardé le contact, on se voyait peu mais on pouvait parler de tout avec Michel, c'était quelqu'un de
15:22réservé, d'un peu secret, mais à chaque fois je l'appelais, il était là, on parlait, voilà,
15:30je n'arrive pas à réaliser, c'est tellement surprenant que c'est un peu choquant. Effectivement,
15:37une mort très brutale dans la nuit, cet accident cardiaque. Lui il disait « si j'ai peur, c'est
15:43qu'il y a un vrai enjeu, c'est comme ça que je progresse ». Il ajoutait qu'il avait ressenti ça
15:47avec « Tenue de soirée » de Bertrand Blier et avec votre film « L'exercice de l'état ».
15:50Ben écoutez, il est splendide, il est splendide, il est magnifique et puis il avait peur d'une scène,
15:58il avait peur un peu du ridicule dans la scène où il fait ses œufs et il murmure sur Malraux,
16:08sur l'hommage à Jean Moulin et en même temps c'est une des scènes dont on me parle à chaque
16:15fois qu'il a l'occasion de montrer le film, cette scène reste et donc il a, si vous voulez,
16:20il y a un moment donné, c'était comme une scène d'opéra sans musique en fait. Non mais c'est
16:26vrai, il avait ça, il avait un sens de rythme, un sens de son jeu qui était quand même assez
16:33extraordinaire. C'est peut-être cette scène effectivement dont vous parlez, Michel Blanc
16:38faisant des œufs en peignoir qui lui a valu entre autres le César, seul César qu'il a eu dans toute
16:44sa carrière, meilleur second rôle, reconnaissance tardive. Ben en fait, déjà ce César, je le
16:52partage avec Patrice Lecomte parce que sans Monsieur Cueillir, il n'y aurait pas eu Michel
16:56Blanc dans l'Exercice de l'État et on en parlait aussi. Donc c'est les Césars, ce qui compte c'est
17:03les rôles et les personnages et je trouve pour moi Michel, c'est un immense comédien qui avait
17:11encore énormément de choses à faire et c'est terrible en fait, c'est vraiment, on perd un
17:18grand, grand, grand talent du cinéma. Merci beaucoup Pierre Chollard, réalisateur de l'Exercice
17:23de l'État qui a valu un César de meilleur second rôle à Michel Blanc et apprêtons-nous à
17:27découvrir à présent un Michel Blanc que l'on connaît peut-être beaucoup moins.
17:30Je ne veux pas y aller, je n'irai pas, je refuse d'entrer dans ce boyau, ça pue. Oui je sais,
17:43tous avant moi et tous après, et alors ? Mais ils me disent, toi le philosophe,
17:49toi qui nous a éclairés. Quoi moi ? Moi j'étais précepteur de cet empereur véreux. J'ai écrit
17:58tellement et ils osent me répéter comme si cela me flattait. Cette trace te fera éternel.
18:04Arrêtez, je ne veux pas. Je vous rends l'éternité, mais laissez-moi vivre encore un peu.
18:14Voilà Michel Blanc récitant dans un orchestre symphonique une oeuvre écrite avec lui,
18:21presque pour lui. Bonjour Eric Tanguy. Bonjour. Compositeur, célèbre compositeur, c'est vous
18:28qui avez composé ce concerto pour acteurs et orchestres. Michel Blanc, la musique, c'était
18:36une grande partie de sa vie. Oui, j'ai eu la chance de partager cette grande amitié avec Michel dans
18:42ce que j'appellerais l'autre vie de Michel Blanc. Michel était un passionné absolu de musique
18:47classique, un adorateur de Mozart, Chopin, Brahms, Rameau, Lully, je peux en citer plein
18:53d'autres, et un pianiste excellent. Il jouait lui-même du piano et il organisait parfois des
19:00soirées musicales chez lui. C'était absolument formidable. Un jour, Michel m'avait dit au début
19:05des années 2000 qu'une de ses grandes frustrations serait de ne pas jouer un concerto pour piano de
19:11Mozart avec orchestre, puisqu'il savait que c'était vraiment autre chose dans la carrière
19:16de concertiste. Il était d'ailleurs très proche de concertistes célèbres comme par exemple le
19:20immense pianiste américain vivant à Paris, Nicolas Anguilliche. Et donc, hors discuteur, je me dis
19:27écoute on va faire un concerto pour Michel Blanc et orchestre. Et il ne me restait plus qu'à trouver
19:33le texte. J'ai cherché, j'ai cherché, j'ai cherché. J'en ai parlé à Xavier Couture qui m'a dit écoute
19:37je t'enverrai quelque chose. Xavier m'a envoyé un très beau texte sur le suicide de Sénèque. Je l'ai
19:45aussitôt transmis à Michel à l'époque et on s'est dit c'est bon, c'est le texte qu'il nous faut.
19:50Et donc on va pouvoir faire ce concerto pour récitant et orchestre et ça a été créé par l'orchestre.
19:57Lui plutôt discret, vous le connaissez infiniment mieux que nous tous bien sûr, mais lui que l'on dit
20:01plutôt discret, cette idée-là au milieu d'un orchestre symphonique, ça ne lui faisait pas peur du tout ?
20:06Non, ça a été un souvenir incroyable. Il était comme un poisson d'olive. Aussi bien lors de la création
20:12avec l'Orchestre National de Bretagne à l'Opéra de Rennes en 2004 que lorsqu'on a enregistré l'album
20:16pour Warner en 2010 avec l'Orchestre National de France. Michel était heureux d'être entouré de
20:23musiciens classiques, d'orchestres symphoniques. Il allait lui-même au concert très très souvent,
20:28dès que possible, quand il pouvait y aller. Il m'appelait, il me demandait mon avis, tel compositeur, tel interprète.
20:35On y allait parfois ensemble au concert. Aussi, je me disais, un souvenir, autre chose, Michel aimait
20:39beaucoup, par exemple, le peintre Gérard Fremandu, immense artiste, et j'avais organisé une rencontre
20:45entre Michel et lui dans son atelier, d'ailleurs peu de temps aussi avant que Gérard Fremandu disparaisse.
20:50Mais voilà, il y avait le Michel, tout le monde connaît le réalisateur, l'acteur, et puis cette
20:56passion pour la culture, pour la musique classique, pour les arts, et il était toujours heureux de
21:02pouvoir partager ça. Ce qu'il a fait avec vous, c'était une forme d'aboutissement d'un rêve, vous
21:06diriez jusque là ? Oui, c'était son rêve de jouer en soliste avec Orchège, donc je suis vraiment
21:11très heureux d'avoir pu lui apporter ça. N'empêche que Michel faisait déjà ce travail de récitant
21:19avec Orchège, mais il voulait vraiment un concerto, c'est-à-dire comme dans les pièces traditionnelles
21:24du répertoire, c'est une chose qui imbrique vraiment le soliste avec l'orchestre, il y a une dualité,
21:30une cadence, bref, tous les archétypes du concerto, c'est quelque chose qu'on ne retrouve
21:36pas dans beaucoup de pièces pour récitant, Orchège. Donc on a fait vraiment un concerto sur mesure
21:41pour Michel. Et on entendait Yann Ashtin. Si vous avez une minute, j'étais présent à l'avant-première
21:49du film de Pierre Schöller, et en effet Michel avait beaucoup aimé faire ce film, dont la musique
21:58est d'ailleurs signée de Philippe Schöller, un merveilleux collègue compositeur. Et on entendait
22:03Pierre Schöller dire que c'était comme un opéra, à l'instant avec Michel Blanc. Oui, le rythme dans
22:09la musique, ça joue aussi quand on est comédien, ce rythme-là, ce sens du rythme absolu, sans doute.
22:15Oui, sens du rythme, mais sens de la forme. La musique c'est aussi des formes, c'est des mélodies,
22:20c'est des harmonies, mais tout ça c'est géré par des formes. Et c'est quelque chose que Michel
22:24comprenait parfaitement bien. Les formes des concertos, les formes des sonates, les formes
22:29de toutes les pièces musicales, ça peut être des impromptus, des préludes, etc. Et je pense
22:34qu'en effet ça avait une influence dans sa vie et dans son travail aussi. Merci d'avoir partagé
22:39votre Michel Blanc avec nous, Eric Tanguy, compositeur, et je précise que nos amis de
22:46France Musique ce soir consacreront une soirée hommage à Michel Blanc, dont on a compris à
22:50quel point il était un immense mélomane. Je voudrais qu'on termine Thierry, Mathéo, sur peut-être le
22:55film dans lequel il parle le plus de lui en tant que réalisateur à Cannes 1994. Oui, c'est
23:01Grosse fatigue avec Carole Bouquet et Philippe Noiret. C'est une mise à l'abîme totale. Il y a
23:07un alter ego qui y est, Michel Blanc, puisque c'est son sosie dans une carabistouille un petit
23:11peu complexe que je vais vous épargner. En tout cas, l'arrivée de Philippe Noiret à la fin du
23:15film est complètement dingue. On fait simple, on écoute un extrait. Ne prenez pas sur ce ton-là
23:19Michel, j'essaie simplement d'être gentil, c'est tout. Je vois, je me demande pourquoi vous êtes si
23:25gentil d'ailleurs. Et donc, Carole Bouquet, vous n'auriez pas comme l'intention de vous taper un
23:29comique par hasard ? La réponse vous suffit, il faut que je développe ! Non, non, ça va, c'est clair. Parfait !
23:35Maintenant, vous allez me faire le plaisir de prendre une douche, de vous habiller et de laisser tomber
23:38votre numéro de sous Woody Allen Franchouillard parce que moi, les clowns angoissés, je trouve ça
23:41chiant ! En référence à Woody Allen, c'est pas pour rien, c'est quand même lui qui a écrit le scénario et
23:47qui a tourné le film et qui l'a joué. Il adorait ce film, je l'avais rencontré il y a quelques années,
23:51Michel Blanc, et il avait une énorme tendresse pour ce film, il en était très fier, je vais bien vous
23:55prouver. Et le duo avec Carole Bouquet est tout simplement délicieux.
24:02Matteo Mestracci, il paraît qu'on a tous en nous un peu quelque chose de Michel Blanc. Écoutez, je vais faire
24:06quelque chose que je fais pas souvent, je vais citer Michel Barnier. Non, mais c'est pas forcément
24:09à lui qu'on pense en premier quand on parle de Michel Blanc, mais il a dit effectivement ce matin
24:13qu'on a tous un peu de Michel Blanc en nous et je voudrais juste vous livrer une des scènes
24:19que je préfère avec Michel Blanc, c'est Patrice Lecomte, « Circuler y'a rien à voir » dont on
24:23parlait tout à l'heure en 1983. Ça résume tout de Michel Blanc et ça résume tout des
24:28français en général parce qu'ils nous ressemblent quand il fait ça. Il s'assoit à la table, à une
24:33table dans une espèce de restaurant-cantine et il est à côté d'un homme qui est en train de manger
24:36et Michel Blanc est de mauvaise humeur pour plein de raisons qui sont liées au film. Il joue un
24:39enquêteur et le gars lui dit « Vous pouvez me passer le sel ? » Donc Michel Blanc lui lance le sel
24:44extrêmement colérique et ensuite il lui dit « Vous pouvez me passer le poivre ? » et Michel Blanc dit
24:48« Oh ça va, tu veux pas que je te bouffe aussi ton truc ? » Et je me dis que finalement ça c'est
24:51un peu nous tous les français qui sommes capables de réagir comme ça, c'est-à-dire drôle en étant
24:56également très énervé. On pouvait pas mieux finir que de le faire comme ça. Merci beaucoup à tous les deux.