Les rencontres de L'écume | Charlotte Perriand, La Montagne Inspirée, de Pascale Nivelle (éd. Paulsen)

  • il y a 2 semaines
Chères lectrices, chers lecteurs,

Voici la captation de la rencontre de Pascale Nivelle, enregistrée le jeudi 3 octobre 2024. Cet échange est animé par notre experte ès Beaux-Arts, Caroline Dhennin.

Vous souhaitant de belles lectures,

L'écume

La Quatrième : Une biographie richement illustrée d’une icône du design.

Charlotte Perriand est une icône du design à l’image de son célèbre tabouret de berger. Visionnaire, elle inventa un nouvel art d’habiter au XXe siècle : des formes, des meubles, des espaces salués dans le monde entier, qu’elle conçut dans l’atelier de Le Corbusier puis seule, contre vents et marées, et jusqu’au Japon. Mais c’est dans la nature et en montagne que cette créatrice surdouée trouvait son inspiration, enfant fascinée par les glaciers sur l’horizon, skieuse passionnée, alpiniste audacieuse, randonneuse curieuse de rencontrer les créateurs des villages et des alpages.
Pascale Nivelle a puisé dans son exceptionnelle collection de photos pour raconter la vie d’une femme engagée, joyeuse, pour qui la montagne était une perpétuelle « re-création ».
Transcription
00:00Bonsoir à tous, merci d'être venus à cette rencontre avec Pascal Nivelle qui a écrit un
00:07magnifique livre aux éditions Guérin que je remercie aussi. Ce livre s'appelle
00:12Charlotte Perriand, la montagne inspirée. Tout d'abord merci à Pascal Nivelle qui a été journaliste
00:2228 ans à Libération, qui était correspondante en Chine, grand reporter et responsable de la page
00:28portrait et qui de nos jours est journaliste freelance au magazine M du monde. Merci à Jacques
00:39Barsac d'être venu, vous saluerez Perriand pour nous. Merci aux éditions Guérin d'éditer,
00:47de continuer d'éditer des livres aussi magnifiques et merci à vous Pascal Nivelle d'avoir écrit ce
00:53magnifique livre. Pascal Nivelle vous êtes aussi passionnée d'écriture, de randonnée, de design,
01:01vous avez une âme féministe donc ça ne m'étonne pas tellement que Charlotte Perriand vous ait
01:08énormément touché. Est-ce qu'elle pourrait nous raconter comment est né ce projet avec
01:11les éditions Guérin ? J'ai toujours suivi Charlotte Perriand, j'adore ses créations,
01:19ses meubles, les univers qu'elle a su créer en architecture, ça fait très longtemps que je
01:24l'ai su, que ça m'inspire dans ma vie, dans tout ce que j'ai, quand j'aménage un appartement ou
01:31quelque chose, il y a toujours Charlotte Perriand et comme tout le monde sans le savoir d'ailleurs,
01:35on est tous, on habite tous dans du Charlotte Perriand donc ça c'était la première chose et
01:40ensuite quand j'ai visité l'exposition de Louis Vuitton en 2019, j'ai été très très très
01:50séduite par cette photo où elle lève les bras, elle est de dos, elle est torse nue et cette photo
01:57n'avait pas grand rapport avec l'exposition qui est son univers et c'est là que j'ai découvert
02:02le fil conducteur de sa vie qui était la montagne et on s'est rendu compte petit à petit que c'était
02:10vraiment une passion chez elle et que ça l'a inspiré dans tout ce qu'elle faisait. Et donc
02:17l'idée est venue avec les éditions Guérin, l'idée est venue de faire ce livre, ça a été
02:24sémonté comme ça assez doucement mais assez naturellement parce que ce que vous avez dit
02:29tout à l'heure, ça correspond exactement à tout ce que je pense. J'adore Charlotte Perriand,
02:33elle est féministe, elle est audacieuse, elle est intrépide, anticonformiste et j'avais envie
02:40d'aller explorer tout ça et donc on a décidé avec les éditions Guérin de faire ce livre,
02:48de présenter Charlotte Perriand avec le fil conducteur de la montagne. Et la deuxième rencontre
02:54c'est d'avoir rencontré Jacques Barsac et Pernette qui sont la source de tout le travail magnifique
03:01qu'a fait Jacques avec tous les livres qu'il a fait, tout y est en fait. Et je pense aussi que
03:07Jacques a participé aux mémoires de Charlotte Perriand en 99 et donc voilà, ça c'était ma
03:15source essentielle pour les faits et puis ensuite je suis allée me promener sur ses traces et ça
03:23c'était merveilleux parce que je suis allée dans tous les endroits, enfin pas tous les endroits parce
03:26qu'elle a parcouru le monde entier, mais les endroits en montagne où elle est allée et voir
03:31ça presque 100 ans après, pas 100 ans mais 80 ans après, c'était très émouvant. Et après c'était
03:38un vrai plaisir parce qu'on doute toujours quand on commence un livre de savoir si on va arriver au
03:43bout, si c'est intéressant et là je n'ai qu'à suivre le fil parce que la montagne c'est toute
03:49sa vie, on se rend compte, en plus de tout ce qu'elle a fait et qui est déjà connu, mais sa vie
03:53personnelle se passe très souvent en montagne. Elle disait c'est ma recréation, elle s'y ressourçait,
04:02il y a beaucoup d'épisodes dans le livre où on se rend compte que ça lui a été nécessaire.
04:07Est-ce que vous voulez dire deux mots ? Merci à Jacques Barsac parce qu'on a passé beaucoup de
04:32temps notamment dans la petite sous-pente où il y a des cartons, on a été trouver un petit peu les
04:40traces de la montagne qu'elle avait aimé, des rubis, en plus de sa collection photo. Mais ça a
04:46été vraiment une source très riche et ça a été un vrai plaisir de se trouver là-dedans. C'est
04:57surtout un livre de photos et de textes parce que ce qui était intéressant c'est que Charlotte
05:02Perriand était une grande photographe et elle a beaucoup photographié la montagne, elle partait
05:07avec son groupe, les appareils dans son sac à dos et il y a des magnifiques photos. J'ai essayé
05:16que le texte entre en résonance avec les photos qui sont magnifiques. Les photos d'elle aussi
05:22sont magnifiques, elle aimait bien se faire prendre en photo, il y en a énormément où elle est quand
05:26même extrêmement belle. Je peux vous dire que c'est un très très bon livre, extrêmement bien
05:31fait, extrêmement bien écrit, vraiment c'est un régal, ça se dévore comme un roman, c'est
05:35magnifique. Et vous me fassiez remarquer qu'il y avait cette phrase sensationnelle qui résume
05:40vraiment en fait la vision de Charlotte Perriand qui est je n'abandonne pas, je serre les dents,
05:47je continue jusqu'au bout même si c'est extrêmement pénible. On pourrait dire que ça la résume bien.
05:53Ça la résume bien et ça résume aussi la montagne parce qu'en montagne on est tout seul,
05:57l'effort c'est soi-même, on ne peut pas compter sur les autres pour terminer. Comme elle disait,
06:03les dix derniers mètres sont toujours les plus durs mais elle a appris qu'il ne faut jamais lâcher
06:08avant les dix derniers mètres et je pense que dans sa vie professionnelle qui a été quand même
06:12extrêmement également escarpée on va dire, elle en a beaucoup bavé, elle s'est battue parce que
06:20elle ne cédait sur rien et donc je pense que cet apprentissage de la montagne qu'elle a fait très
06:26jeune parce qu'elle a connu la Savoie quand elle était petite en vacances et ensuite dès qu'elle
06:32a été, elle a demandé à être émancipée à 18 ans et dès qu'elle a été émancipée la première
06:38chose qu'elle a fait c'est de prendre un train de nuit et de partir en montagne en entraînant ses
06:43copines de l'école d'art. Les copines, les copines, Thora Marre et Jacqueline Lambart,
06:49j'ai du peur. C'est un régal votre livre parce que son enfance, tout est pétillant,
06:57j'adore quand vous parlez des petits bibelots chez ses parents, on sent tout de suite que ça
07:02va vraiment beaucoup l'énerver mais tout ce que vous racontez sur son enfance, la montagne c'est
07:07vraiment très très bien écrit. Non mais ce qui est merveilleux c'est que c'est vraiment,
07:11elle a une trajectoire qu'elle ne doit qu'à elle-même. Elle est née dans un milieu relativement
07:15simple, des artisans qui travaillaient pour le milieu de la mode, du luxe de la mode et
07:22effectivement elle vivait dans un appartement très encombré, sa mère voulait être antiquaire,
07:28il y avait les machines à coudre, les ouvrières qui venaient et elle est étouffée là-dedans,
07:34elle n'avait qu'une envie c'est d'aller au grand air et elle réclamait d'aller chez ses
07:38grands-parents en montagne dès qu'elle pouvait. Et là elle était en Savoie, ses grands-parents
07:43étaient en Savoie, ils passaient les vacances et elle s'était promis de monter sur la Denducha,
07:49elle voyait toutes les belles montagnes, elle s'était dit il y a 7 ans, elle dit j'irai là-haut,
07:53j'irai là-haut, même si c'est plus loin que la Chine, j'irai, je monterai. Et c'est une promesse
07:57qu'elle a tenue toute sa vie parce qu'elle a énormément voyagé, elle était au Japon aussi
08:02dans des circonstances que je raconte qui sont exceptionnelles et en partant elle avait son petit
08:07matériel de montagne et elle a amené tous les japonais faire de l'escalade en plein hiver sur
08:13le mont Zao, elle entraînait tout le monde. Elle travaillait, tout le monde le sait,
08:19chez Le Corbier, elle était associée, ce qui pour une femme de sa génération était extraordinaire,
08:25elle a été associée à 20 quelques années, 23 je crois, et donc elle a entraîné toute l'agence
08:33grimpée à Fontainebleau, elle était passionnée, passionnée, passionnée, une menace d'homme.
08:40Alors on verrait bien un film tiré de votre vie, parce que quand vous racontez la rencontre
08:46avec Corbus, c'est assez fameux quand même. C'est elle qui l'a raconté dans ses mémoires.
08:51Oui, vous racontez bien aussi Pascal. Et oui alors donc elle est de ce milieu très simple,
08:58à l'école elle s'ennuyait, elle était frondeuse, rebelle, sa mère qui avait l'air d'être une
09:05femme extraordinaire a fini par l'inscrire dans une école de jeunes filles d'art appliqué qui
09:11était assez bien pensante. Là aussi elle est explosée, elle avait juste envie de partir.
09:17Et c'est là qu'elle a fait connaissance de toutes ses amies, Dora Maar, Jacqueline Norman.
09:22Et ensuite elle est quand même très courageuse parce qu'elle est allée frapper à l'agence
09:30de Le Corbusier, avec son carton à dessin, en disant voilà ce que je fais. Le Corbusier l'a
09:40accueillie en disant écoutez ici on ne vaut pas des coussins. Il l'a mise à la porte, elle est
09:45repartie. Mais heureusement il y avait dans la place le cousin de Corbusier, Pierre Jeanneret.
09:53Et Pierre Jeanneret a tout de suite vu qu'il avait affaire à une personnalité exceptionnelle et avait
10:00vu une exposition qu'elle avait faite au musée des arts décoratifs je crois. Au musée elle a
10:04une exposition des arts décoratifs de l'année. Donc il a entraîné Le Corbusier voir ça,
10:10Le Corbusier très méprisant, elle était la seule femme de l'agence pour résumer les choses. Et il
10:18l'a fait rappeler Le Corbusier en disant vous êtes associée. Il y avait trois associées dans l'agence
10:22et elle avait 23 ans. Donc c'est le talent éclaté. C'était vraiment quelque chose de formidable. Et
10:31après elle, elle a suivi sa voix chez Le Corbusier. Elle a été malheureuse parce qu'il fallait, elle
10:36appelait ça le couvent. Parce que tout le monde travaillait sur des tables en écoutant Bach avec
10:41un petit poêle à bois glacial et personne ne pouvait parler. Et le maître passait comme ça
10:46de temps en temps à surveiller. Elle est bouillonnée et elle a fini par quitter Le Corbusier. C'est elle
10:53qui l'a quittée. En disant, en fermant la porte elle dit dans ses mémoires je pense qu'elle a
11:00fait la plus belle bêtise de ma vie. Mais il faut que je le fasse. Et elle se retrouve à 30 ans sans rien.
11:08Et elle continue sa vie. Et c'est toujours la montagne, c'est quand même notre sujet, c'est
11:15toujours la montagne qui la sauve. Parce qu'en partant de chez Le Corbusier, accessoirement elle
11:20venait de divorcer aussi parce qu'elle avait un peu maltraité son premier mari en le faisant
11:25crapailler dans toutes les montagnes. Je pense que ce n'était pas forcément ce dont il rêvait.
11:30Et donc elle est partie toute seule se réfugier en montagne à Saint-Nicolas-de-Véros dans une grange
11:40où elle a vécu plusieurs mois toute seule avec les paysans. Et là elle faisait tirer des plans sur
11:47la comète en montagne. Et elle a fait son premier refuge. C'est là qu'elle l'a conçue. Elle n'arrêtait
11:54jamais. Elle a aussi dit que c'était des années magnifiques en fait. Je pense qu'elle a eu énormément
12:00d'années magnifiques parce que moi je prends le petit angle de la montagne mais du tout ce qu'elle
12:05a fait dans sa vie, c'est extraordinaire. Mais elle adorait ça. Elle était en harmonie avec la
12:11montagne. Et alors donc dans le travail icono que Myrin a fait, on montre bien comment elle
12:18s'inspire de tous les meubles de montagne, de l'habitat de montagne, de la simplicité. Parce
12:23que Charles Perriand, c'est ça. C'est la simplicité et la beauté en même temps.
12:28C'est le célèbrissime tabouret de Vaché.
12:33Ce tabouret de Vaché, il est évidemment inspiré de tout ça. Il a équipé la station des arcs qu'elle
12:41fera à la fin de sa vie. C'est sa seule réalisation. Il a été édité à énormément d'exemplaires. Et
12:49aujourd'hui, il se vend aux enchères très très chères. C'est vraiment un objet épuisé.
12:53Ce qui est très intéressant aussi, c'est quand vous racontez le départ au Japon alors que la
13:00Seconde Guerre mondiale vient d'éclater.
13:01Ça c'est tout Charles Perriand à mes yeux. C'est-à-dire qu'elle est justement dans sa
13:07grange de montagne, toute seule, en train de tirer des plans pour faire un refuge. Parce qu'elle
13:12peste contre tous les refuges qui existent, qu'elle trouve massifs, idiots, mal conçus.
13:16Donc elle conçoit son propre refuge de montagne. Et elle fait aussi un petit chalet pour l'aménagement
13:25intérieur. Parce qu'il faut savoir que Charles Perriand n'a jamais été architecte. Ça aussi,
13:28c'est un signe de sa personnalité. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'architecte des PLG comme
13:33aujourd'hui avant la guerre. Et c'est Pétain qui a créé le Conseil de l'ordre des architectes.
13:40Et après la guerre, on a proposé à tous les architectes d'avant la guerre de s'inscrire.
13:45Et comme ça vous serez architecte. Et elle a dit un truc pétainiste jamais. Mais ça lui a apporté
13:50énormément de temps. Parce que tous les autres ont signé. Elle n'a jamais pu signer des projets
13:57en son nom en montagne. C'était un trait de sa personnalité. Donc pour revenir en 1939,
14:06elle est dans sa grange. Et là, elle apprend quand même la déclaration de guerre et d'entrer en
14:16guerre avec ceux de la France. Et là, elle part à skier dans la montagne. Elle va essayer de
14:21retrouver des gens qu'elle connaît plus loin. Mais elle part assez longtemps avec son sac à dos.
14:26Elle ferme sa grange. Elle dit au revoir aux vaches qui étaient sa seule compagnie pendant des mois.
14:32Elle part en montagne. Elle passe devant son refuge qu'elle avait réussi à faire. J'y suis allée
14:39dans ce site magnifique. Vraiment, c'est super cet endroit. Il n'existe plus. Mais l'imagination fait
14:45qu'on y est. Et donc elle part. Et là, elle ne sait vraiment plus quoi faire. Elle rentre à Paris.
14:53Elle ne sait plus quoi faire. Et c'était quoi? Oui, c'est bon, elle part au Japon. Donc après,
15:01elle passe quelques mois à Paris où c'est quand même assez compliqué. Et là, arrive l'invitation
15:08d'un des architectes japonais qui avait travaillé chez le Corbusier. Il l'invite au Japon à passer
15:14deux ans pour représenter la France, le design français. Et donc, elle part. Elle décide d'aller
15:22y visiter, mais elle part avec son petit sac à dos, son petit matériel, ses crampons, tout ce qu'il
15:30faut parce qu'elle se dit qu'il y aura sûrement une montagne là bas. Et elle part, je crois, le 8
15:37juin ou quelque chose comme ça. Enfin, vraiment, la guerre est juste derrière elle. Et elle prend
15:43le dernier train qui part de Paris, le dernier bateau qui part de Marseille. Et elle ne sait pas
15:49où elle va. Et la seule chose qu'elle dit, elle dit ouf, je quitte les nazis et j'allais au Japon.
15:54Elle est rattrapée un peu par l'histoire. Elle devait passer deux ans, elle n'y a passé qu'un
16:01an. Et là, bon, pendant le temps, elle n'est pas allée voir, entre autres. Et elle était partie
16:07également avec... Il y avait à l'époque une petite bagarre entre les méthodes de ski autrichien,
16:15allemand et français. Elle était partie avec un film qui montrait la méthode de ski français
16:21qui avait été faite par des grands skieurs de l'époque. Et elle est partie au Japon,
16:27elle projetait le film tous les mois pour vendre en fait la montagne française. Donc elle y pensait
16:37tout le temps. Elle était un peu déçue par les japonais parce qu'en fait ils n'aimaient pas trop
16:42grimper, ils préféraient regarder. Mais c'est à dire qu'en Asie, les montagnes, c'est pas le...
16:46Très souvent, c'est des montagnes sacrées. Donc elles ne sont pas du tout faites pour être
16:51découvertes, escaladées. Et les japonais, moi je connais les chinois, c'est pareil, ils n'aiment
16:58pas aller sur les montagnes. Au Népal et tout, historiquement, les gens n'ont pas... C'était une
17:02montagne sacrée, on n'allait pas grimper sur les montagnes. C'est les occidentaux qui ont fait ça.
17:07Et donc elle a converti un certain nombre de gens comme ça, de l'agence, des gens qui travaillaient
17:14là-bas. Et elle les a amenés en expédition sur le mont Zao, qui n'est pas très haut, mais je crois
17:22qu'ils étaient trois à l'arrivée, 15 au départ, trois à l'arrivée, dont elle. Mais elle était un
17:28peu déçue, oui, parce qu'elle était très nostalgique des Alpes et elle a des descriptions
17:33des Alpes magnifiques. C'est une époque, je pense qu'on ne l'a pas connue, on ne la connaîtra
17:38évidemment pas, où les Alpes étaient merveilleuses. Elle, son terrain de prédilection, c'est la
17:45Tarentaise et l'espaisé d'en Croix. Pas loin de là où elle construira les arcs avant, mais il y avait
17:53des fermes d'alpage, des villages et puis des fleurs. Elle raconte des fleurs. Elle dit qu'on s'asphyxiait
18:00avec l'odeur des fleurs en montagne. On n'a jamais vu ça. C'est un peu passé. Elle était déçue au Japon
18:08parce qu'elle est tombée sur des volcans. Elle disait que la terre est noire, il y a quelques
18:14bambous qui passent, il n'y a pas de chemin, c'était dur en fait. Elle était un peu déçue. Mais bon, elle y allait quand même.
18:21Charlotte Perriand était extrêmement visionnaire. En lisant votre livre, on ne fait que le réaliser
18:28encore plus parce que votre conclusion est terrible quand vous parlez de l'état de la montagne
18:33actuellement, qui a été un peu massacrée par des barbes et des bétons. Et ce qu'elle va construire
18:39avec les arcs, c'est l'œuvre de sa vie en fait. C'est-à-dire que dès les années 30, la fin des années 30,
18:46elle imagine, parce qu'il y a un aspect de Charlotte Perriand que j'adore, c'est qu'elle était extrêmement humaniste.
18:51C'est-à-dire que quand elle voyait un beau paysage, elle dit il faudrait que tout le monde le voit tellement c'est beau.
18:55Elle était très proche du Front Populaire, très proche des communistes. Elle n'a jamais été communiste elle-même.
18:59Mais elle était très engagée avec Fernand Léger, avec beaucoup de communistes pour justement améliorer un peu.
19:09Ça c'est une autre partie de son travail qui a été très bien décrite dans les livres de Jacques Barçat,
19:15tout ce qu'elle a fait sous le Front Populaire. Et donc elle voulait absolument que tout le monde
19:23profite de cette beauté, mais pas à n'importe quel prix. Et dès les années, fin des années 30,
19:30elle commence à concevoir des stations de ski pour le grand public. Et elle dit il faudra pas
19:35qu'elles se voient, il faudra que les gens, il faudra pas que ça soit vraiment accessible par la route.
19:40Il n'y avait pas encore beaucoup de voitures dans les années 30, mais elle disait il faudrait que les stations soient
19:45reliées entre elles et que ce soit les skieurs qui aillent de station en station avec des petits sacs à dos
19:50pour garder l'esprit de la montagne. Et après guerre, quand elle rentre de son périple en Asie,
19:59c'est quelque chose qui lui tient à cœur et elle conçoit des projets, elle est même appelée pour
20:07concevoir. Les années 50, c'est vraiment l'or blanc, la montagne s'équipe de façon énorme.
20:16Et donc elle assiste à ça, elle est atterrée et elle a appelé pour équiper une station qui s'appelle
20:22les Belles-Villes. Et là, elle pose des exigences, elle dit pas une voiture dans la station, je veux pas
20:28qu'elle se voit. Quand il y aura ça de neige, comme ça sera construit comme ça, on verra plus rien.
20:33Elle pose des morceaux de sucre pour convaincre les promoteurs qui n'ont plus d'envie de faire
20:39des énormes barrains. Et donc elle n'arrive pas, elle n'est pas retenue. Et en fait, c'est à 63 ans,
20:49je crois, qu'elle est appelée pour concevoir la station des arcs. Et elle est appelée pour faire
20:59la station des arcs. Et là, c'est sa seule vraiment grande réalisation montagne, à part son chalet,
21:06les refuges, un autre chalet qu'elle a fait à Saint-Nicolas-des-Rosses. Il ne reste pas
21:09énormément de bâtiments. Et alors là, c'est vraiment sa réalisation. Tout ce qu'elle a pensé
21:18toute sa vie se résume dans les arcs. Franchement, c'est magnifique. Et elle conçoit cette résidence
21:25de la Cascade que tout le monde a en tête, qui a été classée quand même par le New York Times
21:31comme les 20 meilleurs bâtiments du monde, à côté du Guggenheim et de Bobo. Et là, elle arrive
21:50à justement éliminer les voitures. Les voitures sont dans le fond, dans les parkings. Elle,
21:59elle voulait un téléphérique et il y en a un aujourd'hui. C'est arrivé il n'y a pas longtemps,
22:03entre Bourse-à-Maurès et les arcs. Donc il n'y a pas de voitures. Et elle avait fait un manifeste
22:08que je reproduis là tout à fait au début des arcs. On peut regarder tout à l'heure. C'était
22:14vraiment visionnaire sur l'écologie. C'est incroyable. Juste le dernier chapitre, là c'est
22:20sur les arbres. Et là, elle dit, elle fait un manifeste dans l'architecture d'aujourd'hui,
22:32la revue d'architecture. « Nous avons besoin de la montagne dans toute sa pureté. Il faut la
22:36sauvegarder à tout prix pour le bien de tous. L'évolution actuelle nous suggère une prise de
22:41possession pour ne pas dire de colonisation. Une tour construite en deux ans et débitée en
22:46appartement intéresse toujours les promoteurs. Et c'est la boule des neiges. Une tour, deux tours,
22:50trois tours. Ne gâchons pas notre précieux patrimoine. » C'est en 1966. Il faut lutter
23:01contre. C'est les Trente Glorieuses. On équipe la Côte d'Azur, tout le partout. Pas la mode ce
23:08qu'elle dit. Mais elle est intransigeante là-dessus. Elle va finir par démissionner en fait,
23:14après les arcs. Il y avait trois arcs. Il y avait l'arc 1600 où elle a quand même beaucoup
23:19travaillé. Et ensuite, elle a été un peu dépassée. Et l'arc 1800, l'arc 2000, ça lui a échappé. Donc
23:26elle dit à un moment donné, quand j'ai vu consigner un bâtiment à mon nom alors que
23:32je n'avais rien fait, j'ai préféré démissionner. Mais elle avait quand même 88 ans. Elle avait bien
23:39travaillé. Ce qui fait qu'elle est exceptionnelle, en fait, c'est cette vision qu'elle a eue dès le
23:46début. L'importance de la nature à travers tout ce qui la passionne. Mais ça, c'est toute la
23:52cohérence de sa vie. C'est-à-dire que petite fille, elle est accrochée par la nature, par la
23:57montagne. Toutes ses photos, c'est toujours la nature. Enfin beaucoup. Et donc effectivement,
24:03il y a une énorme cohérence de son existence. Et moi, j'ai trouvé que la montagne était un
24:08fil conducteur pour expliquer. C'était très juste, en fait. Ça fonctionnait bien.
24:14Et de nos jours, elle a une place importante que peut-être on ne réalise pas tous. A quel point
24:21elle est importante ? Ça, c'est plus à démontrer. C'est ce que je dis à la fin du livre, c'est que
24:28son héritage, c'est qu'elle a offert un mode de vie à une génération d'après. On a tous des
24:36cuisines ouvertes. On a tous des baies vitrées dedans dehors. On a tous des meubles qui reviennent
24:42d'ailleurs beaucoup à la mode en bois. Il y a un épisode aussi. Elle était partie, parce que
24:48c'était sa jeunesse. C'était l'épisode du Bauhaus, du métal, du verre, corbus, etc. Ils étaient
24:56vraiment tous là-dedans. Et elle, elle a suivi ça au départ. C'est là qu'elle a fait sa chaise longue,
24:59beaucoup de métal. Et je ne sais plus en quelle année, mais très tôt, elle a décidé comme ça,
25:06mais à contre-courant total de tout le monde, de revenir au meuble fermier, de ferme. Donc,
25:14elle a fait un fauteuil en paille. Elle a fait des tabourets de berger. Elle a fait tout ça.
25:19Puis tout le monde se moquait d'elle. C'est au début des années 30. C'est quand même extraordinaire.
25:29Elle avait signé un manifeste bois-métal, c'est ça. Et après, elle revient dessus en disant non,
25:37non, mais il faut revenir à la tradition. Parce que toujours, ce qui l'intéresse, c'est l'homme,
25:41que l'homme soit bien, que l'homme soit confortable. Et donc, le corbusier a regardé
25:54sa dour, une chaise en paille. Et cette chaise s'est appelée Chamrousse par la suite. Et elle a
26:00équipé, je crois, la cité radieuse d'énormément d'endroits. C'est devenu aujourd'hui, elle est
26:07très, très belle cette chaise en paille, magnifiquement dessinée. Elle a imposé ça.
26:11Toujours à contre-courant. Elle est géniale. Et votre livre est vraiment passionnant. Merci,
26:21merci. Merci à tous. Merci. Est-ce que vous avez des questions?
26:34Eh bien, sinon...
26:41Je vais abuser de la situation pour vous dire combien,
26:52intermédiairement, nous sommes ravis de ce livre. Il est beau, il est bon. Vous avez
27:04fait quelque chose de remarquable, de très, très personnel. Et je dois dire que Charlie
27:10est venu très souvent, vous aussi bien sûr, très souvent dans les archives.
27:13Jacques Barça, qui est le gendre de Charlotte, l'époux de Père Noël.
27:19C'est formidable parce que vous aviez un regard tellement singulier que parfois,
27:24avec Père Noël, on se disait, comment peut-on choisir? Je trouve qu'il est dégueulasse.
27:31Bon, tant pis, il a choisi, il a choisi. Et Charlie a fait cette caractéristique...
27:37Ah oui, il y avait une photo de Charlie.
27:42Une autre fois, pour une réimpression. Ce qui était formidable, c'est que vous avez eu absolument,
27:50vous étiez par moments tellement convaincus et tellement décidés à mener jusqu'au bout ce
27:57bouquin, que vous étiez parfois un peu, avec Charlie, on vous disait, dis donc, on ne t'espérait pas,
28:02il est vraiment très, très exigeant de ne pas trouver un signe libre pour l'achat.
28:07Un peu chiant.
28:09Et ce qui est frappant, quand vous avez envoyé le résultat il y a un mois à peu près,
28:16que l'on a vu ça avec internet, vraiment là, on a vu la singularité de votre regard.
28:21Et ce qui est bien, c'est que le travail que vous avez fait, mais ni celui que j'aurais fait,
28:26ni celui que vous auriez fait, vous avez donné votre vision, votre regard.
28:34Et ça, c'est formidable.
28:36Oui, mais grâce à vous, parce que les informations, c'est vous qui les avez collectées depuis 40 ans.
28:41Non, non, moi je n'ai rien fait, on a discuté en personne.
28:44Mais si, vous pouvez nous dire pourquoi Pernette s'appelle Pernette ?
28:47Alors, écoutez, Pernette n'est pas là, parce que tout simplement...
28:50Mais pourquoi elle s'appelle Pernette ?
28:52Non, mais elle n'est pas là ce soir, je ne tiens pas, je voulais le dire,
28:55parce qu'elle est partie voir les aurores boréales.
28:58On comprend.
28:59Comme il n'y en a pas dans le nord de Paris, elle est allée un peu plus loin que le nord de Paris.
29:03Et donc, elle rentre samedi, elles avaient toutes les deux une disponibilité.
29:08Elles sont à Mislan pour voir les aurores boréales.
29:11Alors, en fait, oui, elle s'appelle Pernette, Charlotte l'a appelée Pernette,
29:15parce que c'est un poème du XVIe siècle.
29:18Et Pernette aussi, en Savoyard, c'est une toute petite bête comme ça.
29:22Une petite coccinelle.
29:23Une petite coccinelle, exactement.
29:25Des alpes.
29:26Mais donc, vraiment, et pardon, je ne veux pas abuser de la parole,
29:29mais vraiment, bravo, et c'est super.
29:32Merci.
29:40Dernier renseignement technique.
29:42Si vous voulez, la signature va se passer de l'autre côté.
29:45Les livres sont à la caisse.
29:46Et vous êtes invitées aussi à prendre un petit verre avec nous.
29:49Voilà.
29:50Merci.
29:51Merci beaucoup Caroline.

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