Israël continue ses frappes contre le Hezbollah après avoir "éliminé" son chef Hassan Nasrallah : faut-il craindre une réaction de l'Iran ? Regardez Hugo Micheron, enseignant-chercheur en sciences politiques rattaché au Ceri, maître de conférence à Sciences Po, spécialiste du Moyen-Orient.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 30 septembre 2024.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 30 septembre 2024.
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00:00RTL Matins, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h16, dans cet Orient décidément bien compliqué, on a besoin d'éclaircissement, d'explication.
00:10Alors ce matin, Amandine, vous avez choisi d'inviter l'un des tout meilleurs spécialistes du Moyen-Orient, c'est Hugo Micheron.
00:15Bonjour et bienvenue à vous.
00:16Bonjour.
00:17Bonjour Hugo Micheron, chercheur, enseignant à Sciences Po et spécialiste du Moyen-Orient.
00:22Bernard Guétin, l'eurodéputé, était à votre place tout à l'heure, spécialiste aussi de géopolitique.
00:29Il nous disait, l'Hezbollah, Israël a gagné la guerre contre l'Hezbollah, l'Hezbollah est détruit.
00:34C'est aussi votre sentiment ce matin ?
00:36Peut-être pas détruit, par contre, ce qui est certain, c'est extrêmement diminué.
00:40Je pense que l'Hezbollah, aujourd'hui la base du Hezbollah au Liban, est extrêmement déboussolée.
00:45Et pour cause, le chef, vraiment charismatique, en place depuis 30 ans, et qui est même plus que ça,
00:52enfin qui était l'incarnation même du Hezbollah, Nasrallah, a été tué dans ce bombardement très impressionnant.
00:58Il faut rappeler aussi les moyens déployés, une bombe de 83 tonnes qui est tombée sur le siège du Hezbollah,
01:05et qui l'a tué, apparemment il était au 12ème sous-sol.
01:07Donc ça donne une idée à la fois des moyens du Hezbollah qui, en fait, se banquérisent avec des réseaux très impressionnants souterrains,
01:14et en même temps des moyens déployés par Israël dans cette guerre, et donc ce qui traduit une situation nouvelle au Moyen-Orient.
01:22C'est vraiment, depuis le 7 octobre, on est dans des eaux très troubles, avec des vagues très très hautes,
01:27mais là, c'est définitivement une tempête dans le ciel libanais, dans le ciel Moyen-Oriental, c'est sûr.
01:35Le Hezbollah, pas complètement détruit, vous nous dites ce matin, c'est pour ça qu'Israël continue ses frappes en ce moment.
01:41Oui, parce qu'en fait, le Hezbollah, c'est une milice armée par l'Iran depuis 40 ans, avec des moyens exceptionnels,
01:50un coût de dizaines de milliards de dollars et d'euros déversés depuis 40 ans, mais c'est aussi une organisation, avec tous les guillemets,
02:02qui convient, politique et caritative, c'est-à-dire qu'en fait, ils nourrissent une grande partie de la base chiite, notamment à banlieue sud de Beyrouth,
02:10et donc on ne détruit pas une organisation aussi puissamment armée depuis 30 ou 40 ans, simplement par la mort du leader.
02:18Par contre, ce qui est sûr, c'est qu'entre la mort de Nasrallah et la mort des différents cadres militaires de l'organisation,
02:26aussi cette affaire des Bippers qui a semé un énorme doute, si vous voulez, et une forme de paranoïa, il faut bien le dire, dans la base,
02:33qui n'ose plus s'approcher d'un téléphone, tout ça a considérablement fragilisé cette organisation, et la question qui se pose, c'est celle de l'avenir.
02:39Est-ce que le Hezbollah va se disloquer ? Et dans ce cas-là, que vont devenir les dizaines de milliers de combattants du Hezbollah qui sont jeunes,
02:46qui ont été formés militairement, qui ont des armes. Donc ça, c'est l'avenir du Liban, c'est pour ça que certains parlent de potentielle guerre civile.
02:53Là, tout d'un coup, il y a un cadre qui a sauté, et donc la question, c'est de savoir comment vont se recanaliser un certain nombre de dynamiques qui étaient très prégnantes jusque-là.
03:00Mais clairement, aujourd'hui, le Hezbollah n'est plus ce qu'il était et ne sera plus jamais ce qu'il était. C'est ce que vous nous dites ?
03:06Oui, et ça va être extrêmement dur de trouver un successeur à Nasrallah. On parle de l'un de ses cousins qui n'a pas du tout ni son charisme, ni son ampleur.
03:15Donc oui, effectivement, c'est un énorme changement.
03:17Donc victoire quand même très nette pour Israël. Il y a quelque chose d'extrêmement frappant, c'est le contexte dans lequel on est.
03:24Première commémoration du 7 octobre, ce sera la semaine prochaine. On se souvient de tous ces commentaires sur cet énorme revers pour les services secrets israéliens, cette attaque du Hamas.
03:37Et un an plus tard, on voit que tout a changé. C'est quoi, une revanche ?
03:41Tout a changé parce qu'en fait, Israël s'est avéré extrêmement bien préparé pour le terrain libanais.
03:47Et c'est peut-être ça aussi qu'il faut...
03:49C'est-à-dire que ce qui se passe aujourd'hui au Liban, il s'est préparé depuis combien de temps ?
03:52Probablement depuis 10 ans, au moins.
03:5410 ans ?
03:54En tout cas, même peut-être plus, probablement depuis 2006, depuis la dernière guerre du Liban pour Israël.
04:00Et ça montre un élément très important. Le 7 octobre a été un énorme coup de tonnerre et une surprise parce qu'il a montré qu'en fait, Israël ne regardait plus Gaza.
04:09Ils se sont d'ailleurs avérés assez peu préparés à l'invasion qui s'en est suivie à Gaza.
04:15A l'inverse, quand Israël a décidé de s'occuper, entre guillemets, du Hezbollah, on a vu depuis cet été, depuis en fait la fin juillet,
04:22avec quelle rapidité ils ont été capables de désosser tout le commandement militaire du Hezbollah et aussi avec un niveau d'information
04:28et donc probablement d'informateurs et de compromissions au sein du Hezbollah et probablement même au sein de l'Iran
04:35qui montrent les capacités exceptionnelles d'Israël dans cette guerre. Et ça, je pense, ça fragilise l'intégralité de ce qu'on appelle, enfin, de ce qui s'appelle
04:44l'axe de la résistance, c'est-à-dire tous les réseaux pro-iraniens qui s'étendent de Téhéran à Beyrouth. Là, cet axe est considérablement affaibli.
04:51Donc la question est de savoir aussi comment va évoluer l'Iran face à ce qui est quand même un affaiblissement considérable de son influence au Moyen-Orient dans l'immédiat.
04:59Mais justement, Gomis, ce qu'on vous pensait, vous, que l'Iran ne peut rien faire ?
05:02Si ils ont toujours, enfin, en tout cas, ils promettent de façon extrêmement répétée qu'ils vont se venger, mais toujours est-il...
05:10Mais ce qu'ils font depuis plusieurs semaines après chaque attaque ?
05:13Ben, si vous voulez, la plus grande capacité de réponse et de l'arme, le bras armé de l'Iran dans cette guerre, c'était le Hezbollah.
05:22Et le Hezbollah est en train, donc on vient de le voir, de subir d'énormes défaites. Donc l'Iran est considérablement diminué, y compris dans sa capacité de dissuasion.
05:29Et le risque pour Téhéran, c'est de perdre cette bataille de la dissuasion qu'ils ont très largement perdue pour l'instant.
05:34Et donc, aussi d'être contraint à devoir... d'être sur une position beaucoup plus défensive.
05:41Et il ne faut pas exclure la possibilité de troubles en Iran, puisque là, l'Iran montre un visage extrêmement faible qu'on n'avait pas vu, qu'on ne connaissait pas.
05:49Et donc, vraiment, je crois que le Moyen-Orient aujourd'hui est un jeu qui est en train de s'ouvrir.
05:54On le sait, les vagues au Moyen-Orient sont très hautes, donc il va falloir bien naviguer, il va falloir en Europe de très bons connaisseurs aussi de cette région,
06:01puisque l'Europe a une carte à jouer qu'on ne joue pas encore.
06:04Vous y croyez à la diplomatie, sincèrement ?
06:06Là, c'est au-delà de la diplomatie, si vous voulez. Là, il faut avoir une vision.
06:09C'est plus que de négocier des traités, il va falloir une vision, parce que les cartes vont être abattues.
06:13Donc il va falloir comprendre très rapidement ce qui va se jouer dans les semaines à venir,
06:17avec un acteur israélien qui est de toute façon à l'offensive et à l'initiative,
06:22et de l'autre côté, pouvoir anticiper un certain nombre d'éléments, puisque certes, le Hezbollah était une organisation terroriste extrêmement puissante face à Israël,
06:31mais il ne faut pas oublier aussi que cette force canalisait d'autres forces qui étaient ennemies du Hezbollah, comme les djihadistes en Syrie, etc.
06:38Donc là, la faiblesse actuelle du Hezbollah va donner des idées à d'autres acteurs,
06:42et c'est pour ça qu'il ne faut surtout pas croire qu'on est simplement sur un conflit entre Israël, le Liban et l'Iran, avec toujours une guerre à Gaza.
06:50Il y a en ce moment des dynamiques régionales très puissantes au Moyen-Orient qu'il faut lire, qu'il faut comprendre, et qu'il va falloir anticiper.
06:56Anticiper face à un Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, qui n'a l'air d'écouter plus personne, sincèrement.
07:03Ben disons que la mort de Nasrallah va redorer considérablement son blason.
07:11Ça le relégitime.
07:12Énormément, et d'autant plus que le Hezbollah est perçu vraiment par l'ensemble des Israéliens comme étant la grande menace d'Israël.
07:19Donc de ce point de vue-là, ça représente une victoire politique, et puis on le sait, Israël, là, envoie plutôt les messages qu'ils vont poursuivre,
07:26on le voit avec cette frappe dans la nuit contre un des chefs du Hamas qui était à Beyrouth,
07:30et qui donc signale qu'on est au milieu du guet, on n'a pas du tout terminé la séquence qui a été ouverte par ce bouleversement majeur qui était le 7 octobre.
07:38Un chef du Hamas au Liban, ça peut paraître pour tous les auditeurs qui nous écoutent, et moi la première, j'étais assez stupéfaite en voyant cette information.
07:47Pourquoi il y a un chef du Hamas au Liban ?
07:49Pour la même raison que ce qu'on vient d'évoquer, c'est-à-dire que l'Iran a entrepris de soutenir différents groupes qui sont regroupés à travers ce fameux terme d'axe de la résistance,
07:59et qui vont, si vous voulez, de groupe en Irak au groupe au Yémen, en passant par le Hezbollah libanais et le Hamas.
08:04Et il y a une coordination entre tout ça, et c'est ce qui fait que des acteurs du Hamas peuvent se retrouver dans la banlieue sud de Beyrouth à négocier avec le Hezbollah, etc.
08:12Et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'Israël a pu justifier un certain nombre d'opérations au Liban.
08:19C'est qu'il y avait, d'une manière directe ou indirecte, coordination entre le Hezbollah et le Hamas.
08:23Et donc, quand Israël s'en est pris au Hamas, elle s'est retrouvée en guerre de facto avec aussi bien le Hezbollah libanais que les différentes forces,
08:31comme on appelle, les forces supplétives iraniennes partout dans la région.
08:34Toute dernière question, Hugo Michron. On a vu cette victoire d'Israël, clairement, côté libanais face au Hezbollah.
08:42C'est beaucoup plus compliqué à Gaza face au Hamas. Vous nous avez expliqué les raisons,
08:47parce que sans doute que sur le Hezbollah, ils y travaillaient depuis des années et des années, ce qui n'était pas le cas du Hamas.
08:52Où est-ce qu'on en est aujourd'hui à Gaza ?
08:55On en est dans une situation extrêmement bloquée. Il faut noter qu'à Gaza, contrairement à ce qui se passe au nord, au Liban,
09:01on a un chef militaire qui n'a toujours pas été trouvé, qui est Yair Yassinoua, qui lui-même a plutôt intérêt à poursuivre le conflit avec Israël.
09:10Et donc, on est encore très très loin d'un cessez-le-feu.
09:14Et à voir comment ce coup porté très fortement au Hezbollah va rétroagir sur toute la chaîne et donc, du coup, sur Gaza.
09:23Mais pour l'instant, on est plutôt dans une situation bloquée à Gaza avec une guerre extrêmement dure qui se poursuit.
09:28Merci beaucoup, Hugo Michon, de nous avoir aidés à comprendre tout ce qui se passe.