La Première Guerre mondiale a laissé de nombreuses traces souvent méconnues dans nos villes et dans nos campagnes. Aucune région n'a été épargnée : des sommets enneigés des Vosges aux côtes de la Manche, des collines ensoleillées de Champagne aux sombres souterrains des fortifications, ces stigmates montrent tous à quel point cette guerre fut totale, meurtrière et traumatisante pour l'ensemble du pays. Etonnamment, cent ans après la fin du conflit, l'histoire de nombreux sites reste encore cachée et mystérieuse.
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00:00Certains lieux de la Grande Guerre ont eu le malheur de se trouver sur des positions particulièrement stratégiques.
00:10Parce qu'il fallait les conquérir ou les défendre coûte que coûte, on y a écrit des pages d'histoires tragiques, étranges et parfois même invraisemblables.
00:21Été 1914, les déclarations de guerre tombent en cascade.
00:33Après l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand, le jeu des alliances entraîne la planète entière dans la guerre.
00:40Les états-majors sont alors persuadés que le conflit ne va durer que quelques mois.
00:45Personne n'imagine que les combats vont s'enliser sous la mitraille et les obus dans des fossés de fortune.
00:52Plus de 1500 jours d'affrontements qui marquent à la fois les hommes et les territoires.
00:58Comme dans cette grotte picarde au nom mythique la Caverne du Dragon.
01:03Pour quelles raisons le face-à-face entre soldats allemands et français y sera-t-il si particulier ?
01:10Cette période dans la Caverne du Dragon est un moment à part dans l'histoire de la première guerre mondiale.
01:16Nombreux sont les sites où subsistent des traces des plus étonnantes.
01:20Ainsi en Alsace, qu'est-ce qui a poussé les allemands à construire le plus grand fort au monde ?
01:26Plus au nord, pourquoi trouve-t-on des inscriptions néo-zélandaises dans les sous-sols de la ville d'Arras ?
01:33Ici on peut lire Kia Ora, donc en maori, bienvenue.
01:38Où s'est-il donc passé dans la meuse pour qu'un village disparaisse intégralement
01:42et que pendant près de 4 ans on vive dans la peur sur une butte de 200 mètres de large ?
01:49L'anxiété elle est permanente dans la mesure où à tout moment on pouvait disparaître.
01:53Dans la même région, au fort de Vaud, pourquoi des soldats allemands en arrivent-ils à rendre les honneurs à des soldats français proches du suicide ?
02:02On en arrive à un état de démence dans le sens où notamment les soldats blessés demandent à ce qu'on les achève.
02:09Un siècle plus tard, les stigmates de 14-18 sont encore largement visibles.
02:15Mais connaissez-vous vraiment les terribles histoires qui se cachent derrière ces murs et dans ces souterrains à l'importance capitale ?
02:24A deux pas de l'actuelle frontière allemande, c'est l'un des lieux les plus stratégiques de la guerre 14-18.
02:30Et pourtant, c'est un site assez méconnu.
02:34Dans la plaine d'Alsace, à 25 kilomètres de Strasbourg, voici le fort de Mützig.
02:39Ouvrage conçu intégralement par les allemands, ouvrage absolument hors norme.
02:45Pourquoi l'état-major allemand a-t-il concentré autant de moyens en cet endroit précis ?
02:49Faisant de cet ouvrage une fortification à la puissance de feu phénoménale.
02:54A supposer que les français soient conscients du monstre d'Asie qui leur fait face,
02:58pour quelles raisons envoient-il des soldats aux abords du fort à l'été 1914 ?
03:04Quel rôle capital le fort de Mützig a-t-il ?
03:08Pas vraiment de remparts, ni de fossés.
03:10Des formes étonnantes, ici et là.
03:14Pourquoi le fort de Mützig est-il si différent de la forteresse de Lens ?
03:18A quoi ressemblent les établissements de l'époque ?
03:21Les forces de l'armée, les armées, les armées, les armées ?
03:24Les armées, c'est-à-dire les armées, c'est-à-dire les armées,
03:28les armées, c'est-à-dire les armées, c'est-à-dire les armées,
03:31c'est-à-dire les armées, c'est-à-dire les armées,
03:34Pourquoi le fort de Mützig est-il si différent des ouvrages de l'époque ?
03:40D'ailleurs, quand sa construction commence en 1893,
03:43les plans sont ceux d'un fort tout à fait classique au départ.
03:48Au bout de deux ans de construction, on abandonne littéralement cette manière de faire,
03:52puisqu'entre-temps, on a développé des ballons captifs
03:55qui permettent d'observer le terrain depuis la voie des airs.
03:58L'observateur arrive très bien à diriger ses tirs d'artillerie sur cette petite surface
04:02et ces forts sont devenus des pièges à obus.
04:05En cette fin de XIXe siècle, la découverte d'explosifs beaucoup plus puissants
04:10bouleverse un peu plus l'art de la guerre.
04:13Pour éviter de construire un fort déjà obsolète,
04:16les Allemands vont concevoir un ouvrage révolutionnaire.
04:21On supprime le fossé et donc on sépare les différentes fonctions
04:25qui sont embarquées dans un seul ouvrage dans des ouvrages séparés les uns des autres,
04:29beaucoup plus petits, enterrés, reliés par des caleries souterraines,
04:33ce qu'on appelle une festée en allemand.
04:35On va répandre le tout en gros sur 24 hectares,
04:38à comparer sur les anciens forts qui faisaient 2 à 3 hectares.
04:44C'est une toute autre échelle, le fort de Muzik pouvait accueillir jusqu'à 8 000 hommes.
04:49Soit 8 fois plus que les plus grands forts de l'époque.
04:54En 1914, cette ville-garnison de 8 000 habitants se fait plutôt discrète,
04:58car en fait l'essentiel se passe sous terre,
05:01dans un espace de 40 000 m2 où l'on a absolument tout prévu.
05:08Comme ces immenses cuisines, il y en a 16 dans le fort.
05:12Et étrangement, on s'y active seulement la nuit.
05:18On est obligé de cuisiner la nuit parce que l'ennemi peut repérer les ouvrages
05:23grâce à la fumée générée par la cuisson.
05:27Donc on prépare la viande, les légumes.
05:29A la fin de la nuit, on transfère ces deux composants dans le premier appareil,
05:33qui est doté d'un bain-marie, qui lui permet de maintenir cette nourriture à chaud,
05:38que l'on distribuera le lendemain à la troupe.
05:43Des repas chauds, loin du front et de ces terribles tranchées.
05:47Pour autant, à Muzik, ce n'est pas la vie de château.
05:51Vous êtes ici dans une chambre de troupe qui héberge 24 hommes.
05:55Ces hommes vont avoir à disposition un mètre carré par personne.
06:01Ils vont passer le plus clair de leur temps dans cette chambre-là.
06:07Alors ici, on vit dans des conditions extrêmement pénibles.
06:10Vous avez l'humidité, vous avez la promiscuité, vous avez les odeurs,
06:14vous avez le bruit de la ventilation.
06:16Tout ça, ça crée des conditions assez désagréables.
06:23Au milieu du fort et de ces 300 chambres de troupe,
06:26il existe une pièce unique.
06:28Et une pièce, une fois de plus, révolutionnaire pour l'époque.
06:35Vous êtes dans la salle d'opération de l'abri numéro 16.
06:38C'est ici qu'on opère les blessés graves.
06:41C'est une révolution technologique.
06:43Avant Mutsig, on évacuait les blessés vers les hôpitaux.
06:46Et ici, pour la première fois, on décide d'opérer sur place,
06:49pour sauver la vie, puisque la durée de transport les condamnait à mort
06:52dans la plupart des cas.
06:54On a beau être en avance sur son temps à Mutsig,
06:57question médecine d'urgence,
06:59on doit encore se contenter des vieilles méthodes.
07:02Alors l'anesthésie est rudimentaire.
07:04Le seul produit dont il disposait, c'est l'éther,
07:07qui est très difficile à doser.
07:09Pour l'appliquer, on imbibait le coton
07:11et on l'appliquait sur le visage, qu'on fixait avec des élastiques.
07:14L'acier, pour couper les membres endommagés ou blessés,
07:18est le seul moyen dont on disposait depuis des siècles.
07:21Et cette technologie n'a pas encore évolué à ce moment-là.
07:26Les souterrains de Mutsig n'en finissent pas de surprendre.
07:29Dans ce fort à la pointe du progrès,
07:32quel autre prouesse technologique a-t-on déployé ?
07:35Nous sommes là pour l'évacuation.
07:38Nous sommes là dans la centrale électrique
07:40qui a été construite à partir de 1913.
07:42C'est la quatrième centrale du fort de Mutsig.
07:45C'est tout à fait exceptionnel.
07:47C'est le premier fort électrifié au monde
07:49et il va servir de prototype
07:51pour la généralisation de l'industrie électrique.
07:54Strasbourg n'est pas électrifié avant Mutsig.
07:58Un fort mieux loti que la grande ville d'à côté
08:01est le fleuron de l'industrie allemande mise à contribution.
08:04Que ce soit pour des moteurs diesel dernière génération
08:07ou des pétrins électriques,
08:09à Mutsig, on a vu grand, très grand même.
08:16Au départ, on avait budgétisé 5 millions de marques or.
08:19On en a dépensé plus de 15.
08:21En tout, ça représente entre 200, 300, 350 millions d'euros.
08:26C'est difficile à évaluer précisément.
08:30Pourquoi une telle débauche de moyens
08:32concentrée dans un seul fort,
08:34dans ce secteur géographique en particulier ?
08:38La réponse se trouve dans le vaste plan d'attaque
08:40élaboré par les Allemands à la veille de la Grande Guerre,
08:43le plan Schlieffen.
08:45Et dans ce scénario d'attaque,
08:47le fort de Mutsig constitue une pièce maîtresse.
08:51Sa mission était de barrer la plaine d'Alsace,
08:54c'est-à-dire empêcher toute possibilité française
08:57de franchir le verrou Mutsig-Strasbourg
09:00pour contrecarrer le plan allemand Schlieffen.
09:04Finalement, en barrant la plaine d'Alsace en direction du sud,
09:07à la hauteur de Strasbourg, en construisant le fort de Mutsig,
09:10les Allemands vont économiser en gros 5 corps d'armée
09:13qui vont pouvoir participer à leur offensive majeure.
09:17À l'heure où les tensions montent en Europe
09:19et que la guerre se prépare,
09:21les Français ont-ils connaissance de cet ouvrage ?
09:23Et surtout de sa puissance hors normes ?
09:26Un chantier pareil qui a occupé
09:29plusieurs milliers de soldats pendant 20 ans et de civils,
09:32on va être capable de faire rentrer
09:35dans ces équipes de travailleurs des agents de renseignement.
09:38Trois plans d'espionnage français
09:40sont relativement précis sur ce qui se passe sur le fort.
09:43Avant la guerre, ils savent qu'il est imprenable.
09:46Pourtant, en août 1914,
09:48des soldats français vont s'approcher du fort.
09:51Pendant ce qu'on appelle la bataille des frontières,
09:54ce court moment où les Français réussissent à s'infiltrer
09:57dans le territoire germanique.
10:00Comme les Allemands se replient, ils se replient jusqu'à Mutsig.
10:04Lancé à la poursuite d'Allemands désormais retranchés derrière le fort,
10:07les Français remontent la vallée de la Bruche,
10:10l'une des deux voies naturelles qui mènent à Strasbourg.
10:13Il va arriver un ordre étrange de l'état-major français,
10:16c'est d'aller faire des destructions sur la voie ferrée à Urmat.
10:19Les troupes françaises vont arriver à hauteur
10:21de la portée de tir des canons de Mutsig.
10:24Les soldats français sont alors en plein territoire ennemi,
10:27dans cet Alsace occupé depuis la guerre de 1870.
10:31Et ce n'est pas du goût de l'état-major allemand
10:33qui demande au fort d'ouvrir le feu.
10:35L'armée française ne possède aucun canon
10:37qui tire à cette distance-là.
10:39Par contre, le fort, lui, va tirer le 18 août
10:42pour dire on est là, essayez donc d'attaquer.
10:46Ce 18 août 1914,
10:48le fort de Mutsig crache près de 300 obus
10:51en à peine une heure.
10:53Pas besoin de plus.
10:55Dès le lendemain, les Allemands lancent
10:57une contre-offensive victorieuse.
10:59Il n'y aura plus jamais d'incursion française dans la vallée.
11:03Le fort de Mutsig restera muet pendant tout le reste du conflit
11:07et sera même abandonné par les Allemands à la fin de la guerre.
11:11Avec un seul combat livré en quatre ans,
11:14on pourrait douter de l'intérêt de cet ouvrage conçu à prix d'or.
11:18Et pourtant...
11:20Sans la construction de ce fort,
11:22il y aurait eu avec certitude une offensive française en Alsace.
11:26L'objectif, c'est de monter dans la plaine du Rhin
11:29pour contrecarrer le plan allemand.
11:31Autrement dit, Strasbourg est assiégé, bombardé.
11:35La bataille de Verdun se serait jouée autour de Strasbourg.
11:39Histoire fiction, mais sans la construction de ce fort,
11:42c'était tout à fait imaginable.
11:451914, le département de la Meuse
11:48est aux premières loges de l'offensive allemande.
11:53Et dans celle que l'on appellera la Grande Guerre,
11:56c'est un petit village qui va être l'objet de toutes les mauvaises attentions.
12:00Le village de Wauquois, joliment perché sur une colline.
12:07Pourquoi des rails de chemin de fer
12:09s'enfoncent-ils profondément dans les flancs de cette colonne ?
12:13Que se cache-t-il dans ces entrailles ?
12:18Comment le village a-t-il disparu intégralement,
12:21remplacé par un paysage cabossé,
12:23une terre qui semble rongée de l'intérieur ?
12:27À Wauquois, c'est une guerre bien particulière qui s'est déroulée,
12:31violente et meurtrière comme ailleurs.
12:33Mais ici, pendant quatre ans,
12:36on a vécu l'une des batailles les plus anxiogènes de 1914-1918,
12:40une synthèse de toutes les atrocités de la Grande Guerre.
12:483 septembre 1914,
12:50l'arrivée des troupes allemandes est imminente.
12:53Les 168 habitants du village sont sommés de quitter les lieux au plus vite.
13:00On charge la grand-mère dans le chariot,
13:02les enfants, le matelas, on prend quelques jours de vivres,
13:05on ferme à clé la porte de la maison
13:07et on se sauve.
13:09Leurs maisons, les habitants de Wauquois ne les reverront plus jamais,
13:13car ce village va devenir un concentré de la folie dévastatrice des hommes.
13:18Par quelle malédiction ?
13:21Tout simplement parce que ce village
13:23a eu le malheur de se trouver à 290 mètres d'altitude.
13:28C'est un observatoire exceptionnel,
13:30c'est un observatoire à 360 degrés,
13:32donc français et allemands, bien sûr,
13:34tiennent absolument à tenir cet observatoire,
13:36dans la mesure où au début de la guerre,
13:38on a très peu d'aviation,
13:40d'où l'importance de tenir les points en haut.
13:43Wauquois est un observatoire de choix sur toute la région,
13:46mais il est surtout sur l'un des axes les plus importants de la guerre 14-18.
13:51Car situé à moins de 10 kilomètres de cette butte,
13:54à portée de tir de canon,
13:56il existe des tiges d'acier qui valent de l'or.
13:59Ce sont les rails qui le relient à la place forte de Verdun, à Paris.
14:07Donc on voit jusqu'à 7 kilomètres comme ça,
14:10il n'y a pas d'arbres à l'époque.
14:11Et surtout on entend les trains,
14:13et les canons allemands peuvent tirer et couper la voie de chemin de fer.
14:16Couper la voie de chemin de fer, c'est réduire Verdun à rien,
14:19puisque les 80 000 hommes de Verdun n'auront plus de ravitaillement
14:23en 5 mois, 6 mois de temps, c'est fait.
14:25On n'en parle plus, la guerre est gagnée pour les allemands.
14:30Comment éviter un tel scénario,
14:32alors que les allemands s'emparent facilement du village de Wauquois,
14:35dès le 3 septembre 1914 ?
14:40On veut reconquérir cette butte.
14:42Obligé, stratégiquement obligé.
14:44Et là on va monter à l'assaut.
14:46On part à l'assaut avec la fameuse tactique de l'époque,
14:50l'offensive à outrance.
14:51On monte à l'assaut devant un mur de balles,
14:53parce que les mitrailleuses lourdes allemandes,
14:55elles sont embusquées, c'est un massacre.
14:57On s'enfourche à la baïonnette,
14:59on se sert même de son fusil baïonnette comme un javelot,
15:02afin d'atteindre l'adversaire le premier.
15:04On se bat coup de pelle dans la figure,
15:06on a le témoignage d'un soldat allemand,
15:08d'ailleurs qui préconise à ses camarades,
15:09déguiser la lame de sa pelle portative,
15:11parce qu'au corps à corps, ça fracasse les têtes.
15:14Offensive et contre-offensive se succèdent.
15:18Au fil des jours, les quelques 200 mètres de large de la butte
15:22se transforment dans un champ de cadavres en décomposition.
15:25On ne peut pas aller chercher un copain.
15:28Le gars qui va chercher un copain, il va se prendre une balle,
15:31il va lui dire cadavre lui-même.
15:33Donc ça va durer toute l'année 15, voire 16.
15:39Les Français l'auront chèrement payé,
15:41mais ils ont finalement réussi à établir des tranchées
15:44sur le versant sud de la colline.
15:49Les Allemands, eux, occupent le versant nord.
15:52Entre les deux, à peine quelques dizaines de mètres.
15:56On s'invective, on se tire dessus.
16:00Et au bout de quelques mois, on se rend bien compte
16:02que ce face-à-face est stérile.
16:05Quelles solutions les états-majors vont-ils pouvoir trouver
16:08pour faire basculer cette bataille ?
16:11En fait, ils vont faire appel à une vieille technique militaire.
16:15On est conscient, tant du côté allemand que du côté français,
16:18que ces offensives, plus ou moins menées
16:20avec plus ou moins de biens de préparation,
16:22n'aboutissent à rien.
16:23On ne passe pas.
16:24On ne passe pas, ni d'un côté, ni de l'autre.
16:26Ça ne sert à rien, puisqu'on veut percer.
16:29Les Allemands veulent aller à Paris, nous on veut aller à Berlin.
16:32On veut percer, ça ne sert à rien.
16:34Alors, qu'est-ce qu'on va réinventer ?
16:36La vieille guerre de Vauban ou alors des Gaulois,
16:39la guerre des mines.
16:41En quoi consiste donc cette mystérieuse guerre des mines ?
16:45Pour le comprendre, il faut s'enfoncer dans les entrailles de la butte.
16:48Cheminer dans une sorte de termitière géante,
16:51voulue par les Allemands,
16:52qui veulent tenir à tout prix cette position stratégique.
16:58Le général Fulmudra, qui commande les troupes allemandes ici,
17:01son ordre premier, c'était qu'il fallait que les troupes allemandes s'enterrent.
17:05Et ici, à Vauquois, ce sont 17 kilomètres de galeries,
17:09ce sont 184 salles.
17:12Salles, c'est chambres, cuisine, infirmerie, dépôt d'hiver,
17:16gare souterraine, salle des machines.
17:18En fait, un complexe qui était conçu initialement
17:20pour recevoir jusqu'à environ 2200 hommes.
17:23Alors, c'est une promiscuité effroyable.
17:26Ils couchent comme dans les sous-marins.
17:28Le gars se lève, l'autre prend sa place, ainsi de suite.
17:31Ils sont toujours habillés, toujours chaussés,
17:34toujours prêts à attaquer et à recevoir l'ennemi s'il arrive.
17:39À Vauquois, certains soldats vont tenir un rôle capital.
17:43Côté français, on les appelle les sapeurs.
17:46Côté allemand, les pionniers.
17:48Qui sont-ils ?
17:50En fait, ce sont des mineurs de profession.
17:52Et leurs armes à eux, ce ne sont pas des fusils,
17:54mais des pioches et des sacs d'explosifs.
18:00Les pionniers allemands vont aller en direction des positions françaises,
18:05à différentes hauteurs, et ils vont creuser une galerie d'assaut.
18:10Ils vont aller le plus près possible du secteur français,
18:13ils vont passer sous le secteur et ils vont faire une chambre à poudre.
18:17Un fourneau de mines qui vont bourrer d'explosifs
18:20et quand c'est prêt, on fait sauter.
18:24Le résultat en surface, des cratères géants.
18:28À chaque mine, l'adversaire répond par une mine plus puissante.
18:32Au paroxysme de cette guerre,
18:34les Allemands feront exploser une charge de 60 tonnes,
18:37dont la déflagration est ressentie 10 kilomètres à la ronde,
18:41creusant un trou de 25 mètres de profondeur.
18:45Souterre, pionniers et sapeurs travaillent jusqu'à 12 heures d'affilée,
18:49dans des boyaux de plus en plus étroits,
18:51de plus en plus profonds, de plus en plus dangereux.
18:56L'anxiété est permanente, dans la mesure où,
18:58au fur et à mesure que cette guerre des mines avance dans le temps,
19:01on s'y adapte plus ou moins,
19:03on va procéder à des écoutes pour localiser Souterre à l'adversaire,
19:06à partir du moment où on l'avait localisé,
19:08l'adversaire pouvait creuser une galerie pour arriver sous la galerie,
19:12et ensuite l'exploser, ce qu'on appelait une contre-mine ou un camouflet.
19:16Donc, ces gens qui creusent vont se trouver dans une cloche,
19:20et puis ils vont être enfermés.
19:21Ça va être une mort qui va être effroyable.
19:23Ils vont être enterrés vivants.
19:25C'est quelque chose qu'on ne peut pas s'imaginer.
19:28C'est indicible.
19:30Les mois, les années défilent à Wauquois.
19:33Le conflit atteint un tel degré d'absurdité que françaises et allemands
19:37finissent par faire exploser des charges à heure fixe,
19:40comme pour éviter de surprendre l'adversaire,
19:43tout en montrant qu'on est là.
19:47On est conscient, surtout à partir de 1917,
19:49que cette guerre des mines, en fait, elle n'apporte plus rien.
19:52On ne gagne pas de terrain.
19:53En fait, ça devient plus une guerre psychologique qu'une guerre offensive.
19:58Après la bataille de Verdun et sa célèbre noria de camions qui ravitaillent la région,
20:03la ligne de chemin de fer a perdu de son intérêt stratégique,
20:06et Wauquois aussi par la même occasion.
20:10Pourtant, le destin s'acharne.
20:12Le village a beau avoir été englouti par la guerre des mines,
20:15la butte est à nouveau ciblée le 26 septembre 1918.
20:21Très tôt le matin, à 2h30 du matin,
20:24c'est un formidable déclenchement de tirs de canons d'artillerie sur Wauquois.
20:30C'est entre 70 000 et 75 000 projectiles qui vont écraser à nouveau Wauquois.
20:39Qui sont les responsables de ce déluge d'artillerie ?
20:42Les troupes américaines arrivaient en renfort.
20:45Car sur la route de leur grande offensive autour de Verdun,
20:49il y a la butte de Wauquois.
20:50Et sur cette butte, 200 soldats allemands prêts à résister jusqu'au dernier.
20:57Après ce formidable bombardement,
20:59les troupes américaines contournent la butte à bord de petits chars français,
21:02les petits chars Renault FT-17,
21:04prennent un revers les quelques poches de résistance allemande,
21:06et on va dire au début de matinée,
21:08Wauquois est pris et Wauquois est dépassé par les troupes américaines.
21:134 ans de guerre, 500 explosions,
21:16un village disparu et 14 000 morts,
21:19voilà le triste bilan d'une bataille aux gains militaires inexistants.
21:24Une bataille acharnée,
21:26dont le théâtre aura été une simple petite colline de la Meuse.
21:36Autant le village de Wauquois s'est trouvé malgré lui au cœur des combats,
21:40autant le fort de Vaud, situé à une trentaine de kilomètres de là,
21:44aurait dû y être préparé.
21:47Pourtant, à l'hiver 1916, c'est loin d'être le cas.
21:53Pour quelle raison ce fort n'est-il pas prêt à assurer sa mission,
21:56à savoir défendre le verrou stratégique de Verdun ?
22:01Comment ce fort réussit-il malgré tout à tenir tête à toute une armée
22:05avec des moyens quasi dérisoires ?
22:11Derrière ces murs de béton aux larges cicatrices,
22:13jusque dans les profondeurs de ces sombres souterrains,
22:16voici le récit de l'une des pages les plus héroïques de la guerre 14-18.
22:3021 février 1916, jour de sinistre mémoire pour toute la région de Verdun.
22:37Les Allemands lancent une offensive massive.
22:39Chaque jour, c'est une pluie de 150 000 obus qui se déverse à l'entour.
22:45Du côté allemand, on emploie l'expression « Trammelfeuer »,
22:48c'est-à-dire ce déluge de feu qui doit écraser complètement
22:53les premières lignes de défense françaises
22:55et assez rapidement amener les Allemands aux abords de Verdun.
22:59Donc, si les Allemands veulent aller plus loin, il faut prendre le fort de Vaud.
23:04Face à ce déluge de feu, le fort de Vaud est rapidement défiguré.
23:09Mais heureusement, les fondations résistent.
23:13La bande rouge, ça, c'est le code couleur qui veut dire que vous êtes dans une partie bétonnée.
23:17Le fort est construit en pierre, bien sûr, au début, ce qui date des années 1880,
23:21mais on l'améliore tout le temps.
23:23Quand c'est la guerre, il est couvert d'une couche de béton de 2 mètres et demi.
23:27L'intérieur est quasiment intact.
23:29Il y a très peu d'endroits où, comme derrière moi, on voit des impacts.
23:34Donc ici, ça, c'est probablement un obus de 75 qui est pénétré.
23:39Ce fort est encore debout parce qu'on s'est aperçu que ce béton spécial,
23:44qui est fait de granit solide mélangé au ciment,
23:47procure une capacité de résistance extrêmement importante
23:51qui résiste au plus gros calibre français, le 400,
23:55et au plus gros calibre allemand, le 420.
24:00La structure tient le choc, mais le fort de Vaud a un talon d'achille.
24:04Et les Allemands le connaissent.
24:07Ce sont les effectifs.
24:10Lorsque débute la bataille, comme tous les forts autour de Verdun,
24:14le fort de Vaud a une garnison de quelques dizaines d'hommes, pas plus.
24:18Ces hommes ne sont pas des troupes d'élite, en plus.
24:20Ce sont des soldats assez âgés qu'on appelle des territoriaux.
24:26Au début de la guerre, le réseau de fortifications autour de Verdun
24:30a effectivement été dépouillé de ses soldats pour regarnir en urgence le front.
24:36Le 1er juin 1916, quand les Allemands encerclent le fort,
24:40qui sont donc ces hommes qui s'interposent ?
24:44Les abords du fort sont défendus de manière extrêmement vaillante
24:48par différentes unités, par exemple le 142e régiment d'infanterie
24:52qui défend les tranchées aux abords du fort.
24:54De nombreux restes d'unités sont en fait repliés autour de Vaud
24:58face à l'offensive allemande.
25:01Mais malgré leur résistance farouche,
25:03les Français finissent par abandonner les parties extérieures du fort.
25:09Les Allemands arrivent relativement facilement à arriver sur le dessus du fort
25:12pour deux raisons principales.
25:14La première, c'est que l'artillerie française est bien muselée
25:16par l'artillerie allemande qui est au-dessus à ce moment-là en particulier.
25:19La deuxième, c'est que la tourelle avec ses deux canons de 75
25:22qui auraient dû permettre justement d'éviter cette situation
25:25a été lourdement endommagée par les bombardements du début de la bataille de Verdun.
25:30Retranchées à l'intérieur, inférieures en nombre,
25:33comment les Français vont-ils tenir alors que les Allemands pénètrent dans les souterrains ?
25:40Ici on est dans une galerie qui va devenir la première galerie de combat
25:42lors de l'assaut du fort de Vaud par les Allemands.
25:44Les galeries sont assez étroites comme vous pouvez le voir.
25:46Les Français vont pouvoir opposer seulement des barrages de sacs de sable
25:49et quelques mitrailleuses face aux assauts allemands qui sont assez violents.
25:52Des combats qui sont absolument dantesques,
25:54à la mitrailleuse, à la grenade, au lance-flamme,
25:57dans une atmosphère complètement saturée de poussière, de gaz d'explosion
26:02et dans une atmosphère qui est absolument irrespirable.
26:08Les blessés sont partout dans les couloirs, l'infirmerie ne suffit largement pas
26:11et quant aux morts, on sait qu'ils ont été obligés parfois de mettre leurs camarades sous la chaux
26:16pour dissoudre les corps et pas qu'il y ait de problèmes d'hygiène.
26:22Dans la pénombre et le vacarme des combats,
26:24le fort de Vaud résiste, mais il étouffe.
26:31Alors ici vous avez une casemate, une chambrée,
26:33des lits pour 40 hommes au total, 4 hommes par lit, 2 par niveau.
26:37Donc en principe, ça fait 160 hommes de garnison, 250 maximum.
26:43Pendant la bataille, on surcharge le fort, ils sont parfois jusqu'à plus de 800.
26:48Donc à partir de là, le fort a une garnison qui est absolument pléthorique
26:53et qui va peser négativement justement sur la défense du fort.
26:58Pourquoi avoir des soldats en nombre va-t-il devenir un handicap alors que l'on doit se défendre ?
27:04Qui est l'homme qui les dirige ?
27:07Pourquoi ce commandant de 49 ans arrive-t-il au fort de Vaud
27:10alors qu'il aurait pu finir la guerre dans un bureau à l'arrière du front ?
27:16Le commandant Reynal est un soldat qui s'est distingué sur les champs de bataille,
27:21blessé deux fois en 1914, blessé une fois en 1915, décoré de la Légion d'honneur.
27:26Mais c'est quelqu'un qui est extrêmement patriote
27:28et qui veut absolument continuer son engagement dans la guerre au contact des combats.
27:35Au fort de Vaud, le commandant Reynal est sacrément servi.
27:39Deux semaines seulement après son arrivée, lui et ses hommes vivent un enfer.
27:45Le 4 juin, la situation est plus que critique
27:47puisque ça fait déjà très longtemps qu'il n'y a plus d'eau potable dans le fort
27:50pour un fort surpeuplé et en plus le fort est encerclé.
27:54Pour autant, les soldats français se refusent à rendre les armes.
28:00Le commandant Reynal galvanise ses troupes de manière extrêmement efficace.
28:04Ses troupes en plus sont extrêmement tenaces.
28:07On attend d'un jour à l'autre d'être dégagé par des renforts
28:12qui viendraient notamment des arrières français.
28:15Mais comment communiquer avec l'arrière alors que les lignes téléphoniques sont coupées
28:20et que le fort voisin de Souville ne répond plus ?
28:25Un des moyens de communication qu'est à la disposition des forts en général,
28:28pas uniquement du fort de Vaud, c'est le pigeon voyageur
28:30qui sont dressés pour revenir à chaque fois à la citadelle de Verdun
28:33qui est le centre névralgique de la défense.
28:37Reynal rédige le message de la dernière chance.
28:40Il appelle de ses voeux une contre-attaque française.
28:44Le dernier pigeon, baptisé Vaillant, arrive à Verdun blessé et gazé.
28:51Cependant, les renforts n'arriveront jamais.
28:53Deux jours plus tard, la situation semble désespérée.
28:58La galerie principale dans laquelle on est maintenant,
29:00à la date du 6 juin 1916, il faut imaginer dune qui n'a pas de lumière.
29:04Il y a beaucoup de fumée, l'air est lourd,
29:06des soldats partout entassés les uns sur les autres.
29:09Ils en sont arrivés à lécher l'humidité des murs, même à boire leur urine.
29:13C'est certain, c'est un état de démence.
29:16D'ailleurs, le commandant Reynal, dans la nuit du 5 au 6 juin,
29:19il fait un tour dans le fort et voit ces soldats blessés qui viennent à lui en rampant
29:23et il demande à ce qu'on les achève ou qu'on leur donne de l'eau.
29:26Les hommes sont vraiment arrivés au bout du bout.
29:29Comment le fort va-t-il résister ?
29:31Jusqu'à quand Reynal et ses hommes vont-ils tenir ?
29:34Ce combat devenu symbolique tient la une des journaux.
29:38Ce siège du fort de Vaud est suivi aussi bien côté allemand que côté français
29:45par des correspondants de guerre, par les journaux, quotidiennement.
29:50Le 7 juin, après 6 jours et 7 nuits de combats forcenés,
29:54Reynal adresse sa reddition aux Allemands qui rendent honneur aux survivants du fort.
30:00Le commandant Reynal comprend que rendre le fort, c'est éviter un massacre inutile,
30:03la garnison n'est plus du tout en état de combattre.
30:06On ne connaît pas le nombre exact de survivants tellement les combats ont été effroyables.
30:12Vaud est finalement tombé.
30:14Et pourtant, côté français, on savoure cette défaite.
30:18Cette chute du fort de Vaud est une défaite, certes,
30:22mais elle met tellement en avant l'héroïsme du soldat français
30:27qu'elle a effectivement une sorte de parfum de victoire, oui.
30:30Le fort de Vaud sera repris par les Français 5 mois plus tard,
30:34mais sans combats sanglants cette fois.
30:37La reprise du fort de Vaud ne sera possible qu'en reprenant le pilonnage du fort
30:43pour en chasser les Allemands.
30:45La vie dans le fort pour les Allemands va devenir intenable
30:48et ils finiront par l'évacuer.
30:52Après un nouveau pilonnage transformant les environs du fort en désert,
30:56cette guerre aura fini par donner à cet ouvrage militaire
30:59des allures d'habitation troglodytiques.
31:11Comme les environs du fort de Vaud,
31:13cette ville a subi des bombardements démentiels.
31:17Dans la région Hauts-de-France, voici Arras.
31:20Les séquelles de 14-18 n'y sont plus visibles en surface.
31:23Ici, les traces de la Première Guerre mondiale.
31:26Ce n'est pas dans une citadelle qu'il faut aller les chercher,
31:29ni sur les pavés de ces places, mais plutôt en dessous.
31:36Là, on y découvre d'étranges inscriptions,
31:39comme ces mots d'une langue parlée à l'autre bout de la planète.
31:45Qui sont les auteurs de ces graffitis
31:47où les ladies britanniques voisinent avec sa majesté George V ?
31:52Pourquoi, alors qu'Arras s'est vidée de ses 24 000 habitants,
31:55va-t-on préparer dans ces souterrains de quoi accueillir une ville entière ?
32:02Comment se fait-il que les Allemands qui assiègent Arras
32:05soient littéralement cueillis au sceau du lit et faits prisonniers en avril 17 ?
32:11Pour le savoir, il faut s'enfoncer sous la capitale du pays,
32:14d'Artois, où s'est préparé en l'espace de six mois
32:17l'un des coups les plus ingénieux de la Grande Guerre.
32:24Durant quatre ans, Arras n'est jamais tombé aux mains des Allemands.
32:29Mais la jolie cité médiévale était bien trop stratégique pour échapper au conflit.
32:34Neux ferroviaires et routiers, à cheval entre Somme et Flandre,
32:38la ville a été une cible de choix pour l'artillerie adverse.
32:41Arras était constamment bombardée.
32:43Elle est bombardée à partir d'octobre 1914 jusqu'à octobre 1918.
32:48C'est une ville martyr, elle a été reconnue comme telle.
32:51Il ne restait que 5 % de maisons qui n'avaient pas été touchées
32:54par les obus à la fin du conflit.
32:58Fin 1916, la ville, ou du moins ce qu'il en reste,
33:02est administrée par les Britanniques.
33:05Les Allemands, en tant qu'assassins,
33:07ou du moins ce qu'il en reste,
33:08est administrée par les Britanniques.
33:11Alors que les Alliés cherchent à remporter une guerre qui dure depuis trop longtemps,
33:15Arras va se voir attribuer un rôle bien surprenant.
33:20Le haut commandement allié a décidé que l'offensive se ferait au chemin des Dames.
33:25Et on décide de suite de faire une entreprise de diversion
33:29et on cherche un endroit sur le front, éloigné d'une centaine de kilomètres,
33:34pour attirer les forces allemandes.
33:37La diversion se fera donc à Arras,
33:40et avec un atout de dernière minute,
33:42la découverte de carrières de pierres complètement oubliées,
33:46au beau milieu de la ville.
33:49Donc ici, on est à 20 mètres sous le sol,
33:52et c'est vraiment ce que vont redécouvrir ces Néo-Zélandais à la fin de l'année 1916.
33:57Certains vont même comparer ces carrières à de véritables cathédrales de pierres.
34:00Donc ça remonte au Grand Quartier Général,
34:03et un gradé anglais dit, mais ça pourrait être une opportunité.
34:07En quoi ces carrières constituent-elles une opportunité ?
34:10Le projet va rester des plus secrets pendant six mois.
34:13Six mois durant lesquels des mineurs vont particulièrement s'illustrer.
34:17Des mineurs venus des antipodes.
34:20Alors ici, on peut lire Kia Ora, donc en Maori, bienvenue.
34:25En dessous, on retrouve deux lettres, NZ, Nouvelle-Zélande, New Zealand.
34:29Et cette grande inscription est accompagnée de deux fougères,
34:33déjà le symbole des Néo-Zélandais pendant la Première Guerre mondiale.
34:36On fait appel aux tunneliers Néo-Zélandais,
34:39qui sont des spécialistes, des mineurs,
34:41qui viennent des mines de charbon, qui viennent des mines d'or de Nouvelle-Zélande.
34:46Ils sont environ 500 Néo-Zélandais, dont une quarantaine de Maori.
34:50Et à coup de pioche, ils transforment le sous-sol d'Arras en un immense réseau de galeries.
34:55Ça tourne 24 heures sur 24,
34:57donc c'est trois équipes qui tournent constamment nuit et jour
35:00pour réaliser les travaux dans les délais.
35:02Et bien sûr, il y a toujours l'esprit de compétition chez les Britanniques.
35:05C'est l'équipe qui va creuser le plus vite et le plus loin.
35:15C'est un des meilleurs exemples ici de ces tunnels creusés par ces Néo-Zélandais.
35:19Normalement, hauteur d'homme pour laisser passer ces soldats avec leur équipement.
35:23Et dans les tunnels principaux, on va installer des petites voies ferrées
35:27pour faire circuler ce type de wagonnets.
35:32Au bout de six mois, les mineurs ont creusé 24 km de galeries
35:36qui relient différents carrières, baptisées de noms de villes Néo-Zélandaises.
35:41Ces carrières s'appellent Nelson ou Wellington.
35:44Et elles vont pouvoir désormais accueillir les soldats de l'Empire britannique
35:48arrivés de nuit, dans la plus grande discrétion pour ne pas alerter les Allemands.
35:53Les soldats britanniques qui sont dans les villages situés à l'ouest d'Arras
35:58viennent à pied, traversent la ville, on leur donne une bougie pour six personnes
36:04et on descend par les escaliers à l'intérieur du réseau souterrain.
36:09Dans les anciennes carrières, il y a bientôt autant de personnes que dans le Arras d'avant-guerre.
36:15L'idée c'est vraiment d'accumuler le maximum de soldats, on va arriver jusqu'à 24 000 hommes.
36:19Tout est aménagé pour ces soldats.
36:21Il y a des dortoirs, on va aménager des points d'eau, des latrines.
36:25Bref, ils sont vraiment comme des cantonnements militaires avec une discipline militaire.
36:31Pour éviter que le secret ne tombe aux mains des Allemands,
36:34seuls les officiers ont connaissance du plan de bataille.
36:37Les hommes de troupes, eux, en savent le moins possible.
36:42Ils savent qu'ils sont à Arras, dans les souterrains, mais à chaque fois c'est somewhere, in France.
36:48Ils ne savent pas vraiment où ils sont et ce qu'ils vont faire.
36:50Les hommes savent qu'être rassemblés aussi nombreux sur un espace aussi réduit, on sait qu'il y a une bataille à préparer.
36:58Cette bataille, ce sera la bataille d'Arras.
37:01Et les soldats britanniques vont la sentir arriver d'un seul coup.
37:05Le temps de laisser quelques traces, parfois légères, sur les murs de ces carrières.
37:09Et après une semaine passée sous terre, la tension monte d'un cran en ce jour particulier du dimanche 8 avril 1917.
37:18C'est le dimanche de Pâques.
37:20Et en effet, de ci de là, dans les caves, dans les carrières, il y aura pas mal de services religieux.
37:25Et là, quand la messe est en cours, ils savent très bien que c'est pour la nuit suivante.
37:31Pas de doute, l'offensive est fixée au lendemain.
37:35Au petit matin, les soldats quittent les cantonnements pour se regrouper autour des dix sorties creusées par les tunneliers néo-zélandais.
37:43Et alors que les soldats patientent, ils ont le champ de bataille juste au-dessus de leur tête avec cette interrogation.
37:50Attaqué depuis les sous-sols d'Arras, va-t-il leur sauver la vie ?
37:555h30 du matin, les soldats sont ici, ils sont au pied de ces escaliers pour attaquer les soldats allemands qui sont juste en face.
38:01Donc on peut imaginer le stress qu'ils vivent ici, ces heures, ces minutes juste avant l'assaut.
38:08À coups d'explosifs, les mineurs font alors sauter la dernière couche de terre.
38:12Les Britanniques partent à l'assaut.
38:16Et le coup de génie de cette opération souterraine, c'est qu'on évite le champ de barbelé du Nommandsland pour débaucher par surprise directement sur les premières lignes allemandes.
38:28On va surgir à peu près à une dizaine de mètres des lignes allemandes.
38:33Les troupes de pointe arrivent et trouvent dans les souterrains allemands les officiers bavarois encore en robe de chambre en train de consommer leur café.
38:43Donc l'alerte n'a pas été donnée et très rapidement, dans la journée, on va faire ce qu'on n'a jamais réussi à faire depuis 3 ans devant Arras, c'est conquérir une dizaine de kilomètres.
38:56Malheureusement, l'avantage est de courte durée.
38:59Quelques jours plus tard, les forces britanniques butent à nouveau contre les deuxièmes lignes allemandes et leur renfort venu de Douai et Cambrai.
39:09La guerre de tranchées reprend alors ses droits et la bataille d'Arras va se transformer en bain de sang dans les semaines qui suivent à cause d'une autre bataille qui se déroule 100 kilomètres plus loin.
39:22L'offensive de diversion d'Arras a dû se prolonger dans le temps, ce qui n'était pas vraiment prévu.
39:27On devait simplement attirer les troupes allemandes et s'arrêter là.
39:32Mais comme ça ne marchait pas sur le chemin des dames, ils ont dû insister, insister et ils n'avaient pas les moyens, les effectifs nécessaires.
39:40Donc les pertes ont été énormes.
39:42On a calculé qu'il y avait plus de 4000 morts par jour pendant la bataille d'Arras, plus que pendant la bataille de la Somme.
39:52Arras libéré de la pression de l'artillerie allemande.
39:5420 000 prisonniers et la prise d'un important stock d'armes ne peuvent faire oublier le nombre de victimes côté britannique.
40:02Plus de 150 000 morts en seulement 39 jours de combat.
40:09Cependant, une chose est sûre, sans la découverte et l'aménagement des carrières Wellington, Nelson et autres Blenheim, le bilan aurait été bien plus terrible.
40:25Une semaine jour pour jour après l'attaque géniale des britanniques à Arras, une autre carrière va réserver des surprises, mais cette fois au détriment des alliés.
40:37À une centaine de kilomètres du pays d'Artois, nous voici dans le département de l'Aisne, lui aussi largement touché par la grande guerre.
40:46Ici se trouve un site au nom emprunt de mystère et de violence, la caverne du dragon.
40:54Pendant pratiquement quatre ans, mitrailleuses et lance-flammes y ont craché le feu tant du côté allemand que français.
41:03Vu l'importance capitale de cet endroit, pourquoi les stratèges français ont-ils négligé l'intérieur de cette caverne au moment de lancer l'offensive sur le chemin des dames ?
41:13Avec quelles terribles conséquences ?
41:17De juillet à novembre la même année, quel épisode étrange va se dérouler dans les sous-sols de la caverne ?
41:25Pour revivre l'un des scénarios les plus surréalistes de 14-18, plongez dans l'un des sites mythiques de la grande guerre, la caverne du dragon.
41:40Après la bataille de la Marne, les allemands sont obligés de battre en retraite à l'automne 1914.
41:47Dans leur mouvement de repli, ils mesurent l'intérêt hautement stratégique d'une région qu'ils vont défendre bec et ongles pendant quatre ans.
41:55Ici, ils vont trouver sur le plateau du chemin des dames une position stratégique de premier ordre.
42:01A la fois parce que le plateau est une frontière géographique entre le nord et le sud, et son escarpement aussi permet sa défense, et surtout ils vont trouver ici des carrières souterraines qu'ils vont pouvoir exploiter.
42:13A l'intérieur d'étranges symboles. Ils ornaient déjà la cavité avant même qu'un soldat allemand ou français n'y mette les pieds.
42:22C'est une représentation de la tête de Saint Jean Baptiste ou du Christ probablement, probablement fait par un sculpteur qui était venu ici s'entraîner dans la pierre.
42:33Le rameau d'Akacia, symbole d'immortalité plane au-dessus des soldats allemands.
42:37Lorsqu'ils investissent totalement la grotte, nous sommes fin janvier 1915 et ils viennent de chasser les français dans la vallée.
42:46Eux aussi vont creuser la pierre comme les carriers d'antan, pas pour construire une abbaye, mais une caserne militaire.
42:54Les allemands transforment ce site en véritable caserne souterraine avec des installations logistiques.
43:00Le téléphone était installé dans toute la caverne. La sortie nord est indiquée.
43:06Les groupes électrogènes pour la lumière, l'électricité ne fonctionnaient qu'une à deux heures par jour.
43:11Le reste du temps, c'est 150 bougies par semaine. La fontaine, le point d'eau et même les latrines. C'est un lieu de vie.
43:21Un sinistre lieu de vie de trois hectares qui possède même un recoin plus sombre encore que les autres.
43:29C'est la salle la plus reculée, la plus froide de la caverne, la plus humide.
43:33Donc un endroit qui sert de salle commune, de chapelle, mais quand on ne peut plus enterrer les hommes en surface, ça devient aussi le cimetière.
43:43Pendant deux ans, l'intérieur de la grotte est complètement transformé et les allemands travaillent dans la plus grande discrétion.
43:51Les allemands gardent ici la pierre qu'ils creusent pour une bonne et simple raison.
43:54La simple raison, c'est qu'il y a l'observation aérienne et qu'il ne faut pas voir la pierre blanche qui serait bien sûr visible depuis l'extérieur.
44:02Secrètement, les allemands rendent le site encore plus stratégique qu'il ne l'était au départ.
44:08Alors ici, nous sommes au niveau de l'entrée du tunnel nord, tunnel qui a été creusé par les allemands entre février et juillet 1915,
44:15afin de pouvoir relier la caverne du dragon qui donne sur le versant sud du chemin des dames directement au versant nord.
44:22Ce tunnel de 124 mètres de long qui relie l'entrée de la grotte aux lignes arrières allemandes, aura-t-il une incidence sur les combats à venir ?
44:33En tout cas, les français ne savent rien de tous ces travaux alors que se prépare l'offensive sur le chemin des dames en avril 1917.
44:42Cette offensive, elle est considérable, c'est peut-être l'une des plus grandes offensives de la guerre.
44:48Près d'un million d'hommes sont mobilisés au sud du chemin des dames.
44:5312 avril 1917, les canons français visent les allemands campés sur le plateau du chemin des dames.
45:00Pendant trois jours, c'est une avalanche de bombes qui s'abat sur tous les environs.
45:05Il faut vraiment imaginer un paysage totalement lunaire.
45:08Tout a été blanchi par près de 6,5 millions de bus sur 30 kilomètres pendant dix jours.
45:13L'assaut ultime est fixé au 16 avril au matin.
45:17Parmi les hommes qui vont attaquer le secteur où se trouve la caverne, les tirailleurs africains de la 10e division d'infanterie coloniale.
45:25Sont-ils vraiment préparés à ce qui les attend ?
45:28Ce sont des hommes qui sont arrivés ici il y a à peu près 15 jours et il fait moins de 0 degré.
45:33Il y a plusieurs centaines de cas de gelures et de pneumonies avant l'attaque.
45:37Et ces hommes doivent partir à l'assaut d'un plateau qui est 100 mètres d'altitude plus haut, avec une pente de 25%.
45:44Au bout d'une demi-heure, les tirailleurs arrivent au niveau de la caverne du dragon.
45:49Le problème c'est qu'en haut lieu, on leur a dit de gagner le plus de terrain sans même jeter un oeil à ces grottes.
45:56Ces creutes comme on les appelle en picard.
45:59Sur certaines cartes, les creutes ne sont même pas mentionnées.
46:02Vous avez donc des officiers qui arrivent devant ce genre d'endroit et qui pensent qu'il n'y a probablement personne.
46:08Seulement une surprise arrive à ce moment-là.
46:09Les Français étant passés, les Allemands n'entendant plus de bruit dans la caverne, ressurgissent dans leur dos.
46:17Ils ressortent avec leurs mitrailleuses, ils prennent un revers les troupes françaises et les Français sont complètement laminés.
46:26Ce 16 avril, des milliers de tirailleurs seront fauchés par les mitrailleuses allemandes.
46:32Mais qu'en est-il des autres régiments engagés sur le reste du plateau du chemin des dames ?
46:36Très vite, l'offensive qui devait être très rapide, on parlait même d'être dans le nord du département de l'Aisne en trois jours, sera un désastre.
46:48Un mois plus tard, le général Nivelle qui a planifié cette offensive est limogé, remplacé par Pétain.
46:55Dans un contexte d'enlisement, de mutinerie et de révolution russe, l'armée française a impérativement besoin de victoire.
47:03Le 25 juin 1917, les Français se lancent à nouveau à l'assaut de la caverne.
47:09Cette fois, ont-ils vraiment conscience de la puissance de feu du dragon ?
47:13Les Français conçoivent un plan.
47:16Prendre d'assaut les positions en surface et conjointement disperser du gaz dans la caverne.
47:22A 4 heures du matin, les 199 mètres cubes de gaz sont dispersés dans les parties sud.
47:28Ces gaz vont rapidement être bloqués par les mitrailleuses allemandes.
47:31Ces gaz vont rapidement être bloqués, mais les Allemands qui sont dans la caverne le sont aussi.
47:36Dans la soirée, ils n'ont d'autre choix que de se rendre.
47:39Et Nivelle va faire le tour du monde.
47:47On va retrouver le nom de caverne du dragon un peu dans tous les grands journaux, même à l'international.
47:53Aux Etats-Unis, en Angleterre, la dragon's cave sera prise, il y aura un côté bien sûr très symbolique.
47:59Plus que symbolique, puisqu'un mois après, quasiment jour pour jour, les Allemands sont déjà de retour.
48:07Les Allemands réinvestissent le tunnel nord de la caverne du dragon.
48:11Quelques combats, quelques échanges de grenades, mais très rapidement les Français comprennent qu'il faut se retrancher dans les parties sud.
48:19Commence alors une période surréaliste, dans une caverne qui semble ne pas vouloir choisir son camp.
48:25Cette période elle est particulière, on peut l'imaginer, puisque soldats français et allemands sont à quelques mètres de distance dans l'obscurité.
48:34Là-haut on continue de se battre, ici dans le noir ça n'a aucun intérêt, ça sert à rien de gaspiller des munitions et le premier qui allume sa lampe se fera tirer dessus.
48:42On cohabite.
48:44La cohabitation dure ainsi près de trois mois.
48:47Avant que la caverne ne batte à nouveau pavillons français, puis allemands.
48:51Puis à nouveau français, lors de la dernière offensive victorieuse du général Foch.
48:58Au final, la caverne du dragon aura quand même craché ses flammes jusqu'au 12 octobre 1918, soit un mois avant l'armistice.
49:07Même le 11 novembre, dernier jour de guerre, il y aura encore des combats car jusqu'au bout, ce conflit aura avalé les hommes, par centaines de milliers, par millions.
49:19Et parce que les armées ont rapidement buté les unes contre les autres, on a eu le temps d'exploiter chaque pouce de terrain pour faire du moindre espace et jusqu'au plus profond de la terre, un potentiel champ de bataille.
49:33Pire, comme le fort de Mutzig qui va inspirer les français pour la ligne Maginot, chacun de ces lieux va livrer des enseignements pour préparer la guerre suivante.
49:43Car la Derdéder n'était pas la dernière guerre mondiale, comme beaucoup l'espéraient, mais seulement la première.