• il y a 3 mois
Cette semaine on va parler du fantasme ultime des militants, d’une partie de la gauche, des anarchistes, du cauchemar des bourgeois, d’un mot utilisé à tort et à travers, à tel point qu’on ne sait plus bien ce qu’il veut dire, on va parler de révolution.

Retrouvez « La lutte enchantée de Cyril Dion » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-lutte-enchantee-de-cyril-dion

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Transcription
00:00Et comme tous les mercredis, c'est le moment de retrouver votre lutte enchantée, Cérile
00:12Durand.
00:13Cette semaine, on va parler du fantasme ultime des militants, d'une partie de la gauche,
00:16des anarchistes, du cauchemar des bourgeois, d'un mot utilisé à tort et à travers à
00:20tel point qu'on ne sait plus bien ce qu'il veut dire, on va parler de révolution.
00:23Bigre ! Quel programme !
00:25La semaine dernière, je vous disais que pour changer de jeu, souvenez-vous, nous jouons
00:29tous à une sorte de monopoly géant, il fallait à la fois choisir un autre jeu,
00:33grâce à une vraie démocratie, et faire la révolution, j'ai mis des guillemets parce
00:37que nous sommes tout de même sur France Inter.
00:39D'abord, changer de jeu, ça veut dire quoi ? Pour l'instant, on joue à gagner le plus
00:43d'argent possible, à faire de la croissance coûte que coûte, mais si on veut que cette
00:47planète reste habitable, il faudrait qu'on joue à autre chose, comme par exemple, défendre
00:51et perpétuer la vie sur cette planète, qu'on pourrait aussi appeler rester en bonne santé.
00:57C'est ce que propose d'ailleurs l'économiste Éloi Laurent dans son livre « Et si la santé
01:01guidait le monde ? », remplacer l'indicateur de la croissance du PIB par un indicateur
01:05de santé globale, considérant que les humains ne peuvent pas être en bonne santé sur une
01:09planète malade.
01:10Donc, la finalité de nos sociétés deviendrait de préserver la santé des humains, autant
01:14que celle des océans, des sols, des forêts, des animaux.
01:17Ça, c'est notre projet, notre destination, notre nouveau jeu, ce que le militant Zdrapopovic
01:23appelle « une vision pour demain ». Et c'est très important dans une révolution, il faut
01:26savoir où on veut aller, sinon on peut se perdre en chemin.
01:29C'est ce que j'appelle moi un nouveau récit, une nouvelle histoire que nous nous
01:33racontons collectivement.
01:34Car comme le rappelle régulièrement l'historien Yuval Harari, les sociétés humaines se structurent
01:40autour de grands récits, de grandes fictions.
01:42Et plus nous sommes nombreux à adhérer à la même fiction, plus nous sommes nombreux
01:47à adhérer aux mêmes règles, aux mêmes lois, aux mêmes normes.
01:50Opérer cette bascule d'un récit à l'autre, d'un monde où l'être humain est comme
01:55maître et possesseur de la nature, pour reprendre le mot de Descartes, à un monde où il est
02:00un vivant parmi les vivants, pour reprendre celui de Baptiste Morisot, c'est une véritable
02:04révolution copernicienne.
02:05Un bouleversement de nos représentations du monde, de nos échelles de valeurs, une métamorphose.
02:10Comparable à l'abolition de l'esclavage, à la fin de la ségrégation, au droit de
02:14vote des femmes, à la fin de la monarchie.
02:16Mais comment y parvenir ?
02:18Oui, on aimerait bien le savoir !
02:20C'est ça toute la question.
02:21On peut commencer par se demander quels ont été les ingrédients de ces bascules anciennes,
02:25pour réfléchir à quoi faire dans le présent.
02:27Alors, c'est quoi les ingrédients justement Cyril ? Quels ont été ces ingrédients ?
02:30Et bien, dans chacune des situations que je viens d'évoquer, trois ingrédients entraient
02:36en conjonction.
02:37D'abord, deux nouveaux récits, comme je l'ai évoqué, des personnes capables d'imaginer
02:40une société différente, de se projeter dans l'avenir.
02:43Typiquement, Martin Luther King, quand il lance son « I had a dream », lorsqu'il dit
02:47« Je rêve d'un monde dans lequel mes quatre petits-enfants ne seraient pas jugés à la
02:50couleur de leur peau, mais à la teneur de leur caractère », il est déjà dans le
02:54futur.
02:55Il pointe un horizon, capable de mobiliser des foules et leur désir de changement.
02:59Ces nouveaux récits peuvent être des contenus dans des discours, des livres, des films,
03:04mais aussi des pratiques, des initiatives pionnières, comme celles dont nous parlons
03:07dans cette émission régulièrement, qui cherchent d'ores et déjà à construire ce monde nouveau.
03:11Typiquement, par exemple, des paysans qui pratiquent la permaculture inventent un nouveau
03:15récit de l'agriculture.
03:16Ça, c'est le premier ingrédient.
03:17Le second, ce sont les rapports de force.
03:19Dans chaque bascule de l'histoire, il y a des progressistes qui cherchent à faire
03:23émerger un monde nouveau, et des conservateurs prêts à tout pour préserver le monde ancien.
03:27Ceux dont je vous parlais la semaine dernière, par exemple, qui cherchent à protéger leur
03:30intérêt coûte que coûte dans l'industrie pétrolière, chimique, etc.
03:33Or, les tenants du pouvoir ne lâchent jamais de leur plein gré.
03:36Qu'il s'agisse de la Révolution française, de la lutte pour les droits civiques ou pour
03:40la fin de l'esclavage, à chaque fois, un flanc modéré qui organise des marches, des
03:45grèves, de la faim, des actions de désobéissance civile, et un flanc plus radical qui organise
03:49de l'action directe, des sabotages, des émeutes, sont partis à l'assaut du pouvoir.
03:54Ces rapports de force peuvent avoir lieu sur le terrain politique, en tâchant de défendre
03:57des idées et de se faire élire, sur le terrain judiciaire, en attaquant en justice, dans
04:01la rue, mais doivent être organisés pour atteindre des objectifs stratégiques et faire
04:05tomber ce que Popovic appelle les « piliers du pouvoir ».
04:08Ça, c'est le second ingrédient.
04:10Et le troisième, Cyril ?
04:12Le troisième vient agir comme un catalyseur des deux premiers.
04:15C'est la circonstance historique qui précipite les changements, comme en chimie.
04:19Par exemple, dans le cas du droit de vote des femmes en Angleterre, des personnes ont
04:23été capables d'imaginer un monde où femmes et hommes auraient les mêmes droits civiques,
04:27le récit donc.
04:28Les suffragettes ont engagé des rapports de force, très musclés, incendiaient des
04:33boîtes aux lettres, cassaient des vitrines, allaient se battre avec la police.
04:35Mais c'est la première guerre mondiale, donc la circonstance historique, qui a tout
04:39précipité, quand les femmes ont remplacé les hommes partis ou morts sur le front.
04:43Engager une révolution aujourd'hui, c'est donc imaginer un monde post-croissance, où
04:48notre économie serait régénératrice et respecterait les limites planétaires, et
04:52commencer à le faire exister à travers des initiatives pionnières.
04:55Mais c'est aussi engager un rapport de force puissant avec les entreprises fossiles, les
05:00gouvernements, les banques et tous ceux qui mettent en péril la vie sur cette planète.
05:03Tout en sachant qu'une circonstance historique va accélérer le processus, le changement
05:07climatique.
05:09Comment chacun et chacune de nous peut participer à cette révolution ? Vous le saurez la
05:14semaine prochaine !

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