• il y a 2 mois
La semaine dernière j’ai fait une promesse peut-être un peu audacieuse.

Retrouvez Cyril Dion sur le site de France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-lutte-enchantee-de-cyril-dion

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Transcription
00:00Comme tous les mercredis désormais, Cyril Dion, c'est l'heure de votre Lutte Enchantée.
00:03La semaine dernière, j'ai fait une promesse peut-être un peu audacieuse, qui est de répondre
00:08à cette incessante question, celle qu'on me pose depuis 20 ans, à chaque fois qu'il
00:11est question d'écologie.
00:12Mais qu'est-ce qu'on peut faire ? Quand on y pense, c'est un peu dingue qu'on en soit
00:16encore là en 2024, qu'on se sente impuissant et coincé au point de se poser toujours la
00:21même question.
00:22Mais bon.
00:23En fait, la réponse est assez simple.
00:25En tout cas, je vais tâcher de la formuler de la façon la plus simple possible.
00:28Vous trouverez peut-être ça simpliste, caricatural, mais je n'ai que 4 minutes.
00:32Mais d'abord, pour se mettre d'accord sur la solution, il faut se mettre d'accord sur
00:36le problème.
00:37Alors, quel est le problème, Cyril ?
00:38Notre problème, celui que nous devons résoudre, c'est de garder cette planète habitable.
00:42De faire en sorte de ne pas dépasser ce que les scientifiques du Stockholm Resilience
00:46Center ont appelé les 9 limites planétaires, qui garantissent que la vie sur Terre restera
00:51possible et aussi agréable que faire se peut dans les décennies et les siècles à venir.
00:55Or, sur les 9 limites, nous en aurions déjà dépassé 6.
00:58On dérègle le climat, on tue les espèces vivantes entre 100 et 1000 fois plus vite
01:03que leur taux d'extinction normale, on détruit les zones sauvages pour les artificialiser,
01:07on surutilise et on pollue l'eau douce, on sature les écosystèmes de molécules chimiques,
01:12on perturbe les cycles de l'azote et du phosphore, c'est du beau boulot.
01:15Et donc, qu'est-ce qui va se passer a priori si on continue comme ça ?
01:17On met notre espèce en danger, en plus des autres.
01:21Au rythme actuel, une partie de l'humanité pourrait disparaître.
01:24Mourir, des centaines de millions de personnes au moins, à cause de la chaleur, de la pollution,
01:29des catastrophes naturelles, d'épidémies, parce qu'il n'y aura plus assez d'eau,
01:32de nourriture, parce que des guerres éclateront, parce qu'une grande partie de la vie sur
01:36Terre pourrait s'effondrer brutalement, ce que les scientifiques appellent une extinction
01:39de masse, et des millions de personnes meurent déjà, un décès sur six sur la planète
01:44est causé par la pollution de l'air, des sols, de l'eau chaque année.
01:46Mais alors, pourquoi on fait ça ? On pourrait se demander.
01:50C'est vrai, ça a l'air débile comme projet.
01:52On fait ça, roulement de tambour, pas parce qu'on est idiot ou méchant, mais parce
01:58qu'une petite poignée de personnes a décidé pour nous, personne n'a voté, que c'était
02:02ça le projet collectif, que c'était ça le jeu auquel nous allions tous jouer.
02:06Ça s'appelle la croissance infinie dans un monde fini, ou le capitalisme.
02:10Ça consiste à transformer des gens, des paysages, des animaux, en valeur, en argent,
02:15le plus vite possible.
02:16Ce qui nous conduit à brûler trop de carbone, qu'on envoie dans l'atmosphère, à raser
02:19trop de forêts, à pêcher trop de poissons, à déverser trop de produits chimiques dans
02:22les rivières, les sols, les océans, à produire trop de déchets, à manger trop de viande.
02:25Il n'y a pas vraiment besoin d'être une lumière pour comprendre que ce « trop »
02:28à long terme, ça ne peut pas marcher.
02:30Un peu comme quand votre médecin vous dit que si vous fumez trop, que si vous buvez
02:34trop, que si vous collez trop de produits chimiques dans le buffet, il y a de très
02:37fortes chances que vous finissiez avec un cancer, et éventuellement que vous y passiez.
02:41Donc, pour résoudre le problème, nous avons besoin de faire l'inverse, c'est-à-dire
02:45moins.
02:46Le GIEC appelle ça « la sobriété » dans son sixième rapport.
02:49C'est ça la réponse simple à « qu'est-ce qu'on peut faire ? ». Pas juste décarboner
02:52– on peut décarboner et continuer à défoncer les écosystèmes – non, consommer radicalement
02:57moins de matière et d'énergie, globalement, rétablir l'équilibre.
03:00Tout le reste, c'est du baratin, le développement durable, la croissance verte, tous ces oxymores
03:05pour faire croire qu'on peut tout changer sans rien changer, qu'on peut continuer
03:08à faire plus tout en faisant moins, qu'on peut tout faire en même temps.
03:11NICOLAS.
03:12Et si on le sait, Cyril Dion, pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas ?
03:13CYRIL.
03:14On ne le fait pas parce que ceux qui sont en tête dans la grande partie de monopolie
03:18mondiale auquel nous jouons, toutes et tous, de gré ou de force, c'est-à-dire ceux
03:22qui consomment le plus, ceux qui ont le plus de pouvoir, n'ont aucune envie qu'on joue
03:26à autre chose, parce qu'ils gagnent.
03:27Une illustration ? Depuis 50 ans, les grandes compagnies pétrolières, parmi les multinationales
03:32les plus riches de la planète, ont dépensé des milliards pour empêcher qu'on touche
03:35à leur business mortifère.
03:36Pareil pour l'industrie chimique, et les gouvernements ont suivi.
03:39Et nous, dans tout ça, pourquoi est-ce qu'on ne fait rien ? Ou pas plus ? C'est quand
03:43même de notre survie qu'on parle.
03:44Il y a beaucoup de raisons à ça, mais je voudrais insister sur une.
03:47On ne fait rien, ou pas grand-chose, parce que l'essentiel de notre temps, de notre
03:51énergie, de notre intelligence, est consacré au travail.
03:54Vous avez le temps de sauver le climat, vous ? Non, parce qu'il faut aller gagner votre
04:00vie.
04:017 à 8 heures par jour.
04:02Et qui a décidé ça ? Qui aurait le pouvoir de vous libérer du temps et de l'argent
04:06pour agir ? Ceux qui déterminent les règles du jeu.
04:09Et c'est là que se situe la seconde réponse.
04:12Agir, ce n'est pas aller travailler chez Total en vélo, ou manger des Pokéball vegan
04:17à la cantine de Bayer.
04:18Ce n'est pas faire des petits gestes dans un océan de croissance.
04:20Quelqu'un disait, même si vous faites jouer Martin Luther King, Gandhi et Mère
04:26Thérésa au Monopoly, à la fin il se produira la même chose, l'un aura ruiné les autres.
04:30Parce que ce n'est pas un problème de personne, c'est un problème de jeu.
04:34Et aujourd'hui, nous avons besoin de changer de jeu.
04:37Comment ? Rendez-vous la semaine prochaine.
04:41En attendant, Cyril Dion, notre mère Thérésa, à nous, on peut retrouver notre chronique
04:46très bientôt dans les heures qui viennent, en vidéo sur la page de la Terre au Carré
04:50et en podcast sur l'appli Radio France.
04:51A mercredi Cyril.
04:52Merci.

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