De Charles de Gaulle, nous croyons tout savoir ou presque. Tant de films lui ont été consacrés qu'il semble qu'il n'y a plus grand-chose à raconter sur lui. Pourtant, le de Gaulle que nous connaissons est le Général de Gaulle, celui qui, pour beaucoup de Français, surgit 'de nulle part' un beau jour de juin 1940 pour dire à la France 'non, la bataille n'est pas perdue ».
Mais quand de Gaulle fait irruption sur la scène de l'histoire en 1940, il a presque 50 ans. Cet homme a un passé, il ne naît pas avec son refus de la défaite française face à l'Allemagne nazie.
C’est ce passé que nous voulons raconter. Un film qui commencera en 1905 (de Gaulle a alors 15 ans) et se terminera là où commencent les autres.
L'histoire de Charles de Gaulle avant 1940, c'est l'histoire d'un adolescent convaincu qu'il aura un rôle à jouer dans l'histoire de France, et qui vit dans l'attente de ce jour.
C'est l'histoire d'un homme qui a épousé la France, qui l'a saisi à bras-le-corps et s'est identifié à elle. Un de Gaulle qui va 'empoigner l'histoire par les naseaux' comme le lui conseillait son père, et faire irruption sur la scène de l'Histoire en devenant l'homme du premier refus de la défaite.
Mais quand de Gaulle fait irruption sur la scène de l'histoire en 1940, il a presque 50 ans. Cet homme a un passé, il ne naît pas avec son refus de la défaite française face à l'Allemagne nazie.
C’est ce passé que nous voulons raconter. Un film qui commencera en 1905 (de Gaulle a alors 15 ans) et se terminera là où commencent les autres.
L'histoire de Charles de Gaulle avant 1940, c'est l'histoire d'un adolescent convaincu qu'il aura un rôle à jouer dans l'histoire de France, et qui vit dans l'attente de ce jour.
C'est l'histoire d'un homme qui a épousé la France, qui l'a saisi à bras-le-corps et s'est identifié à elle. Un de Gaulle qui va 'empoigner l'histoire par les naseaux' comme le lui conseillait son père, et faire irruption sur la scène de l'Histoire en devenant l'homme du premier refus de la défaite.
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00:00Mon Dieu, cette guerre l'avait-il rêvé ? D'abord par imagination d'enfant, puis par ambition aventureuse de jeunesse, enfin par impatience de sa capacité professionnelle.
00:20Et maintenant que la guerre était là, l'inquiétude saisissait l'officier. Serait-il brave, lui qui rêvait de l'être tant ?
00:29Le 3 août 1914, l'Allemagne a déclaré la guerre à la France et à la Belgique. Charles de Gaulle est lieutenant, il a 24 ans.
00:58Il écrit dans un de ses carnets qu'il tient au jour le jour.
01:01Adieu mon appartement, mes livres, mes objets familiers. Comme la vie paraît plus intense, comme les moindres choses ont du relief quand peut-être tout va cesser.
01:12C'est la route de dix nans que suit le régiment. Marche de nuit. Tout le monde sent qu'on va au combat, mais tout le monde est résolu et plein d'entrain.
01:24À six heures du matin, boum boum, la danse commence. Ce sont les premiers coups que nous recevons de la campagne.
01:30Quelle impression sur moi ? Pourquoi ne pas le dire ? Deux secondes d'émotion physique, gorge serrée, et puis c'est tout.
01:39Les troupes françaises doivent empêcher l'armée allemande de franchir la Meuse, mais la citadelle qui domine l'unique pont et la voie de chemin de fer est tenue par les Allemands.
01:48Il se demandait s'il saurait se montrer brave. Le moment est venu pour lui de connaître la réponse.
01:54Pour me rendre à la section, il me faut franchir le passage à niveau. Je décide de le passer au pas. Et effectivement, je le passe au pas. Mais bon Dieu, quelle fourmi dans les jambes.
02:08Je hurle, première section avec moi en avant, et je m'élance. J'ai l'impression que mon moi vient à l'instant de se dédoubler, un qui court comme un automate et un autre qui l'observe avec angoisse.
02:20J'ai à peine franchi la vingtaine de mètres qui nous séparent de l'entrée du pont que je reçois au genou comme un coup de fouet qui me fait manquer le pied.
02:27Les quatre premiers qui sont avec moi sont également fauchés, et un sergent tombe sur moi, tué raide.
02:34Lui qui écrivait la veille de la bataille « enfin, on va les voir » a tout juste eu le temps d'apercevoir l'ennemi que déjà il est évacué vers l'arrière, jusqu'à Lyon, où on le traite à l'électricité pour redonner vie aux nerfs abîmés.
02:49Impatient de retourner au front, il trompe le temps en écrivant un court récit.
03:03Impossible de ne pas le reconnaître quand il décrit un jeune officier exalté qui, la guerre à peine commencée, imagine déjà la victoire.
03:13Il y avait au-dessus de Lyon ce matin-là comme une rumeur victorieuse. L'ennemi se repliait devant nos armées. C'était l'invasion endiguée, l'avenir de la patrie certain.
03:26Mais de son imagination enfiévrée à la réalité, il y a un pas qui est un pas de géant. Et si, à sa sortie d'hôpital, il tient toujours la victoire pour assurer, il peste maintenant contre le temps que cela prend.
03:38Quoi qu'il veuille, la guerre s'installe dans la durée. Vient l'hiver, puis encore un autre hiver. Tout semble s'être arrêté.
03:52Les ennemis se font face, enterrés dans des tranchées. On se bat pour 50 mètres de terrain.
04:04La guerre sera longue, finit par admettre De Gaulle qui, promu capitaine, manifeste déjà un esprit critique à l'encontre de l'organisation militaire.
04:17Restons tranquilles et préparons-nous. Instruisons nos armées, remanions notre commandement, dressons nos états-majors, accumulons un matériel formidable. Et quand nous serons prêts, attaquons tous ensemble.
04:32Attaquer, il ne souhaite que ça, attaquer. Mais il va devoir encore attendre car il est à nouveau blessé, à la main gauche cette fois.
04:41Après plusieurs semaines d'hôpital, il est de retour face aux armées allemandes. Deux blessures n'ont rien entamé de son ardeur. A dix ans, il a montré son courage, il lui reste à montrer sa valeur.
05:02L'occasion ne tarde pas, il monte en ligne à Verdun le 28 février. Enfin pourrait-il écrire à nouveau.
05:09Devant le village de Douaumont, pendant des heures, des milliers d'obus s'abattent sur sa compagnie qui perd 18 officiers et 720 hommes. Il ordonne alors une percée pour tenter de rejoindre une autre unité, qu'il n'atteindra jamais.
05:38Disparu depuis deux mois, il est cité à l'ordre de l'armée. Le capitaine de Gaulle a enlevé ses hommes dans un assaut furieux et un corps à corps farouche, est tombé dans la mêlée.
05:52Une mort glorieuse au combat qu'il ne s'était plus à imaginer. Il avait alors 19 ans.
05:57Quand je devrais mourir, j'aimerais que ce soit sur un champ de bataille. J'aimerais que ce soit le soir. Le jour mourant donne à celui qui part un regret moins pesant. J'aimerais que ce soit pour mourir sans regret. Un soir où je verrais la gloire à mon chevet. Un soir où je pourrais écraser sous l'effort, sentir passer, avec le frisson de la mort, son baiser brûlant sur ma tête.
06:18C'est à 14 ans, la tête pleine de rêves, d'exploits et de grandeur, que Charles annonce à ses parents son intention d'entrer à l'école militaire de Saint-Cyr pour devenir officier.
06:30Ma mère portait à la patrie une passion intransigeante, à l'égal de sa piété religieuse. Mon père, homme de pensée, de culture, de tradition, était imprégné du sentiment de la dignité de la France.
06:39Et m'en a découvert l'histoire. Rien ne m'émouvait autant que le récit de nos malheurs passés.
06:44Des malheurs qu'il ne voudra jamais plus voir se reproduire.
06:46Certains n'acquirent roi, d'autres n'acquirent prince, officier, magistrat, gouverneur de province, celui-ci n'est charron, celui-là fabricant, cet autre enfin maçon, moi je n'acquis brigand.
06:59En attendant son retour, Charles annonce à ses parents son intention d'entrer à l'école militaire de Saint-Cyr pour devenir officier.
07:06En attendant de devenir militaire, il écrit et à l'occasion joue pour la famille une pièce de théâtre dont la leçon est simple.
07:13Si nous acceptons que l'autre nous montre ses armes sans préparer les nôtres, nous serons à coup sûr dépouillés.
07:19L'Allemagne nous a enlevé l'Alsace et la Lorraine en 1871, la passivité sera coupable d'autres pertes encore.
07:27Il n'a pas 15 ans et il énonce déjà ce qui deviendra son obsession.
07:30Il faut lutter contre l'immobilisme et la passivité.
07:33Persuadé qu'il y aura un jour une autre guerre avec l'Allemagne, il écrit au même âge, 9 ans avant la guerre de 1914.
07:40Trois armées allemandes franchirent les Vosges et devaient marcher sur Paris.
07:44Le général de Gaulle fut mis à la tête de 200 000 hommes et de 518 canons.
07:48De Gaulle eut vite pris son plan, il fallait sauver Nancy et écraser les Allemands avant leur jonction qui nous serait sûrement funeste.
07:54De Gaulle savait qu'il jouait la partie décisive.
07:57De Gaulle, général, sauveur de la France alors qu'il n'est même pas encore élève officier.
08:04Il ne manque pas de culot en imaginant l'avenir.
08:07Chargé par les élèves de rédiger et prononcer le discours de fin d'année au collège, il n'y va pas par quatre chemins.
08:13Quant à l'avenir, il sera grand car il sera pétri de nos œuvres.
08:17Rien que ça, pas moins.
08:19Il en rêvait, Saint-Cyr lui ouvre ses portes.
08:22Enfin, lui ouvre ses portes est une image car comme tous les futurs élèves officiers,
08:26il doit d'abord passer une année comme simple soldat pour apprendre à obéir avant d'apprendre à commander.
08:32Il avouera qu'il s'en serait bien passé.
08:36A la fin de l'année, son capitaine commentera, ce gars-là ne se sentira à l'aise que généralissime.
08:41Saint-Cyr, le vrai Saint-Cyr, un an plus tard, il y voilà enfin.
08:46La carrière militaire s'ouvre à lui, il fera métier dans les armes.
08:50C'est un profit de sa carrière qu'il aura.
08:53Un projet à suivre pour le futur, il y aura de nouvelles armes,
08:57des troupes de l'armée, des positions de guerre, des armées,
09:00des campagnes de l'armée, des armées, des armées.
09:03Un projet de l'armée, un projet de l'armée, un projet de l'armée, un projet de l'armée, un projet de l'armée.
09:07Une arme, une arme, une arme, une arme, une arme, une arme.
09:09il fera métier dans les armes.
09:12Elles ont accompli le meilleur et le pire,
09:14enfanté l'infâme aussi bien que le plus grand,
09:16tour à tour rampé dans l'horreur pour rayonner dans la gloire.
09:20Honteuse et magnifique, leur histoire est celle des hommes.
09:24Quelques temps plus tard, il notera dans son carnet
09:27« La paix est le rêve du sage, la guerre est l'histoire des hommes ».
09:32L'histoire de cet homme sera donc la guerre.
09:35La guerre de 1914 d'abord, les blessures et la disparition à Douaumont.
09:43Tenu pour mort par l'état-major et les siens,
09:45Charles a été blessé d'un coup de baïonnette à la cuisse.
09:48Il est maintenant prisonnier.
09:51Mayence, où il est soigné.
09:53Osnabruck, d'où il poste une lettre à sa sœur
09:55l'informant être tombé aux mains de l'ennemi.
09:58Tchouchine, il change de camp au gré de ses tentatives d'évasion
10:01avant d'arriver à Ingolstadt, dans le sud de l'Allemagne.
10:10Pour un officier comme de Gaulle,
10:12la captivité, c'est ce qui pouvait arriver de pire.
10:16Hors de question de rester en place,
10:18hors de question de ne pas chercher à regagner le combat,
10:20hors de question de rester prisonnier.
10:23De Gaulle, à tout prix, voulait s'évader.
10:25Et s'évader pour reprendre le combat, bien sûr.
10:28Car pendant ce temps-là, ne l'oublions pas,
10:30en 1916, la guerre fait rage.
10:33Il faut s'évader.
10:34Il faut s'évader, c'est un devoir.
10:38Ingolstadt, c'est un camp de représailles.
10:41Ce camp de représailles, les Allemands avaient eu cette idée absolument inouïe
10:44d'y réunir tous ceux qui avaient cherché à s'évader d'ailleurs.
10:47Par conséquent, vous aviez là tous ceux qui avaient une expérience de l'évasion.
10:51De Gaulle était un de ceux-là, mais les autres aussi.
10:53Donc, toutes les expériences réunies,
10:55vous aviez là un foisonnement d'idées pour s'échapper.
11:00Ingolstadt, le régime carcéral est sévère, très sévère.
11:04Et De Gaulle fait très rapidement le constat
11:06qu'il n'est pas possible de s'évader du fort.
11:12L'hôpital de la garnison, situé dans la ville même,
11:14comporte une annexe qui offre plus de chances d'évasion.
11:18Pour s'y faire envoyer, il s'empoisonne en absorbant
11:20une forte dose d'acide reçue dans un colis de vivres.
11:26Je présentais dès le lendemain tous les symptômes d'un ictère sérieux.
11:30Le médecin militaire allemand qui m'examinait en fut assez frappé
11:32pour m'expédier d'urgence à l'annexe de l'hôpital.
11:37Parmi les officiers qui s'y trouvaient en traitement,
11:39je rencontrais le capitaine Dupré, animé des mêmes intentions que moi.
11:52Vers 17h, à la nuit tombante,
11:54tandis que nos deux infirmiers s'absorbent à manger leur soupe,
11:56le capitaine Dupré revêt la casquette et le pantalon allemand,
11:59ainsi qu'un grand tablier d'infirmiers.
12:02Pour moi, je demeure dans ma tenue réglementaire d'hôpital.
12:07Nous quittons l'annexe sans éveiller l'attention,
12:09passant paisiblement devant les sentinelles de la porte,
12:12et sortons de l'hôpital devant le poste indifférent.
12:15Et nous voilà en ville, libre, au milieu de la foule d'un dimanche soir.
12:20Le huitième jour de notre évasion, vers 21h30,
12:23nous avions atteint Pfaffenhofen.
12:27D'habitude, à cette heure tardive,
12:28nous ne rencontrions personne sur les chemins
12:30ni dans les villages de la campagne bavaroise.
12:33Mais en arrivant sur la place centrale, fort bien éclairée,
12:36nous nous trouvâmes soudain au milieu de la jeunesse du bourg qui polissonnait dans la rue.
12:43La nuit tombant,
12:44le capitaine Dupré et ses deux infirmiers
12:46se retrouvèrent dans la rue.
12:51Une semaine de vie sauvage
12:52nous avait donné une mine patibulaire qui fut aussitôt remarquée.
12:59Quand il est repris, malheureusement, punition.
13:02Soixante jours d'arrêt de rigueur,
13:04au pain et à l'eau,
13:06dans une pièce sans lumière,
13:08avec une heure de promenade par jour,
13:10régime sec.
13:16Bien évidemment, hors de question de renoncer à s'évader.
13:19Sauf que, pendant un certain temps,
13:21il faut se faire un peu oublier.
13:23Et donc il va entreprendre,
13:25pendant un certain nombre de mois, huit mois,
13:27ce qu'il va appeler plus tard un stage de sagesse.
13:33Il se tient tranquille mais pas inactif.
13:35Il remplit ses carnets de notes de lecture,
13:37textes de conférences et réflexions plus personnelles.
13:41Il faut être un homme de caractère.
13:43Se dominer soi-même doit être devenu une sorte d'habitude,
13:46de réflexe moral,
13:47obtenu par une gymnastique constante de la volonté.
13:51Il faut parler peu.
13:52Il le faut absolument.
13:55Dans l'action, il ne faut rien dire.
13:57Le chef est celui qui ne parle pas.
14:01Il ne parle pas mais il écrit.
14:05Les fantassins qui ont survécu se rappellent avec américaine
14:08ces terrains d'attaques lamentables
14:10où chaque jour, de nouveaux cadavres s'entassaient dans la boue immonde.
14:14Ces ordres d'assaut coûte que coûte,
14:16donnés par téléphone par un commandement si lointain.
14:19Tandis qu'à 500 km, les autres se battent,
14:21il est là, inutile à son pays,
14:23enfermé derrière les hauts murs de citadelles allemandes.
14:28Mais pas question pour lui de céder à l'abandon de ses murs.
14:31Il est là, en train de se battre.
14:34Il est là, en train de se battre.
14:36Il est là, en train de se battre.
14:39Il est là, en train de se battre.
14:42Il est là, en train de se battre.
14:45Il est là, en train de se battre.
14:47Mais pas question pour lui de céder à l'abandon de ses murs.
14:52Transféré à Rosenberg, il échafaude aussitôt des nouveaux plans d'évasion.
15:00Rosenberg, c'est un château sur un piton rocheux.
15:03Pour s'en évader, il faut être plusieurs.
15:05Il faut être plusieurs parce qu'il y a des remparts à franchir,
15:08à monter, puis à redescendre.
15:10Et puis, il faut des conditions particulières.
15:12En l'occurrence, il faut que les gardiens ne soient pas là.
15:15Il faut remarquer que les gardiens s'absentaient,
15:17dans des circonstances bien particulières,
15:19qui étaient lorsqu'il pleuvait.
15:21Quand il pleuvait, les gardiens se mettaient à l'abri.
15:23Et se mettant à l'abri, ils ne pouvaient pas voir ce qui se passait dans la cour.
15:31Une pluie diluvienne nous offrit l'occasion attendue.
15:37Profitant d'un moment où l'orage redouble de violence,
15:39nous renversons la pierre décelée de la muraille et sortons dans le fossé.
15:46Tristani ouvre sans peine la porte du passage sous le rempart intérieur.
15:51Là, bien à couvert, nous montons notre échelle,
15:54la portons sans bruit à travers le fossé du tennis
15:56et la dressons contre le rempart extérieur.
16:05Ils seront repris après dix nuits de marche,
16:07quand, épuisés, ils auront la mauvaise idée de se réfugier dans un pigeonnier
16:10où ils seront aperçus par des paysans.
16:16À son retour à Rosenberg, une nouvelle tentative d'évasion
16:19avec fausses lunettes et fausses moustaches
16:21lui vaut d'être transférée dans une citadelle jugée mieux gardée.
16:31Au printemps 1918, De Gaulle apprend que les belligérants se sont mis d'accord
16:36pour organiser un système d'échange.
16:38Un prisonnier allemand rentre, un prisonnier français retourne chez lui.
16:42Et il apprend que la chose n'est possible qu'à la condition formelle
16:46de s'engager à ne pas reprendre le combat.
16:48Alors là, évidemment, cette condition est inacceptable.
16:51Et De Gaulle, qui aurait pu s'évader finalement facilement
16:54par la filière de l'échange, va y renoncer tout simplement
16:58parce que pour lui, ne pas combattre alors que la France est en guerre
17:01est quelque chose d'absolument inacceptable.
17:03Alors, comme l'échange ne marche pas, on va s'évader de nouveau.
17:06Et cette fois, dans un panier de lynchage.
17:13Je me trouvais transporté dans le panier de lynchage sale jusqu'à Weissenburg
17:17et descendu par une corvée de Landsturm dans le couloir de la blanchisserie
17:20où on me laisse à seul.
17:26Quelques minutes plus tard, je coupais de l'intérieur la corde
17:29qui fermait le couvercle et sorti de la maison habillé en paisible promeneur.
17:37À Nuremberg, je pris un billet sans difficulté
17:39et montai dans l'express de Francfort.
17:41Mais la malchance s'acharnait contre moi.
17:44Un peu avant l'arrivée à Aschaffenburg,
17:46deux policiers entrèrent dans le wagon.
17:51L'un se teint à une issue, l'autre, venant à sa rencontre,
17:54en partant de l'autre issue, demandait à chacun son Ausweis.
17:59Incapable de fournir cette autorisation de voyager,
18:02De Gaulle est arrêté et renvoyé à Wülsburg.
18:06Captif depuis plus de deux ans, il écrit à ses parents
18:09une de ses très rares lettres dans lesquelles il livre ses sentiments.
18:13« Je suis un enterré vivant.
18:15Excusez-moi de montrer cette faiblesse de me plaindre.
18:18Elle est, n'est-ce pas, bien inutile.
18:20Croyez que ma résolution n'en est qu'accrue. »
18:24Cette résolution, c'est bien sûr celle de s'évader,
18:26d'aller reprendre les armes,
18:28mais c'est aussi celle d'envoyer un message.
18:31Cette résolution, c'est bien sûr celle de s'évader,
18:33d'aller reprendre les armes, mais il n'en aura plus l'occasion.
18:36La guerre se terminera sans lui.
18:45Ma bien chère maman,
18:47à l'immense joie que j'éprouve avec vous des événements,
18:50se mêle, il est vrai, pour moi, plus amer que jamais,
18:53le regret indescriptible de n'y avoir pas pris une meilleure part.
18:57Il me semble qu'au long de ma vie,
18:59qu'elles doivent être courtes ou prolongées,
19:01ce regret ne me quittera plus.
19:04Que du moins il me servait d'aiguillon à penser et à agir mieux et davantage,
19:08pour tâcher de remplacer par beaucoup d'heures obscurément utiles
19:11les quelques heures décisives et triomphantes que je n'aurais pas vécues.
19:19Étonnante photo d'une famille dont tous les fils ont combattu
19:22et sont tous revenus de la guerre.
19:25Resterai-je dans l'armée ?
19:27Quel avenir médiocre m'y sera fait ?
19:30Au point de vue militaire, je ne me fais aucune illusion,
19:32je ne serai qu'un revenant.
19:36De retour en France, l'inaction dont il a souffert en Allemagne
19:39lui devient plus cruelle.
19:41Moins que jamais il ne se sent fait pour l'attente.
19:43Il lui faut l'action, le mouvement, la tempête, l'adversité à combattre.
19:48Dans son carnet, il note une phrase de Flaubert.
19:51Mais comment pourrait-il se lancer dans de grandes entreprises
19:54quand la captivité a ruiné ses rêves ?
19:58Ce sont les bouleversements de l'après-guerre
20:00qui vont lui offrir une occasion de rebondir,
20:02de repartir de l'avant.
20:08La fin de la guerre a modifié les frontières à l'est de l'Europe.
20:11Les empires d'Europe centrale ont été démantelés au profit de nouveaux états.
20:15Des officiers français étant chargés de la formation des troupes polonaises,
20:18De Gaulle se porte volontaire dès janvier 1919
20:21et souhaite partir au plus vite.
20:25Qu'est-ce qu'il espère gagner en Pologne ?
20:27Peut-être se battre,
20:29préparer l'école de guerre,
20:31gagner la guerre.
20:33Mais il n'y a pas d'espoir.
20:35Il n'y a pas d'espoir.
20:37Il n'y a pas d'espoir.
20:39Il n'y a pas d'espoir.
20:41Il n'y a pas d'espoir.
20:43Préparer l'école de guerre,
20:45gagner les décorations,
20:47reconstituer sa carrière de façon à se remettre
20:49au même niveau que ses camarades
20:51de sa promotion de Saint-Cyr
20:53qui eux ont vécu toute la guerre.
20:57Devenu instructeur auprès de l'armée polonaise,
20:59il écrit à ses parents qu'il se sent renaître.
21:07En juillet 1920, la capitale polonaise Varsovie
21:09est menacée par l'armée rouge.
21:11Comme les autres officiers français, De Gaulle est autorisé à rejoindre les troupes combattantes polonaises qui vont contraindre l'armée rouge à reculer.
21:23Dans les plaines polonaises endeuillées par la guerre, De Gaulle a acquis la conviction que victoire et défaite sont des questions morales.
21:30La victoire est à celui dont la cause est juste et qui ne baisse pas les bras.
21:36La paix restaurée en Pologne, il va rentrer en France. Il écrit à ses parents.
21:40« Je quitterai la Pologne pourvu, je puis le dire, de notes tout à fait exceptionnelles et qui m'ont refait complètement la situation militaire que la captivité odieuse m'avait enlevée.
21:51Et maintenant, que faire ? »
21:53Cette question « que faire » ne vaut que pour sa carrière militaire, car pour sa vie privée, il sait très bien ce qu'il va faire.
22:04A l'occasion d'une permission, Charles a rencontré une jeune femme de Calais, Yvonne Vendrou.
22:11Ils sont allés ensemble au salon d'automne au Grand Palais voir un tableau de Van Dongen qui faisait beaucoup parler, puis sont allés prendre le thé.
22:21Faux mouvements ou gestes calculés, Charles a renversé du thé sur la robe de la jeune femme, qui n'a pas bougé, n'a dit mot, n'a laissé rien paraître.
22:31« Ne rien montrer aux autres de ses sentiments ou émotions », écrit-il au long de ses carnets.
22:35Et la jeune femme est comme lui. Voilà une femme de sa trempe, une femme à sa mesure.
22:45Quelques jours plus tard, il l'invite au bal des Saint-Cyriens. De la soirée, on ne les voit pas danser. Ils passent leur temps à parler, parler, parler.
22:55Le mariage est célébré le 7 avril 1921 et le couple s'installe à Paris.
23:01De Gaulle a 31 ans. Il est professeur d'histoire à Saint-Cyr avant d'entrer à l'école de guerre qui, comme la guerre de Pologne, lui permettra de reconstruire sa carrière militaire.
23:13À sa sortie à l'automne 1924, il est affecté à l'état-major particulier du maréchal Pétain qui a remarqué ses qualités d'écrivain et d'orateur à l'occasion de conférences à Saint-Cyr.
23:23Le maréchal s'est mis en tête de publier un livre sur l'histoire du soldat, mais il a besoin de quelqu'un qui tienne la plume à sa place. Ce sera De Gaulle.
23:32Jusqu'à ce que le livre parte pour plusieurs années au fond d'un placard et que De Gaulle soit muté.
23:37À Trèves, en Allemagne, ou à l'automne 1927, il prend le commandement d'une unité de chasseurs chargée de veiller à la démilitarisation de la Rhénanie, la région allemande qui fait face à la France.
23:53La guerre n'est pas finie depuis dix ans qu'il est convaincu que la France doit se préparer à une nouvelle guerre avec l'Allemagne.
24:00Ayant tiré les enseignements de la guerre de Pologne, il enseigne à son unité la guerre de mouvement. Avant d'être muté en 1929 au Liban, alors protectora français.
24:10Affecté au service de renseignements, il parcourt le Liban et la Syrie en tous sens, quand il n'est pas en panne.
24:19La seule vue de la mer et de celle-là rend les idées plus claires.
24:23Et l'on admire Thémis Stöckl d'avoir fait placer la tribune de l'Agora de telle façon que les ordonnances de l'armée de l'Allemagne ne sont pas en panne.
24:29Lors d'un discours à l'université de Beyrouth en juillet 1931, longtemps avant l'heure des indépendances, on l'entend dire aux étudiants libanais.
24:59C'est l'indépendance intérieure sans laquelle il n'y a que des institutions vides.
25:07Il veut de l'action et que lui offre-t-on à son retour à Paris en octobre 1931 ? Un emploi de bureau au secrétariat général de la défense.
25:15Il ne va pas y aller, il va demander une autre affectation, et bien si, il y va.
25:20Enfant, il est été ébloui par les invalides, il va y occuper un bureau. Et pas juste en passant, mais pendant six ans.
25:30Depuis longtemps, il n'aime plus les photographes.
25:33Il ne prend la pause que pour faire plaisir à la famille, mais semble affreusement mal à l'aise, et toujours encombré de son grand corps, au point qu'il donnerait presque à rire.
25:42Si ses photos n'étaient celles d'un homme qui lutte pour, comme il l'écrit, ne pas laisser voir les mouvements de son âme.
25:59Philippe, le premier enfant de Charles et Yvonne, est né à la fin de l'année 1921.
26:04On suivit deux filles, Élisabeth, en 1924, et Anne, au premier jour de 1928.
26:19L'homme qui voudrait tenir secret ses sentiments n'a pu s'empêcher de laisser percer sa mélancolie en écrivant dans son carnet.
26:26Quand un jour, tôt ou tard, il faut qu'on disparaisse, quand on a plus ou moins vécu, souffert, aimé, il ne reste de soi que les enfants qu'on laisse, et le champ de l'effort où l'on aura semé.
26:40Alors, de ce début des années 30, ne subsistent que des photos dans lesquelles la douleur se dissimule sous des airs de bonheur familial.
26:49Où il fait comme si Anne, sa dernière fille, n'était pas gravement handicapée, sans aucun espoir de guérison.
26:55Elle n'est pas la seule.
27:01De Gaulle n'est pas homme à se laisser aller à la douleur.
27:04Toujours plus convaincu que la nouvelle guerre avec l'Allemagne approche à grands pas, il se plonge dans deux dossiers essentiels pour préserver l'avenir.
27:11L'organisation de la nation en temps de guerre, et l'établissement du plan de guerre français.
27:17Ce travail lui fait rencontrer de nombreux responsables politiques.
27:20Il mesure alors à quel point les questions militaires sont loin de leurs préoccupations.
27:24Un peu désabusé, il écrit
27:27« Nous autres, soldats, nous sommes un manteau. On n'existe que quand il pleut. »
27:33Il va bientôt pleuvoir, mais en ce début des années 30, ils sont bien peu à voir venir l'orage.
27:41L'Allemagne cherche à obtenir la renégociation du traité de Versailles qu'elle a dû signer après sa défaite.
27:47L'adversaire le plus acharné de ce traité, Adolf Hitler, mène campagne contre les réparations dues à la France.
27:53Mais personne ou presque ne veut croire que cela soit le prélude d'une nouvelle guerre.
28:03« Le temps de l'Allemagne nous montrera avant longtemps qu'ayant perdu Bahr sur elle, nous devrons laisser tomber, morceau par morceau, tout le traité de Versailles. »
28:12C'est pour presque tous une certitude, la guerre de 14-18 était la der des ders.
28:18Au désespoir de De Gaulle, l'heure est au désarmement.
28:20Le mot d'ordre est « plus jamais ça ».
28:38C'est la course aux armements, pensent les pacifistes, qui a été la cause du conflit.
28:42Interdisons les moyens offensifs, aviation, chars, artillerie lourde.
28:46Faisons en sorte que les forces soient équilibrées et personne n'osera déclarer la guerre à personne, croit-il.
29:02Pour De Gaulle, cette paix n'est qu'un rêve. Rien qu'un rêve dont il faudra bien se réveiller avant qu'il devienne cauchemar.
29:08Le 7 mai 1932, le Président de la République, Paul Doumer, est assassiné.
29:13Le jour des obsèques, devant les militaires qui défilent semblables à ceux de 1914, De Gaulle commente
29:19« L'armée a cessé d'être quelque chose de sérieux. Les progrès techniques ne sont pas assez pris en compte, qui demanderaient des corps spécialisés. »
29:27Aviation, chars, artillerie, organisées en grandes unités capables d'un mouvement rapide et constituées de soldats de métier.
29:34De Gaulle a maintenant 42 ans, mais les années n'ont pas entamé son impétuosité.
29:42Sans en demander l'autorisation à ses supérieurs, il publie un appel à la modernisation de l'armée, « Le fil de l'épée ».
29:51« Le fil de l'épée » est un livre réellement fondateur. Fondateur parce que c'est un livre de rupture.
29:56Il rompt, déjà à ce moment-là, avec l'état-major, et puis vers la même métier qu'il va suivre en 1934, qui est un autre livre de rupture.
30:05« Dans le parc de Saint-Cloud se déroule la grande manifestation organisée par la section française de rassemblement universel pour la paix. »
30:12« Il faut rendre le fil à l'épée, écrit-il, à contre-courant du rêve général, brisons l'épée. »
30:18Le fil de l'épée n'est pas un livre de rupture, c'est un livre de rupture.
30:22« A contre-courant du rêve général, brisons l'épée. »
30:26« Le fil de l'épée ne se vend qu'à quelques centaines d'exemplaires. Le grand public, qui ne croit pas à la menace d'une nouvelle guerre, n'est pas intéressé. »
30:36« Son livre suivant, vers l'armée de métiers, ne se vendra pas mieux. »
30:41De Gaulle n'aime pas les a priori, il n'aime pas les cadres, c'est un penseur libre.
30:47Et il estime qu'à la guerre, il est important, à partir bien sûr des moyens dont on dispose, d'organiser sa stratégie et sa tactique en fonction des circonstances.
30:58Il va avancer des théories nouvelles, notamment sur l'arme blindée, qui sont en totale contradiction avec la philosophie militaire de l'époque.
31:07« La France, je le jure, n'a qu'une volonté, après une effroyable épreuve, d'élever ce qui lui reste d'enfance, dans le travail, dans l'honneur et dans la paix. »
31:32Après que le parti nazi a remporté les élections, Hitler est devenu chancelier.
31:37L'Allemagne, qui a obtenu une réduction considérable de sa dette, a investi dans la construction d'armement,
31:42et en juillet 1933, Hitler obtient d'une Europe frileuse un pacte l'autorisant à avoir des forces militaires égales à celles de l'Angleterre et de la France.
31:55De Gaulle tente de mettre en garde la classe politique française.
31:59Le Reich possède dès aujourd'hui trois divisions blindées et mécanisées, et en constitue trois autres organisées exactement d'après le type que j'ai décrit dans mon livre.
32:09Les Allemands auront donc, dès la fin de cette année, mis sur pied le corps spécialisé, alors que chez nous il n'y a encore aucun commencement sérieux de réalisation.
32:18Nous en sommes au point où l'incompréhension des uns et la routine des autres sont devenues non plus seulement fâcheuses, mais coupables.
32:25Très vite, De Gaulle réalise qu'il est possible d'avoir les meilleures idées militaires du monde si elles ne sont pas relayées non pas dans le monde militaire,
32:34mais en direction du monde politique, c'est-à-dire là où se trouve la décision, et bien ces idées ne servent à rien.
32:42Il faut avoir accès à un homme politique pour relayer ses idées à la Chambre, et cet accès il va l'avoir grâce à Paul Reynaud.
32:49Paul Reynaud est un homme politique déjà un peu connu, il a occupé quelques fauteuils ministériels, et Reynaud va être immédiatement séduit par les idées du colonel De Gaulle qu'il va sans presser de relayer à la Chambre.
33:03Paul Reynaud ne va pas réussir à faire passer les idées de De Gaulle, bien qu'il y croit, et une grande partie de ceux qui pensent politiquement ou militairement la guerre future
33:14vont récuser les idées de De Gaulle qui sont en opposition totale avec la conception qu'a l'état-major d'une guerre future.
33:23Personne ne veut entendre parler de De Gaulle.
33:25Seuls les organes de feu et de guerre flirtent à la surface, tout en restant invisibles.
33:30Des collines entières ont été percées de galeries et de chambres jusqu'à des profondeurs insoupçonnées.
33:36Voilà trente ans qu'il lutte contre l'immobilisme.
33:39Il n'y a pas d'explication.
33:41Il n'y a pas d'explication.
33:43Il n'y a pas d'explication.
33:45Il n'y a pas d'explication.
33:47Il n'y a pas d'explication.
33:49Il n'y a pas d'explication.
33:51Il n'y a pas d'explication.
33:53Il n'y a pas d'explication.
33:55Il faudrait que la France réagisse, s'adapte.
33:58Mais ici, rien ne bouge, alors que l'Allemagne, elle, est en mouvement.
34:08Quand, en mars 1936, l'armée allemande réoccupe la zone démilitarisée le long de la frontière,
34:13la passivité du commandement militaire et de la classe politique française mettent De Gaulle hors de lui.
34:18Un peuple qui veut vivre doit organiser sa propre force,
34:21de manière à pouvoir réagir dans les mêmes conditions que l'agresseur agira.
34:25Or, nous n'en avons pas les moyens.
34:28Il faudrait des décisions politiques, mais la France n'est préoccupée que de ses luttes internes.
34:32Vive la liberté !
34:34Vive l'unité prolétarienne sans laquelle aucune victoire n'est possible !
34:42Vive le peuple ouvrier de Paris !
34:48En mai 1936, les partis de gauche deviennent majoritaires à l'assemblée.
34:52Un gouvernement de gauche est constitué.
35:03Gauche ou droite, peu importe à De Gaulle,
35:05le gouvernement de droite n'a pas voulu de ses idées, il va plaider auprès des dirigeants de gauche.
35:10Il écrit à Léon Blum.
35:12« Ne vous semble-t-il pas que le moment soit venu pour vous de jeter au premier plan la question de nos armes ?
35:17Il faut sortir une bonne fois de cette politique militaire de passivité. »
35:23Ma conviction est que nous sommes à la veille d'un coup d'éclat allemand.
35:26Chez nous, l'union et l'action auraient au fait de calmer Hitler.
35:29Hélas, nous tournons le dos au bon sens.
35:40Les hommes qui ont refusé de mettre notre instrument militaire en harmonie avec d'évidentes nécessités
35:45ont encouru de bien graves responsabilités.
35:48Les hommes qui ont refusé de mettre notre instrument militaire en harmonie avec d'évidentes nécessités
35:54ont encouru de bien graves responsabilités.
35:56ses désaccords avec le commandement ?
35:57En avril 1936, il est muté au centre des hautes études militaires,
36:01il est maintenant chargé de cour.
36:03Le titre de sa première conférence en dit long sur le combat qu'il ne cesse de mener.
36:08C'est en temps de paix que se gagnent les guerres.
36:15Il ferme l'année 1936 par une lettre à sa mère.
36:19Elle dit que la guerre ne prend pas longtemps,
36:22Il ferme l'année 1936 par une lettre à sa mère.
36:26Lettre sans illusion.
36:28Nous allons rapidement à la guerre contre l'Allemagne.
36:31Il s'agit de survivre.
36:33Tout le reste est littérature.
36:41Quand commence l'année 1937,
36:43la situation internationale s'est encore dégradée.
36:48Hitler a envoyé des troupes en Espagne soutenir les fascistes
36:51qui ont renversé le gouvernement républicain.
37:00Mais c'est à peine si le monde a osé émettre un soupir de désapprobation.
37:06Face à la menace qui grandit, De Gaulle ne peut rester sans rien tenter.
37:11Agir, il lui faut agir.
37:13S'il n'est pas parvenu à faire passer ses idées avec des livres,
37:16peut-être y parviendra-t-il avec des démonstrations concrètes.
37:20Placé à la tête du 507ème régiment de chars de combat à Metz en juillet 1937,
37:25il veut une unité pleinement opérationnelle capable de réagir vite en cas d'attaque allemande.
37:31Les entraînements sont permanents et le matériel est poussé à bout
37:34pour qu'il soit remédié à ses défauts.
37:38Le char moderne est un fait énorme.
37:40Il faut le voir évoluer, tirer, écraser parmi les gens à pied, à cheval ou en voiture
37:45pour comprendre que son apparition est une révolution dans la forme et l'art de la guerre.
37:49Ces chars nouveaux, il faut les organiser de manière à les employer par concentration.
37:54Faisons donc des grandes unités cuirassées.
37:56Donnons l'heure pour les servir une très solide et très ample armature de spécialistes professionnels.
38:04Et De Gaulle, surnommé par ses détracteurs General Motors,
38:07alors qu'il est à 46 ans en attente de sa nomination au grade de colonel,
38:11fait défiler ses chars à Metz le 11 novembre.
38:16De Gaulle ne voit pas uniquement le char comme étant un outil de combat instantané,
38:22c'est-à-dire à visée tactique.
38:24Il voit l'ensemble des chars combattants réunis comme un moyen stratégique
38:31d'imposer une volonté de façon massive, presque politique, à un ennemi.
38:41Unités cuirassées et soldats de métier sont devenus son idée fixe.
38:44Mais comment les obtenir quand le projet sur l'organisation de la nation en temps de guerre est encore au point mort ?
38:50En raison de l'indifférence des uns et de la lâcheté des autres,
38:53écrit-il à Paul Reynaud avant de faire un vœu pour 1938.
38:57Puisse cette année nouvelle sortir notre pays d'un marasme qui vraiment va grandissant.
39:03Le gouvernement autrichien s'incline.
39:06Sur toute l'étendue de l'Autriche, les manifestations, les défilés s'organisent.
39:11Tandis que les premiers détachements motorisés de l'armée allemande rallient Innsbruck.
39:23Seule consolation pour de Gaulle, Paul Reynaud est entré au gouvernement.
39:26Il est ministre de la Justice.
39:30Les circonstances sont telles qu'il faut des hommes d'élite et de formidables remèdes.
39:34Au lieu de quoi, Daladier pour la France et Chamberlain pour l'Angleterre signent à Munich un accord
39:39qui, en échange d'une promesse de paix, laisse à Hitler les mains libres à l'Est.
39:44En effet, après des délibérations qui durent jusqu'à une heure fort avancée de la nuit,
39:47les quatre chefs de gouvernement établissent les bases d'un plan commun
39:50qui va permettre le règlement du problème germano-tchèque.
39:53Sur l'aérondrome du Bourgin, une foule immense s'est massée
39:56pour apporter l'hommage inoubliable du peuple de Paris au président Daladier.
39:59De Gaulle enrage.
40:01Comme d'habitude, nous capitulons sans combat devant les insolentes exigences des Allemands
40:05et nous livrons à l'ennemi nos alliés tchèques.
40:08Le 1er octobre, dans les conditions convenues par l'accord de Munich,
40:13les Allemands pénètrent dans la première zone du territoire des Sud-Est.
40:18À la faveur de la capitulation d'aujourd'hui, nous connaîtrons un court répit.
40:22Comme Mme Dubarry, vieillie, suppliait sur l'échafaud révolutionnaire.
40:26Encore un petit moment, monsieur le bourreau.
40:33Les Français, comme des étourneaux, poussent des cris de joie
40:36cependant que les troupes allemandes entrent triomphalement sur le territoire
40:39d'un État que nous avons construit nous-mêmes, dont nous garantissions les frontières.
40:46Peu à peu, nous prenons l'habitude du recul et de l'humiliation,
40:49à ce point qu'elle devient une seconde nature.
40:53Nous boirons le calice jusqu'à la lit.
41:01La France a cessé d'être une grande puissance.
41:04Nous aurons une année 39 très agitée, sinon sanglante.
41:11Depuis six ans, la paix n'a fait que s'éloigner chaque jour un peu plus.
41:14Elle n'est plus en 1939 qu'une nuée qui s'effiloche avec le lever du jour.
41:19Et ce jour est sombre.
41:21Le 1er septembre de cette année-là, violant les traités une fois de plus,
41:25l'Allemagne hitlérienne a envahi la Pologne.
41:29La Pologne, notre alliée.
41:32Après trois années de conquêtes hitlériennes,
41:34la classe politique mesure enfin le gouffre dans lequel plonge l'Europe.
41:39Le 2 septembre, le président français Albert Le Brun décrète la mobilisation générale.
41:44La France ouvre les yeux comme au sortir d'un mauvais rêve.
41:50Et le 3 septembre 1939, trois ans trop tard,
41:52l'Angleterre et la France déclarent la guerre à l'Allemagne.
42:02De Gaulle est nommé commandant des chars de la 5e armée,
42:05mais son unité a été scindée en deux.
42:07Et les chars dont il prend le commandement sont dispersés en Alsace,
42:10en arrière de la ligne Maginot.
42:15C'est la guerre, mais c'est une drôle de guerre.
42:17Alors que le gros des armées allemandes est en Pologne,
42:19ordre est donné aux armées françaises de ne pas attaquer.
42:26Que dire de la situation ?
42:29Que dit-il à Albert Le Brun venu visiter son unité de chars ?
42:34Que lui montre-t-il de ce geste du bras qui semble signifier
42:37« Allons-y, fonçons pendant qu'il est encore temps ».
42:40Comme il y a 25 ans a dit non, il voudrait crier « Avec moi en avant ».
42:45Mais une fois de plus, une fois encore, c'est l'immobilisme qui l'emporte.
42:50Il écrit à Paul Reynaud
42:53« Monsieur le ministre, notre système militaire a été bâti
42:56exclusivement en vue de la défensive.
42:58Si l'ennemi n'attaque pas, c'est l'impuissance quasi totale.
43:03Or, à mon avis, l'ennemi ne nous attaquera pas de longtemps.
43:06Son intérêt est de laisser cuire dans son jus notre armée mobilisée et passive
43:10en agissant ailleurs entre temps.
43:13Il faut, dans les moindres délais possibles, nous mettre à même de faire une guerre active
43:17en nous dotant des seuls moyens qui valent pour cela.
43:20Aviation, chars ultra-puissants organisés en grandes unités cuirassées.
43:25Mais de qui attendre cet immense effort de rénovation ?
43:28Il conclut sa lettre
43:30« C'est vous qui êtes le plus important.
43:32Vous êtes le plus important.
43:34Vous êtes le plus important.
43:36Vous êtes le plus important.
43:38Vous êtes le plus important.
43:40Il conclut sa lettre
43:42« C'est vous-même, peut-être, qui donnerez une réponse. »
43:48« Peut-être » a-t-il écrit.
43:51Commence-t-il à douter que Paul Reynaud ait les épaules assez solides
43:54pour s'imposer face à ceux qui refusent une offensive contre l'Allemagne ?
43:58L'armée française a été mobilisée.
44:00Les troupes sont sur place mais ne se battent pas.
44:03Les industries d'armement qui devraient tourner à plein,
44:05puisque la guerre est déclarée, rappelons-le, nous sommes en guerre,
44:08les industries ne tournent pas, surtout les industries d'armement,
44:10parce que les ouvriers d'armement se trouvent sur le front à ne rien faire.
44:15Et c'est devant cette carence absolue
44:18de tous les rouages de l'économie française
44:20que de Gaulle lance cette espèce d'ultime cri d'alarme.
44:25Dans le conflit présent, comme dans tous ceux qui l'ont précédé,
44:28être inerte, c'est être battu.
44:30Il va rédiger un texte, qu'on appellera plus tard un mémorandum,
44:34qu'il va distribuer à 80 personnalités politiques et militaires.
44:37Un texte dans lequel il dit en substance,
44:39si on ne met pas en œuvre immédiatement les théories de l'arme blindée,
44:43c'est la défaite assurée.
44:44Il estime que la France, qui en a les moyens d'après lui, et il a raison,
44:48doit saisir l'initiative, doit attaquer l'Allemagne, si c'est nécessaire,
44:53de façon à vaincre tout de suite en étant maîtresse de son destin
44:56et non pas en le subissant.
44:58Certains ne le liront pas.
44:59D'autres, comme Léon Blum, le liront après la guerre,
45:01en disant que c'était bien vu, après la guerre.
45:06Et d'autres enfin, les plus nombreux, le railleront.
45:09Voilà, a dit l'un d'entre eux, un daltonien qui parle de couleur.
45:13Il faut attendre le 9 mai, huit mois après la déclaration de guerre,
45:37pour que Paul Reynaud, devenu chef du gouvernement,
45:39s'attribue aussi le ministère de la guerre.
45:44Mais il est maintenant trop tard pour agir, la France devra subir.
45:47Le 10 mai 1940, Hitler lance son offensive contre la Hollande,
45:51la Belgique et le Luxembourg.
45:59Voici donc la guerre, la véritable guerre, commencer.
46:02Deux jours plus tard, les armées allemandes entrent en France
46:04et contournent la ligne Maginot en passant par les Ardennes
46:07que l'état-major français croyait infranchissable.
46:14Me voici en pleine bagarre.
46:16Appelé hier d'extrême urgence pour constituer une division.
46:20A ce point de vue, tout va bien.
46:22On m'a donné tout ce qu'on pouvait me donner.
46:24Nous verrons bientôt la suite.
46:29Le colonel de Gaulle reçoit l'ordre de ralentir les Panzerdivisions allemandes.
46:34Le 17 mai, à la tête de moins d'une centaine de chars,
46:36il leur tient tête une journée entière avant de devoir se replier.
46:41La bataille de Montcornet renforce de Gaulle dans ses convictions.
46:45La guerre sera longue et dure. Ce sera une guerre mécanique.
46:56Ma chère petite femme chérie, je suis général depuis hier.
47:00Je l'ai appris par une lettre que Paul Reynaud m'a fait porter en ligne.
47:04Je t'embrasse de tout mon cœur qui t'aime.
47:07Rien ne compte plus que ceci. Il faut sauver la France.
47:11Sauver la France. Paul Reynaud y croit-il vraiment encore
47:14quand il rappelle de Gaulle à Paris et le nomme sous-secrétaire d'état à la guerre ?
47:21Un homme ne figure pas sur ces images.
47:23C'est le maréchal Pétain que Paul Reynaud a nommé vice-président du conseil.
47:29Le vainqueur de Verdun et partisan d'une capitulation devant l'Allemagne.
47:32L'abandon, le défaitisme enveloppent le gouvernement et ont gagné le commandement militaire français.
47:41Quelques jours avant cette photo, de Gaulle a écrit à Paul Reynaud
47:45Nous sommes au bord de l'abîme et vous portez la France sur votre dos.
47:49Mais une fois devenu le maître, vous nous abandonnez aux hommes d'autrefois.
47:53Les hommes d'autrefois me redoutent parce qu'ils savent que j'ai raison.
47:57Le pays sent qu'il faut nous renouveler d'urgence.
48:00Il saluerait avec espoir l'avènement d'un homme nouveau, de l'homme de la guerre nouvelle.
48:06De Gaulle voit bien que Paul Reynaud fléchit sous le poids des responsabilités.
48:10Alors à qui pensait-il en lui écrivant ces lignes ?
48:14Se souvient-il de ces jours, l'un sous le soleil, l'autre dans le froid, où la mort n'a pas voulu de lui ?
48:20Songe-t-il à ces jours où il eut simplement de la chance, maintenant qu'il va faire de cette chance un destin ?
48:2635 années se sont écoulées depuis qu'adolescent, il s'imaginait général.
48:31Et 30 années depuis qu'il écrivait que s'il devait mourir, il voudrait que ce soit avec la gloire à son chevet.
48:37Mais en ce mois de juin, la gloire n'est qu'un fantôme déchiré par les canons.
48:50Les troupes françaises se battent, mais partout reculent.
48:56Craignant de voir Paris bombardée, le gouvernement déclare Paris ville ouverte et se replie au sud à Bordeaux.
49:16Un seul homme est comme De Gaulle, résolu, inflexible dans la tourmente.
49:20Winston Churchill, qui a remplacé Chamberlain et a déclaré que quoi qu'il arrive,
49:24l'Angleterre ne capitulerait jamais et n'a rien promis d'autre pour les années à venir que de la sueur, du sang et des larmes.
49:34Le 16 juin, De Gaulle obtient de Paul Reynaud d'être envoyé à Londres négocier avec Churchill les moyens nécessaires à la poursuite de la guerre.
49:42Mais à son retour à Bordeaux dans la soirée, il reçoit un coup terrible en apprenant que Paul Reynaud a craqué.
49:48Isolé, il a donné sa démission et c'est le maréchal Pétain qui devient le nouveau président du conseil.
50:00À qui Pétain tourne-t-il le dos avec dédain ?
50:03Au seul homme du gouvernement qui souhaitait la poursuite de la guerre ou à lui-même, à ce qu'il a été ?
50:10Pétain, chef du gouvernement, sait la capitulation certaine.
50:13Une capitulation que De Gaulle n'est pas prêt d'admettre.
50:17Aussi, dès le lendemain, 17 juin au petit matin, il s'envole pour Londres.
50:26Le dernier mot est-il dit ?
50:28L'espérance doit-elle disparaître ?
50:30La défaite est-elle définitive ?
50:33Non.
50:35Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.
50:42Mais à l'heure où De Gaulle cherche encore désespérément les moyens de poursuivre le combat contre l'agresseur nazi,
50:47Pétain, avec des trémolos dans la voix, demande déjà à la France d'accepter la défaite.
50:51C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat.
50:56Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander
51:01s'il est prêt à rechercher avec moi, entre soldats, après la lutte et dans l'honneur,
51:06les moyens de mettre un terme aux hostilités.
51:16À Londres, le général De Gaulle se montre tout d'abord soucieux du respect de la hiérarchie
51:21et de l'organisation politico-militaire de la France.
51:24Sa première idée, c'est de se mettre au-delà de l'opposition.
51:29Sa première idée, c'est de se mettre aux ordres de celui qui relèvera le flambeau,
51:34ou celui qui ressaisira l'épée de la France.
51:37Il se tourne vers le général Noguez, dont il estime que c'est le rôle au Maroc de prendre cette posture.
51:43En définitive, personne ne la prend, ni en France, ni en Afrique du Nord.
51:50Et c'est seulement par défaut, en fait, que De Gaulle va à ce moment-là franchir le Rubicon
51:56et relever le gant politique de la défense de la France,
52:00parce que tous les militaires, à ce moment-là, ont laissé tomber l'épée de la France.
52:08Cet homme qui n'est rien d'autre qu'un homme déterminé,
52:11qui ne représente encore rien d'autre qu'une volonté dressée dans la tourmente,
52:14et qui refuse de plier, va maintenant, à presque 50 ans,
52:18empoigner l'histoire par les naseaux comme le lui avait conseillé son père, 30 ans plus tôt.
52:24Moi, général De Gaulle, actuellement à Londres,
52:28j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique
52:31ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
52:34À se mettre en rapport avec moi, j'invite tous les Français qui veulent rester libres
52:41à m'écouter et à me suivre.
52:48Charles confiera le manuscrit de l'appel à Yvonne en lui recommandant d'en prendre soin.
52:54Si je réussis, lui dira-t-il, ce texte sera important pour nos enfants.
53:01Si je réussis.
53:05Je m'apparaissais à moi-même comme un homme au bord d'un océan
53:08qu'il prétendrait traverser à la nage.
53:24Le texte de Yvonne
53:28Le texte de Yvonne
53:33Le texte de Yvonne
53:38Le texte de Yvonne
53:43Le texte de Yvonne
53:48Le texte de Yvonne
53:52Le texte de Yvonne
53:57Le texte de Yvonne