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Le suspect du meurtre de Philippine, une étudiante dont le corps a été retrouvé dans le bois de Boulogne à Paris, a été arrêté mardi 24 septembre à Genève, en Suisse. Il était sous le coup d'une Obligation de quitter le territoire français. Son profil relance le débat sur les OQTF. Regardez l'interview de Tania Racho, chercheuse en droit européen, consultante chez Désinfox-Migrations.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 25 septembre 2024.

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Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Bienvenue à vous qui nous rejoignez sur RTL, il est 18h42.
00:07Il faut faire évoluer notre arsenal juridique.
00:10C'est ce qu'affirme le tout nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno Rotaio, après le meurtre de Philippine.
00:14Le corps de cette étudiante de 19 ans, je vous le rappelle, a été découvert dans le bois de Boulogne.
00:18Le meurtrier présumé a été lui interpellé hier en Suisse.
00:21C'est un jeune marocain déjà condamné pour viol en France
00:24qui était sous le coup d'une OQTF, une obligation de quitter le territoire français.
00:29Bonsoir, Tania Rachaud.
00:31Vous êtes chercheuse en droit européen, merci beaucoup de nous rejoindre dans RTL Soir.
00:35Tania Rachaud, expliquez-nous très exactement ce qu'on appelle une OQTF.
00:39C'est une mesure administrative du préfet à destination des personnes qui sont en situation irrégulière.
00:46C'est une mesure qui est prise spécifiquement en raison de la situation irrégulière.
00:50C'est parce que quelqu'un n'a pas de papier, n'a pas de motif pour rester en France.
00:54Et donc, le préfet adopte une mesure pour l'éloigner, une OQTF.
00:58Et en l'occurrence, les OQTF, ce qui est intéressant, c'est qu'en théorie,
01:01elles ont un délai de départ volontaire d'environ un mois.
01:06Et à défaut de départ volontaire, il est possible de faire un départ forcé
01:12et donc d'obliger la personne à partir, de la mettre en rétention, etc.
01:16Est-ce que cela veut dire que toutes les personnes en situation irrégulière sont sous le coup d'une OQTF ?
01:22Alors, c'est assez intéressant dans le cas de la France,
01:25puisqu'effectivement, il y a une volonté de la part des préfets
01:29de systématiquement adresser des OQTF pour toutes les situations,
01:33pour toutes les personnes qui sont en situation irrégulière.
01:35Ce qui n'est pas le cas de tous les pays d'ailleurs.
01:37Mais donc, la France produit environ 130 000 OQTF par an
01:42dès qu'une personne est signalée en situation irrégulière.
01:44Et il y a plein de cas de figure.
01:45Cela peut être parce qu'il y a un rejet de la demande d'asile,
01:48parce qu'un titre de séjour n'a pas été renouvelé.
01:52Il y a plusieurs cas de figure qui existent pour être en situation irrégulière.
01:56Mais donc, il y a une volonté de systématiquement, effectivement,
01:58adresser une OQTF dans ces cas-là.
02:01Pourquoi cela n'a pas fonctionné avec le meurtrier présumé de Philippines
02:04qui a fui en Suisse ?
02:06Alors, dans son cas de figure, effectivement, il y a une OQTF
02:10qui a été émise à l'issue de son temps en prison.
02:14Et il a été en rétention.
02:16Donc, comme je le disais tout à l'heure,
02:17il y a un délai de départ volontaire en principe de 30 jours,
02:20mais qui peut être retiré dans certains cas.
02:23Donc, ce qui était le cas.
02:24Et alors, on place directement les personnes
02:26dans des centres de rétention administrative,
02:28qu'on appelle parfois des CRA.
02:30Ce qui était le cas de ce monsieur,
02:32puisqu'il était effectivement retenu dans un CRA.
02:35Et à ce moment-là, la rétention,
02:37elle est faite pour organiser le retour, l'éloignement.
02:40Donc, l'objectif, c'est d'organiser un vol,
02:43de s'entendre avec les autorités du pays d'origine,
02:46quand il n'y a pas de papier du pays d'origine.
02:49Et donc, voilà.
02:50L'objectif, c'est en tout cas de maintenir la personne
02:52le temps d'organiser ce vol.
02:54Et donc, en théorie, la législation indique
02:57que ce temps doit être de 30 jours,
02:59qui peut être prolongé plusieurs fois,
03:01jusqu'à un maximum de 90 jours,
03:03avec ensuite, en fait, autorisation et intervention d'un juge,
03:06le juge de la liberté et de la détention.
03:09Et en fait, au bout d'un moment, à force de prolongation,
03:11ce juge ici, dans notre cas de figure,
03:13a décidé d'estimer probablement que le retour serait compliqué
03:19et donc a privilégié l'assignation à résidence.
03:21Tania Rachaud, la France connaît le taux d'exécution
03:24des mesures d'éloignement le plus bas de l'Union européenne,
03:27autour de 10% contre près de 30% chez nos voisins.
03:30Est-ce que d'abord, vous confirmez ces chiffres ?
03:32Et puis, comment l'expliquez-vous ?
03:34Oui, effectivement, comme je disais,
03:36il y a environ 134 000 OQTF par an en France
03:40et 15 000 sont effectivement exécutés,
03:43ce qui fait un taux d'exécution très faible.
03:45Mais il faut bien voir que dans d'autres pays,
03:48par exemple l'Allemagne, c'est 35 000, 40 000 OQTF,
03:53l'équivalent allemand des OQTF par an,
03:56donc vous voyez bien la différence est de 100 000,
03:59ce qui implique que finalement,
04:01si on ramène les exécutions qui sont faites en Allemagne,
04:05disons le chiffre absolu des exécutions,
04:07il est plus faible parfois,
04:09chez certaines années, que celui de la France.
04:11Donc ça veut dire, si je simplifie,
04:13que la France va éloigner finalement,
04:15réellement plus de personnes que l'Allemagne,
04:18mais le taux d'exécution, le pourcentage est plus faible
04:21parce qu'elle produit beaucoup plus de mesures.
04:23Alors, il se trouve qu'en 2019, Emmanuel Macron
04:25affirmait vouloir porter l'objectif à 100%.
04:27J'ai envie de vous dire, en vous écoutant,
04:29c'est inatteignable.
04:30Ou alors la France est vraiment particulièrement mal organisée.
04:33Alors, c'est très complexe
04:35et dans le cas français, par rapport à l'Allemagne
04:37ou d'autres pays, pourquoi est-ce qu'il y a plus de mesures ?
04:39Parce qu'il n'y a pas de sélection.
04:41Dans les autres pays,
04:43l'objectif est de ne pas mettre une mesure
04:46qui ne sera jamais exécutable.
04:48Donc par nature, c'est impossible,
04:50par exemple, en France en tout cas encore,
04:52d'éloigner des Afghans, des Syriens, des Soudanais,
04:56des Ukrainiens qui se retrouveraient dans des zones de guerre,
05:00qui risqueraient sa vie,
05:02qui risqueraient des tortures au cas de retour.
05:04Pour moi, c'est déjà impossible.
05:06Cela étant, les mesures existent quand même,
05:08puisque si la personne est dans une situation régulière,
05:10on délivre une OQTF.
05:11Donc ça, c'est un des premiers obstacles.
05:13Après, il y a aussi ce défaut qui a été relevé,
05:15d'ailleurs, dans le rapport de la Cour des comptes de 2024
05:18sur la politique de lutte contre l'immigration régulière,
05:21qui est justement d'une surproduction
05:23des mesures d'OQTF,
05:25qui fait que l'administration, bien parfois,
05:27se trompe aussi dans l'édiction de ces mesures,
05:30qui doit respecter des règles.
05:32Il y a un certain pourcentage,
05:34qui est estimé à environ 15%,
05:36des OQTF qui vont être annulés aussi
05:38par le juge administratif.
05:40Et enfin, le dernier obstacle qu'on a évoqué un petit peu,
05:42c'est la question des laissés-passer consulaires,
05:45qui sont très variables en fonction des pays.
05:48Mais en gros, l'idée, c'est qu'une personne
05:50qui n'a pas de papier du tout,
05:52ni de son pays d'origine,
05:54ni de titre de séjour en France,
05:56pour la renvoyer dans un pays,
05:58il faut que le pays accepte cette personne
06:01en acceptant qu'elle provienne bien de son pays,
06:04qu'elle ait bien sa nationalité.
06:06Et donc là, entre enjeux des négociations diplomatiques,
06:10et là, à nouveau, la Cour des comptes a relevé aussi
06:12peut-être une difficulté administrative
06:14qui fait qu'il y a plusieurs interlocuteurs
06:16avec les consulats.
06:18Si on prend un consulat marocain, en fait,
06:20plusieurs préfectures vont peut-être s'adresser
06:22à ce consulat, le ministère de l'Intérieur aussi.
06:24Donc il n'y a pas d'interlocuteur unique en France,
06:26qui fait que les décisions sont un peu éparpillées,
06:28d'une part, et d'autre part,
06:30qui profitent évidemment pour faire des négociations
06:32diplomatiques sur d'autres sujets,
06:34en échange de laisser passer.
06:36Merci infiniment d'avoir été parfaitement claire,
06:38Tania Rachaud, chercheuse en droit européen.
06:40Dans un instant, Marc-Antoine Lebray,
06:43qui nous rejoint pour le Breaking News.

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