Meurtre de Philippine: pourquoi le suspect sous OQTF était-il en liberté?

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Le suspect du meurtre de la jeune femme a été interpellé à Genève. Il était sous OQTF (Obligation de quitter le territoire français) après avoir purgé une peine de 5 ans de prison pour viol.

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00:00Et on en parle avec Dylan Slama, bonjour, vous êtes avocat pénaliste, merci d'être là face à Pauline Rovna, la chef du service police-justice de BFMTV.
00:07Alors, qu'un suspect dans l'enquête sur le meurtre de Philippine a donc été arrêté hier, près de la gare de Genève en Suisse, où on va tout de suite rejoindre Nicolas Kouadou.
00:18Nicolas, double question, d'abord, comment est-ce que le suspect a été interpellé, dans quelles circonstances, et où est-il ce matin, quand sera-t-il transféré vers la France ?
00:27Eh bien, il a été interpellé hier, en début de soirée, ici, en Suisse, à la gare de Genève, où on se trouve avec Célia Vallée, en début de soirée, donc, par la police locale,
00:36suite à un partage d'informations entre la brigade de recherche et d'intervention, la BRI, l'unité française, donc, et leurs homologues, ici, en Suisse.
00:46Il a donc été placé en détention provisoire, et c'est actuellement ici qu'il se trouve, à Genève, au moment où on se parle.
00:53Quand est-ce qu'il sera extradé vers la France ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c'est que le parquet de Paris a annoncé réclamer son extradition vers la France,
01:02sans délai, afin de pouvoir l'interroger le plus rapidement possible, pour tenter de faire la lumière sur ce qu'il s'est passé, il y a quelques jours, avec le meurtre de Philippine,
01:10pour lequel il est le principal suspect.
01:12Donc, le suspect a été arrêté 3 jours après les faits, grâce au travail de la BRI. Voilà, Nicolas l'a évoqué. Il y a beaucoup de questions qui se posent,
01:19compte tenu, à la fois du parcours et du profil du suspect, et je crois qu'il faut reprendre, tout simplement, la chronologie.
01:25C'est un Marocain de 22 ans, donc, récidiviste, condamné pour viol en 2021, pour des faits commis en 2019. C'est bien ça, Pauline ?
01:34C'est tout ça. Ça se passe dans une forêt, près de Taverny, un viol sur une jeune fille, et il est condamné à 7 ans de prison.
01:42À l'époque, donc, il est mineur, il est condamné par un tribunal pour enfants, il part en détention, il effectue presque 5 ans de prison, à l'issue de quoi, il va partir en centre de rétention, mais on y revient.
01:53Je fais un tout petit retour en arrière. C'est un garçon qui arrive en France tout seul, d'Espagne, je crois.
01:58Il arrive d'Espagne avec un visa touristique en 2009.
02:00C'est ce qu'on appelle un mineur isolé ?
02:01Exactement, mineur non accompagné. Il y en a 15 000 en France en 2022.
02:07Donc, condamné à 7 ans de prison en 2019, 2019 plus 7, ça fait 2006, libéré en 2026, libéré en 2024. Pourquoi ?
02:16Pourquoi est-il libéré alors qu'il n'a pas purgé l'intégralité de sa peine ?
02:20Alors, il y a très peu de détenus qui font l'intégralité de leur peine, a fortiori les mineurs.
02:23Est-ce qu'il y a eu des remises de peine ? Est-ce qu'il y a eu bonne conduite en prison ? Il faudra étudier son dossier pénitentiaire.
02:29Mais c'est, somme toute, assez classique, a fortiori pour un mineur, je parle sur le contrôle d'Ivan Slama.
02:34Mais là, lorsqu'il est libéré, au mois de juin, il est en liberté dans la rue ou il est affecté à un centre de rétention administrative ?
02:41Il part automatiquement au centre de rétention administrative à Metz, exactement, dans la foulée. Il n'y a pas d'intervalle, il n'y a pas d'interstice entre les deux.
02:48On rappelle que ces centres de rétention, ce sont des centres où sont placés les étrangers en situation irrégulière en attendant leur expulsion.
02:55Oui, c'est un lieu fermé.
02:57On ne sort pas ?
02:58Non, on ne sort pas. Moi, j'y suis allée, au Ménilame-Los, notamment, au bout du Ménilame-Los, vous savez ce qu'il y a, il y a le tarmac pour les vols directs pour les pays qui expulsent.
03:08Et ça, c'est un lieu fermé pour tous les étrangers qui font l'objet d'une décision d'éloignement en attendant leur renvoi.
03:15Alors, en attendant leur renvoi, parce que ce qu'il faut expliquer, Maître, c'est que pour qu'il soit renvoyé dans son pays, il faut qu'il y ait un laissé-passer consulaire qui est délivré par le pays dont il est originaire.
03:27Avec le Maroc, ça se passe mieux qu'avec l'Algérie, pour dire les choses ?
03:30Tout à fait, mais ça reste difficile. On se demande toujours pourquoi il y a si peu d'exécutions de QUTF.
03:34Effectivement, il y a un obstacle diplomatique.
03:377% ?
03:38On estime que c'est à peu près 7%. Ça peut varier selon les pays et selon les années.
03:41Mais il y a un obstacle diplomatique extrêmement important avec le laissé-passer consulaire, mais pas seulement.
03:45Il y a un obstacle économique. 2 000 places en centre de rétention administratif pour à peu près 50 000 à 60 000 au QUTF par an.
03:51On voit bien qu'on essaye de faire rentrer un rond dans un carré.
03:53Et en plus, on ne peut pas rester trop longtemps.
03:56C'est ce que j'allais ajouter. Il y a aussi un obstacle juridique qui fait qu'on est limité dans le temps et que, si vous voulez, ça fonctionne de manière industrielle.
04:03C'est-à-dire que très souvent, on va peut-être revenir, mais les JLD ont un lot de dossiers extrêmement importants.
04:08Il y a un délai maximal de 90 jours.
04:11Donc, ils pouvaient rester dans le centre de rétention administrative jusqu'au 20 septembre ?
04:15Exactement.
04:17Le juge des libertés de la détention, le 3 septembre, décide de le libérer, de lui dire que vous pouvez sortir.
04:26Pourquoi ?
04:26Je n'ai pas eu accès à la décision, mais sans doute qu'il y avait des raisons juridiques à ça.
04:30Quel type de décision juridique ? Le type a été condamné pour...
04:33Il y a plusieurs choses.
04:35Peut-être, par exemple, que l'une des conditions de détention, ou en tout cas de maintien dans le crâne, n'était pas respectée.
04:40Le centre de rétention administrative.
04:41Le centre de rétention administrative.
04:42Je pense, par exemple, au délai.
04:43Au-delà d'un certain délai...
04:45On n'est pas au bout du délai, là.
04:47Il a épuisé les quatre...
04:49Lui n'a pas fait de recours, mais il y a eu quatre prolongations.
04:51On était sur la quatrième prolongation.
04:53Mais ça veut dire qu'au bout d'un moment, le juge des libertés d'étention peut estimer que si jamais le pays d'origine n'a montré aucun signe d'intérêt pour l'individu,
05:01et qu'il n'a jamais manifesté la volonté d'émettre un laissé-passer consulaire,
05:06le GLD dit que le pays d'origine ne se bouge pas, ça ne sert à rien, il ne sera jamais récupéré.
05:10Il a un délai, le pays d'origine, pour dire...
05:11Parce que le Maroc le fait.
05:13Le Maroc le fait, trois jours après, il dit « OK, on le prend ».
05:15Il a un délai.
05:16Il a le délai, j'ai envie de dire, qui est contraint par les délais français.
05:18Ça veut dire 90 jours.
05:19Si jamais il ne se manifeste pas, ça peut être l'une des raisons qui fait que le GLD décide de ne pas maintenir la personne dans le centre de rétention.
05:25Le juge des libertés et de la détention, donc, le libère, sous condition ?
05:30Oui, il est assigné à résidence dans un hôtel dans lequel il ne se rendra jamais.
05:33Dans Lyon.
05:34Dans lequel il ne se rendra jamais.
05:35Et dans Lyon.
05:36Et il doit aussi pointer à la gendarmerie, ce qu'il ne fera jamais.
05:40Mais techniquement, on n'a pas les moyens en France de mettre un policier derrière chaque assigné à résidence.
05:46Il y a un vrai problème de dispatch de moyens là-dessus.
05:50Donc, oui, il ne respecte pas ses obligations et il disparaît dans la nature.
05:55Est-ce qu'on le recherche à ce moment-là ?
05:56Non.
05:57Comment ça, non ?
05:58Probablement qu'on ne le recherche pas.
06:01Il est signalé dans un fichier de recherche ?
06:03Mais il est signalé que le 19 septembre.
06:04Mais pourquoi il n'est signalé que le 19 septembre ?
06:06Parce que ce n'est pas automatique, en fait.
06:08C'est automatique, ce que je veux dire, c'est qu'une fois qu'on a les données, on n'appuie pas sur un bouton et ça ne remonte pas directement.
06:12Il faut que les informations soient recoupées, qu'on le donne au service, qu'il le ramène au service, qu'il est ensuite inscrit dans le fichier, avec la photo, avec les informations.
06:20Ce n'est pas aussi rapide que ça.
06:22Donc, le 19 septembre, il va falloir que ça devienne rapide.
06:24Parce que dans l'entre-deux, il a sans doute...
06:27Il y a moins de trois semaines entre sa sortie du centre de rétention administrative et le meurtre de Philippine, ça s'effectue.
06:32Maître, il est inscrit au fichier des personnes recherchées la veille ou l'avant-veille ?
06:36Le 19.
06:36Du crime ?
06:37La veille.
06:38Comment on peut... Enfin, on marche sur l'athlète.
06:41Non, mais alors, encore une fois, c'est tout à fait normal de ne pas comprendre les mécanismes qui sont très difficiles à comprendre et, en plus, qui sont difficiles à comprendre et qui sont difficiles à exécuter.
06:49Ça veut dire qu'il y a des contraintes dans tous les sens.
06:51Je le disais, des contraintes juridiques, des contraintes diplomatiques, des contraintes économiques.
06:54Toutes ces contraintes-là font qu'effectivement, il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour pouvoir repérer un individu qui, d'ailleurs, n'est pas forcément en situation régulière sur le territoire pour savoir où il est à tel moment.
07:04Mais comment vous allez expliquer ça aux parents de Philippine, à sa sœur ?
07:07Alors, il y a une responsabilité, peut-être, d'ordre politique là-dessus pour essayer de montrer comment est-ce qu'on peut mieux exécuter les OQTF.
07:14C'est très difficile de faire de la pédagogie là-dessus.
07:16C'est sans doute très impossible.
07:18Ce qu'on peut dire aussi, c'est que quand même, il y a eu des efforts et un travail qui a été fait pour l'interpeller, qui a été extrêmement rapide, extrêmement efficace et, là aussi, qui peut surprendre presque par sa rapidité et son efficacité.
07:28Il n'y a pas des erreurs administratives aussi dans la procédure, me semble-t-il ?
07:31C'est-à-dire ?
07:32Puisqu'à un moment, la demande de laisser passer consulaire n'est pas transmise au bon service.
07:38Le Maroc demande de rectifier et c'est l'autre direction qui prend et qui est...
07:41Mais il y a eu un mois de flottement sur la demande, mais à la limite, si je peux dire, il est encore en centre de rétention administrative.
07:49Il n'est pas dehors.
07:50Donc, oui, il y a un flottement, mais ce n'est pas la plus grosse zone de nombre, moi, je trouve.
07:55J'ai l'impression qu'on raconte toujours la même histoire, souvent la même histoire et ça devient quand même insupportable.
08:00C'est difficile à entendre pour les familles, on en compte un.
08:02Pour tout le monde, je vous rassure.
08:04Vous disiez la plus grosse zone d'ombre, c'est laquelle pour vous ?
08:07C'est l'ensemble, c'est-à-dire, c'est ce fractionnement et cette partialisation qui fait qu'au final, on a une sortie,
08:15trois jours de flottement et quelqu'un qui s'envole dans la nature.
08:18En revanche, on arrive à l'interpeller en quatre jours chrono.
08:20Il y a un nouveau ministre de l'Intérieur qui s'appelle Bruno Retailleau, qui fait montre depuis, évidemment,
08:25son entrée en fonction de beaucoup de fermeté.
08:28Voilà ce qu'il disait, il y a deux ans, si mes souvenirs sont bons, au Sénat, au sujet des OQTF.
08:34Les OQTF sont très rarement exécutés parce que tout est rouillé.
08:38Il faudrait les rendre exécutoires.
08:40C'est ce qu'on a voulu faire au Sénat à plusieurs reprises.
08:44Il faudrait les rendre, je pense, insusceptibles de recours parce que c'est une décision de gouvernement,
08:49d'un acte, je pense, de fouveraineté et qu'il faut revoir au-delà toutes nos règles,
08:55toutes nos règles qui concernent le séjour des étrangers.
08:58Ce n'est pas au Sénat, c'était sur le plateau de BFMTV.
09:01Est-ce que le nouveau ministre de l'Intérieur, avec quand même évidemment son collègue de la justice,
09:07a dans ses projets de durcir ces conditions ?
09:10Oui, il avait déjà fait montre de cette volonté lors du débat sur la loi immigration.
09:14Vous vous souvenez, il voulait...
09:15En gros, il faut savoir que pour les OQTF, il y a des gens qui ne sont pas concernés.
09:18Si vous résidez depuis un certain temps sur le territoire,
09:20si vous êtes marié à un ressortissant français depuis une certaine durée,
09:22vous ne pouvez pas être concerné par une OQTF.
09:24Et Bruno Retailleau avait voulu assouplir ces conditions de gens non concernés.
09:30Et puis, comment durcir ? C'est très compliqué parce qu'on le disait, il y a les moyens juridiques.
09:33Alors lui, Bruno Retailleau, il dit qu'il faut que ce soit exécutoire.
09:36Autrement dit, il faudrait que ce soit des arrêtés d'expulsion.
09:37C'est différent d'une OQTF.
09:38Un arrêté d'expulsion, vous envoyez la force publique pour expulser.
09:42Mais là, on aborde la question des moyens.
09:44Il y a à peu près 220 000 policiers et gendarmes.
09:46On a dit 50 000 à 60 000 personnes sous OQTF.
09:49Vous voyez, on ne peut pas mettre un gendarme ou un policier derrière chaque personne sous OQTF.
09:54Et puis, il y a sur la question diplomatique, il y a des mesures de rétorsion qu'on peut prendre
09:57contre les pays qui n'accordent pas les laisser passer consulaires.
10:00Et sans doute, Bruno Retailleau va-t-il pousser dans ce sens.
10:02Vraiment d'un mot, maître, est-ce qu'on va connaître les motivations du juge des libertés de la détention ?
10:06Alors, du point de vue de l'enquête administrative, je ne doute pas que ce sera connu à un moment
10:09parce qu'ils existent.
10:10Maintenant, est-ce que les médias le connaîtront ?
10:12C'est écrit quelque part.
10:13Maintenant, est-ce que l'information sera publique ?
10:15Ça, je n'en sais rien.
10:16Mais en tout cas, c'est sûr que l'information est écrite quelque part, mort sur bloc.

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