Il s'agit d'un épisode de la série documentaire "Les Routes de l'impossible" produite par Tony Comiti Productions et diffusée sur France 5. La série suit des personnes qui prennent de grands risques en empruntant des routes dangereuses ou mal entretenues pour gagner leur vie, souvent dans des pays en développement. Cet épisode se déroule au Brésil et semble se concentrer sur les difficultés et dangers rencontrés sur certaines routes du pays, probablement en Amazonie ou dans des régions reculées.
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VoyagesTranscription
00:00Musique d'ambiance
00:02...
00:08Bip-bip !
00:09...
00:21...
00:25Musique d'ambiance
00:27...
00:37...
00:47Cette station-service est le point de départ
00:50des têtes brûlées de la Transamazonienne.
00:53...
00:55Passe le bonjour à Théo.
00:57...
01:00Allez, salut, salut.
01:02...
01:03Dans la région, on les surnomme les bombes humaines,
01:06Netto et Moro font partie de ces hommes sans peur.
01:09On charge 20 000 litres de gasoil à livrer au fin fond de la forêt.
01:13...
01:15Maintenant, on ne s'arrêtera qu'une fois arrivés à destination.
01:19...
01:20Bizarrement, avant de prendre le départ,
01:23Moro ne fait qu'une petite inspection de son camion.
01:26...
01:28Selon lui, il ne risque rien.
01:31Sa vie est entre les mains du Tout-Puissant.
01:33...
01:43Arrivé au bout de cette route en entier,
01:46tiens de l'exploit.
01:47...
01:48La route est très mauvaise, difficile.
01:50Mon boulot est de livrer du carburant au chercheur d'or.
01:53Là-bas, c'est le bourbier. La route est vraiment terrible.
01:56Moro a 2 jours pour arriver à destination.
02:00Passé ce délai,
02:01chaque heure de retard lui sera déduite de son salaire.
02:04Il est pied au plancher.
02:05...
02:08Le Brésil est grand comme 13 fois la France.
02:11Sur ces immenses territoires encore vierges,
02:13impossibles à contrôler par l'Etat,
02:15les chercheurs d'or clandestins construisent illégalement
02:18routes et villages, comme Crépurizao,
02:20la destination finale de Moro.
02:22...
02:24Sorti de terre il y a 6 ans,
02:26ce village n'est répertorié sur aucune carte,
02:28comme la route qui y mène.
02:31Ces pistes clandestines sont la mort de la forêt amazonienne.
02:35Elles sont empruntées par des milliers de déshérités,
02:38attirées par la fièvre de l'or.
02:40...
02:44Elles permettent aussi aux éleveurs d'étendre leurs fermes.
02:48Chaque année, ils abattent sans autorisation
02:50des dizaines de milliers d'hectares de forêt.
02:53...
02:55Les Indiens qui l'habitent sont chassés toujours plus loin.
02:59Une ruée dévastatrice est en marche.
03:01...
03:04...
03:06La région traversée par Moro est une suite de collines abîmées d'eau,
03:10une patinoire géante, un freinage mal dosé,
03:13et le camion-citerne part dans le décor.
03:15...
03:23En décembre, un chauffeur qui ne connaissait pas la route
03:26a pris trop de vitesse dans cette descente.
03:29Ce virage l'a surpris et il s'est renversé au milieu de la route.
03:33...
03:36Personne ne s'aventure seul sur cette route.
03:38...
03:40Quatre têtes brûlées attendent Moro pour rouler en convoi.
03:43...
03:49Il dit quoi, toi ?
03:50Il dit qu'il va me remorquer avec son camion tout pourri.
03:54Il dit que je vais pas y arriver, mais pour qui il se prend ?
03:58C'est dingue, il veut monter la colline en 4e.
04:01...
04:03On y va ?
04:04...
04:07En hiver, pour pouvoir s'entraider, on roule tous ensemble.
04:11...
04:17Dans les côtes, un chauffeur guide les autres.
04:19Il ne faut pas sortir du rail de glaise,
04:23sinon le camion part en crabe.
04:25...
04:31Arrête !
04:32...
04:34Moro, lui, n'en fait qu'à sa tête.
04:36...
04:38La punition est immédiate.
04:40...
04:54Dans les descentes, ils surfent.
04:57Une technique qui n'est visiblement pas maîtrisée par tous les chauffeurs.
05:01...
05:11L'un d'eux est parti tout droit dans le fossé.
05:14...
05:25Je n'ai pas pris les bonnes traces,
05:27et ça m'a tout de suite déporté sur le côté.
05:31Mais ils vont me sortir de là en me tractant.
05:34...
05:43Allez, mon bichon, ça va aller.
05:45...
05:51Les 25 tonnes du camion-citerne vont leur donner du fil à retordre.
05:54...
06:00A peine 20 m en une heure.
06:02...
06:04...
06:20Il faut accélérer, car s'il pleut, on va être coincés.
06:23...
06:25La plupart des chauffeurs, comme Netto,
06:28n'aiment pas ce serpent de boue
06:30qui les retient souvent loin de leur famille.
06:33Tout ce qu'il y a de pire nous arrive en hiver.
06:36On casse les camions et on se retourne.
06:39En hiver, je fais un stock de biscuits et de pommes
06:42pour ne jamais avoir faim.
06:43Ce qui nous est arrivé de mettre 2 mois pour faire l'aller-retour.
06:47...
06:48Heureusement pour les chauffeurs,
06:50quand la piste est complètement impraticable,
06:52il n'y a pas de retenue sur salaire.
06:54...
06:56Les poids lourds ne sont pas les seuls à se risquer sur cette piste.
07:00...
07:01Chercheurs d'or et paysans en quête de nouvelles terres
07:04à cultiver s'y croisent par centaines.
07:06L'espoir de faire fortune est au bout du parcours.
07:10...
07:11Certains, comme Georges, en profitent pour faire du business.
07:15...
07:18Avec son 4x4, cet ancien routier s'est improvisé chauffeur de taxi.
07:22Il fait payer 3 fois plus cher qu'une course normale.
07:25...
07:32Tu peux y aller.
07:33Tu peux avancer.
07:35...
07:49Ici, dans le Pará, c'est le grand désordre.
07:52Tout le monde est prêt à s'entretuer pour un bout de terre,
07:55mais personne n'a de titre de propriété.
07:57L'Etat n'en donne pas, c'est très rare.
07:59...
08:014 hauts poteaux suffisent à marquer un territoire.
08:04Les fermiers sont les premiers à s'approprier ces terres.
08:08Les plus riches entretiennent même la route.
08:11Toujours en quête de pâturage,
08:13ils ouvrent la voie à leurs immenses troupeaux.
08:16...
08:20Des milliers de vaches qu'ils emmènent
08:22toujours plus profondément dans la forêt.
08:24...
08:36...
08:38Je vais à ma nouvelle ferme, qui se trouve à 500 km.
08:42Car ici, je n'ai plus assez de pâturage
08:44pour mes 5 000 têtes de bétail.
08:47En tout, la transhumance va durer 60 jours.
08:51Il y a 4 ou 5 000 têtes.
08:53...
09:00Coincés par le troupeau,
09:02Moreau et son convoi perdent beaucoup de temps.
09:05Un retard de plus, c'est sûr.
09:08Ils vont devoir rouler de nuit pour rattraper les heures perdues.
09:12...
09:14Il y a 3 ans, s'est levée ici une forêt majestueuse.
09:18...
09:22J'attends 1 500 euros.
09:26La ferme fait 130 hectares.
09:30Et si on compte la forêt, qu'on va encore abattre,
09:34on aura en tout 500 à 600 hectares de pâturage.
09:38...
09:41Cris de joie
09:43Itamar a 23 ans.
09:46...
09:52C'est un vaquero, un cow-boy.
09:55Son patron lui fournit le cheval, le gîte,
10:00une paire de bottes et même une assurance touriste.
10:03Si une bête me casse une jambe
10:06ou blesse un de mes enfants,
10:08le propriétaire se charge de l'assistance.
10:11On l'appelle et il envoie une voiture ou un avion
10:14pour nous sortir d'ici.
10:16Et mon salaire continue de tomber pendant ma convalescence.
10:21Et vous gagnez combien ?
10:23570 euros par mois.
10:25...
10:27Ce jour-là, Itamar va pratiquer sur ses taureaux
10:30une opération très appréciée de ces hommes rudes.
10:33...
10:36Elle promet un repas de fête en fin de journée.
10:39Le vaquero étourdit la bête en l'étranglant avec son lasso.
10:43...
10:46Le taureau se débat,
10:48sûrement conscient qu'il vit ses derniers instants de mal.
10:53Étourdi par le manque d'air, il s'écroule.
10:56D'un coup de couteau rapide et précis,
10:59Itamar le débarrasse de ses attributs masculins.
11:02...
11:08Lâche-le, lâche-le !
11:10...
11:12J'ai eu peur, il a sauté sur moi.
11:15Les testicules grillées sont un mets très apprécié dans la région.
11:19...
11:21C'est pour l'apéro.
11:23Ces testicules, on les déguste.
11:26Ca fait grossir les bœufs plus vite.
11:28Et 18 mois plus tard, on les envoie à l'abattoir.
11:31Les animaux non castrés ne sont plus demandés à l'étranger.
11:34Alors on les castre pour pouvoir les exporter.
11:37...
11:40Le troupeau d'Itamar grossit chaque année.
11:43Il faut alors brûler encore plus de forêts
11:46pour agrandir les pâturages.
11:49Un désastre écologique.
11:51...
11:53Cette route est une plaie.
11:55Les chauffeurs la maudissent.
11:57Cette côte semble infranchissable.
12:00...
12:08...
12:14Qu'est-ce qui se passe ?
12:16L'ornire est trop profonde. Il y a trop de boue.
12:19...
12:23Personne n'a réussi à monter. Il faudrait être tracté.
12:26...
12:28Comme par enchantement, un tracteur arrive.
12:31Il semble que ce bourbier ne soit pas naturel.
12:35Il est même savamment entretenu par ses hommes,
12:38histoire de se faire un peu d'argent.
12:41Ca coûte combien, le tractage ?
12:4390 euros.
12:45C'est un bon business, alors ?
12:47Oui, mais enfin, les jours de soleil...
12:50...
12:52On n'a pas besoin de nous quand c'est sec.
12:56...
13:01Pour 360 euros, les 4 camions sont arrachés à la boue.
13:04...
13:09...
13:14...
13:17Musique sombre
13:20...
13:26Les routes clandestines ne sont pas les seules menaces
13:29qui pèsent sur la forêt amazonienne.
13:32La construction du 3e plus grand barrage du monde,
13:35que l'on appelle Belo Monte,
13:37va faire disparaître sous les eaux du fleuve Xingu
13:40une surface équivalente à celle de Paris.
13:43Équipé de 27 turbines géantes,
13:47il produira 10 % de l'électricité du Brésil.
13:50Inexorablement, l'eau monte
13:53et inonde petit à petit le territoire des Indiens.
13:5625 000 indigènes ont été expropriés sans ménagement
14:01et sans réelle politique de relogement.
14:04Beaucoup ne savent pas où aller
14:07et viennent grossir les bidonvilles des grandes agglomérations,
14:11comme Altamira.
14:13...
14:18Zila et sa famille sont des Indiens kayapos.
14:21Ils ont été expulsés il y a quelques jours
14:24avec leurs 7 enfants.
14:28On n'a pas les moyens d'acheter une maison en ville
14:31pour y vivre.
14:36L'errance forcée de Zila ne fait que commencer.
14:39Le chantier du barrage a attiré 80 000 travailleurs à Altamira.
14:44Les loyers ont grimpé en flèche.
14:47Même les quartiers populaires sont devenus inabordables.
14:54Ce jour-là, Zila retourne chez elle
14:57avec quelques affaires laissées dans sa maison.
15:00...
15:08A cause du barrage, l'eau est en train d'engloutir mon île,
15:11mais là-bas, j'ai des cochons, des poules, des canards,
15:14le chien et toutes mes affaires.
15:17Il faut faire vite
15:21parce que l'eau s'infiltre dans le sous-sol
15:24et tout est en train d'être aspiré.
15:27Notre problème, c'est ça.
15:30...
15:45Après 2 heures de navigation,
15:47leur pirogue se retrouve face à une immense digue.
15:50Il y a encore quelques mois, elle n'existait pas.
15:54Maintenant, ils doivent emprunter une écluse d'un genre particulier.
15:59Elle est inaugurée aujourd'hui même par les promoteurs du barrage.
16:03On vient d'Altamira.
16:05Bonjour. Quel est votre nom ?
16:07Zila Dapena Tavares.
16:09Comment allez-vous, Zila ?
16:11...
16:16Leur pirogue est remorquée par un tracteur
16:19qui la fait passer de l'autre côté de la digue.
16:23Zila et sa famille, quant à eux,
16:25sont transportés dans un 4x4 flambant neuf.
16:28...
16:32Zila est agacée. L'opération dure près d'une heure.
16:35...
16:46Je trouve ça bizarre.
16:48On avait l'habitude de descendre le fleuve directement.
16:51Et là, maintenant, il faut s'arrêter et attendre pour passer.
16:55...
16:58A présent, on va vous poser quelques questions.
17:01On va faire vite, car il fait déjà très chaud, d'accord ?
17:04Quel est le nom de votre tribu ?
17:07...
17:08On est de la même ethnie.
17:10Kayapo, c'est ça.
17:12Pensez-vous que ce système de transfert est confortable ?
17:15Sûr ? Efficace ?
17:17Oui, efficace, efficace.
17:19Excusez-moi, je voudrais vous demander quelque chose.
17:23Cette dame me dit que sa maison est en train d'être inondée
17:26beaucoup plus vite que prévu.
17:28Je dois faire remonter l'info aux ingénieurs ou au consortium ?
17:31Je vais vérifier.
17:33A cause du barrage, l'eau est polluée.
17:35On ne peut pas la boire, ni se laver, ni cuisiner avec.
17:39Les Indiens le savent bien.
17:41Quoi qu'ils disent, maintenant, plus rien ne changera.
17:44...
17:46Ca nous a beaucoup retardés dans notre voyage.
17:50Pour moi, ce transfert est une saloperie.
17:53Il n'y a rien de bon là-dedans.
17:55C'est la destruction de notre fleuve.
17:57...
18:15Quand ils arrivent devant leur maison,
18:18Zila et son mari sont choqués.
18:20Ils naviguent à l'endroit où se trouvaient leurs potagers.
18:23Avant, leur caoutchouc se trouvait à une cinquantaine de mètres
18:26de la berge.
18:28...
18:37Le problème, c'est cette eau qui remonte,
18:39contre laquelle on ne peut rien faire.
18:41...
18:51Les animaux de Zila sont affamés.
18:53Ils n'ont pas été nourris depuis plusieurs jours.
18:56...
19:03Je suis inquiète pour mes animaux.
19:05Je ne sais pas quel va être leur destin.
19:08Ni le mien, d'ailleurs.
19:10Seul Dieu le sait.
19:12Je me sens triste.
19:14...
19:16Parce que...
19:19...
19:21On a tellement lutté pour construire cette maison.
19:24...
19:28La plupart du temps,
19:30les caillapos gagnent leur vie grâce à la pêche.
19:33...
19:36Cécilio part avec son fils
19:38relever ses filets abandonnés à leur départ.
19:42Il devrait être plein de poissons.
19:44Mais il est horrifié par la couleur de l'eau.
19:47Un poisson mort flotte à la surface.
19:50En fait, l'eau du fleuve est devenue impropre à toute vie animale.
19:54Une fois immergée,
19:56les plantes et les arbres finissent par fermenter.
20:00L'eau devient acide et tue les poissons.
20:02L'eau est beaucoup trop sale.
20:04Maintenant, il y a beaucoup de courant.
20:06...
20:08Il empêche le filet de descendre au fond.
20:11Les explosions ont aussi saturé l'eau de terre.
20:14Les poissons ne peuvent plus respirer.
20:16...
20:19Pour nous, il n'y a pas de solution pour survivre de la pêche.
20:22...
20:25Ils ont jeté des rochers dans l'eau.
20:28La vase est remontée
20:30et ça a changé la couleur de l'eau.
20:32...
20:34Rires
20:36...
20:38Cette eau acide donne aussi des maladies de peau.
20:42Le fils de Zila en a attrapé en se lavant.
20:45Ca, c'est parce que je ne savais pas ce qui se passait.
20:48Quand je me suis baigné, ma peau est devenue comme ça.
20:51...
20:53Dans quelques heures,
20:55toute la famille va partir pour un long voyage
20:58à la destination du fleuve.
21:01...
21:03Ces trompes d'eau n'annoncent rien de bon pour le convoi.
21:07La piste prend des allures de petites rivières.
21:10...
21:12Plus bas, la descente est affreuse.
21:15Pour les camions, elle est vraiment mauvaise.
21:18Il n'y a que des crevasses, là-bas.
21:21...
21:24...
21:26N'importe quel chauffeur
21:28attendrait que la pluie cesse.
21:31Mais la peur d'une retenue sur sa l'air
21:35pousse Moreau et ses hommes à reprendre le volant.
21:38La piste est faite de terre glaize.
21:41Contrairement à une terre classique,
21:43qui absorbe la pluie et embourbe les camions,
21:46la glaize forme un manteau imperméable
21:49qui transforme la route en patinoire poisseuse.
21:53Quand il pleut, il faut absolument éviter de freiner.
21:57Il y a beaucoup de crevasses.
21:59Si je fais une fausse manoeuvre, je tombe dedans.
22:02...
22:04Tourmenté par son retard,
22:06Moreau va trop vite et prend trop de risques.
22:09...
22:17Il faut qu'on arrive à passer la colline
22:19avant qu'il ne pleuve trop, sinon, ça va être un enfer.
22:22...
22:25Un coup de frein mal dosé, un coup de volant trop brusque,
22:28et Moreau est en difficulté.
22:31Le camion est emporté par son poids.
22:34Les roues décrochent et glissent vers le fossé.
22:37...
22:43C'est pas vrai. On est foutus.
22:46Si le camion s'incline encore plus,
22:49il va finir par se coucher sur le côté.
22:52Tout est une question de dosage avec l'accélérateur.
22:55...
23:09Moreau fait le tour de la citerne au cas où il y a eu des dégâts,
23:13quand un quad de chercheurs d'or s'arrête.
23:16...
23:19Tout va bien ?
23:21Oh, mon amour ! Comment ça va ?
23:24Mon amour !
23:26Comment allez-vous, madame ?
23:30Bonjour, monsieur. Et ce voyou, comment il va ?
23:33Il a la malaria, cette mauvaise bête.
23:36On a attrapé la malaria.
23:38La route est glissante. Je me suis coincé dans le fossé.
23:41On va avoir du boulot pour faire descendre mon collègue.
23:44L'avant de son camion est lourd. On va devoir creuser
23:47pour l'aligner.
23:50...
23:55La piste retient en otage le dernier camion.
23:58Dans la glaise, la seule technique pour descendre tout droit
24:02est de guider l'avant en creusant des sillons.
24:05Netto, le chauffeur, est inquiet.
24:09...
24:14...
24:17Non, non ! Creuse plus par là !
24:21Non, je vais creuser plus profond !
24:24Netto donne des ordres, mais travaille peu.
24:27Tu peux dégager, s'il te plaît ? Alors, dégage.
24:30...
24:32Même coincé par la boue, Netto reste maniaque.
24:35...
24:38Tu peux venir. Tu peux venir.
24:42...
24:45Sans prévenir, le chauffeur lâche les freins.
24:48Attention, barre-toi ! Tire-toi, tire-toi !
24:51...
24:56Dans ce pays très croyant, on trouve toujours une église,
24:59même au fin fond de la forêt. L'église de la louange parfaite
25:02s'est donnée pour mission d'emmener les enfants des chercheurs d'or
25:06au catéchisme une fois par semaine.
25:08Alors, on y va, on n'y va pas ?
25:10Allez, allons-y ! Dieu est avec nous !
25:13Ce jour-là, Pedro, le chauffeur, en doute sérieusement.
25:16Laisse-moi voir l'état de ces nuages.
25:19Dieu semble les avoir abandonnés.
25:23Cette pente glissante est infranchissable
25:26pour son vieux pick-up.
25:28Eh, monsieur le chauffeur, on y va à pied !
25:31Non, il faut monter, descendre ! C'est trop loin !
25:35Mais non, c'est juste là, c'est juste là !
25:38Ca va nous salir, c'est tout mouillé !
25:41Pedro ne veut pas prendre le risque
25:44de glisser dans le fossé avec les enfants dans la benne.
25:47Soulier Verny et petite Ballerine se retrouvent dans la gadoue.
25:50...
25:54Cris de joie
25:57...
26:01La coquetterie des Brésiliennes n'est pas une légende.
26:04La boue et les contraintes mécaniques
26:07n'ont pas fait peur à cette jeune fille,
26:10qui part en ville faire des courses avec son fiancé.
26:13...
26:17Tous les jours, ça arrive,
26:19parce que la chaîne est trop lâche et elle déraille.
26:22Il va essayer de la remettre, enfin, s'il y arrive,
26:25pour qu'on reparte.
26:28Comme tous ici, ils sont chercheurs d'or.
26:31Une belle pépite changerait leur vie.
26:34La demoiselle rêve d'un 4x4.
26:36...
26:39...
26:42...
26:46Quand il y a du soleil, c'est quand même plus facile
26:49pour porter des belles chaussures.
26:51Mais quand il pleut, ça ne sert vraiment à rien.
26:54...
26:57...
27:00...
27:03...
27:07...
27:10...
27:13Quand les chercheurs d'or ont tracé cette piste clandestine
27:16pour atteindre leur gisement, il n'était que quelques centaines.
27:19Depuis, 3 villages sont sortis de terre.
27:23Ils abritent maintenant près de 10 000 personnes.
27:26...
27:29Ces villages clandestins, l'Etat est maintenant obligé
27:32de les légaliser. Pour cela, ils commencent
27:35par rendre la route praticable à tout véhicule.
27:39Le moyen le plus économique
27:42est de la recouvrir de pierres.
27:45Seulement, voilà, les travaux n'avancent pas.
27:48Les pierres sont rares en forêt.
27:51Alors dès qu'il y a un bâtiment à construire,
27:54la population vient se servir, surtout les fermiers.
27:57...
28:00...
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28:07...
28:10Notre patron fait son hangar,
28:13donc on charge des pierres pour lui.
28:16Il fait un hangar pour stocker du cacao.
28:19Ces pierres-là sont broyées pour faire la route.
28:22...
28:25Une fois réhabilitées, les pistes deviennent
28:29de belles nationales bien lisses.
28:32La tentation est trop forte, Boro accélère,
28:35mais les kilomètres précédents ont torturé le camion.
28:38La mécanique finit par lâcher.
28:41...
28:44...
28:48C'est le différentiel qui est cassé.
28:51...
28:54...
28:57On est mal.
29:01Il faut tout démonter.
29:04C'est normal.
29:07Ca casse, parce qu'avec ces routes pourries, ça détruit tout.
29:10C'est un mécanisme complexe
29:13qu'ils vont démonter tranquillement sur le bord de la route.
29:16...
29:19...
29:22...
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29:29...
29:32Le gars qui a monté le différentiel
29:35a mal vissé ce boulon qui s'est cassé.
29:38Regarde, c'est ça qui est abîmé.
29:41Le boulon à l'intérieur.
29:44...
29:48On va tout remonter et on va partir.
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30:36...
30:39Toute la vie de la petite famille tient dans ces deux pirogues.
30:44Ils n'ont pas la place d'emporter leurs animaux.
30:47Cochons et poules sont abandonnés à leur sort.
31:09A cause du barrage, les 25 000 indigènes expulsés
31:23se retrouvent pour la plupart sans domicile fixe.
31:39Dernier bain pour les enfants avant de se retrouver dans un camp de fortune.
32:09Cette nuit, Zila et sa famille s'avouent dormir chez une vieille amie, mais demain.
32:23Il n'y a que Dieu qui sache où nous allons finir.
32:26Je vis 24 heures sur 24 dans l'angoisse.
32:29Moi aussi, je suis expulsée à cause de la montée des eaux.
32:32Notre destin est dans les mains de Dieu.
32:34Le lendemain, Zila, son mari et le dernier de ses sept enfants
32:41quittent la terre où ils sont nés.
32:45Ces déracinés au nom de la modernité entament un long voyage
32:49au point de chute incertain.
32:52On leur a dit que peut-être il y aurait un lopin de terre à occuper
32:55loin d'ici.
33:00Le voyage se termine à pied dans la chaleur étouffante.
33:04La terre promise la voici.
33:09Elle est occupée par une partie de la tribu de Zila.
33:16Tout ça, c'est un vieux pâturage qu'on a envahi de force.
33:23J'ai peur que la police arrive d'une minute à l'autre et nous expulse encore une fois.
33:28En quelques jours, Zila et son mari ont construit cette petite cabane
33:34au toit de plastique, ou plutôt un four qui monte à 50 degrés en pleine journée.
33:40Il n'y a pas d'ombre, il fait très chaud toute la journée.
33:50Je ne me sens pas bien ici.
33:53Même les enfants se plaignent.
33:55On était mieux au bord du fleuve Xingu.
33:57Là-bas, au moins, il y avait beaucoup d'eau.
34:02Et surtout, de quoi subvenir aux besoins de tous.
34:06Zila, son mari et son frère vivaient de la pêche.
34:10La revente du poisson permettait de survivre.
34:13Mais maintenant qu'ils sont loin du fleuve, comment gagner sa vie?
34:17La solution se trouve peut-être au fond de la forêt, à l'abri des regards.
34:22Au bout de cette piste, l'espoir d'une vie nouvelle.
34:26Dans la tête du frère de Zila, brille l'éclat du métal qui rend fou, l'or.
34:31Cette colline a été investie par d'anciens pêcheurs reconvertis en chercheurs d'or.
34:36Cecilio aimerait ouvrir sa propre mine.
34:39Dis-moi, j'aimerais savoir comment tu travailles.
34:49Ce jaune, c'est de l'or?
34:52Non, c'est de la terre jaune, proche du filon.
34:55Ah bon? Et si tout à coup, tu tombes sur une grosse pépite d'or?
35:00Oh là, ce serait bien. Tu ne fais que survivre avec ce que tu tires d'ici.
35:05Des fois, il peut passer une année sans que tu trouves rien.
35:08Donc, la vie d'orpailleur, c'est une vie d'aventurier.
35:14Oui, c'est l'aventure.
35:18Une année sans salaire, la dernière phrase du mineur n'est pas très rassurante.
35:23Après trois heures de travail, les hommes passent la terre à l'abatté.
35:26Voilà, j'ai trouvé un demi gramme.
35:37Soit 15 euros, c'est loin d'être assez pour nourrir sa famille.
35:41Au Brésil, la vie est presque aussi chère qu'en Europe.
35:45Cecilio est déçu.
35:47La pêche rapportait plus et c'était beaucoup moins dangereux.
35:51Dans tout ce mur que j'ai creusé, il n'y a pas d'or.
35:54Il n'y a qu'en bas qu'il y a un petit filon.
35:56Et donc, tu creuses encore plus bas pour attraper le filon.
36:03Ça, c'est la terre d'où sort l'or.
36:06Ici, il y a de l'or.
36:09Mais c'est dangereux parce que si un gros bloc de terre se détache,
36:12ça te casse le cou immédiatement.
36:15Il y en a déjà cinq qui sont morts dans le trou juste à côté.
36:20Que faire? Prendre des risques ou mourir de faim?
36:24Il y a bien une solution.
36:26Le chantier du barrage réclame toujours plus de main d'oeuvre.
36:30Mais les Indiens refusent d'y travailler.
36:32On ne pactise pas avec l'ennemi.
36:35Ce soir-là, à Altamira, la fête basse en plein.
36:39Les travestis du carnaval accueillent avec le sourire
36:41les milliers d'ouvriers du barrage qui logent en ville.
36:45Ils viennent de toucher leur paye et une grosse partie va s'envoler ce soir.
36:50De son balcon, l'adjoint Omer est ravi de cette manne providentielle.
36:54Pour sa ville, le chantier est synonyme d'expansion, d'argent et de modernité.
37:01Bientôt, Altamira aura les allures d'une grande ville.
37:04Il y a 20.000 personnes qui viennent de tout le Brésil.
37:08Ça va aider la région à se développer.
37:10Grâce à ce barrage, on va avoir de l'électricité pour notre pays
37:13et on en vendra aux pays voisins.
37:17C'est une entreprise extraordinaire pour le Brésil et c'est Altamira,
37:20notre ville, qui va en profiter.
37:24Ça, c'est notre peuple.
37:36Ils travaillent pour nous et nous, on leur distribue bien.
37:43L'argent du barrage coule déjà à flots sur Altamira.
37:47Le consortium qui gère l'ouvrage a participé au financement
37:50de cette gigantesque piste de carnaval.
37:54Et ce n'est pas par gentillesse.
37:56Ils le savent, au Brésil, la samba a le pouvoir d'étouffer
37:59les cris des plus virulents contestataires au chantier.
38:07Moro court après le jour.
38:09Le moteur poussé à fond, il tente d'avaler le plus de kilomètres
38:13possibles avant la nuit.
38:17Ce qui est pénible, c'est les phares des camions.
38:19Les phares sont puissants, mais pas assez pour débusquer les pièges.
38:29Dans l'obscurité, ce sont les réflexes du chauffeur qui font la différence.
38:41Ici commence le bourbier et c'est glissant, c'est très glissant.
38:46Des appels de phares, rien de très rassurant.
38:54Tu passeras pas.
38:55Pourquoi? Parce qu'il y a un camion qui est tombé dans un grand trou plus loin.
39:00Il y a combien de camions coincés?
39:04Trois avant l'accident et deux après.
39:06Et même tracté, ils s'en sortent pas?
39:08Non.
39:11Qu'est ce qui est arrivé?
39:13Il y a un camion plein de grains qui a glissé.
39:15Il a quitté la piste et s'est mis en travers.
39:18Il n'y a que des petites camionnettes qui passent sur le côté.
39:24Tu vas voir les filles ce soir?
39:25Ce soir? Non, pas ce soir.
39:31Pourtant, l'autre jour, tu t'es bien amusé.
39:32Tu ne t'es pas couché.
39:35Bon voyage.
39:36Moreau est obligé de continuer.
39:43Il compte sur son expérience pour aider au sauvetage du chauffeur malchanceux.
39:58Ce camion, il le reconnaîtrait entre mille.
40:02Il fait partie de son convoi.
40:04Il appartient à un étau, lui aussi roulé vite pour éviter la nuit.
40:08Mais la nuit n'a pas fait que le rattraper.
40:11Elle l'a piégé.
40:12Qu'est ce qui s'est passé?
40:14Pour monter, j'ai pris de l'élan et j'ai glissé et je me suis retrouvé là dedans.
40:21Il faudrait un tracteur.
40:26Il faudrait de gros camions pour le tirer de là.
40:30En tout cas, un seul n'a pas suffi.
40:32Tu transportes du bois?
40:35Oui, coupé.
40:39Ces transporteurs sont en fait des trafiquants de bois précieux.
40:44Leur présence est une aubaine pour éviter de se faire piéger par la police.
40:49Ils ont des moteurs très puissants et des camions 4x4 qui les sortent de n'importe quel bourbier.
40:54Leurs deux camions vont tracter en même temps celui de Netto.
41:01Pour que l'opération fonctionne, il faut que les trois accélèrent en même temps.
41:07Qui c'est qui va donner le signal?
41:10Il faut que tout le monde tire en même temps.
41:24Le câble casse.
41:34Cet écrou tenait la boucle et c'est ça qui a lâché.
41:38Mais il est rapidement réparé.
41:40Les deux camions forcent.
41:58L'attraction est puissante.
42:04Netto finit par s'arracher du piège de boue.
42:08Mais son camion a souffert.
42:10Il y a de l'huile qui coule, de l'huile du moteur.
42:30Mauvaise nouvelle pour Moro.
42:32Les deux camions partent rapidement et c'est à lui de passer.
42:41Lui aussi se fait piéger.
42:51J'ai glissé dans le fossé.
42:53Si je fais une marche arrière, j'arriverai peut être à me remettre droit.
43:06La galère est sans fin pour Moro et ses copains.
43:10Depuis leur départ, deux jours plus tôt, rien ne leur a été épargné.
43:17Ils ont enchaîné les fossés, les pannes et les puits de boue.
43:20Laisse toi tirer, tu ne fais que contrôler les roues, OK?
43:24Pourtant, aucun d'eux ne s'énerve.
43:27Personne ne baisse les bras.
43:29Tous combattent cette piste qui semble prendre un malin plaisir
43:33à vouloir leur faire perdre une partie de leur salaire.
43:41Bravo, bravo, tout va bien, ça va.
43:52Le pare-choc s'est cassé.
44:00Le temps perdu à franchir ce dernier obstacle,
44:03ils ne le rattraperont jamais.
44:10Quand ils arrivent à Crepurizao, leur lieu de livraison,
44:17il est 4 heures du matin.
44:20Cela fait 18 heures qu'ils conduisent.
44:26Ici, c'est une ville qui a été créée par les chercheurs d'or.
44:33Ça y est, on a réussi, on a réussi.
44:38Dans cette ville qui ne dort jamais, les tentations sont nombreuses.
44:42Mais cette fois, Moro est vraiment fatigué.
44:54Je suis exténué, mais on est arrivé.
44:57Enfin, grâce à Dieu, le voyage s'est bien passé.
45:03Moro va passer la nuit ici.
45:06A l'entrepôt de stockage.
45:17Ici, c'est le magasin où on décharge de carburant.
45:20Et là, c'est le local où on dort.
45:29Si on veut se reposer, on ouvre un hamac et les femmes nous servent.
45:35Quand il n'y a plus de place, certains passent la nuit sur le toit de leur camion.
45:40Selon eux, c'est bien moins risqué que de prendre une chambre
45:43dans un hôtel bas de gamme.
45:45On dort ici, car le climat est plus agréable, plus frais.
45:49Et puis ici, c'est moins dangereux.
45:53Cet hôtel-là, il est situé dans un coin sombre, mal éclairé.
45:58Il est bourré à craquer.
45:59Beaucoup de garçons s'oublent, ils ont bu toute la journée et toute la nuit.
46:03Alors, pour qu'il ne nous arrive rien, on préfère être là.
46:12Le lendemain, le village se dégrise doucement.
46:19Ma vie, c'est ça. Parfois, je cherche de l'or.
46:24Ouais, c'est ça. Il cherche de l'or au bar en buvant des coups.
46:29Moi, j'avais un sac avec tous mes vêtements et on m'a volé.
46:34Toi, tu fais que boire, que boire.
46:36Non, j'ai faim.
46:37Tu travailles pas, tu ne cherches même pas de boulot pour t'acheter des habits.
46:40Regarde tes pieds, ils sont gonflés tellement tu bois.
46:51Sur le bord du fleuve, le carburant suit sa route vers les sites d'orpaillage.
46:58C'est un autre transport des passagers, mais aussi des marchandises,
47:15et surtout du combustible.
47:18C'est eux qui livrent tous les chercheurs d'or qui se trouvent sur le fleuve.
47:22Les mineurs brûlent le gasoil avec leur pompon.
47:24Il n'y a pas que le gasoil que les mineurs brûlent en grande quantité.
47:30Avec toutes ces pierres, on tient à peine une semaine.
47:34Il y a 1000 personnes à livrer, on a deux jours de voyage.
47:54Rêve de fortune et métal jaune ne rime pas avec forêt.
47:59Des milliers d'hommes la massacrent à coups de lances à eau.
48:03L'espoir d'une vie meilleure est bien plus fort.
48:06Ici, pour presque tout le monde, la seule alternative, c'est la recherche de l'or.
48:10C'est comme si c'était une loterie.
48:12Certains ont de la chance et d'autres pas.
48:14Une loterie pour des millions de gens, il n'y en a qu'un qui gagne.
48:18Moi, je n'ai pas encore trouvé le filon pour avoir beaucoup d'argent.
48:24La forêt se meurt.
48:27Selon une étude de l'INRA, il lui faudra des centaines d'années
48:31pour retrouver son état originel.