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Transcription
00:00au Niger, où le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum a été renversé à l'été 2023.
00:05Cela fait donc plus d'un an qu'il est détenu par les militaires.
00:09Et vous le voyez dans une tribune parue dans Le Monde,
00:11des dizaines de personnalités et d'intellectuels regrettent une indifférence incompréhensible,
00:17je cite, de la communauté internationale et rappellent qu'aucun motif d'inculpation ne lui a été notifié.
00:23Bonjour Ed Brody.
00:24Bonjour.
00:25Merci d'être en plateau avec nous.
00:27Vous êtes procureur spécialisé dans les crimes de guerre, avocat au barreau de Paris.
00:31On vous doit également de New York, pardon, de Paris, parce que vous êtes là à New York.
00:36Bien sûr, la traque d'Issena Bré, votre livre qui est paru il y a un bon bout de temps maintenant.
00:41Quelques mois en français.
00:43Quelques mois aux éditions de Cartala.
00:45Merci beaucoup de prendre la parole après la signature de cette tribune parue dans Le Monde.
00:51Cela fait, je le disais, un an maintenant que le président Bazoum est privé de liberté.
00:55Pourquoi prendre la parole aujourd'hui ?
00:57Qu'est-ce qui vous paraissait nécessaire ?
00:58Écoutez, je fais partie depuis un an de son équipe juridique.
01:04Nous sommes plusieurs avocats au niveau surtout africain des bâtonniers, des anciens bâtonniers.
01:12Mais force est de constater, et donc nous, dans notre défense du président Bazoum,
01:20on a saisi l'accord de justice de la CEDEAO qui a ordonné au Niger de libérer le président et sa femme.
01:29Nous avons aussi un cas devant le groupe de travail de détention arbitraire des Nations Unies.
01:36Nous arpentons les couloirs de toutes les instances.
01:41Mais force est de constater que depuis maintenant 14 mois,
01:46le président Bazoum et sa femme sont retenus, on pourrait même dire en otage, comme boucliers humains.
01:54Parce qu'en fait, ils sont détenus dans le palais présidentiel où règne le gouvernement poutchiste.
02:02Vous évoquez dans la tribune une violation des garanties fondamentales sur les libertés individuelles et le droit international.
02:08Que sait-on de ces conditions de détention aujourd'hui ?
02:11Donc, en fait, le président Bazoum et sa femme vivent dans une partie d'une aile de la présidence.
02:24Elles n'ont strictement pas le droit de sortir et donc elles n'ont pas vu le ciel depuis, enfin, elles n'ont pas été dehors depuis 14 mois.
02:36Pendant la première période, je pouvais, l'équipe juridique, nous pouvions parler avec le président Bazoum.
02:43J'ai profité pour le connaître un peu, pour savoir le genre d'homme déterminé, engagé qu'il est.
02:53Mais depuis un an, depuis le 19 octobre de l'année passée, ils ont retiré le téléphone.
02:59Donc tout contact avec le monde extérieur est coupé, sauf deux fois par semaine, leurs médecins viennent les apporter la nourriture, des médicaments.
03:11Il est renvoyé devant un tribunal militaire. Ça veut dire que, concrètement, il risque la peine de mort aujourd'hui au Niger ?
03:19Voilà, donc depuis, enfin, jusqu'à il y a quelques mois, il n'y avait rien.
03:25Donc, enfin, il n'y a toujours pas de chef d'inculpation, mais on n'a jamais notifié le président d'une quelconque inculpation, d'une quelconque procédure.
03:39Finalement, il y a, en février de cette année, le gouvernement a saisi le corps d'État, qui est un corps créé par les militaires, nommé par le président de l'agent,
03:54pour lever l'immunité du président Bazoum, ce qui a été fait par la Cour.
04:01Et donc, la Cour a levé son immunité pour qu'il puisse être poursuivi pour trahison et atteinte à la sûreté de l'État.
04:10Il n'est toujours quand même pas inculpé.
04:13Et il est toujours président, puisqu'il n'a pas, lui, aux dernières nouvelles, signé sa lettre de démission, comme l'agent a pu le demander.
04:18Exactement, c'est un président démocratiquement élu, qui refuse de se dire, moi je suis élu régulièrement par le suffrage universel,
04:30je ne vois pas pourquoi je dois démissionner.
04:35Ça fait un an qu'on n'a pas pu échanger avec lui.
04:40Et donc, pour revenir à la question pourquoi cette lettre ouverte, c'est parce que nous voyons que la voie judiciaire ne porte pas encore ses fruits.
04:51Donc, on se remet à l'opinion internationale.
04:55Et vous dénoncez donc ce silence entre les lignes coupables de la communauté internationale, incompréhensible, dites-vous.
05:02Il y a eu des pressions internationales, à commencer par la CDAO, qui avait même menacé d'intervenir militairement à l'été 2023.
05:08Finalement, ça a fait pchit. Pour quelle raison, à votre avis ?
05:11Écoutez, moi, je n'aime pas parler de la géopolitique, ce n'est pas mon domaine.
05:19C'est vrai que les militaires, à ce moment-là, le ministre de l'Intérieur a dit que si la CDAO intervenait pour sauver Bazoum, c'est peut-être son cadavre qu'ils allaient trouver.
05:29Donc, c'est une menace contre sa personne.
05:33Moi, je pense que la question, c'est comment on peut oublier dans toute cette situation géopolitique
05:43où existe la France, les États-Unis, entre Wagner et la Russie, ça, c'est un autre niveau.
05:51Mais on oublie qu'il y a un homme démocratiquement élu, un homme honnête qui voulait l'éducation des filles,
05:59qui s'attaquait justement à la corruption dans le secteur pétrolière.
06:03Et c'est ça, en fait, qui est à l'origine du putsch.
06:06C'est qu'il allait mettre de l'ordre dans cette industrie, secteur juteux de l'économie.
06:16Et c'est pour ça qu'il y a eu un putsch.
06:18C'est-à-dire qu'il est en train de faire le ménage et c'est pour ça que l'agent l'a écarté, selon vous ?
06:24Voilà, c'était un putsch militaire en bonne et due forme.
06:28Tout ça de la Russie, etc., ça vient comme justification après.
06:34La question, c'est qu'il y a un homme honnête, président élu, qui n'est accusé d'aucun crime,
06:41qui croupit à l'indifférence générale.
06:43Tout le monde me dit « Ah oui, on aime bien le président Basile, on l'a connu quand il faisait ça, qu'il faisait ceci. »
06:51Tous les diplomates, les journalistes, les militants que je rencontre,
06:55tout le monde reconnaît en lui un homme intègre, honnête, engagé avec les doigts de l'âme.
07:00Mais vous avez une raison pour laquelle la France, par exemple, les États-Unis, passent sous silence son cas ?
07:07Je pense qu'on veut sauver l'immeuble, en quelque sorte.
07:11C'est-à-dire éviter un embrasement avec l'agent ?
07:14Les relations sont tellement tendues avec l'agent qu'on ne veut pas que la question de cet homme soit le nœud qui empêche des ententes.
07:28Ce que je comprends, évidemment.
07:30Mais je pense que toute solution doit passer quand même par la reconnaissance de la situation de ce président, de cet homme intègre.
07:38Est-ce que vous craignez pour la vie de Mohamed Basoum aujourd'hui, un an après sa détention ?
07:42J'allais évoquer justement maintenant, il est question qu'on commence des poursuites contre un tribunal militaire pour trahison et atteinte à la sûreté d'État.
07:52Un tribunal militaire dont quatre des cinq juges ne le sont pas, ce sont des militaires, et où il existe quand même la peine de mort.
08:01Donc on peut déjà que l'agent parle de son cadavre.
08:07Je crains quand même pour lui.
08:10Je ne peux pas imaginer qu'ils vont aller jusqu'à l'exécuter, mais on ne sait pas.
08:16Merci Eric Brody pour votre voix sur France 24.
08:19Et donc cette tribune que vous avez co-signée, qui est parue dans le monde, autour du président nigérien Mohamed Basoum, qui est à retrouver bien sûr dans le journal.
08:28Je rappelle bien sûr le titre de votre ouvrage, La traque d'Issène Abré. Merci beaucoup.

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