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Le documentaire explore les souvenirs scolaires de plusieurs personnalités françaises et allemandes entre 1945 et 1968 :

Ulrich Wickert (présentateur de télévision allemand) :
A passé trois années dans une école française
Cette expérience l'a poussé à devenir correspondant à Paris plus tard
Jack Lang (ancien ministre français de la Culture et de l'Éducation nationale) :
Garde le souvenir d'une scolarité empreinte de rigueur
Regrette un manque de créativité dans le système éducatif de l'époque
Gregor Gysi (homme politique est-allemand) :
Se souvient d'un système scolaire est-allemand marqué par l'uniformisation de la pensée
Évoque le socialisme qui régissait les programmes scolaires
Situation en RFA (Allemagne de l'Ouest) :
Volonté de réforme restée longtemps lettre morte après la guerre
A abouti à une forme de "catastrophe éducative" dénoncée par la génération de Mai 68

Le documentaire met en lumière les différences entre les systèmes éducatifs français et allemands (Est et Ouest) durant cette période, ainsi que leur évolution jusqu'aux mouvements de contestation de 1968.
Transcription
00:00L'école nous marque à vie. Quel que soit le pays ou l'époque, la toute première journée,
00:10le meilleur bulletin ou le moment le plus gênant devant toute la classe, le quotidien entre goûter
00:17à la récré et coin fumeur. Des personnalités allemandes et françaises se souviennent.
00:23C'était l'entrée au CP à Stadtallendorf. Je me souviens bien du tout premier jour parce que
00:30j'étais impatiente d'y aller. J'ai fait beaucoup de bêtises, placé un réveil sous l'estrade à
00:36une heure X et le réveil s'est mis à retentir en plein milieu du cours et le professeur ne
00:43comprenait pas ce qui se passait. D'un pays à l'autre, certaines expériences se ressemblent,
00:50d'autres diffèrent complètement. On apprenait à mentir, c'était tout compte fait une période
00:59épouvantable. Qu'est-ce qu'une bonne école ? Dans le meilleur des cas, c'est un tremplin pour la vie.
01:06J'ai le souvenir de choses qui ont accompagné l'école et qui m'ont peut-être donné cette
01:14envie de tenter des aventures un petit peu particulières comme par exemple devenir
01:19astronaute.
01:49Ulrich Wickert, il n'était pas seulement le présentateur vedette allemand mais aussi le
01:56grand spécialiste de la France. Ses liens avec l'hexagone remontent à l'adolescence.
02:01J'étais dans cette école pendant trois ans et c'était merveilleux. On n'était que douze élèves
02:11dans la classe. Cela s'explique par le fait que c'était une école Montessori.
02:15Ulrich a 13 ans lorsque sa famille déménage de Heidelberg en Allemagne à Meudon au sud-ouest
02:24de Paris. Un changement radical. Il découvre une nouvelle école, un nouveau pays et une
02:31nouvelle langue. Cette école est importante pour moi parce que c'est ici que j'ai appris à parler
02:41et à comprendre le français. Ça a influencé toute ma vie. Même si beaucoup de choses ont
02:48changé en 65 ans, l'émotion reste la même. Quand je passe le seuil de la porte, c'est comme
02:58autrefois. Je me sens ici chez moi. La France devient une seconde patrie pour Ulrich. Elle
03:10lui ouvrira aussi des portes sur le plan professionnel. Il deviendra une star du
03:14journalisme, de correspondant à Washington, New York et Paris, à monsieur Tagus Thiemann.
03:29Pendant quinze ans, il présentera le magazine d'information de la première
03:36chaîne publique allemande. Il est l'un des journalistes les plus populaires d'Allemagne.
03:40Ses trois années d'école en France ont joué un rôle majeur dans la vie d'Ulrich.
03:58Sans mes connaissances en français, je n'aurais jamais eu ce parcours professionnel.
04:07Ça a commencé dès mon deuxième tournage en tant qu'assistant.
04:11Ah, Vickert parle le français. Une équipe part en Belgique qui les accompagne. Six mois plus tard,
04:21ah, De Gaulle a démissionné. Il y a des élections, il faut du renfort en France,
04:24envoyons Vickert. Et un beau jour, ils m'ont envoyé en France pour de bon.
04:37Ulrich Vickert est né en 1942 à Tokyo. Son père travaille à l'ambassade d'Allemagne. La
04:45ville ayant été détruite pendant la Deuxième Guerre mondiale, ses parents déménagent dans
04:49un petit village au pied du mont Fuji. En 1947, la famille rentre en Allemagne.
04:59C'est à Heidelberg que la grande aventure de l'école commence pour lui.
05:06C'était la Mönchhoffschule. Je crois que mes parents m'ont accompagné. J'ai un frère un peu
05:20plus âgé qui allait déjà à l'école. Il était donc logique que je fasse comme lui. Mais je n'étais
05:27pas là à trépigner d'impatience en disant je veux aller à l'école. Simplement, le moment était
05:32venu d'y aller. Quand Ulrich entra à l'école en 1948, l'enseignement repose encore sur
05:41l'obéissance, la discipline et l'ordre. Pendant les quatre années d'école primaire, on a eu un
05:51professeur principal. Il était sévère. Le rituel de se lever, de dire bonjour, personnellement je
06:01trouve que c'est une bonne chose. C'est un témoignage de respect vis-à-vis de l'enseignant.
06:06Et puis, je dirais, c'est le signal qu'il faut arrêter de rêvasser et passer aux choses sérieuses
06:18pendant une heure. Allemagne année zéro. Après l'effondrement du régime nazi, l'avenir des
06:29enfants se retrouve enseveli sous les décombres de la guerre. De nombreux établissements scolaires
06:33ont été détruits. Les nouveaux livres et programmes tardent à sortir. Alors que les enfants participent
06:39parfois à la reconstruction de leur école, les alliés s'efforcent de dénazifier tout un système.
06:45Sa première année d'école, Ulrich Wickert la passait dans la zone d'occupation américaine.
06:59C'était juste après la guerre. Il y avait l'aide alimentaire américaine pour les écoliers.
07:06Autrement dit, ils nous donnaient tous les jours un quart de litre de lait, ou parfois aussi un quart
07:14de litre de chocolat chaud. On descendait dans la cave où les soldats américains s'occupaient
07:19de la distribution. On aimait bien ça. La scolarité de Jack Lang, comme celle de tous
07:35les petits français, commence avec l'entrée à l'école maternelle. Qui dit école maternelle,
07:40dit programme scolaire dès le plus jeune âge. Le premier jour à l'école, c'était pendant la
07:51guerre. Je devais avoir trois ans peut-être, quatre ans. Il faisait froid. Le premier jour
07:58de l'école, c'est un jour que les enfants aujourd'hui aiment. Personnellement, j'appréhendais
08:09ce moment. Ce n'était pas avec joie que je me rendais à l'école. Et puis après, je m'habituais
08:18progressivement. Jack Mathieu Émile Lang est né en septembre 1939 à Mircourt, une petite ville
08:27des Vosges. Sa famille est obligée de fuir pendant la guerre. Après la libération, elle s'installe à
08:33Nancy. Jack Lang y grandit entouré des siens. De sa scolarité, il a gardé des souvenirs contrastés.
08:44Il y a eu des professeurs que je n'ai pas aimés du tout et qui m'ont découragé et d'autres qui
08:53m'ont donné la lumière. À mon époque, les professeurs tutoyaient les élèves et les appelaient
08:59par leur nom et non pas par leur prénom. Jack Lang a étudié les sciences politiques et le droit
09:05public à Paris. Dans les années 70, il s'engage aux côtés de François Mitterrand. Dès 1981, il est
09:12nommé ministre de la culture, poste qui l'occupera pendant dix ans. Il fut aussi ministre de
09:18l'éducation nationale de 2000 à 2002 et a par ailleurs enseigné le droit à l'université.
09:23Rien n'est aussi différent d'un pays à l'autre qu'un système d'éducation. L'école est un reflet
09:31très original et très intéressant de l'âme d'un pays. Sa mentalité, ses traditions, son histoire,
09:40ses inquiétudes, ses angoisses, ses espérances. C'est pourquoi l'école d'un pays ne ressemble pas
09:48à l'école d'un autre pays. En France, le système scolaire est un pilier important de
09:55l'identité sociale du pays. Il inculque les valeurs qui comptent pour la République.
10:00Des valeurs venues tout droit des lois Jules Ferry, le père de l'enseignement primaire gratuit,
10:09laïque et obligatoire. Ces principes sont toujours en vigueur aujourd'hui et font la part
10:14belle à l'égalité des chances, car l'engagement des écoles françaises va au-delà de la transmission
10:20du savoir. C'est important qu'il y ait quelque part dans la société un endroit non seulement
10:31où on apprend le savoir, mais où on apprend à vivre ensemble et à respecter des règles de
10:39vie en commun. L'école était considérée comme un lieu d'apprentissage du savoir,
10:47mais aussi un lieu d'apprentissage de la citoyenneté. Les français ont un rapport
10:57positif à la nation, un concept qui a une connotation négative en Allemagne. Cela
11:03s'explique évidemment par l'histoire, qui à mon sens a donné naissance à des tabous. On dit
11:11il n'y a pas d'identité allemande parce que les camps de concentration, l'extermination des juifs,
11:15les chambres à gaz, les douze années de national-socialisme en font partie. Mais c'est
11:21un passé auquel il faut se confronter. Après ces douze années de dictature,
11:27les alliés entreprennent de dénazifier et de démocratiser l'Allemagne. Le pays est divisé
11:34en quatre zones d'occupation administrées par les États-Unis, la Grande-Bretagne,
11:38la France et l'Union soviétique. 1944, c'est dans cette période de profond changement que
11:49Klaus Steck est scolarisé dans une petite localité de la zone d'occupation soviétique.
11:54C'était une classe unique avec quatre niveaux différents, ce qui fait que je n'ai pas appris
12:04grand-chose. Quatre niveaux différents dans une seule classe, c'est une aberration. Je n'ai même
12:13pas appris à écrire correctement. Ma grand-mère faisait partie d'une fratrie de neuf enfants dans
12:19laquelle il y avait aussi l'oncle Oswin. C'est lui qui m'a aidé pour que j'ai au moins les bases
12:25de l'orthographe. Klaus Steck, un homme engagé, provocateur, dérangeant. Après des études de
12:36droit, il se fait un nom en créant des affiches. À la base de toutes ses productions, un sens
12:42aigu de la justice. Il se méfie du conformisme.
12:59Déjà en tant qu'élève, il apprend à développer une forme de résistance intérieure. Pour lui,
13:06les premiers souvenirs d'école et ceux de la guerre sont intimement liés.
13:12Il fallait se débrouiller au quotidien. Je m'en suis plutôt bien sorti, grâce à ma curiosité.
13:20Et j'ai vécu beaucoup de choses qu'en temps normal, on ne vit pas en tant qu'élève.
13:26Dans la zone soviétique, l'école primaire obligatoire sur huit ans est introduite en 1946.
13:35Un système que la future RDA reprendra à son compte. Tous les enfants doivent avoir les
13:42mêmes chances et donc aller à l'école ensemble sur une période relativement longue. À la suite
13:48d'une réforme en 1959, la durée est même allongée à dix ans. L'idéologie socialiste
13:54s'impose dans le quotidien comme dans les programmes scolaires. Chacun avait ses propres
14:00idées qu'il s'était forgé au sein de la famille, au contact d'amis ou que sais-je encore. Et puis
14:05d'un autre côté, il y avait l'idéologie officielle. On savait quand il fallait l'utiliser.
14:10Dans mes dissertations, j'avais une phrase toute faite qui célébrait l'Union soviétique
14:18victorieuse. Je la servais quel que soit le sujet. Mes rédactions se terminaient
14:26invariablement sur la victoire de l'Union soviétique. Personne ne pouvait dire quoi que ce soit.
14:321952, examen de fin d'études dans une école de la RDA. Cette jeune fille sait parfaitement ce
14:42que le jury a envie d'entendre.
14:45A l'école, on apprenait à mentir en quelque sorte.
14:59Berlin-Est, 1954. C'est ici que le futur dirigeant politique Gregor Gysi est scolarisé.
15:09La Schultüte, ce cornet en carton offert à l'entrée au CP, existe aussi à l'Est. Mais les
15:18ressemblances avec l'Ouest s'arrêtent là. En 1959, la Polytechniche Ober-Schule voit le jour en RDA.
15:26Cette école dispense aux enfants de 6 à 16 ans un enseignement unique clôturé par un examen de
15:32fin d'année comprenant notamment le russe. On a tous eu une enfance politisée. On devait se
15:39positionner en permanence vis-à-vis de Berlin-Ouest ou de Berlin-Est.
15:53Gregor Gysi compte parmi les rares avocats Est-Allemands. Il défend à ce titre aussi des opposants au régime.
15:59Membre du SED dans la RDA communiste, il deviendra l'un des leaders de la gauche radicale dans l'Allemagne réunifiée.
16:06À l'école, j'ai appris à débattre de questions sociales et culturelles. J'ai appris à exposer
16:14mes arguments. J'ai découvert qu'elles étaient ceux qui ne fonctionnaient pas. J'ai aussi appris
16:19un peu la diplomatie. Il y avait une bonne ambiance dans notre classe. On jouait ensemble.
16:25Mais il y avait des opinions très divergentes, notamment sur le plan politique. Certains
16:30resservaient les arguments de leurs parents pour relativiser la période nazie. Ce n'était pas
16:36bien, mais etc. Moi, je cherchais toujours à démonter leurs arguments. Gregor Gysi a un an
16:49quand ses parents déménagent de Berlin-Ouest à Berlin-Est. Il passe son enfance dans le quartier
16:56de Treptow-Köppenick, au sein d'une famille d'intellectuels loyale à l'égard du parti.
17:01Dès le plus jeune âge, il apprend à poser un regard critique sur ce qui l'entoure.
17:12Son père est nommé ambassadeur de la RDA au Vatican. Pour la famille, l'ouverture sur le
17:18monde et le communisme ne sont pas antinomiques. Le jeune Gregor a du mal à s'adapter à la
17:25rigidité du système scolaire. Je ne m'attendais pas à ça. Il y avait aussi d'autres règles à
17:32l'époque. On commençait à écrire au crayon à papier et on ne pouvait passer à la plume qu'au
17:37moment où notre écriture s'affirmait. Et j'ai été le dernier à écrire au stylo plume. C'est avec
17:43des humiliations comme celle-ci que ça a commencé. Quelles étaient les priorités de l'état des
17:51ouvriers et des paysans en matière d'éducation?
18:08En quatrième année, nous avions par exemple des cours de couture. Un grand moment. Si je me
18:16souviens bien, on suivait des cours d'éducation manuelle et technique dès la deuxième année. Et
18:20toutes les écoles de RDA, donc la mienne aussi, avaient un jardin.
18:46Les années passées en RDA ont été pour moi des années noires.
18:51Mais elles m'ont rendu inventif.
18:55Klaus Steck passe son baccalauréat à Bieterfeld. Mais il comprend vite qu'ici, en RDA, il n'aura pas
19:01la liberté pour mener la vie à laquelle il aspire. Il décide donc de passer à l'ouest, même si c'est
19:08un crève-cœur de laisser derrière lui son pays et sa famille. À Heidelberg, il prend un nouveau
19:13départ en tant que réfugié politique. Mais la RFA ne reconnaît pas le baccalauréat est-allemand. Il
19:19est donc obligé de redoubler à l'ouest. Il passera le diplôme ouest-allemand au Bunsengymnasium
19:25de Heidelberg avec son camarade de classe, Siegfried Schmoll, qui lui aussi a fui Bieterfeld.
19:41On était en haut ? Je ne m'en souviens plus. Je ne sais plus non plus. La salle de classe
19:47donnait du côté de Mannheim, ça je m'en souviens. Le coin a énormément changé. À l'époque, le
19:55Bunsengymnasium était dans la pompa, pour ainsi dire. C'est vrai. On n'y apprenait pas grand chose
20:01de plus. Parce que le bac, on l'avait déjà. Pour moi, c'était presque une offense d'être
20:10renvoyé sur les bancs de l'école alors qu'on venait de les quitter. À l'est aussi,
20:16on avait travaillé dur. Nous aussi, on s'était donné du mal pour obtenir un bon bulletin. Le
20:23BAU, c'était du passé. Dans une classe spéciale pour réfugiés d'Allemagne de l'Est, les deux
20:31amis doivent repasser l'examen. Il y avait quatre matières. Histoire, bizarrement, comme si on
20:41n'avait pas la même histoire. Biologie, ça c'était le plus bizarre. Oui, étrange aussi. Dieu merci,
20:47latin. Arrête, le latin n'était pas mon fort. Heureusement que tu étais là. Je me souviens du
20:59jour où nous avons passé l'épreuve. Tu avais terminé en arrière temps. Puis tu m'as donné
21:08ton texte en douce. Leur quotidien commun à l'école de Bieterfeld les lie encore aujourd'hui.
21:16C'était notre jeunesse, il y avait de bons côtés. Mais par d'autres aspects, je dois dire que je
21:28n'étais pas entre de bonnes mains dans cette école. J'aurais voulu étudier les langues,
21:33mais j'ai dû faire des sciences naturelles. Cette scolarité m'a plutôt laissé de très mauvais
21:39souvenirs. A moi aussi. D'autant qu'ils essayaient de nous diviser. Ils m'ont dit, si vous n'améliorez
21:50pas vos résultats en sport, c'était une matière principale, vous allez échouer. Mais nous vous
21:55faisons une proposition. Quels sont les éléments bourgeois au sein de la classe ? Si vous nous
22:00donnez des noms alors... C'était un système corrompu. Je ne suis pas parti de gaieté de
22:17coeur. L'Occident me faisait peur aussi. C'était tellement différent.
22:25Nous sommes des gens talentueux et nous avons bâti de jolies nouvelles villes. Nous sommes
22:34de nouveau en haut et nous offrons des voitures. Nos magasins sont remplis et la plupart ont de l'argent.
22:41Des équipements culturels sont demandés. Le gouvernement discute des problèmes de
22:47l'éducation des enfants. Pourquoi ? Nos enfants vont à l'école. Mais beaucoup
22:54d'entre eux ne voient pas l'avenir.
23:25Il y a aussi une pénurie d'enseignants dans les années 50. La relève n'étant pas au rendez-vous,
23:32c'est l'ancienne génération qui donne le ton. Alors que les châtiments corporels ont été
23:37officiellement interdits en France depuis Napoléon, ils font toujours partie du projet pédagogique en
23:42RFA. La baguette servait à donner des coups sur les doigts. On devait aussi s'agenouiller dessus
23:57et ça faisait mal. On avait pris l'habitude de chanter une version de Mon beau sapin. Mon beau
24:04sapin, roi des forêts, le prof m'a collé une raclée, je suis au coin comme un morveux en train
24:09de compter tous mes gros bleus. Même s'il a vécu des expériences douloureuses, Ulrich Wickert a
24:17aussi rencontré des enseignants qui ont nourri son esprit. Il y a plusieurs enseignants dont je me
24:24souviens encore dans les écoles que j'ai fréquenté. Ici à la source, mon professeur de français
24:31s'appelait madame Fourcade. Elle était autoritaire mais elle nous a aussi transmis quelque chose.
24:38Elle était stricte, c'est clair. Aujourd'hui encore ça ne rigole pas dans les écoles
24:45françaises. Je me souviens qu'en français il fallait toujours apprendre dix lignes d'une
24:51oeuvre d'un cours à l'autre. A la fin de l'année, on connaissait par coeur les trois quarts du cid.
24:59Voyez, il y a des tirades qui me reviennent. Cela ne se fait malheureusement pas assez dans
25:08les écoles allemandes, de considérer la littérature comme une partie intégrante de l'identité.
25:15Claudie Egneret entre à l'école en 1960. La future scientifique et
25:31spationaute grandit dans un petit village. J'étais quand même une petite fille bavarde et qui
25:46perturbait peut-être un petit peu, qui avait besoin de plus de concentration. Donc très
25:52souvent sur mes bulletins d'école, il y avait inscrit que les résultats étaient très bons mais
25:58qu'il fallait que je sois un petit peu plus disciplinée, moins bavarde pendant les cours.
26:04Pour ma part, je suis née dans une région de France, en Bourgogne. J'ai eu une enfance heureuse
26:12à l'école et puis je dois dire que j'ai toujours eu un appétit d'apprendre, de découvrir. J'avais
26:18cette curiosité d'aller découvrir les choses que je ne connaissais pas. Donc ça me faisait
26:26plaisir à moi. Quand on est un jeune enfant qui a son diplôme de fin d'études et qu'il a de
26:33bonnes notes à l'école, il y a plein de possibilités qui sont offertes. Vous faites un choix d'une de
26:39ses carrières. Claudie Egneret choisit les étoiles. Elle est la première française à avoir voyagé dans
26:49l'espace. Dans mon enfance, on assistait avec l'école à des conférences d'explorateurs.
26:59Ça s'appelait connaissances du monde. Et voilà, c'était quelque chose qui nous faisait voir des
27:06aventures scientifiques et des aventures humaines passionnantes. Et moi, ça m'a développé aussi
27:13cette curiosité, cette envie d'apprendre. Claudie voyagera deux fois dans l'espace. Lors de sa
27:21dernière mission, en 2001, elle séjourne pendant dix jours dans la Station Spatiale Internationale
27:25ISS. Depuis la Terre, sa fille Carla vibre avec elle.
27:32Mais comment tu as arrivé à rentrer dans ta maison ?
27:37On a frappé à la porte, et ils nous ont ouvert la porte, et on est rentrés. Et tu nous vois maintenant, on est dans la station.
27:44C'était très beau le voyage pour venir ici.
27:56Même si la France met volontiers en avant l'égalité des chances,
27:59la formation des élites reste l'un des rouages essentiels de l'éducation nationale.
28:13Le prestigieux lycée Louis-le-Grand à Paris. C'est notamment ici que l'élite de la nation est formée.
28:20La scientifique Claudie Aigneret visite l'ancienne école de ses filles.
28:25Carla a suivi ici une classe préparatoire au concours d'entrée aux grandes écoles.
28:35Même si depuis 20 ans, les tentatives se sont multipliées pour ouvrir les portes de ces écoles aux familles socialement défavorisées,
28:43les résultats ne sont guère probants. Les élites restent le plus souvent entre elles, le niveau des concours étant très élevé.
28:55Cet équilibre entre une exigence qui est forte et qui, bien sûr, induit des tensions, aussi du stress forcément,
29:13mais en même temps, il y a vraiment une attention aux élèves, une bienveillance.
29:17Et il y a un climat entre eux qui est un climat très détendu.
29:21Je pense qu'on peut vraiment reconnaître à un lycée comme celui-ci cette capacité à donner l'apprendre à apprendre,
29:27avec rapidité, agilité, faire ce tri aussi dans les informations. Et je pense que c'est essentiel au XXIe siècle.
29:41Deux mille élèves parmi les plus studieux de France.
29:44850 répartis dans les classes préparatoires au concours d'entrée dans les grandes écoles.
29:49Ces classes de l'enseignement supérieur, dont le recrutement est sévèrement établi, restent la gloire du lycée Louis-le-Grand.
29:56Bonjour Monsieur, bien dites-moi, vous êtes tous élèves du lycée Louis-le-Grand.
30:00Il est difficile de rentrer en taupe à Louis-le-Grand ?
30:03C'est assez difficile, oui. Le niveau est fort.
30:07Alors, il y a une course, évidemment, aux résultats, tant donné qu'on a un concours à la fin de l'année,
30:11qui nous entraîne à travailler. C'est une lutte perpétuelle.
30:15Tout le monde veut aller à Louis-le-Grand, et comme on ne prend que les meilleurs, ils sont finis pour faire un grand spectacle.
30:20Il n'y a pas que les classes préparatoires qui sont difficiles.
30:24L'ensemble du système scolaire exige des élèves une grande capacité d'adaptation.
30:29Quand je suis entré en sixième, je me suis trouvé un peu déstabilisé par le changement complet d'atmosphère.
30:45Ces professeurs nombreux, ces salles de classe qui sont changeantes.
30:53Bref, ma première année en sixième a été très mauvaise.
30:57J'ai chahuté et j'ai failli me faire mettre à la porte.
31:03Et mes parents, ensuite, m'ont mis en internat.
31:09Au départ, le jeune Jacques Lang a du mal à s'acclimater à ce nouvel environnement et à la vie en collectivité.
31:20C'était un internat très triste. C'était un peu l'après-guerre.
31:24Pour moi, c'est le souvenir du dortoir. Nous étions, je sais pas, une cinquantaine.
31:30Il faisait froid. J'étais vraiment pas du tout heureux.
31:40Après la Deuxième Guerre mondiale, la France met un point d'honneur à perpétuer les traditions et les principes de Jules Ferry dans l'idée d'un système scolaire inclusif.
31:54Je pense qu'il faudrait changer ce système.
32:02Vraiment, disons, je veux pas donner une image pessimiste du système français, qui a des grandes qualités de rigueur.
32:10Je dirais un bon système scolaire peut être à la fois un système rigoureux et favorable à la créativité.
32:18Le système français est trop rigoureux, trop hiérarchisé.
32:24Dans les années 50, la RDA impose aussi une discipline de fer dans ses écoles, mais sous une forme différente.
32:32En 1959, la ministre de l'Éducation, Margot Honnecker, introduit une nouvelle loi sur l'école, donnant le coup d'envoi à l'enseignement polytechnique obligatoire.
32:42L'idéologie investit tous les domaines, y compris les salles de classe, et dicte la marche à suivre, le tout sous le sceau du socialisme.
33:11C'était une ineptie. Un beau jour, Margot Honnecker a estimé que les élèves qui préparaient le bac manquaient de contact avec la classe ouvrière.
33:22Elle a donc décidé qu'on devait tous apprendre un métier manuel.
33:26Ça nous a coûté un jour d'école par semaine, le lundi, où c'était centre d'apprentissage ou formation pratique.
33:34J'avais choisi mécanicien auto. En RDA, c'était déjà toute une histoire pour avoir une voiture, alors vous imaginez pour la faire réparer.
33:43Je m'étais dit, autant le faire moi-même. C'est là que le directeur m'a convoqué pour me dire, ça ne va pas être possible.
33:52Les pièces automobiles sont lourdes et volumineuses, les apprentis doivent avoir au moins 16 ans, tu en as 14, donc ça n'ira pas.
34:01J'ai dit, cuisinier alors ? Non, toutes les places sont prises. Dans ce cas, je ne prends rien. Il n'en est pas question, me répond-il.
34:10Et c'est là qu'il m'a demandé si j'aimais les animaux. Pour le petit berlinois que j'étais, le monde animal s'arrêtait aux chiens, aux chats et aux os.
34:19J'ai dit, à la limite. Parfait, a-t-il conclu. C'est comme ça que je suis devenu ouvrier spécialisé en élevage bovin.
34:28Il embrassera par la suite une toute autre carrière.
34:34Avant de décrocher son baccalauréat en 1966, Grégor Gysi devra passer par bien d'autres épreuves.
34:41Le directeur m'a convoqué pour me dire qu'un fonctionnaire du ministère de l'Astasie était venu le voir à mon sujet.
34:59Mon cœur a failli s'arrêter, parce que je n'avais aucune idée de ce que j'avais bien pu faire.
35:05Pourquoi donc, ai-je demandé ?
35:07Le bruit court que tu aurais mis à la disposition de l'orchestre, des bandes magnétiques avec de la musique des Beatles dessus.
35:17J'ai rétorqué, monsieur le directeur, je m'inscris tout de suite en fou. Je ne possède ni magnétophone, ni bande magnétique. Je n'ai donc pas pu faire ça.
35:29En réalité, je leur avais donné un disque. J'étais sans doute le premier en RDA à posséder un disque des Beatles. C'était en janvier 1963.
35:40Mon école ne m'a pas aidé à choisir mes études supérieures. J'étais livré à moi-même. Et vous connaissez la suite.
35:49Alors que la RDA a investi dans la relève socialiste, les écoles ouest-allemandes poursuivent leur dégringolade.
35:57Longtemps, la RFA a pu profiter de la main-d'œuvre venue de l'Est.
36:02Mais après la construction du mur en 1961, la frontière est définitivement fermée et les lacunes dans le système éducatif ouest-allemand éclatent au grand jour.
36:19C'est la conduite à l'eau. C'est le trou d'air.
36:24Dans ce trou d'air, il n'y aura jamais d'air, car c'est seulement peint sur la table.
36:29Ces enfants ne seront jamais rencontrés dans l'école avec un vrai feu d'eau.
36:36Dès le début des années 1960, les statistiques montrent que la RFA n'est plus en état de rivaliser avec les autres pays industrialisés en matière d'éducation.
36:48Tout d'abord, nous avons besoin d'un plus grand nombre d'étudiants.
36:53Trop de élèves âgés ne partagent pas nos collèges et nos lycées.
36:58Nous sommes sur la route d'une catastrophe d'éducation.
37:04En 1964, le philosophe Georg Picht présente un état des lieux sans concession de la situation en RFA.
37:11Cela va enfin déclencher une série de réformes dans le système scolaire ouest-allemand.
37:19À la même période, un nouveau chapitre passionnant s'ouvre pour une jeune fille de la campagne, à Marbourg, dans la Hesse.
37:34La Élisabeth Schoule, un ancien collège de jeunes filles, va servir de tremplin à une nouvelle arrivante et future évêque protestante, Margot Kessmann.
37:46Pouvoir aller au gymnasium, ce n'était pas rien dans notre famille.
37:52Ma mère voulait que ses filles passent le baccalauréat et fassent des études.
37:57Je me suis dit plus d'une fois, oh là là maman, dois-je vraiment m'imposer ça ?
38:02Mais aujourd'hui, je lui en suis reconnaissante.
38:05C'était mon entrée au CP à Stadthallendorf. Ils ont malheureusement coupé la tête de ma mère.
38:16Le baccalauréat en poche, Margot Kessmann étudie la théologie protestante et soutient une thèse.
38:22Elle est ordonnée pasteur avant d'être élue évêque de Hannover.
38:26Les gens peuvent être différents.
38:28Et si Dieu aime les gens, pas parce qu'ils sont comme ils sont, mais parce qu'ils sont comme ils sont,
38:35alors nous aussi pouvons aimer les autres.
38:38Margot Kessmann voit le jour en 1958.
38:41Elle grandit à Stadthallendorf, une petite ville de Hesse.
38:45Après la primaire, c'est le grand saut vers Marburg, le passage de l'enfance à l'adolescence.
38:51Ces galeries n'existaient pas encore. Aujourd'hui c'est un espace fermé.
38:55De mon temps, il y avait un long portique qui courait jusqu'à l'autre bout.
38:59De ce côté-là, on montait à l'intérieur.
39:01On a monté à l'intérieur, on a monté à l'extérieur, on a monté à l'intérieur.
39:06De ce côté-là, on montait en chimie et physique.
39:09Ce n'était pas trop mon truc, ces matières.
39:11Les salles de classe ont été agrandies parce que le nombre d'élèves a augmenté.
39:16Ils ont construit une extension.
39:18Mais dans ce couloir, là qui part à gauche, la première année, ici sur la droite, on avait notre salle de classe.
39:27Oui, exactement, voici notre classe.
39:30Elle a un peu changé.
39:34Mais c'est là que tout a commencé.
39:41Avec le passage de l'école primaire à l'école secondaire, commencent aussi les trajets quotidiens jusqu'à la grande ville.
39:51Marbourg était loin. Le train partait à 7h07.
39:54On devait se lever à 6h45, déjeuner en vitesse et pédaler jusqu'à la gare.
39:59On sautait dans le train jusqu'à Marbourg, puis dans un bus et on terminait à pied pour être à 8h à l'école.
40:04Rien que le trajet était fatigant.
40:06Ajoutez à ça un nouvel environnement.
40:09Dans notre classe, il y avait pas mal d'élèves qui avaient un long trajet.
40:14Je me souviens que Rosemary et Outteux emportaient toujours des sandwiches de saucisses à tartiner.
40:20Dans le plus pur style campagnard.
40:23Et à 8h du matin, elles étaient déjà sur les rotules parce qu'elles avaient déjà fait plein de choses.
40:28Alors elles mangeaient leurs sandwiches.
40:31Et notre professeur, monsieur Helmut Hoffmann, se dressait sur la pointe des pieds en disant
40:37« Mesdames, on apprend bien qu'avec l'estomac à moitié vide ».
40:41Je ne l'oublierai jamais. C'était le choc des cultures.
40:45À l'école Elisabeth, Margot Kessmann fréquente la dernière classe composée uniquement de filles.
40:52Alors que la mixité est la norme en RDA,
40:55la RFA sépare la plupart du temps les filles des garçons dans des établissements différents jusque dans les années 1960.
41:04Tout était en train de changer.
41:07La Elisabeth Schule était au départ un collège de jeunes filles.
41:11Cela se remarquait encore un peu du temps de ma soeur aînée.
41:15En 1961, elle a encore entendu une remarque déplaisante du genre
41:19« Si maintenant les filles de pompistes vont au lycée, pauvre Allemagne ».
41:23Quand je suis arrivée en 1968, c'était une toute autre ambiance en Allemagne,
41:28notamment ici à Marburg.
41:30Donc j'avais plus confiance en moi.
41:33La belle assurance d'une génération qui n'entend pas accepter plus longtemps
41:37que l'école soit le parent pauvre de la nation.
41:40Et qui exige aussi une plus grande ouverture d'esprit dans tous les domaines.
42:10Nous avions un livre d'éducation sexuelle où étaient représentés un homme et une femme nues.
42:15Je crois que ma mère est allée à l'école pour faire un scandale.
42:20L'ajout au programme d'un cours d'éducation sexuelle n'était qu'un début.
42:29En 1968, de nombreux jeunes descendent dans la rue.
42:33Ils dénoncent l'immobilisme et le sexisme.
42:37Leur revendication ? Une éducation moderne, égalitaire et démocratique.

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