"J'étais toujours assaillie, pendant des années, par des morceaux de souvenirs que je n'arrivais pas à comprendre": Le témoignage d'Anne, victime de soumission chimique par son père

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Victime de soumission chimique et d'abus sexuels par son père durant son enfance, Anne, témoigne sur BFMTV

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Transcript
00:00Vous avez été victime de soumission chimique par votre père.
00:04Par mon père, effectivement. Alors on est plusieurs dans la fratrie à avoir connu ça.
00:08Que s'est-il passé ?
00:09Alors là, dans mon cas, disons que la résonance se fait aussi sur le fait que dans le procès de Gisèle Pellicou, il s'agit de soumission chimique dans le domaine intrafamilial,
00:18qui à mon avis est un peu particulier parce que ça peut durer des années et des années sans qu'on puisse se méfier.
00:23Et dans mon cas, ça s'est passé depuis la petite enfance jusqu'à tardivement.
00:27Je ne dirais pas qu'on a été mise dans un état comateux comme l'a été Gisèle Pellicou parce qu'un petit enfant, ça peut suffire de le désangoisser énormément.
00:36Il ne va pas forcément comprendre l'environnement ou les violences qui lui sont faites.
00:40Il y a le fait que le père vient ainsi sur le fait que c'est une chose qu'il doit accepter, que c'est normal, que sous prétexte...
00:46C'était quoi ? Des médicaments ? C'était quel ?
00:48Des médicaments. C'était essentiellement la pharmacopée familiale, des anxiolytiques, des...
00:53Qui vous abrutissait quoi en fait, c'est ça ? Qui vous empêchait de réagir ?
00:57Qui empêchait de réagir et moi je pense qu'il y a aussi un autre phénomène, c'est que le corps est tellement relâché que les blessures sont moins fortes, bien entendu.
01:04Un corps un petit peu en action, qui est éveillé ou qui résiste.
01:08C'est pour ensuite vous faire subir des agressions sexuelles ?
01:11Oui, des viols, oui, clairement des viols, oui.
01:13Et ça a duré pendant combien de temps ?
01:14Moi je le situe parce que tout ne peut pas être hyper précis quand on a vécu de la soumission chimique, surtout dans la petite enfance.
01:20Mais je dirais de la petite enfance autour de 3-4 ans jusqu'à environ mes 13 ans.
01:24Il y a eu d'autres personnes dans ma famille dont une personne décédée aussi.
01:27Mais...
01:28Et comment la vérité est-elle éclatée ? Comment vous êtes-vous aperçue de ce qui se passait finalement ?
01:34Moi personnellement, j'étais toujours assaillie pendant des années par des morceaux de souvenirs que je n'arrivais pas à comprendre.
01:40Quand j'avais 12 ans, mais j'avais 12 ans en 73, donc c'est un autre temps aussi.
01:45Quand j'avais 12 ans, un jour à une piscine, j'ai voulu exprimer un petit peu ces souvenirs, mes craintes de subir des viols.
01:51Et à l'époque, sa réponse a été « tout ça ce sont des fantasmes oedipiens ».
01:56Donc ça a un peu plus refermé la honte sur les morceaux de souvenirs que j'avais,
02:01parce qu'en fait, contrairement sans doute à ce qu'a vécu Gisèle Pellicot,
02:05je pense que mon père n'utilisait pas un abrutissement à 100% dans un coma total,
02:10ou peut-être que c'est arrivé, mais pour le coup ça je ne m'en souviens pas.
02:12C'était une sorte d'intermédiaire où on puisse bouger puisqu'il nous emmenait dans des lieux.
02:17Et par ailleurs, c'était aussi presque suffisant pour lui qu'on puisse être juste abruti, pas trop angoissé, qu'on l'écoute quand même, qu'on puisse éventuellement bouger.
02:25Mais comment la vérité a-t-elle éclaté ?
02:27Dans mon cas, puisque ces souvenirs étaient là, mais que je ne les écoutais plus depuis longtemps,
02:31à un moment donné, après une énième dépression très violente, il y a environ 10 ans maintenant,
02:36je me suis dit qu'il fallait que je retourne voir une thérapeute.
02:40Et pour la première fois, j'ai osé raconter ces morceaux de souvenirs que je comprenais très mal,
02:45parce qu'ils étaient incomplets, souvent dans le flou.
02:48Et en commençant à les raconter, j'ai pu parfois démêler les suites de ces souvenirs.
02:54Ce qui a aussi changé un peu la donne, c'est qu'on est plusieurs concernées.
02:59On est toute une fraterie concernée.
03:01C'est-à-dire que chacun avait des souvenirs aussi ?
03:03Combien de personnes ?
03:04Il s'avère que certains aimants font que je ne peux pas parler à 100% de la totalité,
03:07mais on va parler de 4 personnes pour l'instant.
03:09Et chacun avait des souvenirs aussi, partiels ?
03:11Oui, et les choses avaient été faites de telle manière qu'on était très séparés les uns des autres
03:15pour ne pas communiquer là-dessus.
03:17Ce qui fait qu'il suffit qu'un jour je dise un mot pour que les autres en souviennent,
03:21de leur côté aussi, de la même façon.
03:23Est-ce que votre père a été confondu ?
03:25Alors, c'est en cours, tout ça.
03:27Il est toujours en vie ?
03:28Oui.
03:29Et il dit quoi, lui ?
03:31Il a au début avoué, puis après il s'est rétracté complètement.
03:35Il a avoué une première fois ?
03:36Vous avez été confrontés ?
03:38Alors, moi je suis prescrite.
03:40C'est toutes les limites de ce que je peux faire aussi.
03:43Parce que les faits se sont déroulés dans les années 70, et donc ils sont aujourd'hui prescrits.
03:47Voilà. Et ça, je pense qu'en plus, ça me permet de revenir sur ce sujet,
03:51la prescription restera totalement injuste,
03:53tant que des choses comme la soumission chimique, l'amnésie traumatique,
03:57les deux doivent se combiner de manière incroyable.
03:59Vous avez pu en dialoguer directement avec lui, les yeux dans les yeux ?
04:02Les yeux dans les yeux, non, mais de mail en mail.
04:04Et au tout début, comme je m'y suis pris avec beaucoup de calme,
04:07il a voulu répondre, et il a répondu avec presque une certaine honnêteté qui m'a étonnée,
04:12et immédiatement après il s'est rétracté.
04:14Mais vous avez donc des mails quand même, de preuves en quelque sorte ?
04:17Oui, mais comme il n'y a pas assez de détails dans les mails,
04:20ça n'est pas suffisant pour changer…
04:22Et comment il le justifiait ?
04:24Il ne l'a pas justifié.
04:26Il a juste dit « je ne pensais pas que tu te souvenais de tout ça » en quelque sorte.
04:30Votre mère était… vos parents étaient mariés ou pas ?
04:34À l'époque, ils étaient ensemble, mais ils faisaient très bien les choses.
04:37Ce sont quand même des personnalités un peu comme M. Pellicot,
04:40des personnalités extrêmement manipulatrices qui savent très bien avoir une double vie.
04:44Donc d'une part, elle n'était pas du tout au courant,
04:46d'autre part, il a toujours choisi des épouses extrêmement soumises, sous-emprises et isolées.
04:50D'accord, ça s'est passé avec des épouses différentes ?
04:52Oui, enfin pas de mon épouse, pour d'autres personnes.
04:56Et il l'envoyait travailler dans ces périodes-là, beaucoup le week-end, beaucoup dans des périodes…
05:01Pour rester seule avec vous, il y a eu…
05:03Voilà, en voyage.
05:04Il n'y a eu aucun doute à un moment, ou quoi que ce soit,
05:07où il y a eu des doutes et une volonté de ne pas vouloir affronter…
05:09De la part de ma mère ?
05:10Oui.
05:11Non, je pense que par contre, elle a vu des symptômes qu'elle n'a pas su interpréter,
05:16parce qu'elle-même subissait une ambiance tellement lourde, tellement violente,
05:21un peu à la Gisèle Pellicot.
05:23Oui, parce que Gisèle Pellicot aussi avait des symptômes, avait des problèmes…
05:27Oui, moi j'ai eu beaucoup de symptômes.
05:29Mais elle n'arrivait pas à expliquer pourquoi elle se sentait aussi mal.
05:33Et puis en plus, on est quand même sur des époques où même quand on voyait des symptômes,
05:36on n'allait pas se poser les questions, qu'aujourd'hui, justement un procès comme celui-là,
05:40où tout ce qui se passe depuis quelques années, arrive un petit peu à éclairer les gens
05:44sur le fait que quand il y a une accumulation de problèmes…
05:46Moi, on m'a envoyée en urgence chez un gynécologue il y a dix ans.
05:50Le gynécologue a répondu qu'il fallait enquêter sur mon cas,
05:53qu'il y avait quelque chose d'anormal, mais je ne me souviens pas très, très bien.
05:56Ça veut dire qu'aujourd'hui, ce qui était incompréhensible il y a 30 ou 40 ans,
06:02avec ce procès qui devient emblématique et suivi par la France entière,
06:06avec aussi une victime qui fait preuve d'un courage aussi…
06:10Elle est juste extraordinaire.
06:12Étonnant. Peut-être que ça y est, la soumission chimique, ça va devenir un vrai débat, une vraie question.
06:17Surtout que je pense que le glissement, avant qu'on n'utilise un terme aussi précis que soumission chimique,
06:22ce n'était pas assez explicité.
06:25Mais en fait, ne serait-ce qu'alcooliser quelqu'un, c'est déjà un début de soumission chimique en réalité.
06:29Plus un peu de thémes, un peu de value, des choses comme ça.
06:32On n'a pas mis un mot aussi clair et net sur ce que ça veut dire,
06:36mais ça existe depuis la nuit des temps.

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