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Ghylaine a été tuée par son compagnon en 2017 après lui avoir annoncé qu'elle le quittait. "Le soir de son départ il l'a immolée en présence de leur fille de 7 ans", témoigne sa sœur Sandrine Bouchait et autrice du livre "Elle le quitte, il la tue".

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Transcription
00:00 Vous allez témoigner maintenant avec nous, Sandrine Boucher.
00:03 Vous êtes la sœur de Guylaine qui a été tuée par son compagnon en 2017.
00:07 Vous avez aussi créé l'Union nationale des familles de féminicides.
00:12 Qu'est-il arrivé à votre sœur en 2017 ?
00:15 Ma sœur avait annoncé à son conjoint qu'elle voulait se séparer.
00:18 Et le soir de son départ, il ne l'a pas laissé partir
00:23 et il l'a immolé en présence de leur petite fille de 7 ans.
00:25 Il l'a arrosé d'essence et il a mis le feu à votre sœur ?
00:28 Oui.
00:28 Elle n'est pas morte sur place, elle est morte quelques jours plus tard à l'hôpital ?
00:30 Elle est morte 48 heures après.
00:32 La présence de la petite fille qui avait 7 ans à l'époque, c'est ça ?
00:34 Oui, c'est ça.
00:35 Il n'a pas suffi à le dissuader ?
00:36 Non, parce qu'en plus, avant la mise à feu, il l'a violentée pendant 15 minutes
00:44 où les voisins sont venus dire que la petite a hurlé,
00:47 "Papa, laisse ma maman tranquille, tu lui fais mal."
00:49 Et malgré tout ça, ça ne l'a pas arrêtée.
00:52 Vous avez raconté cette histoire, l'histoire de votre sœur,
00:54 votre histoire dans ce livre, "Elle le quitte, il la tue",
00:57 pour en fait dénoncer un système judiciaire
01:00 qui délaisse totalement les familles des victimes.
01:03 Et quand on parle de famille des victimes, on parle de vous, la sœur,
01:06 mais aussi de Chloé qui avait 7 ans au moment du drame.
01:10 Pourquoi vous parlez de délaissement ?
01:12 C'est le mot commun à toutes les familles de victimes, c'est le mot solitude.
01:16 C'est-à-dire que moi, j'ai récupéré ma nièce au bout de trois semaines
01:19 sans aucune évaluation, donc j'aurais pu être tellement effondrée
01:22 de ne pas pouvoir m'en occuper correctement,
01:24 sans aucun accompagnement psychologique.
01:26 Et avec cette petite fille, avec une scène de guerre,
01:29 il n'y a aucun accompagnement psychologique pour ces enfants.
01:32 Et il n'y a rien pour eux.
01:34 On nous les confie et en gros, on nous dit bonne chance.
01:36 Et après, on se retrouve, nous aussi, famille,
01:39 devant un désert institutionnel parce que rien n'est prévu.
01:41 Vous avez même demandé de venir nettoyer l'appartement.
01:44 Les scènes de crime, alors maintenant, il y a eu un décret depuis,
01:47 mais les scènes de crime étaient laissées à la charge des familles.
01:50 Comment va la petite Chloé, qui a grandi depuis ?
01:53 Qui a grandi, qui a une belle jeune fille de 12 ans maintenant,
01:55 elle va très bien.
01:56 Mais c'est parce que j'ai mis en place un suivi psychologique.
01:59 Son père est en prison ?
02:00 Oui.
02:01 Il a été condamné à 20 ans de prison ?
02:02 Oui.
02:03 Il doit sortir quand ?
02:04 Alors, je ne sais pas.
02:05 Il a été condamné en 2020.
02:07 Il avait fait deux ans et demi de préventive.
02:10 Donc oui, je pense que dans moins de dix ans, il est dehors.
02:14 Est-ce qu'il était violent avec votre sœur, avant de passer à l'acte ?
02:20 Non, non, pas du tout.
02:20 Et c'est très important aussi de déconstruire l'image de la victime de violence.
02:25 Aujourd'hui, la victime de violence n'est plus la femme qui est pleine de bleus,
02:28 pleine de cou.
02:29 C'est-à-dire que la moitié des féminicides sont perpétrés
02:32 alors que les femmes n'étaient pas victimes de violences physiques
02:35 avant le jour de leur mort.
02:36 C'est très important de le rappeler.
02:37 Donc, il n'y avait pas de signe avant-coureur ?
02:38 Alors, il y avait eu des petits signaux faibles qu'elle avait pu me dispenser,
02:41 mais que je n'ai pas su interpréter.
02:45 Parce qu'elle était victime de contrôle coercitif.
02:47 Mais encore une fois, ce monsieur, c'est quelqu'un qu'on connaît,
02:49 qui vient aux fêtes d'anniversaire,
02:51 qui est le parrain de mon fils aîné, quelqu'un en qui j'ai confiance.
02:53 Mais il est en prison, donc.
02:54 Est-ce qu'il est soigné en prison ?
02:56 Parce qu'il va ressortir ?
02:58 Est-ce qu'il est soigné pour ce qu'il a fait ?
03:00 Il n'est pas soigné du tout.
03:01 Donc, il n'a pas d'accompagnement médical ?
03:03 Non, et je rebondis sur les deux derniers féminicides
03:05 qui posent la question de la récipide.
03:07 Le suivi et la prise en charge des agresseurs.
03:10 Donc, il va sortir et il peut recommencer ?
03:11 Bien évidemment.
03:12 Mais quand vous entendez dire "les femmes sont mortes"
03:15 alors qu'elles avaient signalé leur compagnon,
03:17 connues pour des faits de violence,
03:18 pour certains même condamnés par la police,
03:21 comment vous réagissez ?
03:22 Je suis très en colère.
03:23 Parce que là, manifestement,
03:25 quand ces femmes sont allées porter plainte,
03:26 il y a eu une mauvaise évaluation du danger.
03:28 Très mauvaise évaluation du danger.
03:30 De la part des policiers ?
03:31 De la part des policiers.
03:32 Et ensuite, le traitement a été beaucoup trop long.
03:34 De la part du parquet.
03:36 Voilà.
03:37 Elles n'ont même pas été transmises, apparemment, au parquet.
03:39 Oui, elles n'ont même pas été transmises.
03:40 Donc, ça pose question.
03:41 Vous allez rencontrer la ministre ce soir qui était avec nous,
03:42 il y a quelques minutes, vous l'écoutiez d'ailleurs.
03:44 Oui.
03:44 Qu'avez-vous l'intention de lui dire ?
03:47 J'ai l'intention de lui dire qu'il faut s'inspirer
03:49 de ce qui se passe à côté de chez nous.
03:50 L'ESPAN, vous en avez parlé.
03:52 Cet outil informatique qui s'appelle VioGEN,
03:56 qui permet vraiment une évaluation du danger en temps réel.
04:00 C'est-à-dire que la dame, dès qu'elle va déposer plainte,
04:02 elle rentre dans ce dispositif.
04:04 Les policiers, les magistrats et les services sociaux
04:07 ont accès et peuvent compléter ce dossier
04:11 et le consulter à tout moment.
04:12 Et chaque fois qu'il y a un nouvel élément,
04:14 il y a une évaluation du danger qui est faite.
04:17 Cet outil a quand même fait baisser de 63% les violences.
04:21 Donc, ça marche.
04:22 Il n'y a pas besoin d'inventer quelque chose en France.
04:23 Il faut juste s'inspirer de nos voisins.
04:25 Ça permet notamment de lutter contre la récidive
04:27 parce qu'on peut suivre le parcours des hommes violents.
04:30 De la récidive et aussi de faire une évaluation du danger en temps réel
04:33 de l'agresseur.
04:35 Vous avez entendu la ministre qui dit
04:36 "oui, mais nous, quand même, on agit, on prend des mesures".
04:40 Ça va passer loin, en fait, c'est ce que vous nous dites ce soir.
04:42 Manifestement, c'était la grande cause du quinquennat,
04:44 sauf qu'il y a eu autant de morts que le quinquennat précédent.
04:46 Donc, on voit bien que ça ne fonctionne pas.
04:48 Il faut aller beaucoup plus loin.
04:50 L'ordonnance de protection à 24 heures,
04:52 moi, je veux bien, mais il n'y a pas assez de magistrats.
04:53 Et puis, ce n'est qu'un bout de papier en plus.
04:56 Donc, ce n'est pas une ordonnance de protection qui va protéger la dame.
04:58 C'est quoi cette ordonnance expliquée ?
04:59 L'ordonnance de protection, c'est un document qui dit
05:02 que monsieur n'a pas le droit d'approcher madame,
05:05 mais s'il a vraiment envie de la tuer, qu'est-ce qui l'en empêche ?
05:07 Ce n'est pas une ordonnance qui va l'empêcher.
05:09 On ne met pas un policier devant sa porte, madame.
05:10 Malgré le bracelet anti-rapprochement et le numéro d'urgence.
05:13 Sauf que le bracelet anti-rapprochement,
05:15 c'est un très bon outil.
05:18 Sauf qu'en présententiel, il est soumis à l'approbation de monsieur.
05:22 Moi, c'est ce que je dis aux politiques que je rencontre.
05:24 Moi, ma soeur, on ne lui a pas demandé son avis pour mourir.
05:26 Donc, il faudrait aussi, aujourd'hui, quand j'entends
05:28 qu'il y a des enquêtes internes qui vont être déclenchées,
05:31 soit, sauf qu'on agit en réaction de la mort des femmes.
05:36 Il faut agir en prévention.
05:37 Est-ce que Chloé, la petite fille, a des contacts avec son père via...
05:41 Non, aucun.
05:42 Est-ce qu'elle lui écrit en prison ?
05:43 Non.
05:44 Est-ce qu'elle a l'intention de le faire ou pas du tout ?
05:47 Pour l'instant, elle ne sait pas.
05:49 Elle a une parole très libérée à la maison.
05:51 Elle sait qu'il a été condamné à 20 ans de prison.
05:53 Donc, pour elle, il n'y a pas d'histoire de remise de peine.
05:55 Donc, elle pense que c'est 20 ans en plein.
05:57 Pour elle, elle a acté le fait que son père est un criminel et a tué sa mère.
06:00 Alors, oui, parce que de toute façon, elle m'a demandé à changer de nom.
06:03 Donc, aujourd'hui, elle a changé de nom.
06:04 Elle m'a demandé l'adoption.
06:05 Donc, je l'ai adoptée.
06:07 Il n'a plus de droit sur elle, en fait.
06:09 Son autorité parentale lui a été retirée aux assises,
06:12 ce qui m'a permis de pouvoir l'adopter.
06:14 Aujourd'hui, c'est plus facile.
06:15 Pendant longtemps, c'était très compliqué de retirer cette autorité parentale.
06:17 Alors, en 2022, on a encore des décisions.
06:20 Le monsieur est condamné à 20 ans de prison et conserve l'autorité parentale.
06:22 Ce qui vous paraît aberrant, bien entendu.
06:24 Comment, quand on a privé son enfant de sa maman,
06:28 on peut continuer à décider pour son enfant ?
06:30 C'est-à-dire que quand il conserve l'autorité parentale,
06:31 il décide si l'enfant doit porter un appareil dentaire,
06:34 des séances de psy, les sorties scolaires.
06:36 Il décide de tout.

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