Le directeur de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie, Nicolas Pouvreau-Monti, était l'invité de 180 Minutes info, ce jeudi 12 septembre, sur CNEWS. Il s'est exprimé sur la thématique des logements sociaux en lien avec l'immigration : «35% des immigrés vivant en France qui sont en logement social, un taux trois fois supérieur par rapport aux Français sans ascendance migratoire. Il y a un phénomène de transfert de capitaux. Le droit au maintien dans le logement social sur la durée d'une vie permet à certains ménages immigrés d'investir dans le territoire d'origine».
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00:00Et au-delà d'un diagnostic subjectif, il me semble qu'il y a simplement la réalité des faits.
00:04On a aujourd'hui 35% des immigrés vivant en France qui sont en logement social,
00:08ce qui est un taux trois fois supérieur à celui des Français sans ascendance migratoire.
00:12Et ce qui permet d'appréhender la dimension culturelle du sujet soulevé par le préfet Auboin,
00:17c'est notamment la différence de comportement au sein des populations immigrées,
00:21entre les populations immigrées selon l'origine géographique,
00:24dans leur rapport au logement social.
00:25Pour vous citer deux exemples parmi les plus parlants,
00:28vous avez plus de la moitié, 57% des immigrés originaires d'Afrique sahélienne qui vivent en logement social,
00:34et à l'inverse vous avez 8% des immigrés originaires de Chine.
00:37Immigrés originaires de Chine qui arrivent aussi avec une situation économique globalement moins bonne que celle des natifs,
00:43qui pourraient aussi, selon les critères économiques et sociaux les plus concrets,
00:48prétendre potentiellement dans un certain nombre de cas au logement social,
00:51et qui pourtant n'y recourent pas.
00:52Ils n'y recourent pas parce que leur approche à la fois du logement et de la trajectoire d'intégration,
00:57est très différente chez les populations d'Afrique sahélienne,
01:00il y a souvent une forte valorisation culturelle du logement collectif.
01:04A l'inverse, chez les immigrés originaires de Chine,
01:07il y a cette volonté assez vite de s'autonomiser, d'accéder à la propriété,
01:10ce qui est évidemment aussi un facilitant dans la trajectoire d'intégration plus générale de ces populations.
01:15Petite question, mais tout à fait candide,
01:18est-ce que par exemple on peut imaginer aussi que des populations qui ont encore un lien très fort avec leur pays d'origine,
01:24puissent préférer investir ailleurs ?
01:27On a, je pense, dans nos entourages respectifs,
01:29peut-être des exemples de gens qui préfèrent investir dans le pays où ils ont encore de la famille,
01:33parce que c'est vu comme un patrimoine transmissible là aussi sur place.
01:38On peut non seulement l'imaginer, mais dans bien des cas on peut le constater.
01:41Le préfet Michel Auboin, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets de politique de la vie,
01:44il a notamment été préfet dans l'Essonne, peut en attester.
01:47Il y a un phénomène de transfert de capital d'une certaine façon,
01:50c'est-à-dire que le fait de vivre en logement social,
01:53et plus encore le droit au maintien dans le logement social sur la durée d'une vie,
01:57permet à certains ménages immigrés d'économiser pour investir dans l'immobilier,
02:02non pas sur le territoire national, mais plutôt dans le pays d'origine,
02:05au titre d'une résidence secondaire ou d'une maison pour la famille restée au pays d'origine.
02:09Ces phénomènes sont tracés par à peu près tous les praticiens du logement social aujourd'hui.
02:14Quand Michel Auboin nous dit qu'il va falloir, à un moment donné,
02:17évaluer qui peut accéder au logement privé,
02:20à quel stade on peut estimer que le parc privé est accessible ?
02:23C'est difficile d'établir une échelle ou un seuil à partir duquel on peut laisser sa place ?
02:31Effectivement, cette question de seuil est toujours subjective,
02:33parce qu'aujourd'hui, vous le disiez, vous avez 2,7 millions de ménages en attente de logement social,
02:37vous avez une part significative de la population française
02:40qui remplit aujourd'hui les critères d'accès généraux, théoriques au logement social.
02:45Je pense que la meilleure façon, au-delà des questions de seuil qui sont évidemment importantes,
02:49d'assurer une forme d'accessibilité et de fluidité dans l'accès au logement social,
02:54c'est vraiment dans le principe d'un bail à durée limitée.
02:57C'est-à-dire que le logement social doit être conçu,
02:59pour les populations immigrées qui l'utilisent beaucoup,
03:02comme pour les populations natives qui l'utilisent moins,
03:04comme une étape dans une trajectoire de vie, une trajectoire familiale,
03:08une trajectoire d'intégration pour ce qui est de la population immigrée,
03:11et non pas comme un lieu dans lequel on se sédentarise.
03:14Le logement social, ça doit être peut-être 10 ans, 20 ans,
03:18avant d'accéder à un loyer secteur privé,
03:21quand on remplit les critères pour avoir besoin du logement social,
03:26et plus encore ultimement d'accéder à la propriété.
03:28On a ce véritable enjeu en France, tant pour les natifs que pour les immigrés.