Mardi 10 septembre dans "Tout Public", Alice Develey, l'auteure de "Tombée du ciel", et Eric Morain sur la genèse du nouveau film de Daniel Auteuil, "Le Fil", en salle le 11 septembre.
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00:00Et tout public, aujourd'hui, Frédéric Carbone, c'est d'abord un livre inoubliable.
00:07Absolument, parce que c'est à la fois l'histoire d'une survivante et la révélation d'une
00:10écrivaine.
00:11Et c'est pour cela que Tomber du ciel, aux éditions de l'Iconoclast, est à la fois
00:14douloureux et lumineux premier roman, donc livre d'utilité publique.
00:18Je reprends là les termes de mes confrères du Parisien parce que j'ai eu exactement
00:21le même sentiment en le lisant.
00:23Bonjour Alice Develay.
00:24Bonjour.
00:25Vous êtes cette jeune fille d'une quinzaine d'années qui a vécu les souffrances de l'anorexie
00:29et la maltraitance au sein d'une structure hospitalière.
00:32Vous êtes aujourd'hui critique littéraire au Figaro et quinze ans après, vous utilisez
00:36la fiction pour raconter, pour interpeller, peut-être aussi pour vous débarrasser complètement
00:40de ce mal qui vous a rongé pendant des années.
00:43Vous les avez vécues, donc ces souffrances, mais ce n'est effectivement surtout pas un
00:46témoignage et pas non plus le récit d'une victime.
00:50Oui, je ne voulais pas être une victime.
00:52Moi, pendant quinze ans, même seize ans, j'ai tout fait pour oublier cette histoire,
00:57mais le passé ne passait pas.
00:58J'avais essayé de l'écrire, mais effectivement, je restais à la première personne du singulier,
01:04donc du témoignage.
01:05Et en fait, j'ai vite compris que le présent m'arrimait à un présent perpétuel et qui
01:09m'enfermait en fait dans un statut de victime, de patiente.
01:12Et j'ai compris que pour m'aider à m'extraire de ce passé, il me fallait la fiction pour
01:16dire la réalité.
01:17Et je crois que vous l'avez écrit en quelques semaines.
01:20Il fallait que ça sorte après tout ce que vous dites, c'est-à-dire le temps de maturation.
01:24Oui, ce n'était pas un choix, c'était une nécessité.
01:26Il y a eu un moment donné où c'était une vraie urgence.
01:29Oui, j'ai l'impression que je l'ai vomi, ce texte.
01:31C'est un peu plus de dix ans de maturation et un mois d'écriture.
01:34Et ce que vous racontez, c'est en fait l'histoire d'une dépossession de son corps d'une
01:42enfant.
01:43J'insiste parce que vous employez le mot enfant, 14-15 ans, pas adolescent, enfant.
01:47Oui, c'est vrai parce que 14-15 ans, c'est un âge un peu bâtard, hybride, où on n'est
01:52plus tout à fait enfant, mais on a les droits d'un enfant puisqu'on est mineur et en
01:56même temps, on se considère adulte puisqu'on est déjà passé vers l'âge de la grandeur,
02:02disons.
02:03Mais on est traité comme des enfants et à l'hôpital, les médecins n'ont pas le temps
02:08de nous expliquer quoi que ce soit, donc on est traité à la fois comme un enfant, comme
02:12un chien, comme un coussin.
02:13On n'a aucun droit, on ne nous explique rien et on est enfermé sans avoir la possibilité
02:19de savoir ce qui nous arrive.
02:20L'anoraxie, c'est évidemment une origine mentale, c'est une maladie qui nous a pris
02:25un moment.
02:26Il y a tout un contexte, bien évidemment, mais effectivement, on a l'impression qu'on
02:30ne vous parle pas tant que ça, on vous secoue beaucoup.
02:32Oui, en fait, ça prendrait du temps finalement de parler à un patient, de lui dire qu'est-ce
02:37qui ne va pas.
02:38Au fond, prendre 20 minutes pour lui parler, c'est beaucoup plus compliqué que d'attacher
02:42un enfant et de le droguer avec des médicaments, c'est plus rapide, c'est plus facile.
02:46Donc, il n'y a aucun moment où on nous explique ce qui nous arrive, on ne nous explique pas
02:52pourquoi on nous met une sonde, c'est un tuyau qui passe dans le nez et qui descend
02:56dans l'oesophage jusque dans l'estomac pour nous nourrir de force.
02:58Il y a une urgence vitale souvent lorsqu'on est hospitalisé, donc je me fais l'avocat
03:04du diable, c'est à la fois urgent et c'est un besoin de sauver la personne.
03:08Oui, parce qu'il y a risque d'être accusé de non-assistance à personne en danger, c'est
03:13une évidence aussi, et le patient qui est un enfant.
03:16Malgré tout, les soins apportés sont d'une violence sans nom.
03:20Je décris un lieu, l'hôpital, où il y a beaucoup d'humains, mais il manque d'humanité.
03:24C'est dès le début, ça, le manque d'explication ? On ne vous dit pas pourquoi vous êtes là ?
03:29Oui, en fait, j'ai aucune idée.
03:30Quand je suis hospitalisée, j'arrive sur ce lit, ma vie tient dans un sac, au milieu
03:34d'autres lits et d'autres patientes, et je ne sais pas pourquoi je suis là.
03:38Tout ce que je peux expliquer, c'est que oui, je mange peu à cette époque.
03:42Oui, je suis là parce que je ne mange pas assez.
03:44Voilà, je ne mange pas assez, je mange quelques pommes, mais je n'ai pas conscience du problème.
03:50Je n'ai pas conscience qu'il existe une maladie pour qualifier ce qui se passe.
03:53Mais est-ce qu'on vous dit ce mot, anorexie ?
03:55Non.
03:56Jamais ?
03:57Pas du tout.
03:58On va me dire, à un moment donné, tu risques de mourir, parce qu'à ce moment-là, j'ai
04:01une péricardie, donc c'est une poche d'eau autour du péricard qui est autour du coeur,
04:06donc je risque l'arrêt cardiaque.
04:08Mais à aucun moment, on me dit, tu souffres d'anorexie.
04:11Ça, ce n'est pas un mot qui est dit, donc je me bats contre quelque chose que je ne connais
04:14pas.
04:15Voilà.
04:16C'est une maladie qu'aujourd'hui, vous connaissez ?
04:17Oui.
04:18Là, aujourd'hui, je sais.
04:19Mais à l'époque, lorsque j'arrive dans cet hôpital, on va me donner une série de
04:27médicaments sans qu'on m'explique vraiment pourquoi, et puis comme je suis un peu têtue
04:31comme fille...
04:32Les médicaments qu'on donne pour les maladies psychiatriques ?
04:33Oui, c'est ça.
04:34En fait, l'anorexie est une maladie physique qui a des répercussions mentales, mais qui
04:40est complètement différente de la schizophrénie, qui est différente elle-même de la bipolarité.
04:45Il peut y avoir des comorbidités, donc souvent les anorexiques souffrent de troubles dépressifs
04:49et de troubles anxieux, mais ça n'a rien à voir là actuellement avec ce que je décrivais
04:54moi dans mon roman.
04:55Et à quel moment ça arrive, ce mot d'anorexie ?
04:57Très tardivement, parce qu'il y a d'autres patientes qui souffrent de troubles du comportement
05:03alimentaire, et en fait, on va en parler, et je vais comprendre avec certaines filles
05:07qu'il y en a qui souffrent de boulimie, certaines souffrent d'anorexie, et finalement, d'une
05:12chose à l'autre, je comprends que je souffre des choses dont on me parle, mais entre patientes,
05:17pas avec les médecins.
05:18Dans la Postface, où là vous parlez directement de vous, vous dites une question de demeure
05:22« Pourquoi m'a-t-on fait ce qu'on m'a fait ? J'étais une enfant quand on est mineur.
05:26On peut nous hospitaliser de force, vous en parliez tout à l'heure, nous torturer.
05:29Combien d'anorexiques n'ont jamais parlé ? Combien de mineurs sont aujourd'hui encore
05:32enfermés contre leur gré ? » C'est pour elle aussi que vous écrivez ça ?
05:36Oui, aujourd'hui, je tiens pour des gens que je ne connais pas.
05:39J'ai fait quelques festivals, j'ai fait quelques librairies, et j'ai été marquée par beaucoup
05:44de personnes qui sont venues me voir.
05:46Un papa est venu me dire par exemple « Je ne comprenais pas la maladie de ma fille jusqu'à
05:50ce que je lise votre livre, donc merci.
05:52» J'ai eu des témoignages aussi d'infirmiers qui sont venus me dire « Écoutez, j'ai été
05:56témoin de traitements qu'on a infligés à des patients et dont je ne suis pas fière,
06:00donc je vous crois.
06:01» Et j'ai aussi d'autres personnes aujourd'hui qui ont mon âge, qui sont un peu plus vieilles
06:05ou qui sont un peu plus jeunes, qui viennent de s'en sortir ou qui sont encore dedans,
06:08et qui me disent « Moi aussi, j'ai subi ça, des traitements abusifs, des infirmiers
06:14qui ont été affreux.
06:16» Après, ce que je tiens absolument à dire, c'est qu'il y aura sûrement des patients
06:20qui vont être choqués, voire des médecins qui vont s'indigner de ce que je raconte dans
06:24ce livre, et je leur dirai « Tant mieux, parce que la vérité est insupportable.
06:29» Après, ça ne veut pas dire que ce que j'ai subi est systématique, mais par contre
06:32ça existe et c'est important de le dire.
06:34Et vous avez l'impression que c'est un peu un révélateur avec les premiers témoignages
06:37que vous recevez ? Malheureusement, on n'aura jamais attendu
06:41ce roman pour que ça existe, mais c'est vrai que ça donne une ampleur, notamment sur
06:45les réseaux sociaux.
06:46Je reçois tous les jours des messages de personnes qui me disent « Je vous crois, vous
06:50n'êtes pas seul.
06:51On est des milliers de solitudes ensemble à avoir subi ce que j'ai subi, et qui continuent
06:55aujourd'hui de subir ce que j'ai subi alors que c'était il y a 15 ans.
06:59On comprend, Lise Develay, en lisant votre livre, que la lecture fait partie, quand vous
07:03étiez adolescente, des choses qui vous ont sauvé.
07:05C'est un truisme de le dire, mais c'est vrai que dans ce service psychiatrique, il y avait
07:09une toute petite bibliothèque, trois étagères tout au plus, et dedans, il y avait Alexandre
07:15Dumas, il y avait Jean-Louis Fournier, il y avait Victor Hugo, mot passant, et c'est
07:20vrai que quand je les ai vus, je me suis dit « Le service psychiatrique ne le sait pas,
07:25mais en fait, je peux m'évader, je peux sortir d'ici grâce à la littérature.
07:28» Et donc, j'ai passé de très très longues journées dans les livres pour m'évader
07:32du quotidien.
07:33Je ne suis pas critique littéraire, comme vous, mais la force de l'écriture, dans
07:37un premier roman, elle frappe le choix des mots, le choix de ne rien édulcorer.
07:41Vous en disiez un mot quand vous décriviez « L'Intubation », ne rien édulcorer,
07:45ne rien travestir.
07:46C'était ça, la mission, la volonté, l'objectif ?
07:50C'était mon objectif.
07:52J'ai tendance à penser qu'on n'écrit pas en s'entendant, mais en pensant, et
07:56donc moi, je voulais faire ressentir ce que c'était une hospitalisation, en espérant
08:00que les personnes qui vont lire ne sont pas malades, mais que ça devienne une expérience
08:04presque littéraire, de savoir ce que c'est la souffrance, parce qu'on souffre tous
08:08au quotidien, c'est peut-être sûrement l'émotion la plus partagée sur Terre,
08:13mais j'avais envie de me dire qu'est-ce qu'on fait de cette souffrance quand on
08:16la ressent, qu'est-ce qu'on peut en faire, et donc moi j'ai essayé de la transmettre
08:20à part les mots.
08:21Et ça fait du bien ?
08:22Alors moi, ça ne m'a pas fait du bien trois secondes, ça a été une écriture extrêmement
08:25douloureuse, je ne crois pas du tout à l'écriture thérapeutique ou cathartique, et c'est
08:29ce que je disais tout à l'heure, moi j'ai envie de tenir pour des gens que je ne connais
08:32pas qui viennent me dire, écoutez je vous crois, moi aussi j'ai subi ça, et ça me
08:37fait du bien, donc je suis contente que ça fasse du bien à certaines personnes.
08:40L'écriture Alice Develay n'est pas cathartique, mais est-ce que le fait d'écrire, d'avoir
08:44écrit ce livre, de le publier, d'en parler, vous permet de mettre l'anorexie un peu plus
08:49loin encore ?
08:50C'est une très bonne question, merci, parce que c'est vrai que, moi je vais dire quelque
08:55chose de terrible, mais je crois qu'on ne sort jamais vraiment de l'anorexie, par contre
08:59on arrive à un moment donné à la dompter, c'est-à-dire à vivre avec, et ne pas se
09:04laisser contrôler par cette espèce de monstre qui est là au quotidien, donc ça fait du
09:09bien quand même d'en parler, parce que finalement on se rend compte qu'on n'est pas seul et
09:12on est des centaines de milliers à souffrir au quotidien, mais à se battre surtout.
09:16Je disais que ce qui frappe c'est la justesse, la crudité parfois de l'écriture, mais jamais
09:22de façon gratuite, vous avez été une lectrice gourmande, est-ce qu'il y a des écrivains,
09:28des écrivaines qui vous ont aidé à écrire ça ?
09:30Vous voulez dire des auteurs de sous-chevets ?
09:33Des auteurs, oui.
09:34Antoine Artaud, que j'adore l'ombilique des lingues, sa folie, par sa fureur poétique,
09:40il a une violence qu'il traduit avec beaucoup de poésie et de beauté, et ça, ça m'a
09:44beaucoup marqué.
09:45Il y a aussi Sylvia Plath, une poétesse américaine que j'admire énormément, qui a elle aussi
09:51une expérience dans un hôpital psychiatrique et qui le raconte dans La cloche de verre
09:54ou La cloche de détresse, ça dépend de la traduction en français.
09:58Mais j'ai été marquée par tous deux, la manière dont ils avaient de transmettre leur
10:03souffrance, mais avec beaucoup de beauté et beaucoup de force, et vraiment l'exprimer
10:10avec sincérité et vraiment grandeur.
10:12C'est parce que lire peut sauver que vous êtes critique littéraire ?
10:15J'adorais le penser, mais Sylvia Plath, que je recite, a écrit une phrase, celle-ci,
10:21il existe la poésie, mais la poésie existe, non, la poésie ne sauve de rien, mais il
10:27y a la poésie.
10:28Et je pense que c'est exactement la même chose que pour la littérature, je ne sais
10:33pas ce que fait la littérature, mais elle peut peut-être consoler, rassurer et montrer
10:37qu'on peut être plein de petites vies minuscules ensemble.
10:41Je vais citer moi aussi quelqu'un, Sarah Bour, qui est la programmatrice de cette émission,
10:45parce qu'elle me disait qu'elle adorait votre livre, qui reste gravé pour tout le monde,
10:48elle a pensé à Sylvia Plath.
10:50Ah bah parfait, écoutez, c'est le plus beau.
10:52Je le dis parce que c'est vrai et c'est spontané.
10:53Alice Develay, Tombée du ciel, publié aux éditions de l'Iconoclase, vous l'avez compris,
10:58cet enfant vous accompagnera longtemps.
11:00Merci beaucoup.
11:01Merci.
11:02Et dans une minute, on va parler cinéma, c'est difficile, il y a des silences après,
11:07mais les silences sont pleines de force parfois.
11:09On va parler cinéma américain, Hollywood, Festival de Deauville en ce moment, et cinéma
11:14français aussi, Le Fil, qui est le résultat d'une très belle histoire d'amitié et
11:19d'humanité.
11:2013h45, donc c'est juste après Le Fil, l'info de Virginie Delbrun.
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13:23avec Mathéo Maestretti, c'est un visage et peut-être surtout une voix d'Hollywood
13:28pendant des décennies qui disparaît, à la fois Dark Vador dans « La Guerre des Étoiles »
13:31mais aussi Mufasa dans « Le Roi Lion ». Seul James Earl Jones, Augustin Rivet, pouvait
13:36incarner un tel grand écart.
13:38S'il avait accumulé les rôles sur les planches, avec notamment deux Tony Awards à la clé,
13:41au point qu'un théâtre de New York porte désormais son nom, il faut avoir l'humilité
13:46d'avouer que, pour le grand public, il était d'abord une voix.
13:49« I am your father, Earl »
13:52Voix de ce père, haï par son fils Luke Skywalker, James Earl Jones a signé en 2022 un contrat
13:59autorisant Disney à reproduire désormais son timbre par intelligence artificielle
14:04pour continuer à l'utiliser à l'envie, et puis il fut une autre voix de père, ascendant
14:09admirée cette fois par son lionceau de fils.
14:12« Look inside yourself Simba, you are more than what you have become, you must take your
14:20place in the circle of life »
14:22Mufasa dans « Le Roi Lion », il sera aussi en chair et en os le père d'Eddie Murphy
14:27dans « Un prince à New York », beaucoup de père donc, on ne peut s'empêcher d'y
14:30voir un signe, il y a lui qui suivit le chemin de son paternel, Robert Earl Jones, acteur
14:35avant lui, par ailleurs boxeur professionnel.
14:37La première apparition de James à l'écran sera excusée du peu dans « Doctor Folamour »
14:42de Stanley Kubrick.
14:43« Bomb, door circuits, negative function, lights red, switching backup circuits, roger,
14:52switch 10, still negative function »
14:54Il est surtout remarqué en 1970, lorsqu'il interprète, tiens, tiens, un boxeur, comme
14:59son père, c'était dans l'insurgé, « Dénonciation du racisme des états du Sud » qui lui vaut
15:04un Golden Globe et une nomination à l'Oscar du meilleur acteur.
15:07« You look colored but you ain't thinking colored »
15:09« No sir, I'm thinking colored, colored men, colored.
15:12I'm so busy thinking colored, I can't see nothing else sometimes, I just ain't thinking
15:15colored, I was like you »
15:16Des dizaines de longs métrages ensuite, citons le méchant Tulsa Doom face à Conan
15:20le barbare, et puis il faut signaler ce tour de force, remporté deux Emmy Awards la même
15:26année, il est le seul dans ce cas, pour une mini-série et une série distinctes, il a
15:30été deux saisons durant Gabriel Byrd dans le feuilleton du même nom.
15:33« Justice isn't cheap Mr Byrd »
15:35« Justice just cost money, it's mercy that's expensive »
15:39Évocation des violences policières et d'un système judiciaire à deux vitesses.
15:43Ah voilà, James Earl Jones, son visage savoie, ses 60 ans de carrière, Edoville, bonjour
15:47Mathéo Mastracchi, qui fête ses 50 ans, vous êtes du coup allé avec cette interrogation
15:51en tête, est-ce que c'était mieux avant le cinéma américain ?
15:54Eh bien cette question, Frédéric, nous l'avons posée en ces termes exacts au président
15:57du jury, Belan Majimel.
15:59« Il faut prendre du recul sur les choses, je pense que d'ici peut-être 15 ans, le
16:03cinéma qu'on voit aujourd'hui, le cinéma indépendant américain qu'on voit aujourd'hui
16:06va peut-être prendre une autre couleur.
16:08Ce qui frappe, c'est surtout la façon dont les films ne vieillissent pas.
16:11Il y a des films qui font l'événement au moment de leur sortie, et puis vous les
16:14revoyez quelques années plus tard, et tout d'un coup, il n'y a plus de magie, il n'y
16:17a plus rien, et vous vous apercevez que les films ont pris beaucoup d'âge, vieillissent
16:21mal.
16:22Le cinéma classique, c'est ça qu'il n'y a rien de mieux, parce que ça traverse les
16:25âges, et on a toujours plaisir à les voir. »
16:27Alors on sent bien qu'il ne veut pas se fâcher avec les 14 films indépendants qu'il
16:30doit juger cette semaine, mais quand il parle de classique, ce sont donc plutôt des films
16:34anciens, même s'il sait gré, Belan Majimel, aux films actuels, d'être en prise avec
16:38leur société.
16:39Alors écoutez, le critique et documentariste Jean-Baptiste Tauret, lui, il y va plus franchement.
16:44« Personne aujourd'hui n'oserait dire que le cinéma américain va bien.
16:48L'industrie hollywoodienne, on le voit bien dans ce qui est produit, elle a fait le pari
16:52qu'elle s'adressait à un public plutôt amnésique, dont le cuivre est celui d'un
16:58enfant de 8 à 12 ans, c'est à peu près ça.
17:00Les films Marvel, les franchises, il y a évidemment une forme d'assèchement, d'épuisement
17:04que tout le monde ressent.
17:05Il y a une nouvelle génération qui est arrivée, pour laquelle le cinéma n'a plus le même
17:09statut ou la même place qu'il avait il y a encore 20 ou 25 ans, qui effectivement
17:13est plus vers les jeux vidéo, les séries télé, les plateformes, l'eau tiède, etc.
17:18»
17:19Alors, l'eau tiède, un état des lieux peu réjouissant, ce qui n'a pas empêché
17:21Sean Baker de remporter une palme d'or à Cannes avec Anora devenant le nouvel enfant
17:24chéri du cinéma indépendant, même s'il s'agit quand même de son huitième long
17:28métrage.
17:29Le jeune réalisateur Greg Quédard, qui lui était présent à Deauville pour son joli
17:32film Sing Sing, lui rend hommage à Sean Baker.
17:35« Je suis très fier que des réalisateurs indépendants, malgré une pression énorme
17:42pour rentrer dans le moule, continuent de raconter des histoires émouvantes.
17:46Ils sont peu, comme Sean Baker, à avoir choisi une telle carrière.
17:50La plupart ne vont pas se démarquer pour survivre dans ce système.
17:53C'est un combat. »
17:56Et pour compléter ça, Jean-Baptiste Tauret redéfinit le concept du cinéma du milieu.
18:01« Ce qui caractérise un âge d'or, c'est le niveau des films moyens.
18:05Lors d'un âge d'or, les films moyens, ils sont bons.
18:07Dans un âge qui n'est pas d'or, ce qui est le d'autre, les films moyens, ils sont nuls.
18:11Le critère à regarder, c'est ça.
18:12Il y aura toujours des films intéressants.
18:14C'est un qui les regarde.
18:15Est-ce que, d'une certaine manière, ça infuse le grand public ?
18:18Ça, c'est une véritable question.
18:20Et trois, la classe moyenne des films, elle en est où aujourd'hui ?
18:24Et je pense que le vrai curseur, ou en tout cas le bon thermomètre, c'est celui-là.
18:28Peut-être que celui qui peut réconcilier modernes et anciens, Frédéric, c'est Francis Ford Coppola.
18:32Son Mégalopolis sort chez nous dans quinze jours.
18:34On va en reparler, évidemment, à ce moment-là.
18:36Il a beaucoup clivé à Cannes.
18:37On peut le voir comme un film très de son époque, fait par un cinéaste vétéran.
18:42Reste à savoir, évidemment, s'il va marcher en salle.
18:44Edoville, merci Mathéo Mestraci.
18:46Ça se poursuit jusqu'à dimanche.
18:47On verra bien quel film va récompenser ce jury présidé par Benoît Magimel.
18:51Allez, d'Hollywood, on passe au plateau de tournage français avec Le Fil 2
18:55avec Daniel Auteuil qui sort de Mamet pour parler autant de l'histoire singulière
18:59qui a conduit à ce film et qui est une leçon d'humanité et d'amitié.
19:02Parce que ce film, c'est aussi l'héritage d'un avocat, Jean-Yves Moyard,
19:07qui de son vivant n'aurait peut-être pas imaginé que de ses textes sorte un film présenté à Cannes, puis en salle.
19:12Bonjour Éric Morin.
19:13Bonjour.
19:14Longtemps avocat, ami très proche de Jean-Yves Moyard, plus connu sous le nom de Maître Maud,
19:19ces récits de vie d'avocat qui conduisent à ce film, sur son blog, sur des réseaux sociaux,
19:25c'était pour lui une façon de partager, d'exutoire peut-être aussi, d'une vie d'avocat ?
19:31Oui, comme beaucoup d'avocats, il avait envie de raconter ses histoires.
19:34Alors on est un petit peu contraints par le secret professionnel,
19:38mais il aimait beaucoup travailler la nuit, il écrivait la nuit,
19:41et puis au fil de l'eau, à l'époque où on avait des blogs,
19:45lui il y a eu un blog qui a été énormément suivi,
19:48pas seulement par les étudiants en droit ou les apprentis avocats,
19:51mais au-delà même de ce cercle.
19:53Il définissait comme un petit avocat de province, puisqu'il était à Lille,
19:57il n'avait pas d'autre ambition que de raconter l'humanité de ses clients,
20:00et puis surtout, cette manière de se raconter comme avocat,
20:07pas obligatoirement de manière extrêmement positive,
20:11en parlant de ses peurs, de ses angoisses, de ses émotions,
20:15et pas seulement juste avec une brosse à relouir.
20:18C'est pour ça que j'ai vu que Daniel Otteuil parlait de Maître Maud,
20:22appelons-le comme ça, comme un héros de la défense.
20:26Je pense qu'il ne se considérait pas comme un héros, lui.
20:28Non, il ne se considérait pas comme un héros,
20:30mais en tout cas il avait une cape sous forme de robe d'avocat,
20:32d'ailleurs il raconte une histoire dans son livre
20:35où il se prend les pieds dans les plis de la robe d'avocat,
20:38la robe d'avocat qui est, le grand public ne le sait pas,
20:41mais un petit peu compliquée à l'intérieur,
20:43donc parfois on peut se prendre les pieds dedans.
20:45Donc non, il ne se considérait pas comme un héros,
20:47ni comme un héros ordinaire ou extraordinaire,
20:49mais simplement comme un avocat qui nouait des relations
20:53particulièrement fortes avec chacun de ses clients,
20:56et parfois il racontait ses histoires,
20:58et elles ont atterri un jour entre les mains de Daniel Otteuil.
21:01Vous évoquiez l'intérêt de cet avocat pour l'humanité de ses clients,
21:07vous êtes un ami pudique,
21:08mais ce qui ressort de ces blogs et de la communauté créée
21:12autour de Maître Maud, c'est l'humanité de cet homme.
21:15Oui, il n'y a pas d'autre mot,
21:17c'est aussi un grand mot auquel on peut s'incliner,
21:21mais lui c'était juste ça,
21:23c'était l'humain derrière l'accusé,
21:25c'était l'humain derrière celui contre qui tout se liguait,
21:29c'était l'humain face à une justice qui parfois ne l'est pas.
21:32Il comprit une justice au quotidien,
21:34et pas forcément des grands effets de manches de prétoire.
21:37Et surtout la justice au quotidien,
21:38parce que finalement on a ce terme en tant qu'avocat,
21:41on est des auxiliaires de justice,
21:43on participe à faire en sorte que l'oeuvre de justice se passe,
21:46et je vous assure que vu la façon dont la justice fonctionne
21:49ou dysfonctionne ces dernières décennies,
21:53heureusement que les avocats sont là,
21:55comme les greffiers, comme les magistrats,
21:57pour faire en sorte que le navire ne coule pas.
21:59Vous l'avez accompagné l'aventure du film ?
22:01Oui, j'ai eu cette chance là,
22:03le lendemain du décès de Maître Meaux,
22:05Laurent Beccaria des Arènes a demandé si on pouvait rééditer le livre,
22:10il était libre de droit,
22:11puis ce livre ensuite est atterri via les filles de Daniel Auteuil,
22:16Nelly qui est la coproductrice du film,
22:19et Aurore qui joue dans le film,
22:21entre les mains de Daniel Auteuil,
22:22qui a été vraiment subjugué par ces histoires,
22:25qui a dit je veux en faire un film,
22:26et donc il a choisi une de ces histoires,
22:28puisqu'il y en a plusieurs dans son livre,
22:30pour l'adapter,
22:31et ça donne ce film qui sort demain.
22:33Il en pense quoi Maître Meaux ?
22:35Ou qu'il soit ?
22:37Je pense que ça doit le faire marrer,
22:39je pense que l'expérience de Cannes,
22:42qu'il a dû voir de là-haut,
22:44avec sa femme et ses trois enfants montant les marches,
22:47et le tapis rouge,
22:48a dû aussi le faire marrer,
22:50mais il avait aussi parfois la larme facile,
22:54derrière le rire bruyant,
22:56et je pense que ça doit l'émouvoir profondément.
22:59Oui, parce que dans l'humanité,
23:00il y a quelque chose que vous partagez infiniment,
23:02bon vivant, vous, comme lui.
23:04Oui, c'est ça la vie d'un vocauste.
23:07C'est parfois,
23:08alors il finissait ses histoires avec,
23:10allez, coupette,
23:12parce qu'il était un grand fan de champagne,
23:14d'ailleurs sur la couverture du livre de poche,
23:16on voit avec une petite fuite de champagne,
23:18c'était une manière aussi de,
23:20c'est lourd de défendre,
23:22c'est lourd de défendre des hommes ou des femmes,
23:26qui parfois ont commis,
23:28ou qui sont tout simplement accusés,
23:30de choses particulièrement graves,
23:31le dernier journal nous en racontait certaines,
23:34donc parfois, bah oui,
23:36on trouve des exutoires,
23:38et aller boire une coupe de champagne,
23:40parfois ça aide.
23:41On est là dans un film de prétoires,
23:43à hauteur d'homme,
23:44ce que doit être tout film de prétoires, après tout.
23:46Oui, alors...
23:47J'enfonce les portes ouvertes.
23:48En revoyant à nouveau le film hier soir,
23:51c'est vrai, on n'est pas très doués en France,
23:53pour les films de procès,
23:55parce qu'on a un système judiciaire,
23:57qui n'est pas aussi enlevé,
23:59avec un rythme différent,
24:01de celui des Américains, des Anglo-Saxons,
24:04il y a la vérité de Clouseau,
24:05il y a...
24:06Il y a la palme d'or de Justine Trillet.
24:08Oui, avant il y avait l'honneur d'un capitaine de Schoendorfer,
24:10et puis là, il y a le fil,
24:12parce qu'il y a un montage,
24:13véritablement qui prend,
24:15on est pris du début jusqu'à la fin,
24:17dans un film de deux heures,
24:18et puis il y a une fin,
24:19que je laisse les spectateurs découvrir,
24:22ou des fins, plutôt.
24:23On ne veut pas spoiler.
24:24En bon français.
24:25Merci infiniment.
24:26Merci à vous.
24:27Éric Morin d'être venu évoquer le film,
24:29le fil,
24:30et puis votre ami,
24:31maître mot, Jean-Yves Moyard.
24:32Excellent teasing, Éric Morin, merci.
24:34Frédéric Carbone, à demain.
24:36À demain, absolument.