7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Procès des viols de Mazan: le double visage de Dominique Pelicot
Lors du sixième jour d'audience, la personnalité de Dominique Pelicot a été décortiquée dans le cadre du procès des viols de Mazan.
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00:00Dominique Pellicot, le principal accusé de ce procès des viols de Mazan, doit en principe
00:11être interrogé pour la première fois aujourd'hui.
00:13En principe parce qu'hier, en fait, il a quitté le tribunal, il était malade et il
00:19n'a pas assisté à l'audience d'hier qui a consisté à l'audition des experts psychiatres
00:25et psychologues qui ont interrogé longuement, depuis trois ans, Dominique Pellicot et on
00:30en parle avec Mélanie Bertrand qui suit le procès pour BFMTV devant cette cour criminelle
00:37du Vaucluse à Avignon.
00:38Bonjour Mélanie.
00:39On est également en direct avec Caroline Legendre, psychologue clinicienne spécialisée
00:43dans la prise en charge thérapeutique des auteurs de violences sexuelles.
00:46Ça va être intéressant de vous entendre Madame Legendre, vous êtes ancienne experte
00:49auprès des tribunaux et vous êtes la coautrice des hommes parmi nous soignés, les auteurs
00:54de violences sexuelles parus aux éditions du Détour.
00:57Hier, on le disait, les experts ont décrit à la barre le double visage, la double facette
01:03de Dominique Pellicot, un bon père de famille, un grand-père également, mais également
01:08un prédateur sexuel et le mot-clé des experts c'est le clivage, le clivage de la personnalité.
01:14Écoutez notamment Paul Bensoussan, expert qui a témoigné hier à la barre, à la sortie
01:19de l'audience hier soir.
01:21Voilà, le mot-clé je crois c'est le clivage, c'est-à-dire que dans une même personnalité
01:25peuvent coexister des réalités différentes et incompatibles, qui coexistent néanmoins,
01:31d'où la cécité psychique de l'entourage.
01:34Cette affaire est une énigme à la fois psychiatrique, psychologique et surtout sexologique et le
01:39travail des avocats de la Défense va être d'élucider cette énigme car il est très
01:43difficile de mettre dans la même case Monsieur Pellicot et les 50 coaccusés.
01:49Très précisément Mélanie Bertrand, vous qui assistez évidemment au procès depuis
01:52le début, qu'est-ce qui ressort du témoignage, non seulement des experts psychiatres, ils
01:55étaient deux, mais aussi des deux psychologues.
02:00C'est vraiment que Dominique Pellicot a une double personnalité, une double facette c'est
02:05l'expression qu'a utilisée une psychologue hier à la barre.
02:08Vous le disiez à la fois un mari aimant, un bon grand-père qui aidait ses enfants,
02:12ses petits-enfants à faire leurs devoirs et le soir venu un homme qui se transformait
02:16en prédateur sexuel qui a recruté pendant dix ans des dizaines d'inconnus pour leur
02:20livrer son épouse et organiser des viols, c'est vraiment ça qui est revenu et vous
02:25l'entendiez dans la bouche de ce psychiatre qui a expertisé Dominique Pellicot, le mot
02:29qui est revenu le plus souvent hier c'était ce fameux clivage, c'est-à-dire cette capacité
02:34chez une même personne d'avoir plusieurs personnalités qui cohabitent, des personnalités
02:38parfois opposées qui lui ont fait mener des vies parallèles.
02:42Un mot aussi évidemment sur la sexualité de Dominique Pellicot qui a été longuement
02:46disséquée hier, les psychiatres estiment qu'il était habité par des fantasmes obsédants,
02:51qu'il n'avait plus aucune barrière, que c'était son plaisir qui prédominait avant
02:55tout.
02:56Mélanie, ce qui est tout à fait troublant c'est que tout ça a duré longtemps, une
03:00dizaine d'années au moins et c'est une double facette que personne n'a pu détecter
03:05dans sa famille, il n'y a jamais eu le moindre signe, le moindre doute.
03:13Non vraiment, ses proches décrivaient un bon père de famille, un mari adorable avec
03:20son épouse, les amis du couple avaient décrit un couple fusionnel sans fausse note pour
03:24reprendre l'expression d'une psychologue, alors c'est vrai qu'au fil de l'instruction
03:29ses fils ont décrit quand même un homme qui pouvait être colérique, qui ne supportait
03:33pas la contradiction, qui pouvait avoir des colères froides, mais vraiment ça c'était
03:37dans l'intimité on va dire du noyau familial en façade, Dominique Pellicot c'était
03:42un homme de retraité tranquille qui faisait des sorties à vélo avec ses voisins, on
03:45est très loin de l'homme dangereux qui est dans le boxe maintenant ici depuis huit
03:49jours à Avignon.
03:50Caroline Legendre, dans votre parcours, est-ce que vous avez déjà été confronté à ce
03:54genre de profil ?
03:55Oui, alors tout à fait sur le plan effectivement psychodynamique, psychologique tel que l'ont
04:03décrit les experts à la barre avec cette notion de clivage, effectivement le clivage
04:10c'est vraiment un mécanisme de défense très puissant, inconscient, qu'on retrouve
04:15souvent chez les auteurs de violences sexuelles et qui fait effectivement, les experts l'ont
04:19bien dit, qui explique qu'en apparence ce sont des hommes tout à fait ordinaires, c'est
04:23vraiment ce dont on parle beaucoup dans ce livre, ces hommes parmi nous, ça veut bien
04:28dire effectivement que ces auteurs de violences sexuelles peuvent être le bon père de famille,
04:34le grand-père, le voisin, l'instituteur, etc.
04:37Et effectivement il y a toute une partie de leur fonctionnement psychique qui est complètement
04:41clivé, qui est sous l'emprise des pulsions et qui va être à l'origine des comportements
04:48sexuels violents.
04:49C'est bien ça ce qui fait l'énigme des actes de violences sexuelles, notamment de
04:55ce type d'affaires.
04:56Ce qu'on ne comprend pas en fait c'est le mécanisme, la source originelle qui débouche
05:03sur une affaire et des comportements aussi épouvantables.
05:07Oui tout à fait, donc effectivement c'est pour ça que je pense que c'est d'autant
05:12plus sidérant cette affaire qui est effectivement assez hors norme.
05:17Moi dans mon parcours de psychologue clinicienne en prison, en milieu carcéral où j'ai notamment
05:22monté, piloté des dispositifs de soins pour les auteurs de violences sexuelles, j'ai
05:27rarement rencontré ce type d'affaires aussi spectaculaires avec une répétition
05:33d'actes qui durent aussi longtemps et avec un nombre de co-auteurs présumés aussi importants.
05:40Evidemment c'est une affaire très spectaculaire, d'autant plus que les faits, et je dirais
05:47la gravité et la monstruosité des faits, ce qui ne veut pas dire que le sujet est un
05:55monstre, mais les faits sont terribles, sont sidérants.
05:59Ces faits s'opposent à l'ordinaire, à ce parcours de vie complètement ordinaire
06:05et à cette personnalité ordinaire visiblement qui est décrite de cet homme.
06:11Donc c'est ça qui est stupéfiant, on est dans l'impensable, on est dans l'impensable
06:15par rapport à…
06:16Ce qui était frappant madame hier à l'audience en écoutant les différents experts, c'est
06:22de voir qu'à aucun moment au cours de ces dix années, cette double personnalité,
06:26à aucun moment le sentiment de culpabilité ne l'a arrêté.
06:30Oui, effectivement, c'est quelque chose de très frappant.
06:36Alors quand on parle de clivage, ça va avec le déni, c'est-à-dire que souvent ce type
06:41de personnes, les auteurs de liens sexuels et notamment de faits à répétition, comme
06:47c'est le cas, si à un moment donné peuvent reconnaître les faits mais ne se reconnaissent
06:53pas dans les faits, se sentent complètement étrangers, c'est bien ça le principe du
06:57clivage qui est vraiment quelque chose de très difficile à réaliser.
07:02Donc à partir du moment où toute cette réalité-là est évacuée du psychisme de l'auteur,
07:09évidemment ça va avec une absence de sentiment de culpabilité et je dirais aussi ce qui
07:14est très commun pour ce type d'auteurs de liens sexuels, c'est le déni d'altérité,
07:20c'est-à-dire que l'autre, au moment des faits, en l'occurrence la victime, n'existe
07:26pas en tant que sujet, il est considéré comme un objet, un objet justement à soumettre,
07:33à posséder, à dominer.
07:35Je crois que cette histoire-là illustre complètement, l'histoire de la soumission chimique illustre
07:42complètement le besoin de possession, de domination, de destruction qui est à l'oeuvre
07:49chez la plupart des auteurs de violences sexuelles et qui effectivement va bloquer le sentiment
07:53de culpabilité.
07:54Et il a l'intention de faire face, il a bien l'intention, Dominique Pellicot, de répondre
08:00aux questions, en dépit de la petite incertitude qu'il plainte sur son état de santé.
08:03Écoutez ce que disait son avocat hier.
08:05Je pense que monsieur Pellicot a suffisamment à assumer et endosser pour rajouter en plus
08:12un phénomène d'absence volontaire à des débats qui le concernent.
08:17Depuis le début, il me dit qu'il attend ce procès, depuis le début il me dit qu'il
08:21s'expliquera.
08:22Ça serait vraiment bien mal à propos de venir dire qu'il est absent volontairement
08:25et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé au président de faire état du suivi médical
08:30de monsieur Pellicot pour justement contenter les confrères qui pouvaient penser que c'était
08:34une absence pour les besoins de la cause.
08:35Donc il répondra aux questions, mais Dany Bertrand, comment il se comporte, Dominique
08:40Pellicot, comment il est dans le boxe depuis le début du procès ?
08:42C'est difficile à dire parce qu'il n'a pas encore eu la parole, on le voit tour
08:48à tour attentif, parfois fatigué, quand par exemple sa fille Caroline Darion a pris
08:53la parole la semaine dernière, on l'a vu pleurer dans le boxe, clairement il cherche
08:57sa famille du regard à chaque fois qu'il entre dans cette salle d'audience.
09:00Il faut savoir que Dominique Pellicot il fait face clairement de l'autre côté de
09:03la salle, mais à quoi, une dizaine de mètres à son épouse et à ses enfants qu'il n'avait
09:07pas revu depuis 4 ans et c'est vrai qu'on a très envie de l'entendre maintenant, enfin,
09:12le procès a commencé depuis 8 jours et il n'a toujours pas eu la parole, on sera fixé
09:15tout à l'heure en début d'audience sur son état de santé.