Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste, était l'invité de franceinfo le 5 septembre 2024. Il répondait aux questions d'Agathe Lambret et Jean-Rémi Baudot.
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00:00Oui, Fabien Roussel, rebonsoir. Je rappelle que vous êtes secrétaire nationale du Parti Communiste.
00:05Vous venez d'écouter avec nous cette passation de pouvoir et ces premiers mots de Michel Barnier en tant que Premier ministre.
00:12Michel Barnier qui a insisté sur la sécurité du quotidien, la maîtrise de l'immigration, le travail, le niveau de vie des Français.
00:20Il veut, dit-il, répondre au sentiment d'abandon, respecter les gens d'en bas.
00:24Il veut être un Premier ministre qui dira la vérité. Quand vous entendez ces premiers mots, est-ce que vous ne vous dites pas que ça va dans le bon sens ?
00:33Qu'est-ce que vous en retenez ?
00:36Vous savez, quand un Premier ministre dit qu'il faut défendre l'accès aux services publics, à l'école, à la sécurité, à la santé,
00:48on sait tous que ça va nécessiter des moyens financiers conséquents pour réparer tout ce qui ne va pas de ce côté-là et que de l'autre.
00:55Et que tout de suite après, il vous dit mais je vais vous dire la vérité, on va devoir parler de la dette financière en deux mots.
01:02Il a dit tout de suite qu'il ne faut pas rêver. Il ne faut pas rêver parce que la question de la dette va continuer d'être agitée comme un grelot
01:09devant les Français pour qu'il n'y ait pas les investissements et qu'au contraire, on nous demande de toujours nous serrer la ceinture.
01:15Je dis simplement que moi, je n'ai aucune illusion sur la politique que va mettre en œuvre Michel Barnier.
01:24Ça fait 51 ans qu'il fait de la politique, commissaire européen. Il a commencé sous Georges Pompidou, commissaire européen, ministre sous Nicolas Sarkozy, sous François Fillon.
01:34C'est un ultralibéral, un défenseur de l'Union européenne ultralibérale. Il a notamment défendu le oui à la Constitution européenne en 2005.
01:43Et donc, je n'ai aucune illusion. Et je demande simplement que le Français soit juge de sa politique.
01:49Vous n'attendez même pas son discours de politique générale, ses premières mesures. Ça veut dire quoi ce que vous dites ?
01:53Ça veut dire que vous le censurez d'office a priori ? Vous voteriez une censure contre lui ?
01:59Oui. Je n'ai aucune illusion sur la politique qu'il va mener au regard de la manière dont le président de la République a mené ses consultations
02:07et le choix qu'il a fait, sachant qu'en plus, le Rassemblement national est très ambigu sur le fait, sur leur soutien, sur la censure de ce gouvernement.
02:19Donc, on est en train de comprendre que le Rassemblement national va laisser Michel Barnier gouverner.
02:25C'est d'ailleurs une trahison pour leurs électeurs. Eh bien, oui, si c'est ça, nous n'aurons aucun état d'âme à censurer ce gouvernement.
02:35Vous le censurerez ou pas, Fabien Roussel ?
02:39Comme je l'ai dit depuis le début, l'abrogation de la réforme de retraite, c'est incontournable pour nous.
02:45La hausse des salaires, c'est incontournable pour nous. Les investissements dans les services publics aussi.
02:51Je sais que Michel Barnier ne va pas mener cette politique-là. Autant sur ces sujets, je pense qu'on aurait pu discuter avec Xavier Bertrand.
03:00Autant je sais qu'avec Michel Barnier, c'est fermé. Je pense que nous voterons une motion de censure à coup sûr.
03:07Parce qu'aujourd'hui, je n'ai rien entendu d'ailleurs dans le discours qu'elle a prononcé ce soir,
03:12comme quoi il y aurait des changements importants qui répondraient aux attentes des Français sur ces questions-là.
03:17En tout cas, Emmanuel Macron a chargé Michel Barnier de former un nouveau Rassemblement, je cite, un nouveau gouvernement, un gouvernement de rassemblement.
03:26Et Michel Barnier, ce soir, a promis dans son discours beaucoup d'écoute et de respect vis-à-vis de toutes les forces politiques, vis-à-vis des partenaires sociaux aussi.
03:35Est-ce que vous seriez prêt, s'il vous le proposait, à intégrer un gouvernement, justement pour pouvoir peser sur la ligne ?
03:43Non, mais non. Enfin, Madame Lambret, sincèrement, il nous a fallu quelques heures pour aller regarder ces dernières déclarations à Michel Barnier.
03:54Nous sommes contre la retraite à 64 ans. Il défend la retraite à 65 ans.
04:00Nous contestons la Commission européenne, ses injonctions, ses politiques d'austérité.
04:06Il vient de là. Il a été commissaire européen.
04:09Il a demandé des efforts conséquents, incroyables, au budget de la France quand il était commissaire européen.
04:17Et c'est lui que nous allons avoir devant nous.
04:19Donc, hors de question que la gauche participe au gouvernement.
04:22Et pourtant, vous avez entendu, Fabien Roussel, Gabriel Attal, comme Michel Barnier, ont dénoncé le sectarisme.
04:29La politique française est malade. On en sortira à condition de sortir du sectarisme, a dit Gabriel Attal.
04:35Et Michel Barnier, dans cette continuité, a dit que le sectarisme est une preuve de faiblesse.
04:41Est-ce que si on en est là, aujourd'hui, ce n'est pas aussi à cause du sectarisme d'une partie de la classe politique
04:48qui ne veut pas se mettre autour de la table et travailler ensemble ?
04:51Ce sectarisme dans la classe politique, il existe. Je le reconnais.
04:58Moi, je peux vous dire une chose, c'est que quand nous avons été voir le président de la République,
05:03avec Lucie Castex et les trois autres responsables de la coalition que nous avons formée,
05:08nous avons dit au président de la République que nous étions prêts à construire des compromis,
05:13à travailler avec les autres forces politiques, les autres groupes,
05:17pour construire des majorités parlementaires, pour avancer ensemble.
05:21Nous avions un programme et nous le mettions à disposition pour travailler à partir de ce programme.
05:27Nous étions prêts à construire ces compromis.
05:29Ce n'est pas ce que certains ont dit au Nouveau Front Populaire, Fabien Roussel.
05:32Certains ont dit le programme, rien que le programme.
05:34Oui, mais ça c'est Jean-Luc Mélenchon, je sais.
05:37À chaque fois que vous dites ça, je vous parle des quatre forces du Nouveau Front Populaire,
05:42de ses quatre représentants et de Lucie Castex, et de ce que nous avons dit au président de la République,
05:48de ce que nous avons écrit à l'ensemble des groupes de l'Assemblée Nationale.
05:52Nous sommes prêts, nous étions prêts et nous sommes toujours prêts à construire des majorités.
05:57Même à gauche, certains ne sont pas d'accord avec cette analyse.
06:02Le socialiste, par exemple, il dit que le deuxième responsable de la nomination de Michel Barnier,
06:06eh bien c'est la gauche.
06:08La gauche qui a préféré se draper dans la posture de l'intransigeance stérile
06:11plutôt que de chercher des compromis utiles.
06:13Est-ce que vous n'avez pas finalement facilité la nomination d'un homme de droite
06:18en vous opposant à un homme de gauche, Bernard Cazeneuve, en lui promettant la censure a priori ?
06:22Vous, vous ne l'avez pas fait.
06:24Vous, je note Fabien Roussel, que vous ne censureriez pas Bernard Cazeneuve a priori,
06:27mais d'autres l'ont fait à gauche.
06:29Finalement, Emmanuel Macron s'est tourné vers la droite.
06:31Est-ce que le nouveau Front Populaire n'a pas une part de responsabilité ?
06:35Pas du tout, parce que, vous l'avez dit, moi pour ma part,
06:39j'ai annoncé qu'il n'y aurait pas de censure systématique et automatique
06:43à l'encontre de Bernard Cazeneuve, comme à l'encontre de Xavier Bertrand,
06:48parce que nous avons pu exprimer nos lignes rouges,
06:52nous avons pu leur dire que nous avons besoin de discuter avec eux de ces sujets
06:57et ils étaient prêts à le faire.
07:00Et donc, je ne vois pas de quelle manière nous aurions pu dire
07:03eh bien on va vous censurer à l'avance.
07:05Ce n'est pas la même chose avec Michel Barnier.
07:08Mais le Parti Socialiste était prêt à censurer Bernard Cazeneuve.
07:13Est-ce que vous ne le déplorez pas a posteriori ?
07:15Non.
07:16Quand vous avez entendu les mots de Bernard Cazeneuve ce matin,
07:18qui a parlé de progrès social, de justice sociale pour la réforme des retraites,
07:22vous ne vous êtes pas dit que la gauche avait été dans la posture
07:25et que vous le déploriez ?
07:27Pas du tout.
07:28La gauche, en tout cas celle que je représente,
07:32se bat tous les jours pour obtenir des avancées
07:36pour le peuple de France, pour le peuple travailleur,
07:39pour le monde du travail, pour les ouvriers comme les agents de la fonction publique.
07:42On se bat, nous, communistes, parlementaires communistes, partout,
07:45pour obtenir des avancées, pour les arracher.
07:48Même quand on est dans l'opposition, on se bat et on arrive à gagner parfois.
07:52Et donc on se dit que même quand on arrive à gagner dans l'opposition,
07:55imaginez si demain nous étions en responsabilité.
07:57En tout cas, ce n'est pas le choix qu'a fait le Président de la République.
08:00Nous, nous voulons toujours être constructifs, nous sommes combattifs,
08:03nous voulons arracher des avancées pour le monde du travail.
08:05Nous le ferons, sous le gouvernement dirigé par Michel Barnier.
08:09Il y a 193 députés du Nouveau Front Populaire.
08:12C'est le premier bloc politique de l'Assemblée Nationale.
08:16Vous serez constructif.
08:17Nous serons constructifs, mais nous ne céderons rien, en tout cas,
08:21sur ce que nous pensons important pour le monde du travail.
08:24Nous refuserons l'allongement de l'âge de départ en retraite,
08:27alors qu'aujourd'hui il est déjà de 64 ans.
08:29Nous refuserons toute mesure d'économie supplémentaire sur nos services publics.
08:34Si Barnier nous présente un budget identique,
08:37voire en baisse par rapport à celui de cette année,
08:40mais bien sûr que nous censurons un tel gouvernement
08:43parce que ce sera de nouvelles souffrances pour notre pays,
08:46pour nos services publics, pour le monde du travail.
08:48Merci Fabien Roussel. Je rappelle que vous êtes secrétaire nationale du Parti Communiste.
08:52Merci d'avoir été l'invité de France Info, ce soir.