À 6h20, Pascal Brice, Président de la Fédération des acteurs de la solidarité, est l'invité de Mathilde Munos. La fédération publie son baromètre "Enfants à la rue 2024" avec ce chiffre alarmant : 2 043 enfants sont à la rue en cette rentrée. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-29-aout-2024-9538737
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00:00Il est 6h21, il y a en France plus de 2000 enfants SDF, 2043 précisément selon le
00:14dernier baromètre Enfants à la rue que vous dévoile ce matin France Inter, un décompte
00:18réalisé il y a 10 jours par l'UNICEF et par la Fédération des Acteurs de la Solidarité
00:23que vous présidez, Pascal Brice, bonjour.
00:26C'est le sixième baromètre et la tendance n'est pas bonne, clairement pas, même, les
00:30chiffres sont en hausse de 120% en 4 ans, mais comme ce ne sont pas que des chiffres,
00:36ce sont des êtres humains, qui sont ces enfants ?
00:38Oui, c'est au moment où nous préparons les uns les autres la rentrée de nos enfants,
00:44petits-enfants, au minimum, parce que là ce sont les familles qui appellent le 115,
00:49beaucoup n'appellent même plus, plus de 2000 enfants qui sont dans nos rues, ce sont
00:55des enfants, le quart ont moins de 3 ans, ce sont des enfants qui le plus souvent sont
01:01inscrits à l'école, donc il faut imaginer qu'à partir de lundi ou de mardi de la rentrée,
01:06ce sont des enfants qui vont dans la journée aller à l'école, belle chose, ça fait
01:09partie des belles choses de notre pays, et puis le soir quand leurs copains et copines
01:14de classe vont rentrer dans le logement familial, ben eux ils seront à la rue.
01:19Et quelle vie ont ces enfants ?
01:20Une vie particulièrement heurtée et difficile, on l'imagine bien, on voit bien, des gamins
01:29qui vivent le plus souvent dans des campements, avec leur famille souvent, avec des mamans
01:35seules, et vous voyez bien, à des âges qui sont des âges très importants pour le développement
01:42de ces enfants, il y a là quelque chose d'extraordinairement violent, d'ailleurs il faut ajouter à ces
01:48enfants qui sont à la rue, toutes celles et ceux, 8000 au minimum, qui sont dans des
01:53hôtels de fortune, et on voit bien ce que ça veut dire, y compris pour l'accompagnement
01:56social, pour les travailleurs sociaux, les bénévoles de nos associations qui les accompagnent
02:00dans ces conditions-là, ce que ça signifie que d'être dans un hôtel de fortune avec
02:04des adultes, avec des formes aussi, ben la violence de la rue, et la violence de la rue
02:09elle est particulièrement insupportable pour des enfants.
02:11Et quand on a été enfant à la rue, on arrive à s'en sortir un jour ou la rue c'est pour
02:15toujours ?
02:16Il y a la fatalité de la pauvreté de manière générale, il y a la fatalité, l'effet
02:23de la violence, on sait qu'on a de manière générale, dans notre pays, une dégradation
02:31très profonde de la santé mentale des jeunes.
02:33Ces enfants-là, il y a quelque chose d'extraordinairement difficile, et c'est la raison pour laquelle
02:40il faut absolument que nos associations soient en situation de les accompagner, elles et
02:44leurs familles, de manière durable.
02:45Alors ce qui est merveilleux, parce que c'est notre grand pays, ils vont à l'école,
02:50elles vont à l'école ces petits, ces petites, et ça c'est précieux, c'est fondamental
02:52y compris pour leur équilibre.
02:53Et vous voyez bien que retrouver la violence de la rue en sortant d'école, ça c'est
02:58insupportable.
02:59Alors je le disais, c'est le sixième baromètre, les chiffres explosent, je le répète, 2043
03:04enfants au minimum qui dorment à la rue, pourquoi ça augmente ?
03:10Ça augmente parce que nous sommes encore une fois dans un pays très protecteur, il
03:16y a 10 millions de pauvres en France, 14% de pauvres en France.
03:20Si nous n'avions pas toutes ces aides, ces redistributions, on serait 22%.
03:23Donc il faut redire que nous sommes un grand pays.
03:25Mais il y a des failles, et des failles de plus en plus importantes, et notamment depuis
03:30la sortie du Covid, dont semble-t-il on n'a pas su collectivement tirer les bonnes leçons.
03:36C'est-à-dire qu'à la fin de 2020, à ce moment-là, les familles sont prises en
03:43charge en hébergement d'urgence.
03:45Et puis là, depuis, c'est le repli, c'est la baisse du nombre de places d'hébergement
03:50d'urgence.
03:51C'est un refus du point de vue de la situation de ces enfants, mais de manière plus générale
03:56dans la lutte contre la pauvreté, de se donner les moyens d'agir dans l'urgence et dans
03:59la durée contre la pauvreté.
04:01Parce qu'on sait très bien qui est dans les rues, des travailleurs pauvres, des gens
04:06qui dorment dans leur voiture, mais qui bossent.
04:08Des femmes victimes de violences parmi ces enfants, beaucoup sont avec des femmes qui
04:14ont dû quitter le foyer familial et qui ne sont pas prises en charge, et qui se retrouvent
04:19dans des situations extrêmement difficiles.
04:20Des jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance, de plus en plus des hommes et des femmes qui
04:26ont des problèmes de santé mentale et qui ne sont plus pris en charge dans les hôpitaux
04:30psychiatriques.
04:31Et donc vous avez toutes ces personnes qui sont de plus en plus nombreuses dans les rues,
04:35et qui sont prises en charge tant bien que mal, soit par les collectivités locales dont
04:39ce n'est pas le boulot, et qui ont de moins en moins de moyens pour le faire, et par nos
04:42associations qui elles aussi sont en grande difficulté.
04:45Moi j'alerte sur ce plan.
04:46C'est-à-dire qu'on a une situation, une réalité qui se dégrade, et face à cela
04:49des associations qui ont de moins en moins les moyens de faire face.
04:52Est-ce qu'il y a aussi un lien avec l'immigration des gens qui ont fui des guerres, des persécutions,
04:56et avec un lien aussi avec notre politique migratoire ou d'accueil de ces personnes ?
04:59Absolument.
05:00C'est une réalité qu'il faut regarder en face.
05:02Vous avez une bonne partie de ces enfants qui sont des enfants qui accompagnent des
05:05parents qui sont effectivement dans des processus de migration.
05:09On imagine la violence de ces parcours pour ces enfants-là.
05:12Et on a à faire là une conséquence des failles de notre politique migratoire.
05:17Ce sont des enfants avec leur famille qui devraient être pris en charge de manière
05:21à pouvoir accéder à un séjour, et notamment pour les familles à travailler, et puis pour
05:25certaines et certains d'entre elles, à être reconduites si jamais elles ne relevaient
05:28pas du droit de séjour.
05:29Là, on est dans cette espèce d'hypocrisie générale qui fait qu'on a des discours de
05:35plus en plus stigmatisants avec cette loi immigration, qui en réalité empêche les
05:38entreprises d'embaucher les parents, et du coup on a des gens qui sont dans les rues
05:42au détriment de leur propre dignité et de l'ordre public dans nos rues.
05:47Il y a deux ans, le gouvernement avait fixé comme objectif zéro enfant à la rue.
05:50Qu'est-ce qui a été mis en place pour essayer d'y arriver ?
05:53Écoutez, promesses non tenues, promesses non tenues, beaucoup de communications.
05:58Vous savez, depuis, encore une fois, la sortie du Covid 2020-2021, nous avons affaire à
06:05des gouvernements qui, encore une fois, sur font de… il n'y a jamais eu autant de
06:10places d'hébergement d'urgence en France qu'aujourd'hui.
06:12Nous sommes un grand pays, un pays qui protège.
06:15Mais là, on a affaire à des gouvernements qui ont fait le choix du repli, de réduire
06:21l'effort qui était consenti, et de stigmatiser.
06:24Et donc, moi je redis que nous avons la besoin, et surtout dans ce moment politique un peu
06:29pour le moins étrange et pour le moins inquiétant pour celles et ceux qui combattent la pauvreté
06:35et les précarités, que nous ayons besoin de mesures d'urgence, que ces enfants soient
06:37pris en charge et qu'on s'attaque à ce qui fait durablement la pauvreté dans ce
06:42pays, et notamment celle des enfants.
06:44Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, vous publiez
06:48aujourd'hui le sixième baromètre « Enfants à la rue ».