• il y a 2 mois
Monsieur Eugène Zadi, écrivain, auteur du recueil de poèmes "L'AME CASSÉE"
Transcription
00:00Les origines? Écoutez, je suis Ivoirien. Je suis né à Souré, donc à Yakouli-Dabou,
00:15comme vous l'avez signalé, d'une famille de paysans, comme la plupart des Ivoiriens
00:22de ma génération. Mon père a été planteur, ma mère était ménagère. Les deux se sont
00:31mariés. Ma mère a épousé mon père très jeune. Mais je suis né d'une famille polygamique.
00:42Mon père avait trois femmes, mais je n'ai jamais ni été témoin, ni entendu parler
00:52d'une querelle entre ma mère et sa co-épouse, jamais. Donc, en fait, moi j'ai grandi dans
01:01mon esprit comme quelqu'un qui avait trois mères, parce qu'elles m'ont aimé d'égale
01:09manière. Et nous avons été toujours très unis, très soudés, avec des aînés qui
01:15ont marqué notre vie, ou nos vies, parce que je n'étais pas seul, bien sûr. Nous
01:22étions dix-sept, énormément de dix-sept. Ou dix-sept, pas de la même mère, mais de
01:29trois mères, bien sûr. Et maintenant, donc, la vie faisant, écoutez, ce qui reste, c'est
01:36de vivre autant que possible dans l'union, dans la paix, dans les souvenirs aussi de
01:44nos parents et de nos aînés qui nous ont précédés. Voilà, donc je suis de Soubré,
01:50et pour dire un petit quelque chose sur mon père, il était d'abord très chrétien,
01:56très pratiquant. Ma mère est devenue, par la suite, chrétienne. Et puis, avec sa co-épouse,
02:04ils ont suivi le chemin de notre père. On a toujours eu une enfance tranquille, aucune
02:09difficulté. Les difficultés ont commencé quand j'ai commencé à aller à l'école,
02:13mais là, c'est le lot quotidien de tous les jeunes qui, à notre époque, au début
02:18des années 60, nous sommes allés à l'école. L'école était très loin. Mon village à
02:26Soubré, ça faisait quand même une trentaine de kilomètres, et c'était que des pistes.
02:33Mais on n'allait pas à l'école à pied, à 20 kilomètres. Je veux dire, l'école,
02:38c'était à Soubré, et à Soubré, la vie était quand même très, très, très difficile
02:43à cette époque-là. Voilà.
02:49J'ai du mal à me définir moi-même parce
02:52qu'il est difficile d'être dans la maison, à la fenêtre, et souvent à passer dans
02:57la rue. Donc, c'est plutôt les autres qui peuvent dire « Eugene est ainsi » ou « il
03:03est cela ». Je ne sais pas, j'ai du mal à me définir. Mais comme beaucoup de monde,
03:09une des choses qui me transperce le cœur, c'est la trahison. C'est vraiment la pire
03:18des choses. Et la trahison, comme je l'ai vue en face, je l'ai vécue. Et ça, ça
03:24fait mal. Mais on s'en remet par une capacité de résilience. Et j'ai appuyé au plus profond
03:31de moi-même pour survivre à cela. Voilà. Ce qui me caractérise aussi, c'est qu'après
03:38tout, nous vivons trop peu de temps sur cette terre, donc la meilleure des choses, c'est
03:45d'aimer l'autre. Voilà. La meilleure voie pour aller ensemble, c'est de partager quelque
03:50chose ensemble. Donc, j'aime l'autre. J'aime l'homme. Maintenant, j'ai appris
03:56maintenant aussi à faire attention à l'homme.
04:03Oui, mon enfance à l'école primaire a soubré. Je crois que ça a façonné ma vie. Parce
04:11qu'à cette époque-là, ce n'est pas évidemment la vie d'aujourd'hui. Nous habitions, nous
04:20étions nombreux chez mon vieil oncle, qui était lui également polygame, comme la plupart
04:27des gens à cette époque. Mais en revanche, c'était une famille polygamique où la vie
04:33était difficile parce que les deux épouses étaient, si je pourrais dire, quasiment ennemies,
04:38c'est exactement ce qu'on voyait dans les contes. Donc, pour nous, ses neveux, ses petits
04:45cousins, on venait d'un peu partout, on habitait tous ensemble, on mangeait ensemble, on partageait
04:50peu de choses, le peu qu'ils gagnaient dans la vie parce qu'ils travaillaient extrêmement
04:55dur. Et nous avions eu cette enfance à l'école primaire très, très, très difficile. Et
05:06on parcourait des kilomètres pour aller couper du bois de chauffe. C'était vraiment des corvées
05:15difficiles. Quand on est enfant, au CP1, CP2, jusqu'au CE1, porter des charges lourdes sur des
05:23kilomètres et le lendemain s'apprêter, d'abord faire la corvée de la vaisselle, de l'eau aussi,
05:30etc. Puis ensuite aller à l'école, revenir, refaire la même chose et vous êtes dix ou quinze
05:35à manger dans le même plat. Il fallait être solide, il faut s'en sortir. Mais, bien que ce
05:43fût difficile, j'en retiens un très, très grand souvenir, un très bon souvenir, du très bon
05:48souvenir, le partage, voilà, l'amour des autres. Et puis, savoir aussi que gagner sa vie, c'est pas
05:56une petite affaire. Parce que mon oncle était transporteur, il avait deux épouses et tous les
06:05jours, il allait, il prenait les gens à Soubray, il les emmenait dans d'autres villages, surtout.
06:10Mais le plus loin qu'il allait, je crois, c'était Gagnois ou ici, ou même Daloa. C'était le plus
06:15loin qu'il allait. Mais chaque jour, il fallait qu'il ramène de quoi manger. Voilà, c'est ça.
06:20Donc, c'est pas qu'il nous ait fait souffrir de lui-même, pas sa volonté, non, mais c'est parce
06:28que les choses étaient rares. Écoutez, j'ai commencé par être journaliste. Je suis né,
06:39quasiment, je pourrais dire, journaliste parce que c'est un métier qui m'a passionné. Quand
06:44j'étais enfant, ce que je voulais faire dans ma vie, il y avait deux métiers, je crois,
06:51qui me fascinaient. Je voulais être journaliste ou avocat. Journaliste ou avocat pour défendre
06:59les gens, les plus faibles. C'était ça, ma préoccupation. Mais j'ai fini par être journaliste
07:07parce qu'après le bac, du moins, dès la sixième, j'ai eu des amis avec lesquels on a constitué un
07:20petit groupe et on a fait un journal de notre classe. Et puis, on critiquait les aînés. Bon,
07:26ça se passait parfois mal, mais bon, on était obstinés. On avait fait cela et avec le temps,
07:33ça m'a plu. Cet ami-là, même temps, j'ai oublié le nom, mais je crois qu'il est devenu pharmacien
07:37par la suite. Donc, on s'est mis dans la presse très tôt. Et j'ai été aussi marqué par la Voix
07:45de l'Amérique à l'époque, avec des gens comme Georges Coulinet et autres, Roger Gifoni, etc.,
07:50etc. Bon, ensuite, les médias m'ont intéressé parce que... Et petit à petit aussi, les médias
07:58m'intéressaient parce que les questions d'actualité m'intéressaient. C'est ainsi que, progressivement,
08:05j'ai fini par aimer la presse. Et quand mes aînés sont rentrés de France, Marcel d'abord,
08:12Marcel a dit que c'est... Puis Bernard plus tard. Bon, le siège qu'ils ont créé,
08:17je l'ai poursuivi et puis voilà ce que ça a donné. Donc, journaliste. Puis, je suis rentré
08:22à Sodecy, puis à Seilleux, où j'ai fait toutes mes classes. Je suis rentré comme stagiaire à CDD,
08:32à contrat de durée déterminée, pendant deux ans, avec pas grand-chose, bien sûr. Et ensuite,
08:40je suis passé chef de service. Et puis, j'ai été embauché, puis chef de service,
08:45puis sous-directeur, jusqu'à directeur, jusqu'à ce que je parte de là fin 2018.
08:50Ce qui a marqué mon parcours professionnel, c'est vraiment la période où le président
09:04Marcel Zadikessi a construit de ses mains la compagnie ivoirienne d'électricité. Parce que
09:13lorsqu'il est devenu... Il a été nommé président de la... Il a été nommé PDG de la CIE. Et bien,
09:23tout avait commencé, tout a commencé le 1er novembre 1990. Et ce jour-là, il est rentré
09:31au dispatching de l'ECI de l'époque. Nous sommes rentrés, il était... Il y avait lui,
09:37il y avait un des frères Bouygues, il y avait M. Peter Schmidt, qui était un de ses amis,
09:46mais en même temps aussi patron et collaborateur par la suite. En tout cas, tout le gotha de la
09:53SOR et du groupe Bouygues, nous sommes arrivés et nous sommes rentrés au dispatching. L'horloge
10:00qui était là, qui supplombait l'immense carte de la Côte d'Ivoire, a sonné minuit pile. C'était
10:08le 1er novembre 1990. Donc les Européens et les Ivoiriens qui ont pris la responsabilité de la
10:15charge de la CIE ont pris, ont commencé le travail sans perdre une seconde. Puisque dès
10:22que les gens ont ouvert la porte, minuit venait de sonner. C'était le 1er novembre 1990. Et
10:27ensuite tout le reste, jusqu'au départ du président Zaddi et moi-même. Et bien ce qui m'a
10:33le plus marqué, c'est comment il a construit la CIE. Vraiment, rien n'a compté pour lui si ce n'est
10:42la CIE. Pas même sa famille, pas ses enfants, personne. Tout était consacré à la CIE et à la
10:51Côte d'Ivoire. Parce qu'à travers la CIE, il fallait voir la Côte d'Ivoire pour le président
10:55Zaddi. Voilà. Le président Zaddi était un oufétiste. Il a été marqué par le 1er discours du
11:02président Fouad Bouani, qui a marqué l'indépendance de la République de la Côte d'Ivoire. Il avait
11:07tracé la vision, le président Fouad Bouani avait tracé la vision et la mission des cadres
11:13ivoiriens. Et ça s'est resté agramé dans son cerveau. C'est ce qui l'a traduit dans la
11:21construction de la CIE. Donc, c'est à partir de ce moment-là. Mais il avait déjà commencé à Sodeci,
11:27qui était un peu comme son laboratoire. Et maintenant, il l'a fait dans une compagnie
11:33naturellement beaucoup plus grande. Mais il n'a jamais oublié la Sodeci. Il a bâti la compagnie
11:38ivoirienne de l'électricité. Ce qu'elle a été, en tout cas, c'était le travail qui a été réalisé
11:44avec une équipe. Parce que personne, aussi grand soit-il, n'a jamais rien bâti tout seul. Voilà.
11:50Donc, le président Fouad Bouani a travaillé avec des hommes de grande compétence, de brillants
11:55garçons, qui ont fait que la CIE a eu la réputation qu'elle a eue. Voilà.
12:01Bon, il y a plein de choses que je veux dire. Mais une des difficultés, c'est qu'il fallait être
12:14le frère cadet de son frère aîné. Donc, vivre dans l'ombre de Marseille Zadig ici,
12:22ce n'était pas facile. Parce que c'était un homme extrêmement rigoureux, d'une probité,
12:30en tout cas pour moi, quasi irréprochable. D'une intégrité, évidemment, qui était juste,
12:39équitable, qui ne lésinait pas sur l'engagement. Donc, c'était un effort quotidien. Je pourrais dire,
12:51oui, minute par minute, puisqu'à tout moment, le président Zadig pouvait t'appeler,
12:55mais pour moi, il te demandait une information. Mais il faut savoir qu'une fois qu'il te demande
13:01une information, c'est qu'il y a déjà eu deux autres personnes qui l'ont informé sur le même
13:06dossier. Donc, il ne fallait pas plaisanter pour lui mentir, il savait déjà, en tout cas. Et donc,
13:13être son frère, avec un homme pareil, il fallait mériter d'être son frère et mériter d'être son
13:22collaborateur. Il ne croit pas qu'il allait faire la différence entre toi et les autres pour que tu
13:29sois favorisé. Bien au contraire, c'est tout le contraire qu'il fallait avoir. Donc, c'était
13:34difficile de marcher dans son sillage. Là, il fallait soi-même aussi ne pas commettre d'erreurs,
13:43parce que je savais que la moindre erreur que je pouvais commettre allait l'éclabousser
13:47immédiatement. Donc, pendant des années, je suis resté dans l'ombre du président Zadig jusqu'à ce
13:53qu'il parte. Même après cela, son ombre a continué de planer. C'est pour ça que j'ai
13:59une vie toujours, relativement en tout cas, discrète. Et ça m'a permis aussi d'être tempéré
14:06dans mes positions, d'être mesuré et de faire très attention. Par le passé aussi, par moment,
14:12comme à l'époque, les jeunes de mon âge étaient imprudents. Mais ça m'a coûté cher par la suite,
14:20donc je sais maintenant comment il faut marcher. Je n'ai pas beaucoup de passion. Je ne sais pas
14:33comment exprimer ça, mais la culture, je l'ai aussi reçue d'abord par mon éducation. Je
14:41suis né au village, dans un village. J'ai grandi jusqu'à l'âge d'aller à l'école, au village,
14:49et puis après je suis parti à la ville et j'y suis retourné longtemps après. Mais c'était là,
14:56c'était le socle. Donc, dans les villages butés, vous savez, c'est la musique, la poésie, ce qu'on
15:09appelle le Uyghur. En tout cas, la culture, l'art, c'est une importance, une très grande importance.
15:18C'était un peu le socle de ma vie. Et puis ensuite, il y a eu l'impact, il y a eu l'influence de mon
15:25frère aîné, Bernard Azadizao, dont la vie et l'enseignement m'ont profondément marqué. Donc,
15:32très tôt, j'ai suivi son théâtre. J'ai découvert son théâtre à très jeune aussi. Je me souviens
15:40d'une de ses œuvres, c'était Les Sofas. Malheureusement, ça aurait été bien que la
15:46télévision ne voit rien, mais je fais un petit un clin d'œil à mon ami Alseni d'Ambélé. En tout
15:54cas, il serait bon de diffuser Les Sofas, qui pose la problématique de l'autonomie des États
16:04dont on parle aujourd'hui, dont se sont saisis les africanistes. En tout cas, toute la question
16:11est dans Les Sofas. Donc, Les Sofas ont marqué aussi ma vie, parce que là, la première scène
16:17de théâtre, la première pièce de théâtre que je voyais de Bernard, c'était Les Sofas. Ça m'avait
16:23marqué. Ensuite, son théâtre a évolué, je l'ai suivi. C'est vrai, par la suite, j'étais allé au
16:31Canada, donc je suivais ça de loin, mais à chaque fois que je me suis replongé dans tout ce qu'il
16:35faisait, je suivais ça. Et ça m'a profondément touché, ça m'a profondément marqué. Et quand
16:44je suis revenu et que j'ai commencé avec mon frère aîné, Marcel, à travailler avec lui,
16:49et il a engagé ce concept de oui-né-entraide, parce qu'il était passionné, Marcel,
16:57du développement de proximité, en tout cas de la lutte contre la pauvreté. La misère de nos
17:04peuples l'ont toujours touchée, donc il a voulu faire en sorte pour que les gens, nos populations,
17:10prennent conscience des difficultés dans lesquelles elles vivent et qu'elles soient capables de
17:17transformer leur environnement, de prendre en main leur vie. Donc, il a bâti tout cela pendant
17:23de longues années et un jour à une discussion, Bernard lui a dit, Bernard Zaddi a dit à notre
17:31aîné qu'il avait fait une belle œuvre qui pouvait être reprise, mais il lui manquait une dimension.
17:37Il a dit, mais laquelle ? Il a dit, mais c'est la dimension culturelle, parce qu'avait-il ajouté,
17:42l'homme ne vit pas seulement que de peur. Voilà, et donc Marcel a dit, bon, dans ce cas Eugène,
17:49je pense qu'il faudra peut-être que tu réfléchisses à ce problème. Donc, au cours des discussions,
17:55j'ai pris ça en main et il m'a dit, bon, qu'il partait en France, longtemps après bien sûr,
18:02il m'a dit qu'il partait en France, qu'à son retour, on allait voir comment est-ce qu'on
18:08pourrait lancer un projet pour ajouter cette dimension culturelle à tout son concept de
18:15où il est, de développement de proximité, de lutte contre la pauvreté, parce que lui,
18:19il était centré sur l'économie, sur la finance, comment créer la richesse,
18:25comment la gérer et comment la reproduire, c'était ça sa passion. Bon, mais Bernard a ajouté la
18:32dimension culturelle et malheureusement, quand Marcel est parti, et bien il est revenu plutôt
18:38malade, c'est là qu'il a eu son accident assez grave et c'est là que je me suis dit,
18:44bon, puisqu'il m'avait confié cette mission, il faut que je donne vie à cette mission-là,
18:49c'est comme ça que j'ai créé le Didiga Festival. Donc, c'est comme ça que l'idée du Didiga
18:56Festival est née. Si vous voulez, on va en reparler. Donc, voilà, un peu, ce qui m'a
19:00toujours passionné, la culture généralement, et aujourd'hui, ça s'est concrétisé par ce projet-là.
19:05L'âme cassée résume un pan extrêmement difficile de ma vie. C'est-à-dire que la vie
19:26est parfois faite ainsi, il arrive que pendant, vous vivez pendant, je ne sais pas, peut-être
19:3420 ans, 30 ans, 50 ans, ça dépend, 60 ans, et puis il arrive un moment où c'est une période
19:41plus ou moins courte, ça dépend de la chance qu'on a de la vie, se concentrent les pires
19:50malheurs dans votre vie. Et c'est ce qui m'est arrivé. C'est comme si toutes les formes de
20:00malchance s'étaient données au rendez-vous. Et donc, les pires choses me sont arrivées, voilà.
20:06Alors, il fallait, donc il y a eu, c'est vrai, les décès de mes aînés successivement,
20:14un an de différence. Ensuite, il y a eu des difficultés personnelles au plan professionnel
20:22que j'ai eues, les trahisons, il y a eu d'autres choses, il y a eu d'autres décès, ainsi de suite.
20:27Il y a eu la maladie, surtout, terrible. Et bon, donc, c'était comme une sorte de spirale,
20:35c'était une descente quasiment aux enfers. Mais jamais, je l'ai abandonné. Et donc,
20:42je me suis relevé. À un moment donné, il fallait accepter tout ça de moi, de mon fort intérieur,
20:49de mes tripes, parce que c'est pas possible de vivre avec ces souffrances-là, ces blessures-là.
20:56Et donc, c'est dans cette période-là que j'ai écrit « L'âme cassée ». L'âme, pas brisée,
21:03mais cassée, parce qu'elle peut se réparer. La preuve, je suis là, c'est pour ça. Sinon,
21:08j'aurais dit « L'âme brisée », et quand ça se brise en mille morceaux, elle est cassée,
21:12il y a une rupture, mais c'est possible de ressouder les choses, même si ce n'est plus
21:16la même forme ou la même chose exactement, puisqu'il y a eu quand même une cassure,
21:22mais elle demeure. La preuve, je suis en vie, même si je ne suis plus tout à fait le même.
21:27Donc, c'est comme ça que j'ai pu accélériser et dépasser, surpasser ces moments difficiles.
21:34Aujourd'hui, je suis très bien, je me sens bien. Je me sens vraiment bien dans mon corps,
21:39dans ma peau, dans mon esprit, dans mon cœur, surtout.
21:44Ça dépend de chacun, ça dépend du lecteur. C'est une question à laquelle je réponds toujours
21:56difficilement, ça dépend du lecteur. Mais je crois qu'en lisant la préface du professeur Nguitya,
22:02c'est là que moi-même, j'ai découvert mon œuvre sous un autre angle. Parce que quand vous écrivez
22:11un livre, après, il ne vous appartient plus. Je crois que l'enseignement appartient au lecteur.
22:19Voilà, ce que je ne peux pas donner. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut pas capitaliser sur
22:30les... la souffrance, le ressentiment, la haine et l'esprit de vengeance. Ce genre de choses sont
22:49négatives et elles détruisent celui qui les porte. C'est clair. Il faut les sortir et pardonner.
22:58Pour pouvoir avancer. On ne peut pas avancer sans pardonner. Voilà ce que je pourrais
23:04recommander s'il y a une leçon à tirer. C'est ça. Parce que moi, j'ai sorti tout cela pour pouvoir
23:10pardonner. Et je me suis surpris même à prier pour ceux qui m'ont fait le plus de mal qu'ils
23:18pouvaient. Sinon, ils auraient peut-être... le plus qu'ils auraient souhaité, c'était peut-être
23:22ma disparition, mais j'ai réussi à les pardonner. Et sincèrement, très sincèrement, je ne suis pas
23:29en train de faire une mise en scène. Voilà. Et ça, je crois que ça guérit la personne qui a souffert.
23:37Ça lui permet d'avancer. Et je crois qu'après, les choses s'alignent d'elles-mêmes. Et puis,
23:45vous retrouvez le bonheur devant. Parce que si vous êtes positif, si vous vivez bien les choses,
23:51vous extirpez tout ça, eh bien, ça vous attire des choses positives, des choses grandes,
23:56des choses belles, bonnes. Bon. D'abord, il faut tenir les fois de modeste, c'est un recueil de
24:05poèmes. La poésie, ce n'est pas ce qui passionne le plus. Voilà. Encore, on peut dire qu'on a un
24:10petit espoir avec le slam aujourd'hui qui fait son chemin, son entrée. Et puis, un livre,
24:18quand il voulait écriver, je pense qu'il a sa vie entière. Il y a des bouquins qu'on découvre
24:2320 ans, 10 ans, 50 ans après. Donc, l'accueil a été assez positif, mais je n'ai pas vraiment
24:30suivi le côté commercial pour pouvoir l'apprécier. Ce qu'il fallait pour moi, c'était quelque chose
24:35de, c'était curatif et j'ai fini de me soigner. J'avance donc. Non, le didiga, le didiga,
24:46même, c'est un concept que mon frère Bernard Zadid Zahoub a développé, qu'il a enseigné même. Mais
24:57c'est un terme BT, donc c'est partie d'un mythe BT et qu'il a conceptualisé. Je crois que les
25:08universités sont mieux placées que moi pour aborder la question. Vous pouvez d'ailleurs,
25:13si vous voulez vous interroger davantage sur le sujet, vous pouvez voir le professeur Ngetia,
25:18de l'Université Félix-Souffert-Boigny, Madame Soupé, qui vient d'écrire un livre, près de
25:26350 pages sur le concept de la liberté dans le théâtre du didiga de Bernard Zadid Zahoub. C'est
25:33absolument merveilleux, vous lui posez la question. Donc, il y a des spécialistes du didiga. Mais moi,
25:39le didiga festival, j'ai créé, j'ai essayé de répondre à la préoccupation de mes aînés,
25:46ce que je vous ai raconté tout à l'heure. Et donc, c'est quelque chose que je portais en moi,
25:52et j'en ai discuté avec deux amis, Gauze, l'écrivain, et puis Alex Kipré. Et donc,
25:59c'est ensemble que nous avons eu l'idée et que nous avons créé au départ le festival didiga.
26:05Ensuite, qu'on a transformé, bon, juste pour que ça soit beau, en didiga festival. Et donc,
26:15c'est un festival qui est consacré à l'oralité, c'est-à-dire le conte, la poésie, ou plutôt aux
26:22oralités, parce qu'il y a le conte, il y a la poésie, il y a la poésie qui est donc le Uégue,
26:31et en tout cas qui est consacré à faire vivre la culture d'une manière générale, parce qu'on
26:39n'est pas centré sur la culture bété, on s'ouvre sur les autres. Et donc, on invite un peuple ivoirien
26:48chaque année, on peut aller au-delà plus tard, on ne sait pas. En tout cas, c'est juste, c'est un
26:53festival qui est fait pour, qui est centré sur la culture ivoirienne. Évidemment, il faut, pour
27:02être une culture, la culture ivoirienne, mais il faut partir de quelque part, donc l'ancrage, c'est
27:06le pays bété, bien sûr. Mais écoutez, le festival a du succès, je pense que ça intéresse vraiment les
27:13Ivoiriens. Ça fait cinq ans maintenant, mais avec deux années d'interruption, ça doit être en 2016,
27:222017, je crois. Pour promouvoir le Didiga Festival, d'abord il faut, au début nous allions comme ça
27:28petit à petit, mais maintenant nous avons créé une fondation, la fondation Didiga. Donc, c'est
27:33pour pouvoir bien institutionnaliser la chose. Et ensuite, la régularité, je crois, de l'organisation
27:43de ce festival, ce n'est pas une chose facile, ce n'est pas du tout facile. Chaque jour, c'est pas,
27:51les gens qui organisent le festival, d'ailleurs, ils ne font pas que ça, ils font leur travail.
27:57Une des chevilles ouvrières, c'est monsieur Christian Tidoux, qui est maître assistant à
28:02l'université, à Félix Souffert-Boigny. C'est quelqu'un qui consacre beaucoup de temps à
28:08l'organisation du festival. Et puis, on a mis une petite équipe, puis on essaie de faire en sorte
28:14que ce soit quelque chose qui se fasse, maintenant, pas quotidiennement, mais au moins chaque mois
28:20qu'on se retrouve pour que le festival puisse être mieux structuré. Là, on vient du week-end
28:28dernier, je crois le 29 juin, nous avons organisé un séminaire, un atelier sur le festival pour le
28:42repenser entièrement parce qu'on se rend dans un deuxième cycle. Le premier cycle, c'était jusqu'à
28:47cinq ans, il fallait se le vivre. Maintenant, on rentre dans la cinquième année, il faut que ça
28:51se professionnalise. Donc, on a fait ce séminaire avec l'aide des universitaires. Nous avons travaillé
28:57toute la journée, du matin jusqu'en fin d'après-midi, pour bien structurer les choses et
29:05impliquer le village de Yakouda-Bourg et puis des personnes extérieures pour que ce soit quelque
29:10chose qui soit tenu et qui tienne, puisqu'il y a près de 600 festivals en Côte d'Ivoire. On ne
29:15veut pas être dans le fond de cale, on veut faire partie des cinq meilleurs festivals du
29:26pays. Donc, on s'organise pour ça et je crois que maintenant, on va professionnaliser la chose.
29:31En tout cas, je profite de l'occasion pour remercier la ministre de la Culture,
29:43madame Françoise Remarque. Nous avons introduit notre dossier en bonne et due
29:49forme sans intervention aucune. Elle nous a intervenu, comme tous les dossiers sont regardés
29:57au ministère, mais en tout cas, elle a fait analyser notre dossier qui a été accepté. Ensuite aussi,
30:03il y a le ministère du Tourisme, il y a Côte d'Ivoire Tourisme qui nous aide énormément.
30:08Par la grâce de Dieu, peut-être qu'on va avoir un partenariat bientôt, tout dépend de la suite
30:16de nos dossiers et puis de l'intérêt qu'ils marquent aussi à notre festival. Il y a Côte
30:22d'Ivoire Énergie, il y a ANARE qui est un partenaire quotidien et bien sûr, sans oublier
30:29nos partenaires traditionnels, la Compagnie Ivoirienne d'Électricité, la SUDESI. Évidemment,
30:36sur mes origines, bon, mais écoutez, ce n'est pas un petit festival, donc il ne faut pas non plus
30:43voir une histoire de favoritisme là. Et je n'oublie pas la Fondation ATEF au maïs, M. Ramzy au maïs,
30:53qui nous aide depuis le début du festival jusqu'à présent. Chaque année, il est présent. Donc,
30:59nous avons des partenaires traditionnels, nous avons des partenaires fidèles, mais quand même,
31:08on ne va pas se reposer toujours sur les mêmes. Peut-être qu'ils peuvent avoir d'autres besoins,
31:11donc on va essayer d'élargir tout en restant fidèles à ceux qui nous ont toujours accompagnés.
31:16Et vraiment, du fond du cœur, je les remercie très sincèrement.
31:21On porte le festival difficilement parce que financièrement, c'est lourd, même avec le soutien
31:36de nos partenaires. Mais ce que j'ai appris, c'est de ne pas vivre au-dessus de ses moyens. Donc,
31:41on fait en sorte de pouvoir avancer. Mais grâce à nos partenaires, je pense que la charge est de
31:48moins en moins lourde. Ensuite, une des autres difficultés, c'est de passer les premières années
31:58de croissance. Franchir les cinq ans, ce n'est pas chose d'easy. Il y a toutes sortes de difficultés
32:04qui viennent. Est-ce qu'on y croit? Est-ce qu'on n'y croit pas? Est-ce que le public va suivre?
32:08Est-ce que le public ne suit pas? Je profite aussi pour remercier la mairie de Soubré. Le maire de
32:13Soubré, M. Traoré, s'est engagé avec nous. Le jour où nous l'avons contacté, il a été présent. Il
32:22a répondu présent. Et il fait, à mon avis, lui seul, une très grande partie du festival. Donc,
32:31il nous aide, il nous aide aussi. C'est grâce à toutes ces personnes-là qu'on a pu surmonter les
32:36difficultés qu'on peut avoir à l'avenir, en grand. Maintenant, le mot de fin. Je n'ai pas
32:44grand-chose à vous dire, si ce n'est de vous remercier de l'occasion que vous m'offrez,
32:48que vous venez de m'offrir. Et puis, je vous dis que je suis à votre entière disposition pour
32:53d'autres échanges, tout en remerciant le public. Voilà tout ce que je peux dire. Merci.

Recommandations