En Mode Champions (2024)

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"En Mode Champions" est un documentaire diffusé sur Arte qui explore l'évolution du sportswear au cours du dernier siècle, montrant comment il est devenu une partie intégrante de notre vie quotidienne. Le film, d'une durée de 52 minutes, est disponible jusqu'au 10 juillet 2025. Il inclut des contributions de personnalités du monde de la mode et du sport, telles que Jean-Charles de Castelbajac et Djibril Cissé, et utilise des archives pour illustrer l'impact du sport et de la mode sur nos garde-robes. Le documentaire met en lumière la relation fructueuse entre ces deux univers, notamment à travers des événements mondiaux comme les Jeux Olympiques, où des grands couturiers comme André Courrèges ont laissé leur empreinte.

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Sports
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00:00Il est partout, sur le dos des kidams, des athlètes, des stars paparazzi, sur le dos
00:14des supporters, des héritières, à vos pieds, dans vos armoires, pour courir ou pour glander,
00:20la tendance la plus durable des cent dernières années, c'est lui, le sportswear.
00:24Des vestiaires des athlètes au podium de la haute couture, en passant par la rue,
00:30il est devenu l'uniforme de nos vies quotidiennes. Le sportswear, ou l'irrésistible
00:37ascension d'un style dont les métamorphoses racontent notre époque.
00:44Alors comment en un siècle le sport nous a-t-il toutes et tous rhabillés ?
00:55La mode et le sport, deux usines à rêve qui carburent aux images fortes et aux
01:03incarnations inspirantes. La judoka Clarissac Beignenou est l'une d'elles. Double médaillée
01:09d'or olympique à Tokyo, sacrée six fois championne du monde, elle se qualifie ce jour-là
01:13dans une nouvelle discipline, la mode. C'est la première fois que Marie-Claire
01:23présente une athlète en couverture, donc pour nous c'est super, c'est très important et ça
01:30témoigne aussi d'une évolution de la société et évidemment les athlètes en font partie.
01:35On a vu des sportifs superstars apparaître et c'est quelque chose d'assez nouveau,
01:41surtout que le sport c'était quand même très masculin et qu'aujourd'hui des femmes peuvent
01:45être aussi extrêmement bankables et je pense que c'est important aujourd'hui parce que les
01:48morphologies sont toutes différentes et qu'on sort du carcan de la mannequin mince qui n'est que
01:54le seul critère de beauté acceptable et c'est important de montrer que d'autres beautés sont
01:59possibles. C'est vrai que j'ai un corps assez musclé et je préfère un 36 ni un 34 ni voir un
02:08peu moins donc je pense que c'est bien que la mode puisse représenter toutes les femmes dans
02:12leur ensemble. Évidemment dans les athlètes il y a la question de la femme, de la position de la
02:18femme et que le luxe, comme d'autres industries d'ailleurs, font bien de regarder dans cette
02:24direction et de voir des rôles modèles qui sont très importants. Et pour capter les prémices de
02:31cet intérêt de la mode pour les athlètes il faut remonter cent ans en arrière. Certaines
02:38sportives vont déjà devenir des égéries de la mode dans les années 20 quand on pense à Suzanne
02:44Langlène qui commence à avoir un grand succès par ses victoires au tennis et Jean Patou qui est
02:49un très grand couturier de l'époque va commencer à l'habiller pour le tennis. Ce qui est intéressant
02:54dans la relation de Suzanne Langlène et de Jean Patou c'est qu'elle est assez mutuelle finalement
02:59dans le sens où Jean Patou va habiller Suzanne Langlène sur les cours de tennis mais par ailleurs
03:05Suzanne Langlène va poser pour lui en tenue de ville et donc faire sa publicité en quelque
03:09sorte. Donc on a déjà l'idée d'une sorte d'égérie sportive pour la mode un peu en précurseur.
03:16En raccourcissant les jupes de Suzanne Langlène et en l'habillant de ses fameuses robes plissées
03:23en soie, Jean Patou permet à la toute jeune championne d'inventer un style de jeu radicalement
03:27nouveau avec ses grandes enjambées dynamiques qui fascinèrent tant le photographe Jacques-Henri
03:32Lartigue. Ce n'est pas le seul exemple puisque Elsa Schiaparelli va habiller Lily Alvarez,
03:38une joueuse de tennis espagnole en lui proposant de grandes jupes culottes là aussi très confortables
03:43pour jouer au tennis. C'est donc d'abord par les plus luxueuses maisons de couture parisiennes
03:49que le sport va se frayer un chemin dans la mode. Gabrielle Chanel, Jeanne Lanvin, Elsa Schiaparelli
03:56inaugurent les unes après les autres leur département sport. Le tennis c'est un sport de
04:02la bourgeoisie, de l'élite qui le pratique non pas dans une idée de performance mais vraiment de
04:08créer un entre-soi dans un contexte de jeu de plein air et de moments de divertissement donc
04:15on a d'abord vraiment cette idée de l'élégance qui passe avant tout. C'est seulement dans
04:21l'entre-deux-guerres qu'on va avoir une idée de compétition qui vont se mettre de plus en plus
04:27en place qui vont connaître de plus en plus de succès d'où le fait de l'importance de la victoire
04:33et donc d'avoir un vêtement vraiment adapté. Et quoi de mieux qu'un champion pour habiller
04:39ceux qui aspirent à le devenir. René Lacoste, l'un des quatre mousquetaires du tennis hexagonal
04:45va lancer dans les années 30 la marque qui porte son nom avec une pièce signature.
04:50Donc il était un grand champion de tennis, il était également un inventeur et c'est vrai que
04:57René un jour s'est dit si on veut à un moment donné être beaucoup mieux sur le cours, pas
05:04simplement être performant mais être mieux sur le cours, il faut qu'on arrive à être plus libre
05:09de ses mouvements et c'est comme ça qu'il a commencé notamment par couper en fait les manches
05:15de sa chemise et ainsi est né on va dire l'idée du polo. René Lacoste va apporter au polo cette
05:25matière qui est le petit piqué de coton et qui va être quelque chose d'à la fois très absorbant
05:30et très respirant donc une nouvelle maille de coton. René Lacoste c'était un homme qui était
05:39obsédé par l'amélioration des choses donc c'était l'observation, l'observation du geste,
05:44l'observation d'un athlète. Qu'est ce que je vais pouvoir apporter qui va améliorer le quotidien ou
05:50améliorer l'usage. C'était vraiment ça en fait qui obsédait René Lacoste.
05:58Jouer et gagner ne suffit pas encore faut-il le faire avec style disait-il. A chaque champion, à chaque
06:03championne donc de choisir une armure qui booste son potentiel sportif et esthétique quitte à défier
06:09les conventions telle la rebelle Serena Williams qui en 2018 à Roland Garros se glisse dans une
06:15combinaison de super héroïne signée Nike.
06:17Roland Garros il n'y a pas de code vestimentaire donc cette tenue est censée être tout à fait
06:25acceptable et pourtant elle va être grandement critiquée et quand on y pense c'est tout
06:30simplement à cause de sortes de traditions au tennis qui restent malgré tout notamment le
06:35fait qu'on est quand on est une femme on attend de vous que vous portiez une jupe ce qui n'est pas
06:41le cas ici le corps est donc entièrement révélé par cette combinaison et par son côté très moulant.
06:47Pour Serena Williams pourtant c'était d'abord une tenue pratique puisqu'elle a été conçue pour son
06:54après accouchement pour des histoires de contention pour vraiment améliorer sa circulation donc il
07:02y avait vraiment un côté plus que confortable mais vraiment fonctionnel de la tenue et donc
07:08c'était aussi un vrai statement de sa part que de venir sans jupe juste après son accouchement avec
07:14son corps très musclé très visible. Si ça n'avait pas été Serena Williams ça serait peut-être passé
07:23très différemment une autre athlète aurait peut-être jamais osé faire ça et n'aurait pas défié les
07:29organisateurs du tournoi et ça ça fait évoluer les choses et ça fait évoluer le sport les
07:35fédérations mais ça fait aussi évoluer la mode la société. Lors de l'open d'Australie en 2021 Serena
07:44récidive cette fois avec une combi monojambes directement inspirée d'une de ses idoles la
07:49sprinteuse américaine Florence Griffiths Joyner alias Flo Jo record woman du monde au 100 et 200
07:56mètres à la fin des années 80. Chez la championne performances athlétiques et esthétiques ne font
08:01qu'un à l'heure où le sport devient un spectacle médiatique. Florence vous pouvez montrer vos ongles
08:08à la caméra c'est un travail considérable pour arriver à ce résultat là ? Non ça prend pas
08:13tellement de temps il faut de deux à cinq minutes pour les décorer comme ça mais en tout cas ça me
08:17plaît énormément et cela me détend beaucoup. Florence vous êtes la première à avoir décidé un
08:22jour que la performance sportive pour une femme n'était pas suffisante sur un stade et qu'il
08:27fallait y ajouter une valeur esthétique pour quelles raisons vous pensez que c'est important ?
08:31J'ai toujours voulu être unique j'ai toujours voulu être différent qu'il faut bien dire que les
08:35uniformes découreuses ne sont pas extrêmement attrayants et j'ai donc voulu dessiner les
08:39miens. Vous êtes la seule à le faire dans le monde entier sur du public ou quand même un
08:44certain narcissisme ? Oh non pas du tout je n'y attache pas une telle attention non plus mais
08:54cela m'amuse il faut bien le dire et j'aime dessiner mes vêtements moi-même je les dessine en
08:59pensant au confort et le fait de me sentir bien quand je suis en course fait que je me sens
09:03effectivement beaucoup mieux. Il faut se sentir bien dans ses habits en fait j'entends souvent
09:07ouais franchement je pourrais pas le mettre mais toi ça te va. C'est juste parce que parce que
09:11j'assume ce que je mets, j'incarne vraiment ma tenue et voilà ça passe par les
09:17comptes de cheveux ça passe par j'étais créatif sur les paires de crampons je mettais une chaussure
09:22d'une couleur et l'autre d'une autre couleur quoi le relever ou pas j'essayais de trouver
09:28des moyens d'être différent malgré le même le même uniforme en fait. Vent debout face aux
09:37arbitres des élégances ces champions indociles tiennent bon et leur anticonformisme en fait des
09:42phénomènes de la pop culture. André Agassi va venir un petit peu casser ces codes là à la fin
09:52des années 80 donc d'abord par sa coupe mulée dont on a su plus tard qu'il s'agissait d'une
09:57perruque mais surtout par ses short en jean qui était en réalité fait par Nike et donc adapté
10:04à sa pratique mais le jean n'avait absolument pas lieu d'être sur les cours de tennis à ce moment
10:08là c'était tout à fait improbable et très rebelle comme le jean l'a beaucoup été dans son histoire.
10:14Agassi quand il est arrivé il a changé carrément l'image du tennis même c'est compliqué pour lui
10:24à Wimbledon parce qu'avec toutes ces couleurs qu'il mettait partout là et son style et voilà
10:28le mec il avait un cycliste sur son short il avait choqué tout le monde à l'époque et nous on
10:32kiffait ça justement parce qu'il était différent. Ça permet de garder les jambes et les hanches bien
10:39échauffées. Je n'ai pas vraiment de problème de ce côté là mais je pensais surtout que
10:46c'était joli que c'était différent des autres que c'était amusant et que ça ajoutait quelque chose.
10:51Les champions ont l'attitude qu'ils se donnent eux-mêmes pour exprimer leur
10:58personnalité c'est le cas d'André Agassi qui par cette tenue finalement fait de tennis
11:05un sport qui peut se démocratiser. Et les champions ça ose tout c'est même à ça qu'on les reconnaît.
11:13Je vois des joueurs NBA on voit qu'il y a une liberté et qu'ils sont bien dans leur basket
11:20et je trouve ça cool. Dennis Rodman très charismatique. Une énigme parce que le mec fait
11:30deux mètres et une armoire à glace et on le voit posé en robe de mariée très féminin. Il y avait
11:36une vraie différence entre l'homme et l'athlète vraiment ambiguë limite et j'adorais ça.
11:42J'adorais le fait qu'il soit très féminin en dehors et que sur le terrain meilleur défenseur
11:49de l'NBA à multiples fois. C'est bien d'être looké, d'être flamboyant, d'avoir des chaussures
11:55bleues et des cheveux rouges mais c'est un double tranchant parce que si t'as le look il faut que
12:01il faut délivrer. Et moi Dieu merci j'arrivais à concilier les deux. J'étais très extravagant
12:13et je mettais des buts aussi calés avec mon apparence. Je me rappelle quand j'aimais bien
12:22porter des jupeux portefeuille et ça faisait parler. C'était rigolo de voir qu'un vêtement
12:28peut susciter une attention des gens, les faire vraiment gamberger sur une orientation sexuelle
12:35alors que c'est juste un bout de vêtement en fait. Quand il s'agit de questionner les préjugés de
12:43leur époque ou de leur pays, certains champions font de leurs vêtements une arme au service de
12:48leur cause. Et c'est ici que se place l'incident des jeux. Lorsque montés sur le podium, les deux
12:55américains lèvent leurs mains gantées de noir et baissent la tête alors que retentit leur hymne
12:59national. Un gant noir défiant l'hymne américain mais aussi plus surprenant sur cette image au
13:07retentissement planétaire, une chaussure brandit vers le ciel. Tommy Smith m'a expliqué qu'ils
13:16avaient tous les deux retiré leurs chaussures puma et qu'il les avait prises avec eux sur le
13:20podium. Donc ils étaient pieds nus, ils avaient ouvert leur veste, ils s'étaient mis une chaîne
13:25autour du cou et ils ont tendu leurs poings gantés de noir. Le message c'était quand on gagne on est
13:31de bons américains mais quand on perd on est des nègres. Il l'a vraiment dit comme ça. Au début
13:38personne n'a compris pourquoi ils ont retiré leurs chaussures, pourquoi ils ont ouvert leur
13:42veste mais après tout le monde a saisi le message. Il m'a dit personne ne voulait l'entendre alors
13:48il fallait que ça se voie. Ce geste symbolique pour dénoncer le non respect des droits civiques de la
13:54population afro-américaine transforme soudain le podium des JO de Mexico en une tribune antiraciste.
14:01Ce qui est sûr c'est que cette chaussure a écrit l'histoire, en tout cas l'histoire du sport.
14:10On voit bien que le sport est un médium hautement politique. Une victoire change le destin d'un
14:20pays donc le rôle des sportifs aujourd'hui il est décuplé je dirais. Ils incarnent
14:28l'ultime forme d'héroïsme pacifique. Ce soft power de la mode, les couturiers s'en emparent
14:38lorsqu'ils s'attaquent aux jeux olympiques. Ainsi au JO de 1992, si les athlètes lituaniens peuvent
14:45parader dans cet uniforme futuriste au pli ses signatures d'Issei Miyake, c'est parce que le
14:50couturier japonais a renoncé à ses honoraires, ému par les difficultés économiques de cet état
14:56fraîchement indépendant de l'union soviétique. En 1968 déjà les JO de Grenoble offraient aux
15:03savoir-faire français une vitrine sur le monde en confiante à Pierre Balmain la confection des
15:08tenues des hôtesses. Quatre ans plus tard, c'est André Courrèges, grand amateur de sport,
15:17qui l'emporte pour habiller les hôtesses des JO de Munich de 1972. Je pense que c'était
15:27intéressant de se présenter en tant que français et de gagner cette soi-disant médaille.
15:32André Courrèges va utiliser les couleurs qu'il affectionne déjà, orange, bleu ciel,
15:40des jaunes très citron, très vif, et proposer pour les femmes à la fois des mini-robes et des
15:48pantalons, des tenues toutes assorties, très colorées, ce qui est logique puisqu'on est en
15:52train de faire une tenue d'hôtes et d'hôtesses, donc c'est des gens qui doivent être repérables,
15:56avec des casquettes, bref des vêtements qui rappellent le sport et qui laissent tout le
16:01confort nécessaire à ces gens qui vont être amenés à courir dans tous les sens pendant les
16:05JO. Forcément, les JO sont un moment extrêmement politique puisque chaque pays est en représentation
16:15devant les autres, que ce soit le pays qui accueille qui doit montrer le meilleur de lui-même ou les
16:21pays qui viennent avec leur délégation. Par exemple, le comité d'organisation de Munich a
16:26des attentes, notamment le fait de remettre en valeur le costume folklorique, le costume
16:32populaire allemand et notamment le bavarois avec le Dirndl, ce qui ne va pas du tout être dans les
16:39cordes d'André Courrèges qui est bien loin du costume populaire et qui lui veut au contraire
16:43amener de la jeunesse, de la modernité, et donc Courrèges va faire une partie des équipements
16:49et le reste, version Dirndl, ne le concernera pas. Les vêtements de sport et la recherche qui les
16:55accompagne ont toujours participé à anticiper le futur. Ce qui est assez beau aussi, c'est la
17:05manière dont certains couturiers vont vraiment s'intéresser aux sportifs en tant qu'individus
17:10et à leurs vrais besoins psychologiques au moment des épreuves. C'est notamment le cas de Heiko
17:15Ishioka qui, pour l'équipe suisse en 2002, va dessiner un manteau de concentration qui est un
17:22grand manteau rouge très englobant avec une capuche qui vient vraiment presque comme des
17:27œillères couvrir la tête du sportif. Le but étant, comme son nom l'indique, d'apporter le plus de
17:34concentration possible aux sportifs avant son épreuve, qu'ils puissent se mettre dans sa bulle au maximum pour gagner.
17:46Pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, les athlètes de la délégation française portent des tenues
17:51dessinées par le créateur Stéphane Hachepoul. Il apporte sa touche de cool à ses ensembles
17:59siglés le coq sportif, la plus ancienne marque de sport française qui équipait déjà 100 ans
18:05plus tôt les athlètes des Jeux Olympiques de Paris 1924. Un savoir-faire technique qui va conquérir la mode au
18:11gré des collaborations. Le coq sportif, c'est une maison fondée en 1882 et je voulais lui donner un coup
18:17de jaune, donc j'ai fait ce sweat à trois capuches. Alors un jour on est liberté, un jour on est égalité,
18:24un jour on est fraternité. Le hoodie, je l'aime parce qu'il a un côté médiéval, chevaleresque.
18:33Moi il me fait penser aux visiteurs du soir. Il cache, il dissimule. D'ailleurs dans toute cette
18:40approche du streetwear que j'aime bien des anglais, il y a ce côté de se cacher des caméras de l'urbain
18:46et tout. Donc le hoodie, la capuche doit être un peu profonde, cacher les yeux. Il y a cette chose un peu marginale.
18:53Inventée par la marque Champion dans les années 30, c'est d'abord sur les bancs des universités
19:02anglo-saxonnes que le sweat à capuches s'est répandu, ornée ensuite du blason des équipes
19:06universitaires. Dans les années 60, Mohamed Ali, alors Cassius Clay l'adopte et la contre-culture,
19:13et donc la rue, s'en empare à son tour. Le sport dans la ville, ça a été un territoire
19:19d'expérimentation fabuleux. Ce qui me plaît dans le sportswear, c'est que ça a été une forme de
19:31valorisation démocratique. À partir du moment où le sport est rentré dans la ville, c'est
19:40devenu un outil de conquête pour des gens qu'on ne regardait pas, et de gens qui se
19:45sentaient un peu abandonnés par la mode aussi. On est cela qu'un groupe de hip-hop très célèbre,
19:56Run DMC, a sorti une chanson sur la chaussure superstar Maya Didas. Le morceau a plusieurs
20:04niveaux de lecture, mais il traite aussi évidemment de cette basket qui fait partie
20:08intégrante de la culture hip-hop. La superstar est même une véritable icône culturelle. Et quand
20:15on regarde les images de l'époque, quand on voit des centaines de milliers de fans qui retirent
20:19leurs chaussures et qui la brandissent pendant les concerts, parce que cette chaussure est
20:23devenue en quelque sorte le symbole de cette chanson, ça paraît inimaginable. Et pourtant,
20:28c'est exactement comme ça que ça s'est passé en 1986. Les paroles « Mes Adidas passent les
20:35portes des concerts » montrent à quel point la superstar est partout. On peut la porter sur scène,
20:40mais aussi pour remonter la cinquième avenue. C'est un modèle emblématique, et c'est pour ça que Run
20:46DMC lui a consacré une chanson. Run DMC a mis en avant cette chaussure de performance qu'on
20:52appelait à l'époque la basket, qui était la superstar, qui avait été créée pour jouer au
20:57basket. Ce phénomène n'a pas été créé par la marque de sport. Adidas a été surpris de voir ce
21:03qui se passait. Et Adidas a compris que peut-être maintenant, au lieu de faire du sponsoring uniquement
21:08avec des athlètes, qu'il fallait peut-être aller ailleurs et voir peut-être de la musique, de faire
21:13du sponsoring avec la musique. Ça a été fait avec Run DMC. Ça a déclenché donc une vague justement
21:19de cette sneaker-sculpture.
21:21« Me and D, and my Adidas standing on two feet. My Adidas ! »
21:25On a commencé le rap avec Run DMC, et à l'époque j'écoutais que ça. Et tout le monde portait des…
21:30C'était moche en plus, c'était fou. Tout le monde mettait ses Adidas dans Run DMC.
21:36Là, les marques ont vu que justement, cette culture urbaine pouvait faire quelque chose justement,
21:41populariser une marque par la musique, par le rap. Et je pense qu'avec Lacoste, on a fait la même chose.
21:53Calbot, du groupe Arsenic. Avec son frère Lino, ils sont dans les années 90, les patrons du rap français.
22:00Tout droit venu de la cité du 6e Chaudron, à Villiers-le-Bel, en banlieue parisienne,
22:05on les surnomme les « Frères Croco ».
22:08Le clip « Boxe avec les mots », je pense que c'est lui qui a vraiment marqué le tompon Arsenic et Lacoste.
22:15C'est une publicité Lacoste ambulante, les clips. Même nous, quand on l'a fait,
22:20on ne s'imaginait pas l'impact que ça aurait auprès de notre public et de la jeunesse.
22:25Parce que nous, on aimait Lacoste, donc on le mettait nous.
22:29On se changeait 5-6 fois, caleçon, t-shirt, chemise.
22:34La pochette du premier album, on est fou de Lacoste blanc.
22:37Et on voyait que les gars qui kiffaient Arsenic aussi, c'est comme une équipe de foot,
22:42tu kiffes ton équipe, tu vas acheter le maillot du PSG ou de Marseille.
22:45Les gars qui kiffaient Arsenic achetaient des survêtes Lacoste.
22:48Il n'y avait que des crocodiles partout. C'était l'Amazonie, les concerts d'Arsenic.
22:56Pour René Lacoste, ce crocodile était une manière pour lui simplement de signer qui il était.
23:02Et je pense qu'il n'avait pas d'ailleurs dans l'idée que ça pourrait devenir un tel symbole iconique
23:06et un tel symbole aussi de reconnaissance et de connexion de culture.
23:11Donc ça ne s'est vraiment pas fait de manière intentionnelle et marketée.
23:16Mais étant finalement la première marque à avoir un tel élément de symbole,
23:22par la force des choses en fait, ça a eu une puissance qui a dépassé la réalité
23:27de ce que son inventeur même avait pu imaginer.
23:31On commence à lire les magazines qui disent les frères crocodiles, le pauvre René, c'était lui le croco.
23:36Maintenant dans les quartiers, c'est nous qui appelons les crocodiles.
23:40La clientèle BCBG était déroutée de voir tous ces lascars venir prendre leurs survêtes Lacoste dans les magasins.
23:47Parce que justement à la base, d'après la légende, il n'avait pas fait tout ça pour ça.
23:59On est né effectivement dans le sport et on est né au départ pour accompagner des athlètes.
24:03Donc on disait que c'était une marque de sport, mais en réalité qu'ils pouvaient aussi déjà accompagner
24:07le lifestyle du quotidien et être en dehors des cours.
24:11Beaucoup d'acteurs notamment ont découvert le polo, beaucoup de milieux culturels et également politiques.
24:17Je pense que c'est une vraie caractéristique de ce polo, finalement avec une pièce,
24:21vous arriviez à avoir quelque chose avec beaucoup de tenues, très simple, très sobre,
24:25cette petite signature du crocodile.
24:28Et c'était une vraie manière finalement de porter cette distinction chic à la française,
24:33cette élégance sans effort.
24:3630 ans plus tard, la passion croco ne s'est pas essoufflée.
24:40Et en 2023, la marque se décide enfin à sponsoriser Arsenic.
24:44Juste retour des choses, c'est désormais Calbot qui à son tour ramène René Lacoste sur les cours,
24:50en équipant de la marque les joueuses du tennis club de Villiers-le-Bel dont il s'occupe.
24:56Le survêtement est forcément une part importante de notre sportswear d'aujourd'hui,
25:01il vient de loin, il va se démocratiser auprès des sportifs,
25:04et notamment au moment des Jeux Olympiques de Los Angeles en 1932.
25:08Sachant qu'un survêtement, au départ, c'est bien un vêtement qu'on met sur ses autres vêtements,
25:13et uniquement avant et après l'épreuve, c'est un vêtement que l'on met sur ses autres vêtements.
25:19C'est bien un vêtement qu'on met sur ses autres vêtements,
25:22et uniquement avant et après l'épreuve pour garder le corps au chaud.
25:27Le survêtement, à ce moment-là dans les années 30,
25:30est un vêtement qui est porté à la fois par les hommes et par les femmes,
25:34et finalement qui a quelque chose qu'on rapprocherait de l'unisexe aujourd'hui.
25:38Son usage a ensuite été détourné pour le porter de manière plus quotidienne.
25:43C'est un vêtement d'abandon.
25:45On a tendance à s'avachir dans un vêtement de sport.
25:48C'est des vêtements sans structure,
25:50c'est des ceintures qui ne retiennent pas votre embonpoint,
25:54qui vous disent « tu peux continuer, vas-y, c'est tout cool,
25:58tu pourras toujours rentrer dans mes jambes, ça va très très bien. »
26:03Non, mais ça ne va pas du tout.
26:05Le sport, c'est aussi le maintien,
26:07c'est aussi le « cool », c'est l'allure.
26:09Et c'est ça qui a apporté le hip-hop aussi.
26:11C'est ça qui a apporté la culture du streetwear.
26:15L'allure et les codes qui sont liés à cette allure.
26:22Le survêtement va devenir l'uniforme des quartiers à ce moment-là
26:25parce que déjà c'est simple à mettre.
26:27Je crois que c'est un truc simple à mettre,
26:30t'es à l'aise dedans, t'es à l'aise,
26:33Je crois que c'est un truc simple à mettre, t'es à l'aise dedans.
26:36Aujourd'hui on parle de l'uniforme à l'école,
26:39c'est pour ne pas que l'on voit les différences entre les jeunes,
26:43les plus riches, les moins riches.
26:45Mais dans les quartiers, je pense que t'as envie d'afficher
26:47au moins une richesse de vie ou de machin
26:50quand tu mets un survêtement qui coûte cher.
26:52Nos parents n'avaient pas l'argent pour nous acheter ce genre de survêtement
26:56et pourtant on se débrouillait pour les avoir.
27:04Ce qui est amusant, c'est qu'avec cette quête du confort,
27:08un vêtement qui est sportif peut devenir un vêtement de l'inactivité.
27:12C'est vraiment le cas du jogging,
27:14qui au départ est là sur les moments autour de l'épreuve,
27:18dans des moments de tension quand même assez forts,
27:21et qui aujourd'hui va être le vêtement de la décontraction,
27:25le vêtement qu'on porte chez soi le dimanche,
27:27alors qu'avant l'habit du dimanche c'était au contraire
27:30la tenue la plus habillée qu'on avait,
27:33d'où ce confort qu'on a envie d'adopter dans les moments de grande détente.
27:40Dans la couture, Sonia Riquel, visionnaire,
27:43sera la première à s'approprier le jogging dès les années 70,
27:46proposant des pièces réconfortantes en velours éponge.
27:50Pas franchement du goût de Karl Lagerfeld,
27:52pour qui les pantalons de jogging sont un signe de défaite.
27:55Vous avez perdu le contrôle de votre vie,
27:57donc vous sortez en jogging, dira-t-il, avant de retourner sa veste.
28:02Dans ce décor de supermarché, son défilé Shopping Center pour Chanel en 2014,
28:07mettant vedette avec humour et subversion,
28:10ce jogging rose luxueusement troué.
28:15Je pense que la mode vient de la rue, tout le temps.
28:18Et ça part de la rue et puis ça remonte au plus haut sphère de la mode,
28:22et après ça se propage.
28:24Mais toutes les modes et les styles vestimentaires,
28:27que ce soit dans la musique, viennent de la rue.
28:35Le survêtement, le jogging, devient un vêtement de la mode quotidienne,
28:40mais aussi un vêtement de star.
28:42C'est vraiment très visible dans les années 2000,
28:44notamment avec Paris Hilton qui va faire du Juicy Couture son uniforme.
28:49Elle possède elle-même des dizaines de survêtements de Juicy Couture,
28:52en velours, très coloré, avec cette fameuse inscription Juicy inscrite sur les fesses.
28:59Elle ne sera pas la seule à s'approprier ce vêtement,
29:02et c'est notamment le cas de Britney Spears qui a demandé pour son mariage
29:06à ses demoiselles d'honneur d'être habillée en Juicy.
29:09C'est comme ça qu'on retrouve le jogging à la une des plus grands tabloïds.
29:14Le survêtement a pris une place terrible, même auprès de marques de luxe.
29:20On voit des marques comme Louis Vuitton, Prada, Balenciaga, Gucci,
29:23qui sortent du survêtement,
29:25chose qu'ils ne pouvaient pas même envisager il y a quelques années.
29:32Ça doit faire hérisser les poils des puristes Gucci,
29:35mais le marketing, c'est business is business.
29:43Qu'est-ce qui fait qu'un vêtement sportswear va être couture ?
29:45Ça va être le fait que le couturier va y mettre sa pâte et toute sa créativité
29:51en détournant un élément, une matière, une forme,
29:55avec tout le savoir-faire de la couture.
30:01Ça peut être la manière dont Christelle Cochet, de la marque Cochet,
30:04va utiliser des maillots de football, notamment Nike,
30:08pour créer un nouveau vêtement.
30:11Par exemple, avec une robe qui est une sorte de patchwork de maillot,
30:15mais le tout brodé de cristaux Swarovski.
30:18On a aussi le fait de magnifier une matière presque pauvre,
30:22en tout cas simple, avec des matériaux nobles
30:25et des techniques de grand savoir-faire français.
30:33Les collaborations entre couturiers et équipementiers
30:36ont pris une grande place sur le marché du vêtement aujourd'hui.
30:40Tout ça nous vient en grande partie d'une première collaboration très importante,
30:44qui est celle de Yohji Yamamoto et Adidas.
30:47Yohji Yamamoto, dès 2001, va demander à Adidas
30:51de lui prêter des baskets pour son défilé.
30:54Ce premier contact va tellement bien se passer
30:57que finalement, Adidas et Yohji Yamamoto vont décider
31:00de collaborer de manière plus pérenne en créant Y3,
31:03une marque à part entière, pour arriver à un vêtement
31:06à la fois sportswear et à la fois couture,
31:09qui connaît un grand succès.
31:14Au fil du temps, les collabs sont devenus la nouvelle norme marketing.
31:18Collabs entre équipementiers sportifs et stars de la pop culture,
31:22comme Puma avec Rihanna et sa marque Fenty.
31:25Ou collabs entre équipementiers et maisons de luxe
31:28désireuses de séduire des consommateurs toujours plus jeunes.
31:31Comme quand Vuitton s'y bridait avec Nike,
31:33sous la houlette de son directeur artistique Virgil Abloh.
31:36Un vrai collab, c'est quelque chose qui apporte une espèce de fusion.
31:41C'est Montaigne qui disait « il n'y a pas d'idée sans être deux ».
31:44Et il y a cette espèce de rencontre.
31:48Et ce n'est pas juste mettre une étiquette et deux marques.
31:56Depuis 23 ans, j'ai créé une collection pour Rossignol.
32:00À chaque fois que je leur donne une idée, imprimer sur du Gore-Tex,
32:04mettre des paillettes ou quoi que ce soit, ils ne disent jamais non.
32:07Puisque je suis face à des techniciens de la montagne,
32:10ils transforment tout. J'aime beaucoup ça.
32:15C'est une chose très simple et basique que j'aime beaucoup.
32:18Parce qu'il y a ce fond d'humour.
32:20Il s'appelle le Kistelbajak.
32:23C'est un vêtement ultra fonctionnel.
32:28Très très fonctionnel.
32:30Et à la fois très fun et drôle.
32:36La collab, elle a ça d'excitant, c'est qu'elle est fugace.
32:39C'est un peu ce que j'appelle électriser l'histoire.
32:42Ça va durer deux jours sur les réseaux et ça part.
32:46Et ça devient des collecteurs.
32:48Donc ça devient quelque chose de rare.
32:52Et si l'on est un qui a su électriser l'histoire avec une collab,
32:55c'est bien Gibril Sissé.
32:57Icône des podiums de mode autant que des terrains de foot.
33:00Alors qu'en l'ancienne internationale tricolore a lancé sa collab
33:04avec le géant allemand du hard discount,
33:06on était à deux doigts de la fashion hystérie.
33:10Carton, folie, queue, sold out en quelques heures.
33:17J'ai vu des images de magasins avec des queues interminables
33:20pour avoir un survêtement que tu as dessiné.
33:23C'est cool.
33:25J'étais vraiment impliqué à 100% dans la collab
33:28parce que j'ai mangé du Lidl jeune.
33:31Ce color block là, c'est un peu mes couleurs de cheveux.
33:35Quelqu'un de différent, mais d'assez carré quand même.
33:38J'ai vu des joueurs de foot qui ont l'habitude d'aller chez les marques de luxe
33:43et qui ont acheté un survêtement à 30 balles au total
33:46ou même pas, les deux pièces.
33:48On a créé une trend, on a créé un mood, une fashion, une tendance,
33:51une envie auprès des gens et une petite folie quand même
33:56parce qu'on ne va pas se mentir, il y a eu des reventes à x10, x20.
34:01Ce n'est pas ce qu'on recherchait non plus,
34:03mais on est fier d'avoir créé ça.
34:08Depuis que Jul, le rappeur marseillais, a jeté son dévolu
34:11sur la veste de running Décathlon Kalenji,
34:14rebaptisée par la rue Kalenjoul,
34:16la marque française grand public est devenue tellement hype
34:19qu'en 2024, Kanye West s'affiche en total look technique Décathlon,
34:24non pas pour faire du vélo sous la pluie,
34:26mais pour assister à la Fashion Week de Paris.
34:30Il faut dire que renverser les paradigmes du luxe,
34:32c'est un peu le sport préféré de la mode.
34:35Et du cheap au chic, il n'y a parfois qu'un retourné acrobatique.
34:41C'est ainsi que l'on retrouve Gibril Sissé,
34:43défilant dans le show de la créatrice la plus regardée du moment,
34:46Marine Serre, elle-même ancienne tennis woman de haut niveau,
34:50désormais connue pour sa couture à l'esprit sportswear,
34:53inclusif et éco-responsable.
34:59On sait bien qu'elle n'a pas oublié son côté sport et son côté athlète,
35:03qu'elle arrive à joindre les deux et qu'elle n'a pas oublié
35:06les valeurs du sport,
35:09là si on parle du sport,
35:11sont des valeurs qui ont un lien avec le luxe,
35:14la performance, l'excellence,
35:17mais il y a aussi tout l'entraînement,
35:19des années d'entraînement,
35:21et ça, il y a un rapport très fort avec le luxe.
35:24Un défilé de mode,
35:25une wearable,
35:26un défilé de mode,
35:27un défilé de mode,
35:28un défilé de mode,
35:29un défilé de mode,
35:30c'est un défilé de mode,
35:31c'est un défilé de mode,
35:32c'est une mode qui a des compétences,
35:34très fort avec le luxe. Un défilé de mode, c'est un moment très court, mais en réalité,
35:38il y a énormément de travail avant. Et je pense que ça, c'est du coup ces deux mondes
35:42qui se correspondent bien, qui se comprennent pour ça.
35:45Une finale de Coupe du Monde très particulière pour Yves Saint Laurent. Juste avant le début
35:50de la rencontre, dimanche prochain, le couturier présentera un grand défilé. 300 mannequins
35:56vont arpenter la pelouse du Stade de France.
35:58Ce qui est formidable, c'est que le foot et la mode sont ensemble, et puis il va y avoir
36:02des tenues extraordinaires, 300 tenues.
36:04Quelques minutes avant le coup d'envoi de la finale de ce Mondial 98, les idoles dans
36:09l'arène ne s'appellent pas encore Zinedine, Emmanuel, Lilian ou Bichente, mais Carla,
36:14Mounia ou Adriana, les plus légendaires mannequins de l'époque, dans un défilé rétrospectif
36:20de l'œuvre de Saint Laurent. Vues en direct par 1,7 milliard de téléspectateurs, ces
36:2515 minutes de mode totale sont suivies par l'exploit historique des blues.
36:32Le soir, on tourne le feu. Allez, le soir, on tourne le feu.
36:38On est les champions du monde ! On est la force !
36:41Et là, les deux, les trois, c'est le rôle ! Et là, les deux, les trois, c'est le rôle !
36:51Je ne sais pas ce qui fait que ça devient si important pour les gens, mais peut-être
36:54on transpose vers ces joueurs toutes les choses qu'on ne réussit pas, qu'on réussit moins,
36:59qu'on voudrait réussir, toutes les émotions cachées.
37:04Cette année-là, chacun veut être numéro 10, voler un peu du feu de ses héros en arborant
37:10leur couleur, leur style, leur aura.
37:13Les maillots eux-mêmes portés par les joueurs, aujourd'hui, sont l'objet de grandes ventes
37:18aux enchères et atteignent parfois des centaines de milliers d'euros.
37:22Donc on a un phénomène de collection qui existe aussi autour de ces maillots.
37:26Et c'est quelque chose que les supporters vont s'approprier aussi, puisqu'ils vont
37:29pouvoir acheter des répliques des maillots et donc s'identifier à leurs joueurs préférés.
37:41La couleur dans le monde du sport, elle est très liée à l'identification.
37:45Moi, je la lis vraiment au code de l'ère haldique médiévale.
37:49Donc les chevaliers, quand ils allaient se taper dessus durant les batailles, il fallait
37:54qu'on puisse s'identifier.
37:56Donc il y avait des codes avec très peu de couleurs, une très grande économie de couleurs.
38:01Et en fait, de cette gamme très courte, il y avait des gens qui faisaient des blasons.
38:06Et s'habiller de couleurs, s'habiller de contrastes, s'habiller de color blocks,
38:11c'est aussi affirmer une différence.
38:14Donc ce n'est pas être dans l'image chromatique du quotidien.
38:20Effectivement, les supporters aujourd'hui soignent leur apparence pour d'autant mieux
38:26soutenir leur équipe.
38:27C'est notamment le cas avec les écharpes de supporters.
38:31Ces écharpes, ce qui est intéressant, c'est que certes, on les porte pendant le match,
38:35on les arbore fièrement pour réellement créer un effet collectif et très visible
38:41dans les gradins par cette adoption des mêmes couleurs.
38:43Mais qu'on va aussi pouvoir porter dans la rue pour continuer à montrer son adhésion
38:49à l'équipe, voire comme un simple objet de mode parfois.
38:57Le blason du club, mais aussi les logos des équipementiers.
39:03Le V de Vans, la typo de Supreme, l'emblème d'Asics, le N de New Balance ou la virgule de Nike.
39:09Autant d'étendards qui fédèrent en tribu et que l'on arbore comme un motif esthétique à part entière.
39:16Cette culture du style qui émerge parmi les supporters dès les années 70 est massive
39:22et elle porte un nom, la Terrace Culture.
39:25Et là, il faut vraiment aller en Angleterre, à Manchester et à Liverpool,
39:30où les supporters de football ont développé la Terrace Culture,
39:33c'est-à-dire la culture des gradins, qu'on appelle également casual.
39:38Ils ont adapté à leur propre style des tenues de sport et ils les portaient pendant les matchs.
39:44Ça restait bien sûr un vêtement de loisir puisqu'ils n'allaient pas au stade en tant que joueurs,
39:49mais en tant que supporters.
39:52En anglais, le mot Terrace désigne les tribunes qui se trouvent derrière les cages et où les fans se retrouvent.
39:58Au Royaume-Uni, où football, musique et style sont les piliers de la culture,
40:03pas étonnant de voir que les portes-drapeaux de la tendance casual s'appellent Oasis, Blur ou même avant eux,
40:10WAM avec George Michael.
40:12Accros au survêtement Terinda de Fila, ils vont jusqu'à faire sponsoriser par la marque leur tournée de 1983.
40:20Pour le pub comme pour les gradins, tout casual possède alors son polo Fred Perry, sa paire de samba,
40:26ou encore son survêtement Beckenbauer, véritable phénomène culturel sorti en 1967.
40:33Franz Beckenbauer était tout simplement le footballeur de l'époque.
40:38C'est le seul qui a remporté la Coupe du Monde pour l'Allemagne à la fois en tant que joueur et en tant que sélectionneur en 1974 et en 1990.
40:46Et au-delà de ça, il a aussi beaucoup fait pour le football allemand au fil des décennies.
40:50C'était donc naturel de baptiser notre tout premier survêtement d'après Franz Beckenbauer.
40:57Ce qui rend ce modèle particulièrement iconique, ce sont ces brides qu'on pouvait passer autour de la chaussure à l'époque.
41:04L'original était bleu, puis il a été décliné en plusieurs couleurs, comme le rouge.
41:12Aujourd'hui, c'est devenu un basique du survêtement qu'on retrouve même souvent dans des films.
41:19Et si le Kaiser s'est éteint en 2024, le vêtement qui porte son nom, érigé en reliques et dupliqué à l'infini,
41:26rend accessible à tous le frisson de ses plus grandes victoires.
41:33En s'agrafant au nom d'un champion, les pièces sportswear deviennent des basiques.
41:38Le basketteur des Chicago Bulls, Michael Jordan, associé pour Nike au mythique Air Jordan, vendu à plus de 100 millions d'exemplaires dans le monde.
41:47Le basketteur Walt Clyde Frazier, en l'honneur duquel Puma crée sa classique, la Clyde.
41:54Et qui se souvient que Stan Smith, avant d'être cette chaussure qui va avec tout, était dans les années 70 le meilleur tennisman au monde.
42:03Derrière certaines des sneakers les plus légendaires conçues ces 40 dernières années, il y a un homme, Jacques Chassin.
42:09Designer chez Adidas, il a notamment conçu des chaussures pour les plus grands athlètes,
42:14d'Ivan Lendl à Stéphie Graf, et signé des intemporels comme les Hedix ou la Forum, avec sa fameuse bande Scratch.
42:23Ça c'est la Forum, et donc la Forum justement a pris en compte un peu l'espèce d'analyse ou de synthèse qu'on a pu faire
42:30en étudiant le jeu, en étudiant les athlètes et le problème qu'ils avaient, à savoir les entorses de cheville.
42:35J'ai constaté aussi qu'en regardant les joueurs avant qu'ils aillent sur le terrain, avant qu'ils mettent leurs chaussures, faisaient ce qu'on appelle un strapping.
42:41Le strapping c'est une espèce de bandage autour de leurs pieds pour maintenir la musculature et justement diminuer déjà ce risque d'entorse.
42:49Et l'idée c'était de dire voilà, pourquoi pas essayer de créer un produit où on intègre le strapping dans la chaussure.
42:56Le résultat était la Forum. Quand vous faites un design, c'est pas parce que vous faites de la déco, c'est pas ça. Il faut que ça serve à quelque chose.
43:03Et ensuite cette chaussure va s'évader du stade, forcément elle va aller essayer de s'aventurer dans la rue.
43:09Mais là, ce n'est plus l'athlète qui décide, mais c'est le consommateur qui décide.
43:14Et avec la Forum, pour la première fois de l'histoire du sportswear, une basket est lancée à 100 dollars, soit le double du prix moyen de l'époque.
43:22Mais pour avoir du style avec ses sneakers, la jeunesse des années 80, comme celle d'aujourd'hui, est prête à y mettre le prix.
43:29C'est cool de porter une chaussure blanche, c'est cool de porter une Stainsmith, c'est cool de porter une Air Jordan, c'est cool de porter une Clyde, etc.
43:37C'est-à-dire vous voulez être bien, vous voulez être belle, avoir une silhouette de tonnerre, ça doit vous donner à vous une vision plus positive de ce que vous pouvez être.
43:47Être belle est beau, sexy est sculpté. Les 80's sont marqués par le culte du corps.
43:55Dans les salles de muscu qui posent partout dans les villes, on la fûte, on le montre et on la prête.
44:00Et quand le cinéma s'empare de tout le potentiel suggestif de la panoplie des sportifs, cela donne le film Perfect, où le mini-short de John Travolta répond au body-string de Jamie Lee Curtis,
44:18reflétant l'apogée d'un nouveau phénomène de société qui vient percuter la mode, l'aérobic.
44:24On est dans un moment où, grâce au sport, on a un vrai recul de la pudeur.
44:28La révolution sexuelle des années 60-70 va forcément s'ajouter à cela et tout cela va collaborer pour de plus en plus laisser le corps apparent,
44:38et notamment dans le sport, d'où des bodies qui peuvent être extrêmement échancrés au début des années 80.
44:44Le fait de porter des bodies, des cyclistes, c'est quelque chose que Lady Di a beaucoup fait et cela a évidemment fait scandale.
44:59De voir Lady Di apparaître en une des magazines en body, c'est vraiment montrer le corps de la famille royale comme on ne l'a jamais fait,
45:07parce que cette question de pudeur reste d'autant plus importante dans les sphères royales notamment.
45:14Que ce corps soit autant dévoilé, c'est absolument extraordinaire.
45:20Partie de Beverly Hills, cette nouvelle tendance décomplexée et bariolée se diffuse via les shows d'aérobics de Jane Fonda,
45:26qui vend 17 millions de cassettes VHS de ses exercices.
45:30Et les podiums des concours d'aérobics deviennent la nouvelle vitrine de mode des années 80.
45:37En France, cette révolution vestimentaire est portée par Véronique et Davina et leur émission Gymtonique,
46:06dans laquelle les deux animatrices incitent les aficionados à customiser eux-mêmes leurs tenues en l'agrémentant d'accessoires.
46:13Des bandeaux en éponge ou les fameuses guêtres pour réchauffer les articulations mais surtout pour se faire remarquer avec des couleurs vibrantes.
46:21Elles s'arborent dès lors aussi sur le bitume et surtout, jamais trop d'élégance, avec des talons.
46:28Une recherche stylistique radicalement nouvelle qu'alimente une innovation technologique majeure.
46:34Un nouveau textile fait fureur le lycra, la fibre élastique extensible.
46:39Le lycra va connaître son heure de gloire à partir des années 80 dans le sport mais dans le reste des vêtements du quotidien également.
46:49Il va permettre d'avoir des tenues particulièrement moulantes pour le sport que chacun va adopter, comme le body,
46:56un vêtement qui est à la fois sportif mais qu'on va retrouver chez Azedine Alaïa par exemple,
47:01qui lui aussi va s'emparer de cette maille et de cette élastane pour magnifier le corps féminin.
47:10Le sportswear va revenir vers la couture où la couture va aller au devant du sportswear, c'est un peu dans les deux sens.
47:18En épousant toutes les morphologies comme une seconde peau, cette fibre synthétique extensible habitue l'œil à des silhouettes simplifiées.
47:25Dans une course au confort que la crise sanitaire va grandement précipiter.
47:30Il y a des éléments comme ce qu'on vient de vivre avec le Covid qui ont changé nos manières de s'habiller,
47:37parce qu'il y a le télétravail, on passe plus de temps chez soi, donc on va privilégier d'autres types de tenues qui sont moins formelles
47:45et qui sont plus des tenues dans lesquelles on est bien, on bouge, on peut aller faire du yoga ou du sport
47:53et revenir au travail, donc évidemment ça fait évoluer le vestiaire.
47:59Et c'est ainsi que le legging est devenu le nouveau jean, ou la claquette de vestiaire, le nouveau basique.
48:04Au point qu'en 2018, le rappeur Al Rima offre son hymne au combo claquette chaussette.
48:10Son clip aux 22 millions de vues sur Youtube rend virale cette tendance que l'on porte dès lors aussi bien en bas des blocs que sur les podiums de mode.
48:18Lui il a fait un morceau en chantant claquette chaussette et tout le monde a une claquette chaussette,
48:23donc c'est lui, c'est même devenu une mode presque, personnellement ça me choque pas, c'est devenu un objet de style de fou maintenant.
48:30Avec des belles chaussettes ça passe, ça choque plus maintenant, et puis ça a sauvé des gars qui ont des vilains pieds tu vois.
48:37De voir que c'est une trend, que c'est une mode, que pareil les marques hyper luxe sortent des claquettes brandées de leurs marques,
48:47voilà limite encourager à porter une claquette chaussette, ça c'est marrant.
48:52En aspirant ces attributs du sport jugé vulgaire, en les twistant avec ironie voire cynisme,
48:58la mode prétend ainsi brouiller les marqueurs propres aux différentes catégories sociales.
49:05Voici l'Adilette, l'un de nos modèles les plus célèbres, une claquette de piscine.
49:09Au départ elle était réservée aux athlètes professionnels.
49:12C'est seulement à l'occasion des Jeux Olympiques de 1972 qu'elle a été mise sur le marché à destination du grand public.
49:19Parce que lors de la coupe du monde de football de 1970, les joueurs de l'équipe nationale allemande avaient tout le temps des Adilettes au pied.
49:26Et comme c'était la première coupe du monde retransmise en couleur à la télévision, tout le monde les a bien vues et tout le monde les a voulues.
49:33A l'époque elle n'existait qu'en bleu et blanc et que pour hommes.
49:36Il a fallu attendre 1976 pour que les femmes aient droit à leur modèle en rouge et blanc.
49:41Dans les années 80, c'est même devenu une pièce fashion absolument iconique, la Radilette.
49:47Ce modèle pour femmes avec un talon et fabrication italienne.
49:52Et si les footballeurs des 70 ont popularisé cette claquette bon marché, les footballeurs d'aujourd'hui, eux, jouent dans une toute autre ligue.
50:01Aujourd'hui, avec La Fontaine, il y a une mini cérémonie qui s'est mise en place qui est l'arrivée des joueurs.
50:09Nous, on était en surmettre du club et point à la ligne.
50:11Eux, c'est un peu plus à l'américaine, c'est un peu plus du show.
50:15Les joueurs sont au courant que dans l'instant T, ils sont en direct sur l'Instagram de l'équipe de France qui est vue par des milliers de jeunes.
50:22Donc tu soignes un peu ton entrée.
50:24Le joueur en lui-même est une vitrine pour les marques et ça passe en direct par les followers des joueurs.
50:31Parce que c'est les jeunes qui achètent aujourd'hui et c'est eux qui font vivre l'économie des marques.
50:36Donc c'est clairement le sport qui fait la mode aujourd'hui.
50:43À l'heure où les sportifs défilent comme des mannequins et les mannequins défilent comme des sportifs, Balenciaga en vient à façonner des mannequins.
50:52Balenciaga en vient à façonner des sneakers tellement oversized qu'elles entravent délibérément toute velléité sportive.
51:00La forme qui neutralise la fonction signe peut-être que le sportswear serait arrivé aujourd'hui à son expression maximale.
51:11Pourtant, dans l'Antiquité, c'est tout simplement nus que les athlètes concouraient aux Jeux Olympiques.
51:16Les héros d'alors auraient-ils seulement pu croire que 2800 ans plus tard, celui qui toutes et tous nous aurait rhabillé, ce serait le sport aux Jeux comme à la ville.

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