• il y a 4 mois
“On n’a pas de papiers, ils profitent de notre situation”.

À Bordeaux, La Maison des Livreurs propose un lieu de pause et d’assistance pour les livreurs à vélo des plateformes, comme Uber Eats et Deliveroo. Accompagnées par Médecins du monde et d’autres associations, ces travailleurs précaires peuvent faire entendre leurs revendications face aux dangers de leur métiers : accidents de la route, déconnexion de compte, salaires misérables et racisme.

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Transcription
00:00Nous sommes un de la vie et la mort.
00:03Les livreurs attendaient en bas des immeubles.
00:05Ils avaient besoin d'un lieu où ils pouvaient se poser, se rencontrer.
00:09Ils sont dans une précarité extrême, totale.
00:11On n'a pas de papiers.
00:13Ils profitent de nos situations.
00:15Et ça permet de faire entendre leurs revendications,
00:17chose qu'il n'y a quasiment pas eu depuis toutes ces années.
00:21Je travaille 7 sur 7.
00:23Sortir à 9, on est rentré à 23 heures.
00:25Moi, je suis là pour payer 22 euros.
00:3511 kilomètres, 7 euros.
00:38Avant, ce n'était pas comme ça.
00:40C'était normalement 2 euros le kilomètre.
00:42C'était pas comme ça.
00:43C'est plus cher.
00:44C'est plus cher.
00:45C'est plus cher.
00:46C'est plus cher.
00:47C'était normalement 2 euros le kilomètre.
00:49C'est pas normal.
00:51C'est juste à côté.
00:52Je vais prendre la commande.
00:53Et on va aller livrer.
01:04Moi, j'ai commencé la livraison en 2022.
01:06J'étais tout à la maison.
01:08J'ai une amie qui n'a pas eu les papiers.
01:10Elle a créé un compte Uber.
01:12Elle m'a donné.
01:13Elle est passée à travailler avec.
01:18Quand ça sonne,
01:19on peut faire 10 ou 15 courses par jour.
01:22Hier, il y avait 6 courses.
01:266 courses à 26 euros.
01:28Ça me stresse.
01:30Parce que moi, il faut que je paie le loyer.
01:32Je dois manger.
01:33Je dois m'habiller.
01:35Avec la livraison, on n'a pas trop le temps.
01:39Il a arrêté.
01:40Il t'a arrêté.
01:41Il t'a arrêté.
01:44On est obligés de faire ça
01:45parce qu'on n'a pas le choix.
01:47On n'a pas de papiers.
01:48Chacun de nous a laissé sa famille pour venir ici.
01:51C'est pour travailler.
01:52C'est pas pour venir regarder.
01:54Non, parce que la France est jolie.
01:56Non, on veut participer aussi
01:57au développement de l'Europe.
01:59Moi, je viens de la Côte d'Ivoire.
02:01Toute ma famille est musulmane.
02:03Et moi, je suis chrétien.
02:04Mon père me menaçait.
02:06Mon père me menaçait.
02:07Il m'a tué.
02:08Il m'a tué parce qu'il m'a retrouvé dans la religion.
02:11Voilà.
02:12Pour sécuriser ma vie,
02:13je suis obligé de sortir.
02:17Moi, depuis à 20h,
02:18je suis sorti ce soir.
02:20Jusqu'à 22h,
02:2130h,
02:2211h.
02:2314h.
02:2414h ?
02:31C'est pas bon.
02:32C'est pas bon.
02:33C'est pas bon.
02:34Allez go !
02:37Go !
02:41Si on est en Côte d'Ivoire,
02:42tant qu'il y a la vie,
02:43il y a espoir.
02:44Il faut tous y inspirer.
02:46Donc moi, c'est un rêve.
02:47Bientôt 3 ans,
02:48je ne vais pas me vivre ma famille.
02:49Même s'il n'est pas là eux,
02:50je ne les vois pas.
02:52Moi, je suis le seul en France.
02:53Parce que moi, mon père,
02:54il est décédé.
02:55Il est en France.
02:56Je savais que si j'avais les papiers,
02:57je pourrais aller au funérail.
02:58Mais,
02:59j'ai pas les papiers.
03:00Je ne peux pas aller.
03:01Donc, j'étais là comme ça.
03:03Voilà.
03:06Heureusement, avec la Libération, j'ai rencontré d'autres amis qui ont posé, papouté,
03:17rigolé.
03:18Je n'ai pas trop pensé en fait.
03:19C'est impossible.
03:20Les vrais livrets sont là.
03:21Bonjour mon frère.
03:22Ça va ?
03:24La Maison des Livreurs, c'est un lieu qui a été pensé pour accueillir, pour permettre
03:30aux livreurs de s'opposer et aussi, surtout, d'avoir un accompagnement par rapport à
03:35toutes leurs problématiques.
03:36À Bordeaux, ce qu'on a constaté, c'est que les livreurs attendaient en rue, au sol,
03:40en bas des immeubles, les plateformes.
03:42C'est-à-dire qu'ils n'avaient pas d'accueil.
03:44C'est-à-dire qu'ils n'avaient pas d'accueil.
03:46C'est-à-dire qu'ils n'avaient pas d'accueil.
03:48C'est-à-dire qu'ils n'avaient pas d'accueil.
03:50Ils attendaient en rue, au sol, en bas des immeubles.
03:53Les plateformes n'avaient pas pensé à un lieu de pause, à un lieu de travail où
03:56ils peuvent rencontrer leurs collègues.
03:58Donc c'était d'abord une question de dignité et c'est sur ça que les livreurs
04:01nous ont sollicité.
04:02On va d'abord commencer par la santé.
04:04On va les aider à réparer leur vélo.
04:07On va les aider à avoir accès à leurs droits.
04:09On va leur permettre aussi d'accéder à l'emploi avec des accompagnements sur le
04:13temps long.
04:15Allez-y, asseyez-vous.
04:17Alors montrez-moi un peu le bras.
04:19Ici, ça fait très mal.
04:21Ok.
04:22Quand c'est ici, là ?
04:24Oui, à l'intérieur, oui.
04:26Ce que j'ai souvent, c'est des gens qui sont tombés, qui sont faits mal.
04:29Alors du coup, soit c'est cassé, soit c'est des entorses ou des choses, mais qu'ils
04:32l'ont laissé traîner pendant deux semaines.
04:33Il y en a un qui l'avait laissé pendant trois semaines et qui a eu une fracture.
04:36Donc du coup, forcément, derrière, ça lui faisait mal énormément.
04:38C'était sur un bras.
04:39Et donc forcément, du coup, ça lui fait des douleurs chroniques derrière quand on
04:41le revoit.
04:42Et ils n'ont pas forcément appris les bonnes postures.
04:43Enfin, ils n'ont pas vu comment faire du vélo sans se faire mal.
04:46Donc forcément, ils ont des maladies qui sont un peu liées, des douleurs de lombaire,
04:49des douleurs de dos, des choses comme ça.
04:51Vous arrivez à tourner ?
04:52Oui, mais quand je fais, ça fait mal.
04:55D'accord.
04:56Ils sont souvent sans papier, pas régularisés.
04:58Donc du coup, ils ont peur de devoir payer cher ou ils ont peur de se faire attraper
05:03à l'hôpital parce qu'ils ne savent pas trop comment ça se passe.
05:05Mais la plupart du temps, c'est surtout parce qu'ils ont peur de ne pas pouvoir faire
05:08assez de livraison et du coup, de ne pas gagner leur vie.
05:11Alors ça, c'est une ordonnance pour passer les examens.
05:13Donc on va essayer de voir ensemble pour prendre un rendez-vous
05:15et puis il faudra venir avec ça pour le rendez-vous.
05:17D'accord ?
05:18Mon principal job, j'ai l'impression, c'est surtout de leur apprendre leurs droits,
05:22comment ils peuvent se faire soigner ou comment prendre un rendez-vous,
05:25comment trouver un médecin et surtout l'importance d'avoir un médecin,
05:28un médecin traitant.
05:29S'il y avait une régularisation, je pense que ça permettrait qu'ils aient un métier
05:32qui soit un peu plus adapté à eux et qu'ils aient une situation moins précaire
05:35et je pense que du coup, ils seraient beaucoup moins malades derrière.
05:39Ça, c'est pour toi.
05:40Ok.
05:44Il y a des clients qui se foutent un peu de nous, en fait.
05:46Ils se foutent même du service qu'on leur rend.
05:49Moi, j'ai pris la commande, j'ai envoyé chez les clients,
05:51ils me jettent la commande, ils disent « mais sale nègre, ça va pas chez toi ?
05:54Tu ne peux pas envoyer la commande vite fait. »
05:58Et les plateformes, ils s'en tapent, en vrai.
06:03Montre-moi, du coup, ton compte Uber.
06:05Quand j'essaye de me connecter, voici le message qu'il m'envoie, en fait.
06:08Bonjour, merci pour votre message.
06:11Bonjour, merci pour votre message.
06:13Nous avons le regret de vous informer que lors de l'examen final de votre demande d'appel,
06:16donc ce que tu as demandé, la décision a été négative.
06:19Cette désactivation est permanente et irréversible.
06:22Sauf que du coup, à aucun moment ils t'ont expliqué…
06:27Là, j'en suis à peut-être une soixantaine de personnes depuis février.
06:30Il y a des situations où c'est par rapport à des justificatifs
06:33qui n'ont pas été envoyés, donc ça, ça se tient.
06:35Par contre, la problématique, c'est quand c'est des défauts de performance,
06:38quand c'est des problèmes avec la clientèle.
06:41Derrière, on renvoie un message via l'application, genre,
06:44expliquez-nous, c'est quoi le problème ?
06:46Et là, depuis maintenant un an, je n'ai jamais eu une seule fois un motif précis,
06:52au-delà des histoires de justificatifs.
06:54Ils n'ont pas de local où tu peux aller au moins te justifier
06:58ou bien dire qu'est-ce qui se passe, et trucs comme ça.
07:00Il n'y a pas d'interlocuteur en face, en fait.
07:02Donc, tu es en face de toi-même, en fait.
07:04Cette crainte des connexions de compte,
07:07il faut bien comprendre que les livreurs, ils l'ont au quotidien.
07:09Au quotidien, ils se disent, si je ne suis pas suffisamment performant,
07:12ça va être déconnecté.
07:14Si le client est mécontent, ça va être déconnecté.
07:16Typiquement, quand ils ont un accident,
07:18la première chose qu'ils se disent, c'est d'aller livrer.
07:20Ils ont mal, mais l'enjeu, c'est que le client soit satisfait.
07:23Moi, ce que je peux faire, c'est qu'on travaille avec des syndicats.
07:26Et en fait, les syndicats, ils ont possibilité de discuter directement
07:29avec des livreurs ou Uber.
07:31Et à travers le syndicat, eux vont poser la question
07:33pour essayer de comprendre, en fait, pourquoi ton compte a été déconnecté.
07:36On arrive à en débloquer peut-être les deux tiers.
07:38Les deux tiers, oui.
07:40Sauf que là, on parle des personnes qui passent par nous.
07:42Nous, on a accompagné peut-être 200 personnes depuis le début.
07:46Il y a 3 000 livreurs à Bordeaux, 5 000 sur la métropole.
07:49Je crois que les estimations, c'est entre 80 000 et 90 000 en France.
07:53Combien de livreurs se sont vus supprimer leurs comptes du jour au lendemain,
07:57perdre leurs sources de revenus sans pouvoir rien faire ?
08:07Ils oublient qu'en fait, les livreurs, on est H24.
08:11Et on sait les entreprises, les hôpitaux, les publics.
08:15En fait, on sait tout le monde.
08:18Et après, même la police, souvent, elle nous chasse.
08:22Putain, elle est censée nous défendre, en fait.
08:28La moitié des personnes qu'on accompagne sont en situation régulière
08:31et l'autre moitié est en situation régulière.
08:33La solution qu'ils trouvent, c'est de soulouer un compte à un propriétaire
08:37qui va donner son compte à cette personne.
08:39Et il y a des rumeurs, il y a des croyances
08:42comme quoi il y aurait une mafia de la soulocation de comptes.
08:45Mais on voit que c'est surtout soit des personnes qui s'entraident,
08:49soit des personnes qui vont louer leur compte sur les réseaux sociaux.
08:53Et là, par contre, on peut voir des pratiques d'arnaques
08:55où des personnes vont soulouer un compte,
08:57gagner l'argent généré par le livreur, mais ensuite ne jamais le payer.
09:04On a été beaucoup critiqués à l'ouverture
09:07comme quoi notre association serait un soutien au travail dissimulé.
09:11Sauf que c'est un argument qu'on ne comprend pas.
09:13Sur les vélos, il suffit d'ouvrir les yeux.
09:15Effectivement, il y a des personnes en situation irrégulière.
09:17Est-ce qu'il ne faudrait renoncer à les accompagner
09:20en sachant que vu qu'ils sont en situation irrégulière,
09:22ils ont beaucoup moins de droits, évidemment,
09:24que quelqu'un en situation régulière.
09:25Et donc la situation pour eux est encore plus critique.
09:28Il n'y a pas d'allocation, il y a la majorité des dispositifs
09:31auxquels vous ne pouvez pas avoir accès.
09:32Et donc c'est des personnes qui sont en situation de survie.
09:39La plupart des livreurs sont dans une précarité extrême, totale,
09:43qu'on ne peut même pas imaginer.
09:44Il y a d'autres qui vivent dans des squats
09:46où il n'y a même pas simple de l'eau.
09:48Tu as un revenu à moins de 500 euros, mais laisse tomber.
09:55Nous vivons beaucoup de choses.
09:56Le mois dernier, la voiture,
09:59elle a tourné tout d'un coup devant moi.
10:01Ça m'a percuté.
10:03J'étais dans les airs.
10:05En tombant, je suis tombé sur mon genou.
10:08Il m'a vu à terre.
10:09Il a pris la route et il s'est emparé.
10:12Sans s'arrêter pour voir qu'est-ce que j'ai,
10:14de mal ou bien qu'est-ce que j'ai.
10:16Les témoignages de délit de fuite de véhicules
10:19qui percutent les livreurs,
10:21j'en ai quasiment toutes les semaines à la maison des livreurs.
10:23Je n'ai pas de mots.
10:25Je suis un humain.
10:26Quelle que soit ma couleur,
10:27quel que soit ce que j'ai fait, au fait.
10:30Depuis l'arrivée des plateformes,
10:31on n'a aucune donnée sur le nombre d'accidents,
10:33sur le nombre de décès dans le cadre de la livraison.
10:36Nous, ce qu'on a fait,
10:37c'est qu'on est allé voir les brefs, les articles.
10:39Depuis 2019, ce qu'on voit,
10:41c'est qu'il y a eu 19 personnes qui sont mortes
10:43dans le cadre de l'activité
10:44et 19 accidents graves.
10:46Et une personne en urgence absolue, dans le coma.
10:48Ce qui est sinistre dans cette histoire,
10:50c'est qu'il y a beaucoup de personnes,
10:51comme tu peux voir,
10:52où il y a marqué inconnu.
10:53Et tout ça pour livrer des burgers,
10:55des sushis, des plats
10:56pour une rémunération extrêmement faible.
11:01La directive européenne,
11:02qui a déjà été votée
11:03mais qui doit être confirmée bientôt,
11:05va forcer, contraindre les plateformes
11:07à être beaucoup plus claires
11:08sur comment fonctionne leur algorithme.
11:10Et il y a aussi, pour ceux qui le souhaitent,
11:12la possibilité de faire reconnaître
11:14qu'ils sont bien sous les ordres du beurre
11:16et donc que c'est bien une relation de travail
11:18et donc qu'ils doivent être reconnus
11:20comme des salariés
11:21et non pas comme des auto-entrepreneurs.
11:23Et ensuite, la France va avoir deux ans
11:25pour le retranscrire dans la loi française.
11:27Sauf que Emmanuel Macron soutient Uber.
11:29Donc on a vraiment peur
11:30qu'il fasse en sorte, avec son gouvernement,
11:33de limiter cette retranscription
11:36de la directive européenne.
11:37Nous, on veut leur raconter
11:39quel est le nouveau préfet qu'il y a
11:41et de voir notre situation administrative.
11:43Et on demande juste un titre de séjour
11:45pour pouvoir avoir le minimum
11:47des conditions fondamentales.
11:49On a du mal à voir.
11:50Mais non, il faut arrêter quand même.
11:52On a du mal à voir.
11:53Mais non, il faut arrêter quand même.
12:22Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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