Dans cet épisode de La vraie vie de, StreetPress raconte le quotidien de Yamina et Saloua, deux habitantes de la cité La Renaude à Marseille totalement laissée à l'abandon et gangrénée par le trafic de drogue.
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00:00Il y avait 145 familles dans le logement de la Renaude et maintenant il en reste 12.
00:07Ce qui s'est passé, c'est que le réseau s'est installé sur la Renaude.
00:10J'ai vécu ici, il y a eu deux meurtres, un sous ma fenêtre et un là-bas en face.
00:17Les gens sont partis, pour le bailleur c'est facile, il reste 12 familles à faire partir.
00:22Ça ressemble à quoi ? Ça ressemble à une cimetière, ça ressemble.
00:31Je m'appelle Salwa, j'habite à la Renaude depuis 60 ans et je suis la plus ancienne locataire de la Renaude.
00:37Le quartier de la Renaude est constitué de deux gros blocs d'immeubles.
00:41Un qui s'appelle les A, où il y avait sept bâtiments, et les B.
00:46Et après il y a l'ancien bidonville, qu'ils vont bientôt détruire.
00:51Dans cet appartement, c'était notre alimentation de quartier.
00:54Le stade des enfants, j'avais trois jours, on habitait au rez-de-chaussée, au B1.
01:01C'est mon enfance, une enfance heureuse.
01:04On n'était pas riches, mais on était heureux.
01:06C'était une famille, tous les parents s'occupaient des enfants des autres.
01:09On allait manger chez l'un, chez l'autre.
01:11Si on ne voulait pas manger du couscous, on allait manger du yassa chez les voisins.
01:15Il n'y avait aucune différence.
01:17Il y avait 145 familles dans le logement de la Renaude et maintenant il en reste 12.
01:23Ce qui s'est passé, c'est que le réseau s'est installé sur la Renaude.
01:26Quand le réseau s'est installé, c'était le jackpot.
01:28Ça a tué la cité.
01:30Les gens sont partis. Pour le bailleur, c'est facile.
01:32Il reste 12 familles à faire partir.
01:34La Renaude, quartier fantôme pour ses derniers habitants, est vouée à la démolition par le bailleur HMP.
01:39Les locataires sont appelés à quitter les lieux.
01:42La plupart ont déjà été relogés dans des quartiers qu'ils jugent déshérités.
01:46HMP n'a pas fait son boulot.
01:48C'est-à-dire qu'il n'est là que pour encaisser les loyers.
01:51L'électricité n'est plus aux normes.
01:53Ils n'ont pas fait de rénovation.
01:55La plomberie n'est plus aux normes.
01:57Automatiquement, les maisons se dégradent.
01:59Est-ce que c'est normal d'avoir une planche à la place d'une porte
02:03où il y a les compteurs gaz et compteur eau ?
02:06C'est triste.
02:07Surtout que moi, je n'ai connu que cette cité.
02:09Ça fait de la peine de voir un site comme ça partir à l'abandon.
02:13C'est dommage de ne plus entendre les cris des enfants.
02:15Oui, on est tranquilles.
02:17Mais il manque la vie.
02:22Je m'appelle Yamina.
02:23Je vis ici depuis 1968.
02:26Et voilà où j'en suis maintenant.
02:28D'ici le mois de septembre, je pense que je vais faire la cueillette de champignons.
02:31Rentrez, vous allez visiter.
02:33J'ai été inondée depuis le mois de mai 23.
02:38Voilà, vous voyez, regardez les murs.
02:40Dans quel état ils sont.
02:41Vous voyez la fissure qui tape d'un bout à l'autre.
02:44Le 26 février 24, j'ai dû appeler les pompiers
02:47parce que j'étais inondée.
02:50Les murs qui coulaient, l'eau qui coulait.
02:52On dirait les chutes du Niagara.
02:54Ça coulait de partout.
02:55Alors, il y a eu la fissure.
02:57Elle a tapé la salle de séjour, le couloir, le placard.
03:00Cette chambre qui a été inondée.
03:02Regardez les murs, dans quel état ils sont.
03:04Regardez.
03:06Quand j'ai déclaré les dégâts des eaux,
03:09ils n'ont rien fait pendant un an.
03:11Il a fallu que ça soit vraiment catastrophique.
03:14Et là, ils ont fait des travaux le mois dernier.
03:17L'appart, tellement qu'il y a trop d'humidité,
03:19je ne peux même pas rester chez moi.
03:21Ni dormir.
03:22Je dors chez ma voisine.
03:23Je ne peux pas vivre chez moi.
03:24Je ne peux pas recevoir mes petits-enfants.
03:26Je ne peux pas recevoir mes enfants,
03:28ni mes amis.
03:30Ce n'est pas normal.
03:33On m'a proposé d'appartement qui ne me plaisait pas.
03:35L'environnement ne me plaît pas.
03:37Et je ne peux pas y aller.
03:39À mon âge de 70 ans, j'ai vécu ici.
03:44Il y a eu deux meurtres.
03:45Un sous ma fenêtre et un là-bas en face.
03:48Et un petit, je revenais de chez mes médecins.
03:50C'était 19h.
03:53Et je l'ai vu par terre.
03:59Ce n'est pas beau à voir.
04:01Ce n'est pas beau à voir quand on tue quelqu'un devant vous.
04:05Ce n'est pas la guerre.
04:09Quand je ferme mes yeux, monsieur,
04:11je revois ce jeune homme.
04:14Je pense à sa maman.
04:17Vous voyez, j'en parle, je suis...
04:25Alors si je vais dans un quartier
04:27que ça me rappelle plus de souvenirs,
04:30non.
04:34J'ai eu des propositions en 2023.
04:37J'ai refusé.
04:38Déjà, il me place dans un quartier
04:42où c'est isolé.
04:44Il n'y a pas de commerce.
04:46Il n'y a pas de boulangerie.
04:47Il n'y a plus rien là-bas.
04:49Je fais quoi ?
04:51J'ai 60 ans.
04:53Je vais faire comment quand j'en aurai 80,
04:55si le bon Dieu m'accorde 80 ans ?
04:56Je ne vais pas quitter mon appartement
04:58pour aller me jeter n'importe où dans Marseille.
05:02Je ne peux pas dire que les autres cités ne sont pas bien.
05:05Je n'y habite pas.
05:06Je ne connais pas les gens.
05:08Je ne peux pas dire ça.
05:10Sauf que plus le maillot se bute
05:12et qu'il restera dans ses positions,
05:15je pense que je resterai dans ma position aussi.
05:18Je ne partirai pas comme ça.
05:20Je ne cèderai pas.