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[Analyse] Prix du lait

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00:00Bonjour et bienvenue à tous sur la SPACE TV par WebAgri. On va parler de marché du
00:18lait avec Gérard Hariou. Bonjour. Vous êtes responsable du service économie des filières
00:24à l'Institut de l'élevage et spécialiste du démarché laitier. Les éleveurs et moi-même,
00:32j'aimerais bien comprendre pourquoi il y a un tel décalage aujourd'hui entre le prix
00:39du beurre qui explose et un prix payé producteur, un prix de la poudre de lait qui reste stagnant,
00:47qui reste à des niveaux beaucoup plus modérés. Pourquoi il y a un tel différentiel aujourd'hui ?
00:52Effectivement, nous sommes dans une situation un peu nouvelle qu'on n'a jamais connue dans le
01:00passé puisque le cours du beurre atteint des niveaux exceptionnels. Sur le marché spot,
01:09il est pratiquement proche de 7000 euros la tonne. Le prix du beurre est changé sur la base de
01:14contrat autour de 5000 euros. Ce sont des niveaux jamais connus dans le passé qui sont révélateurs
01:22d'une situation de pénurie, c'est-à-dire que l'offre disponible n'arrive pas à suivre la
01:28demande. Et dans le même temps, la part du lait, la part protéine, est toujours en situation
01:37d'excédent. On a un cours qui, après avoir légèrement remonté autour de 2000 euros en
01:44début d'année, est aujourd'hui retombé en dessous du prix d'intervention. On est à 1650 euros la
01:51tonne début septembre et donc ça révèle une demande qui est peu dynamique et des disponibilités
02:00toujours très importantes, même si l'Union Européenne a nettement ralenti ses fabrications
02:07sur le second semestre. Les acheteurs sont un petit peu plus nombreux, mais la reprise des
02:15achats sur le marché mondial ne suffit pas à redresser les cours, d'autant qu'il y a
02:22toujours 350 000 tonnes de poudre de lait à l'intervention. La Commission Européenne a tenté
02:29d'en remettre sur le marché au printemps, lorsque les cours étaient moins mauvais,
02:35et puis en vin, puisque les propositions n'étaient pas du tout intéressantes, elles plombaient
02:42plutôt le marché, et que depuis quelques semaines, certains opérateurs ont proposé
02:51à l'intervention des volumes et donc il y a eu du rachat stockage à l'intervention. Donc une
02:57situation diamétralement opposée entre ces deux marchés. Sur le beurre, comment se fait-il
03:05qu'il y ait un tel déficit de production et en face il y a aussi une forte demande,
03:12une demande particulière ? Il est vrai qu'il y a une demande internationale qui est très bien
03:18orientée. Depuis maintenant deux à trois ans, le beurre est revenu un petit peu en grâce,
03:27c'est-à-dire qu'il y a des études scientifiques qui ont montré que le beurre n'avait pas du tout
03:32les dangers que certains dans le passé avançaient, et qu'au contraire il contient de très bonnes
03:40composants. Et donc ces éléments-là ont été énormément communiqués, médiatisés,
03:47notamment aux Etats-Unis. Et donc il y a une demande très très forte, croissante,
03:52de la part des transformateurs mais également des ménages. Également en Europe, il y a une
03:57demande de crème et de beurre qui est plutôt bien orientée. Et enfin la Chine s'est mise également
04:05à consommer du beurre, pas directement, mais il y a des importations croissantes de crème
04:10et de beurre qui rentrent dans des fabrications de pâtisseries, de viennoiseries, puisque les
04:20Chinois, on va dire plutôt aisés, apprécient les viennoiseries, les croissants et même la
04:30pâtisserie, qui est très utilisatrice de crème. Et donc on a ces éléments qui convergent. Et par
04:36ailleurs, du côté de l'offre, compte tenu que le marché de la protéine laitière est toujours
04:41dégradé, et bien les opérateurs, notamment transformateurs européens, qui sont polyvalents,
04:46ont plutôt eu intérêt au premier semestre à transformer du lait en fromage, puisque le marché
04:52est plutôt très porteur sur le fromage, avec des exportations dynamiques, puisque en en fabriquant
04:59du beurre, et bien ils fabriquent également de la poudre de lait crémé. Et donc sur le premier
05:04semestre, on a constaté un recul de 10% des fabrications de poudre de lait crémé, et dans
05:11le même temps, un recul des fabrications européennes de beurre de 5%. Et donc on est dans une
05:17situation un peu cornélienne pour les transformateurs, qui doivent finalement faire avec une
05:23matière première qui, elle, est composée d'une manière assez figée de matières grasses et de
05:29matières protéiques, alors que le marché est voulu de manière complètement digergente, les deux marchés.
05:34Au niveau de la production, on voit que la production repart un petit peu en Europe.
05:39Est-ce que ça ne va pas être un facteur de risque sur les prix payés aux producteurs ?
05:47Alors, il est vrai qu'en 2016, la production a ralenti du fait de la dégradation de la conjoncture
05:53de la baisse du prix du lait. En plus, l'Union Européenne a mis en place un dispositif qui visait
05:59à ralentir, à réduire volontairement la production de la part des producteurs.
06:03Qui a fonctionné ?
06:04Ça a plutôt bien fonctionné, mais ça a plutôt accompagné un mouvement qui était déjà à l'œuvre.
06:08Et donc, début 2017, la production était légèrement en retrait, mais la remontée
06:15progressive du prix du lait a relancé la production, tant et si bien qu'au premier
06:19semestre de l'année 2017, la collecte européenne a retrouvé finalement son niveau de l'année
06:25dernière. Et donc, on est dans un mouvement de reprise avec un prix du lait qui a augmenté au
06:31fil des mois. Et au niveau de la moyenne européenne, aujourd'hui, on est autour
06:35de 340 euros la tonne. Donc, c'est un prix qui redevient stimulant, qui stimule la production
06:41et qui reprend un petit peu partout en Europe, à l'exception des pays scandinaves,
06:46mais elle repart effectivement dans la plupart des pays européens. Et ce second semestre,
06:52on va avoir une production européenne qui va retrouver le niveau, le très bon niveau de 2015
07:00à la même époque, tant et si bien que sur l'année, la production européenne va légèrement
07:05progresser par rapport à l'année dernière. Donc, on est dans une logique de croissance,
07:09mais de croissance beaucoup plus modérée qu'avant et après la fin des quotas litiers,
07:15où là, on avait eu carrément un bond de la production. Donc là, on est dans un mouvement
07:19de reprise et non de rebond. Et donc, toute la question, c'est est ce que finalement,
07:24le marché, les marchés vont absorber ce supplément de production européenne qui arrive
07:31et qui va probablement se prolonger en 2018. La grande question que tout le monde se pose,
07:37c'est est ce que ce niveau de prix qui tourne autour de 345 340 euros la tonne en Europe en
07:45moyenne, est ce qu'il va perdurer? Est ce qu'il y a des perspectives de hausse? Et vous me disiez
07:49en préparant cette émission, il faut aussi tenir compte d'une corrélation entre le prix du lait,
07:54d'une part, mais aussi le prix des céréales et de l'énergie avec des céréales et de l'énergie
08:02peu chères ou abordables. On ne peut pas avoir un prix du lait élevé?
08:07Alors, ce qui est, on va dire, il est probable que là, au niveau européen, le prix du lait ne va
08:13pas beaucoup plus augmenter. On va arriver très vite à un plafond parce qu'on a cette contradiction
08:20entre finalement cette flambée du cours du beurre et cette dépression du cours de la protéine
08:26laitière. Donc, c'est une situation complètement paradoxale. En plus, on voit la production
08:31européenne qui reprend. Par ailleurs, les deux autres grands bassins de production et de
08:37fourniture du marché mondial que sont les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande sont dans un
08:43scénario de croissance. Les Etats-Unis connaissent une croissance régulière de presque 2% l'an
08:49et la Nouvelle-Zélande, après avoir également eu un petit peu des difficultés du fait de la
08:54chute du prix du lait, connaît également une reprise de production puisque le prix du lait
08:58en Nouvelle-Zélande a retrouvé un niveau pratiquement équivalent à celui dans l'Union
09:03européenne. Donc, c'est un prix très stimulant. Donc, on va avoir probablement, sauf incident
09:07climatique, une reprise dans ces trois bassins. Et donc, la question en face, c'est effectivement
09:14la capacité des grands pays consommateurs, importateurs à absorber ce supplément de
09:21lait qui va arriver. Et donc là, effectivement, on est plutôt dans des interrogations que dans
09:28des affirmations, d'autant que par ailleurs, les aliments du bétail sont, on va dire,
09:34plutôt stables. La récolte céréalière ou la récolte de grains, tant des céréales que des
09:43soja, est globalement bonne. Donc, il ne va pas y avoir de tension dans l'immédiat de ce côté-ci,
09:49que le prix de l'énergie reste relativement abordable. Et donc, finalement, aujourd'hui,
09:54on peut produire du lait supplémentaire à des coûts relativement modérés. Et donc,
09:59pas de perspective de hausse très importante dans l'avenir. Et plutôt, est-ce que ces prix du lait,
10:06on va dire, atteints d'ici la fin de l'année, vont pouvoir durer en 2018 ? La réponse va dépendre,
10:13bien sûr, de la demande, qui peut peut-être être plus dynamique du fait d'une reprise
10:18de la croissance dans un certain nombre de pays émergents, de pays pétroliers qui ont connu un
10:23passage à vide. Donc là, ça dépend beaucoup, on va dire, de la conjoncture internationale et de la
10:29solidité de la reprise économique internationale, qui est un des éléments de l'équation.
10:34Gérard Lhiou, merci beaucoup pour cet éclairage. Et puis, je vous invite à
10:37retrouver d'autres informations sur le prix du lait sur webagri.fr. Merci.
10:41Merci.

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