P. Faverdin : « Il faut travailler sur l'efficience plutôt que la production »

  • il y a 3 mois
[Apports protéiques]

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Transcription
00:00Bonjour et bienvenue sur le plateau de la SPACE TV par WebAgree,
00:03où j'accueille M. Philippe Favardin, chercheur à l'INRA,
00:07pour aborder la question de l'autonomie en protéines
00:10des filières.
00:11L'autonomie en protéines qui va de l'animal, de la ferme,
00:15voire jusqu'au plus largement au niveau national,
00:18voire international.
00:19Et donc, pour en parler,
00:21je vais vous présenter un petit peu la question
00:24de l'autonomie en protéines des filières.
00:26Philippe Favardin, bonjour.
00:28Bonjour.
00:29Vous faites partie du projet de recherche européen,
00:32qui n'est pas que de la recherche, qui s'appelle SOS Protéines.
00:35Expliquez-nous un peu quelle est l'idée de SOS Protéines.
00:40L'idée principale, c'est de faire le constat
00:42qu'aujourd'hui, les grandes régions d'élevage
00:44sont devenues très dépendantes sur les ressources protéiques
00:49qui servent à fabriquer les protéines animales.
00:52Et donc, est-ce qu'il y a un problème
00:54avec les protéines animales ?
00:55Et donc, est-ce qu'on peut trouver des solutions
00:57dans ces territoires-là pour rendre ces productions
01:00moins dépendantes des apports extérieurs,
01:02des marchés extérieurs,
01:03et plus autonomes, finalement, dans leur production
01:06et leur utilisation de ces ressources ?
01:08Ca comprend plusieurs volets,
01:10parce que j'imagine que c'est très large,
01:12l'utilisation au niveau européen des protéines.
01:14Tout à fait. Le projet est constitué en 4 volets,
01:18des volets qui sont plutôt agronomiques
01:19autour de la production des protéines dans les territoires
01:23et de leur amélioration,
01:24à la fois par les différentes ressources fourragères
01:27et aussi pour l'amélioration de la production
01:30de certaines ressources importantes comme les protéines agineuses,
01:33savoir si on peut améliorer leur...
01:35De travailler aussi sur les associations
01:37pour promouvoir la promotion de protéines
01:40avec d'autres cultures.
01:41Et donc, ces volets agronomiques sont complétés
01:43par des volets plutôt au niveau de l'animal,
01:46de l'utilisation de ces ressources protéines
01:48dans le cadre de l'alimentation animale.
01:50Est-ce qu'on peut arriver à utiliser mieux et moins
01:52ces ressources locales ?
01:53Et enfin, une approche beaucoup plus intégrée
01:56à l'échelle des exploitations
01:58pour voir comment on peut mieux évaluer son efficience
02:01et son autonomie protéique
02:02et comment on peut trouver un intérêt économique
02:04à cette approche d'amélioration de l'utilisation des protéines.
02:08Dans ce projet européen,
02:09j'imagine que ça regroupe très largement
02:12des chercheurs comme vous, des industriels.
02:15Quel est le rôle de l'INRA dans le projet ?
02:18L'INRA, il est justement de travailler en tant que recherche
02:21en collaboration avec tous les niveaux de la filière,
02:24que ce soit les producteurs et les acteurs du développement,
02:28avec les industriels, avec les partenaires économiques,
02:32donc d'essayer d'échanger autour de solutions
02:35qui sont basées sur des résultats scientifiques
02:38qui permettent d'espérer des progrès,
02:40mais aussi acceptables et rentables pour les producteurs
02:44avec des nouveautés que permettent les technologies industrielles.
02:47Quand on parle d'autonomie en protéines,
02:50tout de suite, ce qui vient à l'esprit,
02:51c'est d'abord produire sa protéine.
02:54Ça passe par le choix des fourrages, des récoltes,
02:57le type de fourrage.
02:59Qu'est-ce qu'on peut en dire ?
03:02C'est sûr que la 1re étape, surtout pour les ruminants,
03:06c'est l'utilisation de fourrages
03:07qui sont déjà eux-mêmes relativement équilibrés en protéines.
03:11Quand on part de l'herbe ou de fourrage comme ça,
03:13la question de l'autonomie protéique ne se pose quasiment plus.
03:17Mais on peut aussi imaginer d'introduire
03:19des associations de cultures
03:21ou de constituer des cultures de légumineuses
03:24que l'on vient apporter en complément des ensilages de maïs.
03:28Mais il faut reconnaître qu'en système laitier,
03:30aujourd'hui, une grande partie de la production
03:33se fait avec l'ensilage de maïs comme fourrage principal
03:37à cause de sa grande productivité par hectare.
03:40Le maïs, finalement, dans le système européen,
03:42c'est un peu le grand fautif,
03:44celui sur lequel on pointe du doigt
03:46sur notre dépendance en protéines.
03:49Je ne sais pas si c'est le grand fautif,
03:51mais il crée une forte dépendance aux protéines importées,
03:55et notamment aux protéines fabriquées en Amérique,
03:57du Nord et du Sud,
03:59pour venir compléter la carence en protéines
04:02d'un fourrage très pauvre,
04:04puisqu'il fait à peine 6 % de protéines.
04:06Une ration équilibrée pour une vache laitière
04:08sera toujours entre 13 et 15 %.
04:11Donc il faudra compléter cette carence
04:14par des apports importants dans l'exploitation
04:16ou par une production spécifique.
04:18Quand on a un hectare de maïs,
04:20on consomme forcément de la protéine ailleurs ?
04:22On fait fabriquer sa protéine
04:24avec 0,7 ou 0,8 hectare de cultures à l'extérieur
04:29dédiées à la fabrication de ces protéines.
04:31D'où l'intérêt de rapatrier ça sur son territoire
04:34pour être plus autonome.
04:350,7 hectare de soja produit en Amérique.
04:39Tout à fait.
04:40Les redemands en protéines sont assez faibles.
04:43Oui, mais on dit que toutes les cultures
04:45font la même quantité de protéines par hectare.
04:47C'est juste la dilution par l'énergie qui fait la différence.
04:50Quand on parle de complémentation d'une ration de maïs,
04:55on pense évidemment aux complémentations tourteaux
04:58ou protéagéneux.
05:00Comment peut-on améliorer la valeur de ces tourteaux ?
05:03On a beaucoup de travaux de recherche là-dessus.
05:06Ça fait longtemps qu'on en parle. Où en est-on aujourd'hui ?
05:09Surtout pour les protéagéneux,
05:11qui présentent des caractéristiques
05:12d'être moins riches en protéines,
05:14mais surtout d'avoir des protéines extrêmement dégradables.
05:17Quand elles arrivent dans le rumen,
05:19les microbes se jettent dessus
05:20et en quelques heures, il ne reste quasiment plus rien de protéines.
05:24L'animal ne voit pas une quantité très importante de protéines lui arriver.
05:29Lui, il la digère plutôt dans l'intestin.
05:31Oui, il la digère après dans l'intestin.
05:34Il ne va avoir que les protéines fabriquées par les microbes.
05:38L'idée, c'est d'augmenter cette valeur des aliments
05:40en essayant de protéger cette protéine de l'action des microbes.
05:43Il existe des traitements technologiques
05:45qui permettent d'avoir une meilleure valorisation
05:47de ces ressources protéiques,
05:49de pratiquement faire qu'on peut doubler la valeur en protéines
05:52réellement disponible de cet aliment par ces traitements-là.
05:55C'est intéressant de le faire
05:57parce que ça permet de les rendre relativement compétitifs
06:00par rapport à ces ressources importées.
06:02On pense au tannage, au toastage, par exemple ?
06:05Le tannage classique que l'on utilisait sur les tourteaux
06:09aujourd'hui est en arrêt, on va dire.
06:11Il faut trouver des techniques plutôt de toastage
06:14avec des additions de sucre, voire de l'extrusion,
06:18qui permettent d'arriver à des niveaux de protection élevés
06:20en toute sécurité.
06:22D'autres systèmes sont proposés,
06:23avec la jonction de tannin ou d'huile essentielle,
06:26qui sont des visions plus systémiques,
06:28mais qui restent encore à évaluer.
06:30Est-ce qu'aujourd'hui, avec la recherche qu'on a,
06:32on peut encore améliorer un peu l'efficience
06:35de ces apports de tourteaux ou de protéagineux
06:38dans des systèmes de ruminants, mais aussi de monogastriques ?
06:43Oui, bien sûr. C'est pas parce qu'on a des aliments de meilleure qualité
06:45qu'il faut gâcher la protéine.
06:47Et donc, la 2e économie, c'est comme pour l'énergie,
06:51c'est comme les néga-ouètes. On peut faire de la néga-protéine
06:53et essayer d'économiser au maximum
06:56pour augmenter le rendement d'efficience
06:58de conversion de ces protéines en protéines nobles,
07:01que sont la protéine du lait ou de la viande.
07:03Pour ça, on a des techniques qui sont très utilisées
07:06dans d'autres filières. En porc, c'est les acides aminés.
07:09On essaie de transposer cette technique-là
07:11aussi en alimentation des ruminants.
07:13Et puis, des techniques d'ajustement spécifiquement à l'individu
07:17pour essayer d'apporter réellement la quantité dont il a besoin
07:21en tant qu'individu. C'est l'alimentation de précision
07:23qui sera probablement un des enjeux des années futures.
07:26Il y a des voies d'amélioration de rendement, d'efficience
07:30qui peuvent être importantes.
07:31Tout à fait. Il faut accepter de travailler plus sur l'efficience
07:34que sur la production.
07:35Mais globalement, si on a un raisonnement économique,
07:37ça peut être intéressant à terme d'économiser
07:39des ressources protéines pour, à la fois,
07:42économiser le coût de la ration,
07:44diminuer les impacts sur l'environnement,
07:46faire que l'on est moins en compétition
07:48avec les ressources pour l'alimentation humaine
07:50et, globalement, produire plus propre.
07:52On entend par là une alimentation vache par vache, quasiment.
07:56Ça pourrait être le cas parce que la vache,
07:57il se trouve que c'est un animal
07:59où on peut percevoir facilement les caractéristiques individuelles.
08:02C'est plus dur quand on est dans les filières
08:04avec des grands effectifs.
08:06Et la notion d'individu a encore un sens en production laitière.
08:09Merci, Philippe Faberdin.
08:11Vous pouvez retrouver de nombreux articles
08:14sur l'alimentation des bovins sur webagri.fr.

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