Vendredi 5 juillet 2024, SMART ÉDUCATION reçoit Eloi Relange (Président, Fédération Française des Échecs)
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00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans votre magazine hebdomadaire Smart Education.
00:14Un magazine, vous le savez, dédié aux nouveaux métiers, nouvelles formations, nouvelles pédagogies, également nouvelles technologies de l'éducation.
00:21Échecs et maths, comment ne pas commencer cette émission avec cette expression
00:25alors que nous parlons aujourd'hui de la pratique du jeu d'échecs à l'école.
00:29Les bienfaits des échecs, nous y reviendrons.
00:31On poussait la FFE, Fédération Française des Échecs, à lancer un programme dans les écoles primaires de France.
00:36Son nom, Classe Échec, 150 000 élèves en ont bénéficié cette année.
00:40Je propose d'en parler avec Éloi Rollange, le président de la FFE.
00:44Il est avec nous, bonjour.
00:45Bonjour Eva, bonjour à tous.
00:47Merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui dans Smart Education.
00:50Ma première question, elle est simple, comment il est né ce programme ?
00:52A quel moment vous vous êtes dit, en tant que président de FEDE, il faut que les élèves pratiquent les échecs à l'école ?
00:58Les échecs, c'est un sport parfaitement inclusif, intergénérationnel, qui est extrêmement fort et important pour les enfants.
01:09J'ai moi-même trois enfants, j'ai été enfant joueur d'échecs, initié aux échecs au plus jeune âge.
01:13La Fédération Française des Échecs a deux tiers des licenciés qui ont moins de 20 ans.
01:17Et on en voit énormément, qui commencent à 4 ans, 5 ans, 6 ans, qui vont au club, qui jouent ensemble, qui partagent et échangent autour de ce sport.
01:25Donc c'est une évidence.
01:27Les échecs sont ancrés chez l'apprentissage des petits.
01:30Après ça va avoir plein de valeurs, plein de vertus pour eux.
01:33On en parlera bien sûr.
01:34Mais pour moi l'idée, jeune président élu de Fédération Sportive, mon premier point c'était que les enfants jouent aux échecs.
01:42Donc ça a toujours été ça, ce que je souhaitais, sachant que je suis grand maître international.
01:46Donc normalement plus porté vers le haut niveau.
01:49J'ai été capitaine de l'équipe de France, membre de l'équipe de France.
01:51Mais vraiment en tant que président de Fédé, c'était les enfants doivent jouer aux échecs.
01:56Les enfants doivent jouer aux échecs à l'école.
01:58Est-ce que l'éducation nationale, moi c'est une question aussi que je me suis posée, elle a dit banco tout de suite.
02:02Parce qu'en général on commence quand même par des expérimentations avant de structurer carrément un programme au niveau national.
02:08Puisque c'est le cas aujourd'hui de classe échec.
02:10Vous êtes allé toquer à la porte de l'éducation nationale, ils vous ont dit oui ?
02:13La fédération avait déjà une convention avec l'éducation nationale depuis 2007.
02:18Qui autorise plus ou moins les animateurs d'échecs à aller dans les écoles pour enseigner les échecs aux enfants.
02:25Surtout dans le premier degré.
02:27Et Jean-Michel Blanquer qui était ministre de l'éducation nationale et ministre des sports.
02:31A en 2021-2022 donné un énorme coup de pouce à la fédération française des échecs en signant deux conventions.
02:38Le contrat de délégation pour la reconnaissance sportive et le développement du programme classe échec.
02:43Avec l'UNSS, l'UCEP, le ministère des sports et le ministère de l'éducation nationale.
02:49Donc une convention quintipartite qui a définitivement lancé le programme.
02:53Donc les expérimentations c'était de 2007 à aujourd'hui.
02:56Il y avait beaucoup de cours d'échecs dans les écoles.
02:58Les enseignants aiment bien, les inspecteurs comprennent les bénéfices pour les enfants.
03:02Et ce n'était pas structuré encore ?
03:03Voilà, c'était beaucoup d'initiatives individuelles locales.
03:05Là, le programme classe échec, c'est vraiment en vergure nationale avec une cartographie et un référencement de tous les profs.
03:11Parce que ce programme, vous le lancez donc à la rentrée 2022.
03:14C'est ça, cette année-là, on compte 60 000 élèves bénéficiaires.
03:17L'année d'après, je le disais, c'est 150 000.
03:19Comment vous expliquez cet engouement ?
03:21Les professeurs voient des bénéfices pour la classe.
03:25Donc ils en parlent entre eux, il y a du bouche à oreille.
03:27On a eu une très belle communication de la part de l'éducation nationale.
03:30Et c'est un programme qui a été lancé de façon gratuite.
03:33C'est-à-dire l'équipement a été fourni gracieusement aux écoles.
03:37Les supports pédagogiques qui permettent à un professeur des écoles qui ne sait pas jouer aux échecs
03:42de faire 30 séances classe échec avec une formation continue, s'il le souhaite,
03:47par un formateur éducation nationale qui fournit des formations toutes les semaines.
03:53C'est clé en main pour les enseignants.
03:55On a enlevé toutes les barrières pour que ce soit simple pour tous les profs et gratuit.
03:59Donc forcément, ça va très vite.
04:01Un kit d'échecs qui permet d'équiper une classe, ça coûte 80 euros.
04:04C'est 10 échiquiers, un échiquier mural, quelques supports de règles du jeu.
04:08Les formations se font en ligne.
04:10Et ensuite, c'est du temps pour initier les enfants.
04:12Donc c'est extrêmement peu cher.
04:15Et il y a des bénéfices.
04:17On va rentrer dans le vif du sujet.
04:19J'ai fait une émission la dernière fois sur les bienfaits du sport à l'école.
04:22Ça tombe bien, puisque vous le disiez, vous considérez les échecs comme un sport.
04:27Quels sont les effets, d'abord les bienfaits, sur les compétences comportementales ?
04:31On verra après qu'il y aura aussi des effets sur les savoirs fondamentaux, comme les mathématiques.
04:35Mais d'abord sur les compétences comportementales.
04:37À quoi ça sert aujourd'hui de jouer aux échecs ?
04:39Déjà, il y a toutes les valeurs du sport.
04:41Ça, c'est la première chose.
04:43C'est-à-dire un peu le respect des règles, le respect de l'adversaire, la recherche de performance.
04:49C'est quand même une logique sportive d'aller se dépasser.
04:53Ça, c'est important.
04:54Aux échecs, il y a aussi beaucoup d'entraide.
04:56On constate qu'il y en a qui comprennent plus vite que les autres.
04:59C'est bien normal.
05:01Ceux qui ont compris vite vont parcourir les tables pour aider leurs camarades à avancer.
05:09Ça crée une dynamique de classe qui change et qui évolue.
05:14C'est le facteur numéro un qui nous est remonté par les enseignants.
05:18C'est l'ambiance de classe et le fait que ça ne soit pas des affrontements, mais de la collaboration entre les enfants.
05:24Après, il y a le socle de commandes connaissances.
05:27Là, ça se décline parfaitement bien.
05:29Sur la confiance en soi aussi, je crois que c'est un jeu où on peut progresser très vite.
05:33Plus on est petit, plus on progresse vite.
05:36Ça donne aussi de la confiance en soi à ces jeunes-là ?
05:39Oui.
05:40Petite parenthèse sur la progression rapide.
05:44Les enfants vont plus vite que les adultes pour les échecs parce qu'il n'y a pas la barrière du langage.
05:50Quand les enfants sont petits, il y a 80% ou en tout cas une grande partie de leur tête qui se concentre pour faire des phrases.
05:57Donc, quand on joue aux échecs, on ne fait pas de phrases.
05:59Ils sont à 100% sur ce nouvel objet, les pièces, le plateau, tout ça.
06:04Ils vont plus vite que nous parce qu'on ne passe plus d'énergie à faire les phrases.
06:09Cet handicap est rattrapé.
06:12Donc, on signale au professeur que c'est normal.
06:14S'il joue mieux que vous, plus vite que vous, ne vous inquiétez pas.
06:17Tout va bien, c'est tout à fait normal.
06:19C'est logique de se faire battre par des jeunes de 8 ans aux échecs.
06:22Exactement.
06:23Pour ne pas le prendre mal.
06:24Exactement.
06:25Certaines études, puisque vous avez réalisé des études d'impact, montrent aussi que la pratique des échecs bénéficie encore plus peut-être aux élèves en difficulté scolaire.
06:35C'est-à-dire ? Et pourquoi ?
06:37Ça rejoint le sujet de la confiance.
06:39Quand on met un échiquier dans la classe, il y a une redistribution complète des cartes.
06:42C'est un objet non identifié par la plupart des élèves.
06:45Et donc, ceux qui ne sont pas à l'aise avec les matières traditionnelles, mathématiques, français, qui ont des difficultés de langage, qui sont un petit peu en décrochage.
06:52Quand on leur propose le jeu d'échecs, ils regardent, ils tournent la tête, ils se disent « Tiens, c'est rigolo ».
06:58Ils commencent à jouer.
07:00Et là, il y a des échanges avec les autres élèves.
07:02Et là, ils peuvent passer de celui qui n'est pas à l'aise en classe à celui qui est le meilleur aux échecs.
07:07Tout change.
07:08La vision des autres élèves sur lui change.
07:10Sa propre vision de lui-même change.
07:12La vision de ses parents change.
07:13De son entourage change.
07:14Du professeur change.
07:15Et donc, ça fait des très, très belles histoires comme ça.
07:17Et ça aussi, c'est un peu les vertus du sport, les bénéfices du sport.
07:21Et c'est vraiment très, très bien.
07:24Sur son impact sur les savoirs fondamentaux aussi, maintenant que vous avez cette même étude, vous l'avez réalisée.
07:29Pour 96% des enseignants interrogés, les échecs ont un apport direct ou indirect pour les mathématiques.
07:34Pourquoi les maths ?
07:37Déjà, c'est assez géométrique.
07:42Le déplacement des pièces est géométrique.
07:44L'échiquier est un carré avec des cases, des abscisses, des ordonnées.
07:49Et on va chercher des parcours de pièces.
07:53C'est de la combinatoire.
07:55On va regarder des déplacements possibles.
07:57Où est-ce que peut aller la pièce ?
07:59On va chercher des parcours, des déplacements.
08:01On va faire des comptages.
08:02On va compter les points aussi, parce que les pièces valent des points.
08:04On peut compter aussi comme ça.
08:07Mais ça reste surtout, à mon sens, très carré.
08:11C'est des lignes droites.
08:13Ce n'est pas abstrait.
08:16C'est vraiment très concret.
08:17Et donc, ça rejoint, pour moi, de la réflexion mathématique à peu près tout le temps.
08:21Et donc, ça peut avoir un impact sur la réussite scolaire en mathématiques de l'élève.
08:26Est-ce que ça, vous l'avez calculé ?
08:29Est-ce qu'on arrive à mesurer aujourd'hui si la pratique des échecs améliore véritablement les résultats scolaires ?
08:35Ou est-ce que ça, c'est encore un peu trop tôt pour le dire ?
08:38Alors là, j'ai une théorie là-dessus.
08:40Mais c'est une théorie très personnelle.
08:41Donc, il n'y a pas d'études scientifiques.
08:42Ça, c'est la première chose qui démontrerait.
08:44Puisque les études scientifiques sont quand même très complexes à mettre en place.
08:47Donc, c'est assez compliqué.
08:50Non, je pense que les échecs, c'est les bénéfices de tous les sports.
08:53Avec cet aspect mathématique qui est évident.
08:55Je veux dire, comparé à d'autres sports plus traditionnels.
08:57Il n'y a pas de doute là-dessus.
08:59Mais c'est super inclusif.
09:03Super accessible.
09:05Donc, c'est en ça que c'est plus qu'un sport.
09:07C'est-à-dire qu'on peut le pratiquer en classe sans équipement.
09:09On peut le pratiquer en famille.
09:10Il y a des échecs partout.
09:11On peut jouer contre nos grands-parents.
09:12On va créer du lien social.
09:14Et donc, ça vaut comme un autre sport.
09:18Sauf que c'est beaucoup plus simple.
09:19Beaucoup plus accessible.
09:20Beaucoup plus facile.
09:21L'image est peut-être encore plus noble.
09:22Et il y a ces mathématiques en plus.
09:24Donc, c'est pour ça que j'ai tendance à dire que c'est plus qu'un sport.
09:26Avec toute la retenue qui va avec.
09:28C'est-à-dire, jouer au tennis, c'est très bien.
09:30Jouer au foot, c'est très bien.
09:31Jouer au rugby, c'est parfait.
09:32Tout ça est génial.
09:33Le sport est un univers merveilleux avec l'éducation nationale.
09:36Mais les échecs, c'est plus que ça.
09:39Puisque ça va vraiment partout, tout le temps.
09:41Logistiquement, on n'en a pas parlé.
09:43Ces ateliers classe-échecs, c'est quoi ?
09:46Une fois, deux fois par semaine ?
09:48Combien de fois les élèves se retrouvent à jouer aux échecs ?
09:51C'est une trentaine de séances par an.
09:53Alors, il y a des classes où ça va plus vite.
09:55Donc, ils peuvent faire un peu moins de séances.
09:57Des classes où ça va moins vite.
09:58Donc, ils vont faire plutôt 35-40 séances.
10:00Des séances plus courtes, ça dépend.
10:01Puisque c'est un programme qui est adapté pour cycle 2, cycle 3.
10:04Donc, c'est sûr que quand on a les CE1, ça va aller moins vite que les CM2.
10:07Donc, on va faire des séances plus courtes.
10:09On va les faire durer un peu plus dans le temps.
10:11Mais tout est bien segmenté.
10:13Et puis, les professeurs s'y retrouvent très bien.
10:15Mais une année, c'est à peu près une trentaine de séances.
10:18Vous le disiez, clé en main.
10:19Donc, pour les enseignants, et gratuit.
10:21C'est forcément pas gratuit pour tout le monde.
10:23Par qui est financé ce programme ?
10:25Alors, on a des partenaires qui nous aident.
10:28Donc, on a le Crédit Mutuel Enseignant qui nous a financé beaucoup de kits gratuits.
10:33On a une fondation qui s'appelle l'Échiquier de la Réussite
10:36qui aide les associations ou les porteurs de projets en zone prioritaire
10:42en offrant des échiquiers.
10:44Parce qu'ils ont la conviction que c'est un bon moyen d'insertion et d'inclusion de tous les jeunes.
10:50Donc, c'est un appel à projet continu.
10:51Mais aussi, on donnait des kits pour les écoles en quartier prioritaire dans un premier temps.
10:55Et maintenant, pour les écoles en ruralité.
10:58Un autre type de handicap, on va dire.
11:00Un autre type de difficulté.
11:01Mais la ruralité aussi est un vrai sujet.
11:04Et on reste sur ce principe d'inclusion que vous disiez tout à l'heure.
11:07J'ai vu en préparant cette émission qu'en Corse, les échecs sont une matière obligatoire.
11:13J'ai découvert ça.
11:14Est-ce qu'on pourrait imaginer que ça arrive un jour chez nous en métropole ?
11:18Je ne pense pas.
11:19Non ?
11:20En Corse, il y a une culture échecs qui est absolument exceptionnelle.
11:23Qui a été initiée il y a une trentaine d'années.
11:25Et aujourd'hui, il y a effectivement...
11:27Enfin, tous les Corses jouent aux échecs.
11:29C'est assez stupéfiant.
11:32Ils font leur festival de fin d'année sur la place Saint-Nicolas.
11:35Il y a toujours 3 000, 4 000 enfants qui participent à ce tournoi.
11:38Et tous les enfants sont initiés.
11:39Et comme c'est depuis 30 ans, maintenant, c'est tous les décideurs, les entrepreneurs,
11:44tous les acteurs adultes du territoire corse qui jouent aux échecs aussi.
11:48Et donc, qui soutiennent le développement du sport.
11:51Et donc, la Corse, effectivement, est un modèle.
11:54On aimerait bien faire pareil.
11:55Mais à l'échelle métropolitaine, ce n'est pas si facile.
11:57On n'y est pas encore.
11:58C'est quoi d'ailleurs vos objectifs ?
12:00Là, on a 1050 000 cette année.
12:01C'est quoi vos projections pour l'année prochaine ?
12:03On veut équiper 5 000 classes.
12:04D'accord.
12:05Il y a 50 000 classes.
12:06Donc, c'est 10 % des classes qui devraient être équipées.
12:09En moyenne, il y a 2,5 professeurs par classe.
12:12Donc, c'est à peu près 10 000 à 12 000 classes équipées.
12:18X 25 élèves.
12:19Donc, on serait au objectif de 250 000 à 300 000 enfants initiés tous les ans aux échecs.
12:23Au-delà de son impact, on va terminer là-dessus.
12:25Il nous reste 30 secondes de son impact positif.
12:27On en a parlé pour les élèves.
12:29Il y a un intérêt aussi pour vous, vous le disiez un peu en début d'émission,
12:32celui d'intéresser de plus en plus de jeunes à cette pratique des échecs
12:35et donc d'accueillir peut-être de plus en plus de licenciés.
12:37Ça aussi, pour la FFE, c'est important pour vous ?
12:40Oui, tout à fait.
12:41Les licenciés, c'est important.
12:42Mais en fait, la satisfaction la plus importante,
12:44c'est de voir les citoyens de demain
12:46qui pratiquent le sport échec qui est ultra bénéfique pour eux.
12:49Donc oui, si ça devient des licenciés, tant mieux.
12:51Parce qu'après, il y a un univers club, social, compétition qui est différent.
12:55C'est d'autres rencontres.
12:56C'est une autre pratique du sport échec qui est également exceptionnelle.
13:00Donc, c'est tant mieux.
13:02Mais ce n'est pas l'objectif premier de ce programme de classe échec.
13:04C'est vraiment que les enfants jouent aux échecs.
13:06Merci beaucoup, Éloi Rollange, d'être venu aujourd'hui dans Smart Education
13:09nous avoir parlé de cette pratique des échecs à l'école.
13:11Je rappelle, vous êtes le président de la Fédération française des échecs.
13:14Merci beaucoup d'être venu dans Smart Education.
13:16Merci à vous de nous avoir suivis.
13:18On se retrouve évidemment très très vite sur Bismarck
13:20pour une nouvelle émission de Smart Education.
13:22A très vite, salut !