Victime de la mode _ quand on enlevait des PATRONS

  • il y a 2 mois
Victime de la mode _ quand on enlevait des PATRONS
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00:00Alors quand vous parliez de respect, ça doit être ça, j'arrive pas à le tutoyer.
00:04C'est un espèce de seigneur en peint parce que...
00:09Il vous reprochera jamais rien.
00:13Il est au-dessus. C'est un type... Pour ça, il est impressionnant.
00:30C'est une histoire extraordinaire. On parle parfois de Polar, de Livre Policier, de cinéma.
00:47Libérer le baron, c'est la guerre. C'était le capitalisme pur et dur, le salopard fini.
00:54Quand on enlève un monsieur, qu'on lui coupe le petit doigt et qu'on en veut qu'à son argent,
01:00bon, je trouve que c'est pas très glorieux.
01:04C'est un type qu'on a respecté, bien qu'on lui ait coupé un doigt.
01:07Il a meurtri un homme, il a cassé sa vie, il l'a mutilé, donc il n'y a pas d'excuses.
01:25Il était l'un des plus grands patrons français, Édouard-Jean Ampin, un baron puissant,
01:31un homme d'affaires flamboyant à la tête du groupe Ampin-Schnedre,
01:35un empire du bâtiment, de la chimie, du nucléaire, 150 000 salariés à travers le monde.
01:43Un matin de 1978, le baron Ampin est victime d'un enlèvement contre rançon, phénomène de mode des années 70.
01:52Ses ravisseurs réclament une somme colossale, 80 millions de francs.
01:57Et pour prouver leur détermination, il n'hésite pas à le mutiler,
02:01à lui sectionner une phalange de doigt pour l'envoyer à sa famille.
02:06L'enlèvement du baron Ampin, c'est un face-à-face impitoyable entre voyous et limiers du 36 quai des Orfèvres.
02:13Une histoire d'argent, d'amour, de trahison, d'espoir et de rédemption.
02:20Plus de 35 ans après cet enlèvement, que sont devenus Édouard Jean Ampin et ses ravisseurs ?
02:26Que pense le baron de ces geôliers ? Quel regard portent policiers, avocats et magistrats sur cette affaire ?
02:34Avec Imen Gouali, nous avons retrouvé les protagonistes de l'affaire Ampin
02:39pour analyser avec eux les conséquences et les répercussions de ce dossier hors normes.
02:50Il était 22h30 hier soir lorsque nous avons appris que le baron Ampin avait été libéré par ses ravisseurs et libéré sain et sauf.
02:59L'affaire commence deux mois plus tôt, le 23 janvier 1978.
03:05Ce matin-là, le baron Édouard Jean Ampin quitte son immeuble cossu du 16e arrondissement à Paris.
03:11Il est assis à l'arrière de sa Peugeot 604 conduite par son chauffeur.
03:16Soudain, des hommes armés et cagoulés surgissent d'une camionnette devant des témoins médusés.
03:22Ils nous disent qu'ils ont vu une estafette, des individus veulent en sortir, emmener le baron de force et ils sont partis précipitamment.
03:33L'enlèvement est rapide, 45 secondes. Aussitôt, un dispositif policier est mis en place.
03:41Les voitures sont fouillées, la ville est quadrillée.
03:45Mais le baron Ampin et ses ravisseurs se sont volatilisés.
03:56Diane Ampin, la soeur du baron, se souvient encore de ce jour-là.
04:01Comment apprenez-vous la nouvelle de l'enlèvement de votre frère ?
04:03La secrétaire d'Edouard Ampin, mon frère, téléphone à ma mère en lui indiquant votre fils a été kidnappé.
04:14Moi j'ai réagi, à vrai dire je n'ai pas kidnapping, je ne comprenais pas très bien ce qui se passait en quelques minutes.
04:23Je l'ai compris deux heures après, c'était un enlèvement mais pourquoi ? Comment ?
04:29Vous êtes inquiète ?
04:30Inquiète, je pense que toute personne normalement constituée, c'est avant toute chose, il faut libérer l'otage.
04:37Le problème, c'est que l'otage est introuvable.
04:40Sa voiture, la 604, est retrouvée quelques heures plus tard, abandonnée dans un parking.
04:46A l'intérieur, aucune empreinte, aucun indice pour identifier les ravisseurs.
04:52Les policiers de la brigade criminelle, dirigés par Pierre Ottavioli, prennent l'affaire en main.
04:57Le dossier est suivi au plus haut niveau de l'état, car le baron Ampin n'est pas n'importe qui.
05:05C'était l'héritier d'une énorme fortune, c'était en même temps un ami du président de la république de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing.
05:13Il faisait partie aussi du groupe Schneider dont la femme du président était également parente.
05:20Disons que c'était un gros poisson.
05:27Claude Cancès, vous êtes commissaire de police, chef de section à la brigade criminelle.
05:31Cet enlèvement, à l'époque, intervient après une longue série d'enlèvements qui vont marquer la France.
05:37Oui. Entre la fin décembre 1975 et le mois d'août 1977, la France, et le 36e quai des Orfèvres en particulier,
05:46va avoir à faire face à une série d'enlèvements comme le 36e n'en a jamais connu.
05:51De l'affaire Hazan jusqu'à l'affaire Malé, en passant par l'affaire Réveillement Taudoroff et une tentative d'enlèvement autaine.
05:58Toutes ces affaires ont eu un dénouement heureux.
06:02Donc des enlèvements en France, et puis aussi des enlèvements en France.
06:06C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu d'enlèvements en France.
06:09Il n'y a pas eu d'enlèvements en France.
06:10Toutes ces affaires ont eu un dénouement heureux.
06:14Donc des enlèvements en France, et puis aussi des enlèvements ailleurs en Europe.
06:18Oui, et surtout l'Italie. L'enlèvement avec demande de renseignement était devenu une industrie.
06:24Les brigades rouges, mais le grand banditisme.
06:26Et quelles sont vos premières pistes après l'enlèvement du baron ?
06:29Les premières pistes dans toutes ces affaires, on s'interroge aux proches, les gens du groupe, la famille.
06:35Et là, on est dès le départ un petit peu dans le brouillard.
06:38Si ce n'est qu'on sent assez rapidement que le baron Empin, qui est le PDG d'un des plus grands groupes européens,
06:47manifestement, autour de lui, son environnement n'est pas très sympa avec lui.
06:54On sent très bien qu'il est parti, il ne reviendrait pas, ça ne gênerait pas beaucoup.
06:59Pendant que les lignées de la crime explorent les premières pistes, le baron Empin, lui, est détenu par ses ravisseurs.
07:10Il est séquestré dans des galeries souterraines de l'Oise, sous une tente, dans le noir.
07:16Bien entendu, quand on est à l'intérieur de la tente et enchaîné, on ne sait pas ce qui se passe à l'extérieur,
07:23donc ça évite toute tentation de s'enfuir.
07:30Alain Cayolle, vous êtes le cerveau de cet enlèvement. Pourquoi avoir choisi le baron Empin pour cible ?
07:38Le baron Empin, ça a été une cible par défaut, parce qu'on avait fait une liste des hommes les plus riches de France,
07:48ou des femmes les plus riches de France, et pour diverses raisons, on a éliminé ces gens-là.
07:55C'était qui, les autres cibles ?
07:56C'était évidemment, c'était Marcel Dassault.
08:01Marcel Dassault, on l'a éliminé, pourquoi ? Parce qu'il avait été déporté à Buchenwald,
08:07et que nous, on était un petit peu gauchistes, et qu'on savait qu'il était au mieux, enfin, pas au mieux, mais bien avec le Parti communiste.
08:16Et après, il y avait Liliane Bettencourt.
08:22Et vous avez renoncé aussi à lui ?
08:23On l'a éliminé pour des problèmes, comme l'endroit où on devait l'emmener, il n'y avait pas de sanitaire, pas d'hygiène, pas de ceci,
08:35on s'est dit, on va avoir sur les bras un problème de bonne femme, ça va être compliqué.
08:41Et Empin, comment vous en êtes venu à lui ?
08:44Par la presse, par la presse, par la presse.
08:47Parce que cette époque-là, je vous dis, c'était l'époque quand la sud-hierurgie française se cassait la gueule,
08:55on avait appris qu'ils avaient formé des milices patronales pour casser les syndicats et les grèves,
09:01enfin on s'est dit, voilà, c'est le salaud du coin, c'est lui.
09:05Donc ce qui vous intéresse avant tout, c'était l'argent, mais si...
09:09C'était l'argent. C'était l'argent, mais si en même temps, symboliquement,
09:13on pouvait rançonner un méchant capitaliste, bon ben voilà, c'était parfait.
09:26Dès le lendemain de l'enlèvement du baron, Alain Cayolle et ses complices contactent l'état-major du groupe Empin Schneider.
09:33Ils exigent qu'un cadre se rende à la gare de Lyon pour y récupérer un message dans une consigne.
09:39Là, les policiers qui l'accompagnent découvrent une demande de rançon, 80 millions de francs.
09:46C'est plus de 20 millions d'euros de nos jours, une somme colossale.
09:52Mais il y a aussi un mystérieux petit colis à l'attention de la famille.
09:57Dans un paquet enroulé dans du coton, dans de la ouate, le bout d'un doigt, l'extrémité d'un auriculaire.
10:03C'est rassurant, parce qu'on va vous couper un doigt pour négocier quelque chose, ça vous donne du temps.
10:12Dans une situation comme ça, vous craignez tout de suite le pire.
10:16Donc tout ce qui n'est pas le pire est mieux que le pire.
10:21Pourquoi cette décision de couper le doigt du baron ?
10:24Nous, notre problème, c'est que ça aille très vite.
10:27Et comment ça peut aller très vite ? Il faut employer la terreur, c'est-à-dire vraiment marquer les gens.
10:36Et effectivement, on l'a su après, quand la police a reçu ça et les gens de la direction du groupe, ils ont eu peur.
10:47C'est un moyen de pression.
10:49Voilà, c'est un moyen de pression, c'est rien d'autre.
10:52Qui s'en est chargé ? Comment est-ce que vous avez désigné ?
10:54J'ai toujours répondu à cette question, c'est une décision collective.
10:58Peu importe qui l'a fait, parce qu'au moment où il a fallu le faire pour suivre le plan,
11:07chacun s'est regardé en disant...
11:11Bon, il y a eu un espèce de silence, on a dit allez, courte paille.
11:15Celui qui tourne la plus grande ou la plus petite, c'est lui qui le fait.
11:19Et on l'a fait comme ça.
11:20Mais c'est une responsabilité collective.
11:24Vous l'auriez fait si c'était tombé sur vous ?
11:25Bien sûr, oui.
11:28Comment le baron a-t-il réagi ?
11:32Alors, le baron, silence radio.
11:39Pas un mot, pas une plainte, rien.
11:42Stoïcisme à la grecque.
11:46Stoïcisme à la grecque, à l'ancienne.
11:51On s'est dit, merde, t'as vu ce mec, il dit rien, il tient la route.
11:58Alors, est-ce que c'est parce qu'il a peur ?
12:00En fait, non, c'était pas ça, c'est parce que le baron Mampin, il est comme ça.
12:06Face à la détermination des ravisseurs, les proches du baron Mampin comprennent qu'il faut réagir vite.
12:12Mais comment réunir 80 millions de francs ?
12:1480 millions de francs, pas simple.
12:17D'autant que les avis divergent sur la remise de rançon.
12:21On va avoir deux attitudes différentes entre la famille et le groupe.
12:25Le groupe va vouloir verser la rançon, de façon à essayer de nous doubler.
12:30Ça, c'est clair.
12:32Et puis, la famille, elle, elle va être convaincue par Pierre Ottavioli qu'il ne faut surtout pas verser de rançon,
12:37parce qu'on n'est pas sûr du tout de retrouver l'otage.
12:40Et puis, si vous voulez, il faut mettre fin à ce genre d'affaires, parce que, comme je vous dis, la 15e, ça fait beaucoup, quoi.
12:48Pourtant, malgré les instructions de la police de ne pas verser de rançon,
12:53des négociations secrètes s'engagent entre le groupe Mampin et les ravisseurs.
13:00On avait demandé une somme, ils nous ont proposé la moitié.
13:03Bon, on l'a refusée, parce qu'on avait décidé que c'était tant et pas la moitié.
13:11Et pourquoi vous refusez ? C'était quand même une somme conséquente.
13:13Oui, mais parce qu'on avait demandé tant.
13:1640 millions de francs.
13:17Oui, mais on ne vend pas, on leur a dit au téléphone, on ne vend pas des tapis.
13:22C'est 80, c'est 80. Voilà.
13:25Vous jouez un peu avec les nerfs de la famille et des policiers, ou c'est l'inverse ?
13:28Non, non, non, mais non, mais on ne joue pas.
13:31Attendez, on ne joue pas, on ne joue à rien du tout.
13:37S'ils payent, au lieu de 40, ils apportent 80.
13:41Il est libéré le lendemain.
13:44Voilà.
13:46Pendant ce temps, les policiers, qui n'ont aucun indice sur les ravisseurs,
13:50décident d'explorer la seule piste qui leur reste, le baron Mampin lui-même.
13:55Et ils découvrent la vie secrète de l'homme, joueur de poker.
14:00Habitué des casinos, il a perdu 11 millions de francs au jeu.
14:04Un créancier mécontent, aurait-il cherché à se venger en enlevant le baron ?
14:09Ou bien le baron s'est-il fait enlever lui-même pour effacer l'ardoise ?
14:14Comme on a découvert qu'il était joueur,
14:16on pense à ce folklore du doigt coupé chez les tricheurs.
14:20Là, on s'est mis vraiment à creuser beaucoup.
14:23Ça ne nous a pas apporté grand-chose.
14:26L'image du grand baron se fissure un peu plus
14:28quand la presse révèle que le joueur est aussi un coureur.
14:32Ses infidélités s'étalent à la une des journaux.
14:35La famille, terrée dans son quartier général de l'avenue Foch,
14:39est harcelée par la presse.
14:42On était terrorisés de voir ce qui allait sortir dans les titres,
14:46parce que ça nous fait mal.
14:48On a vu quand même à savoir que la presse au 33 avenue Foch,
14:53avec un stéthoscope, avait passé dans une cheminée
14:57pour écouter ce dont on parlait dans l'appartement.
15:01Donc les choses sont allées très très loin concernant la presse.
15:06Le temps passe, l'enquête piétine,
15:09et les huit ravisseurs du baron commencent à perdre patience.
15:14C'est vrai qu'on s'est trompé de cible
15:16au niveau des liquidités et de la fortune personnelle.
15:20On s'est trompé. On s'est trompé là-dessus.
15:23Alors après, il y a la lassitude.
15:25Il y a une partie de l'équipe.
15:27Ouais, mais moi, j'ai pas vu mes gosses depuis trois jours.
15:30Moi, on m'a embouti ma bagnole, il faut que je fasse changer le feu rouge.
15:34Moi, je peux pas le garder après-demain.
15:37Moi, ma femme, elle va chez le coiffeur.
15:39Enfin, des trucs, vous avez envie de les flinguer.
15:41Et donc, ça vous pourrit l'ambiance.
15:43Vous avez envie d'en finir.
15:45Vous en êtes venu, à un moment donné, à voter sa mort ?
15:48Bien sûr, parce que...
15:52On le libère ou on le tue.
15:55On le tue pour l'exemple, on en prend un autre, et là, ça paye.
16:00Simplement, voilà, cette question, elle s'est posée.
16:06Et alors, ouais, machin, ces salauds, il faut le buter.
16:10L'autre, non, on peut quand même pas faire ça, il nous a rien fait.
16:13En plus, il est gentil.
16:19Donc, vote.
16:21Quatre oui, quatre non.
16:24Re-vote.
16:26Il y avait cinq oui et trois non.
16:28Moi, j'ai voté sa mort.
16:30Vous avez voté sa mort ?
16:31Oui.
16:34Maintenant, le tuer, pas plus que le mutiler,
16:37franchement, ça nous aurait pas amusé.
16:39C'était pas...
16:43En tout cas, moi, je l'aurais fait.
16:45Vous étiez prêt à le faire ?
16:46Si ça tombe sur moi, on le fait.
16:48Après, on aurait retiré au sort qui le fait,
16:51puis voilà, ça serait tombé sur quelqu'un.
16:54Mais si c'est pas le but,
16:58on veut tuer personne.
17:01Aujourd'hui, vous êtes content de lui avoir laissé la vie sauve ?
17:03Bien sûr.
17:04Bien sûr.
17:06Encore une fois, il s'est pas prévu.
17:10Vous êtes content de ne pas l'avoir tué,
17:12pour vous ou pour lui ?
17:15Mais pour lui et pour moi.
17:19Deux mois s'écoulent ainsi
17:21lorsque les ravisseurs du baron fixent un rendez-vous
17:23pour une remise de rançon aux représentants du groupe Empin.
17:27Jeudi 23 mars, 15h, au Fouquet's, sur les Champs-Elysées.
17:32Mais c'est la police qui prend les choses en main.
17:35L'inspecteur Mazieri, surnommé le Chinois,
17:37se fait passer pour le porteur de rançon.
17:40Rançon factice, bien sûr.
17:42S'ensuit un interminable jeu de pistes
17:44qui mène le policier d'un café à un autre,
17:46d'un message au fond d'une poubelle, au bistrot suivant.
17:51Eh bien, on s'attend à tout.
17:52Sur l'itinéraire, à tout moment, ils peuvent m'intercepter.
17:56Il faut prévoir une remise brutale,
17:58une interception au cours du trajet,
18:01et pas forcément une remise en douceur à un lieu de rendez-vous.
18:07Ce petit jeu du chat et de la souris dure plusieurs heures.
18:11Il est escorté à distance par ses collègues
18:14de la brigade de recherche et d'intervention, l'Antigang.
18:21Robert Broussard, à l'époque, vous êtes le patron adjoint de la BRI.
18:25Comment faites-vous pour monter le dispositif
18:27qui va protéger Jean Mazieri, l'APA, qui doit remettre la rançon ?
18:32C'était très lourd.
18:33Disons que j'avais à peu près 20, 25 gars de la BRI avec moi.
18:38Il y avait des gens qui étaient à moto, véhicules, camionnettes,
18:43différents véhicules de toutes sortes, complètement banalisés,
18:46avec des tenues complètement également banalisées,
18:49où on devait faire semblant de s'ignorer.
18:52Nos gars étaient vraiment formés à ce travail de filature, de surveillance,
18:57mais c'est nerveusement difficile.
18:59Quels sont les risques d'une telle opération ?
19:02Les risques, d'abord, c'est de se faire remarquer par les preneurs d'otages.
19:07Il est évident que quand on nous fait faire tout un parcours,
19:10ils se placent à des endroits pour voir si le porteur de rançon est suivi ou pas.
19:15Donc c'est le jeu du chat et de la souris ?
19:17Continuellement.
19:18Mais vous, vous n'avez pas la main ?
19:20On est là devant le fait accompli, un petit peu l'itinéraire,
19:24qu'on ne connaît pas à l'avance.
19:25Et surtout, c'est que...
19:27Je m'excuse du terme, mais on voit des suspects partout.
19:30Mais tout cela, c'est...
19:32J'allais dire, c'est quand même extrêmement crispant,
19:35parce que vous n'êtes sûr de rien, voilà.
19:39Le jeu de piste dure 2 jours.
19:41Policiers et ravisseurs sont à bout de nerfs.
19:43Dernière étape, l'autoroute A6.
19:46Les ravisseurs fixent rendez-vous aux Chinois près de la bordure.
19:51L'inspecteur Eric Jung est aux premières loges.
19:53Il est alors policier à l'antigang, chargé de protéger Mazieri, alias le Chinois,
19:59qui se gare près de la borne téléphonique.
20:03Le Chinois descend, mais à ce moment-là, dans le même temps,
20:06tout ça dans le même temps,
20:08on voit jaillir, sortir comme sortir de la terre,
20:12deux hommes, carrément,
20:15on voit jaillir, sortir comme sortir de la terre,
20:18deux hommes, cagoulés,
20:20d'un côté tenant des grenades,
20:22de l'autre côté tenant un pistolet mitrailleur,
20:24et qui passent par le monticule qui arrive à la borne B16.
20:28Nous, on déboule comme de fous du talus.
20:31On monte dans sa bagnole et on s'en va.
20:36On fait 4 kilomètres, à Donf.
20:40Alain Cailleul et son complice arrivent à hauteur du mur anti-bruit de l'Aile-et-Rose.
20:44Poursuivis par les policiers de la Crime et de l'Antigande.
20:48Là, tout bascule. Pourquoi ?
20:50Parce que tout en haut du mur de l'autoroute,
20:53il y a un intruant qui est là avec un pistolet mitrailleur,
20:56et là, il ouvre le feu,
20:58et c'est une fusillade comme j'en avais jamais vue jusqu'à maintenant,
21:01et ça pète de partout.
21:05Et mon copain, dans ces quelques secondes,
21:09se prend une balle dans le dos à travers la partie.
21:18Moi, je lève les mains et ça continue à tirer,
21:21donc je prends deux balles dans le bras.
21:25Évidemment, là, les flics arrivent, sortent mon copain qui meurt là,
21:29et moi, je suis à poil, complètement à poil.
21:34Il y avait, je dirais presque, cette odeur de poudre noire et de sang qui coulait.
21:39Et je me suis précipité vers l'homme qui était par terre.
21:42J'ai pris mon arme, j'ai armé le chien,
21:45et je lui ai mis, avec le chien armé, mon revolver dans la bouche,
21:48en le menaçant de le tuer s'il ne nous révélait pas où était le barreau en pain.
21:52Et je lui ai dit, t'as vu, ton copain, il est mort, il a été tué.
21:55Si tu ne nous dis pas où il est, je te bute.
21:58Et la personne qui est par terre, le voyou qui est par terre,
22:01me regarde les yeux dans les yeux et ne dit rien.
22:04Évidemment, je n'allais pas le tuer.
22:09Alain Cayolle est pour vous la seule piste qui permet de retrouver le baron.
22:15Il faut absolument que Cayolle parle. Comment ça va se passer ?
22:19Cayolle, qui est un type intelligent, a bien compris que l'enquête en était un point tel
22:26qu'il fallait que le baron soit libéré.
22:29Or, son gros souci, c'est qu'il savait que parmi les ravisseurs,
22:32il y avait Georges Bertoncini,
22:35ce que redoutait Alain Cayolle, c'est que Bertoncini,
22:39pour venger son copain du château qui avait été tué lors d'interpellation à la fusillade,
22:44ne tue à ce moment-là le baron en pain.
22:47Et il dit à Ottavioli, voilà, moi je suis prêt à téléphoner pour faire libérer le baron en pain.
22:54Ottavioli lui dit, vous avez un téléphone là, sur son bureau,
22:56et je revois la scène comme si c'était hier.
23:00Et je revois la scène comme si c'était hier.
23:04Il prend le téléphone, le rapproche comme ça, cache le combiné et fait le numéro.
23:11Je crois pouvoir dire mot pour mot ce qu'il a dit.
23:14Libérer le baron, c'est la guerre.
23:20Le coup de fil d'Alain Cayolle va payer.
23:23Après 63 jours de captivité, le baron en pain est enfin libéré.
23:31Pour moi, c'était miraculeux, c'était magnifique le travail qu'avait fait la criminelle.
23:38Il était libre, maintenant respect.
23:40Il demandait qu'une chose, c'est de rentrer chez lui, voir son chien, son époux, ses enfants,
23:46et dire je suis libre.
23:50Jean-Edouard en pain est libre, mais stupéfait et déçu au plus haut point par l'accueil qui lui est réservé.
23:57Car entre temps, les révélations de la presse sur ses frasques ont terni son image.
24:03Sa femme et ses collaborateurs lui tournent le dos.
24:07Je m'étais dans des rêves fous, imaginer que quand j'allais revenir, c'était le retour de Monte Cristo,
24:14il allait y avoir du monde au balcon, tout le monde était là avec la bouteille de champagne,
24:19youpi, comment on y va, etc.
24:21Je m'étais imaginé une fête.
24:25Je vois que tous les gens ont une mine effrayante, c'est-à-dire une suspicion, etc.
24:34Qu'est-ce qui s'est passé, il va falloir que tu t'expliques, il va falloir ceci, il va falloir cela.
24:38Expliquer, non mais expliquer quoi ?
24:42Côté police, après le retour du baron, l'enquête progresse rapidement.
24:47Une bonne partie de la bande des ravisseurs est arrêtée dans les mois qui suivent.
24:51Huit personnes en tout, six hommes et deux femmes.
24:56Quatre ans plus tard, le 2 décembre 1982, le procès s'ouvre.
25:01La vedette de l'audience, c'est le baron.
25:04Sa déposition à la barre marque les esprits.
25:08Il va raconter exactement les faits tels qu'ils se sont déroulés.
25:14C'est sans doute le réquisitoire le plus lourd qu'il pouvait faire contre eux,
25:20sans haine, sans exagération, sans donner du romanesque à quelque chose qui n'en avait pas.
25:32Là, il a une attitude où vraiment il se réhabilite,
25:37si réhabilitation il devait y avoir, c'est peut-être pas le bon mot,
25:40mais il fait basculer son image vers un aspect positif.
25:47Ni haine, ni désir de vengeance, le baron pardonne à ses ravisseurs.
25:52Après trois semaines d'audience, les peines de prison s'échelonnent de cinq à vingt ans.
25:58Vingt ans, c'est la peine dont avait copié Alain Cayolle,
26:01qui était pourtant défendu à l'époque par un ténor du barreau, futur ministre, Georges Kiegemann.
26:07J'avais cette candeur de penser que là où je passais, la sévérité trépassait.
26:12Non, non, Alain a quand même été condamné à vingt ans, ce qui n'était pas rien.
26:24Aujourd'hui, 37 ans après l'enlèvement du baron en pain,
26:28cette affaire reste unique, car c'est le seul enlèvement
26:31où le retour s'est avéré plus difficile pour le prisonnier que sa captivité.
26:36Pourtant, quelques jours seulement après sa libération,
26:40le baron envisageait de reprendre sa vie comme avant.
26:44Je lui demande, mais monsieur le baron, ça va se passer comment pour vous maintenant ?
26:49Surtout qu'il avait énormément souffert.
26:51Avec un sourire extraordinaire, il me regarde et me dit,
26:55mais vous savez, ça va rien changer pour moi.
26:57Vous savez, je suis né avec une cuillère d'argent dans la bouche
27:00et les choses vont s'effacer, le temps va passer
27:03et je continuerai à vivre comme j'ai vécu avant.
27:06Et ça, ça m'a laissé, j'ai dit, c'est pas possible, c'est pas possible.
27:10Et c'était pas moi qui me trompais, c'était le baron en pain.
27:14Après son retour, le baron en pain se met au vert pendant huit mois,
27:19loin de chez lui, envie de décompresser et de se reconstruire.
27:24Il est parti aux Etats-Unis avec un de ses vieux amis d'enfance
27:29et puis il est revenu en France et là, il a dit,
27:33je reprends la direction des affaires.
27:37Mais le baron flamboyant a perdu de sa superbe
27:40et sa légitimité est contestée à la tête de son propre groupe.
27:45Le fait que je sois pas là a fait ce que j'appelle des appels d'air pour beaucoup de gens.
27:51Ils ont donc voulu, certains, prendre ma place.
27:55D'autres, prendre la place de ceux qui prenaient ma place.
27:59C'est-à-dire que toute la hiérarchie, ils voulaient monter d'un cran
28:03et il fallait surtout pas que le baron revienne.
28:09Qu'est-ce qu'il allait se passer ?
28:11Tout le monde avait le devoir de baisser d'un cran.
28:16Le baron est poussé vers la sortie,
28:18conséquence d'un enlèvement dont il n'est pourtant que la victime.
28:22Vous avez pris conscience, à ce moment-là, du mal que vous aviez fait à cet homme,
28:25non seulement physiquement, mais aussi psychologiquement et socialement ?
28:29Bah oui, parce que moi, on avait les journaux, bah oui.
28:34En fait, on l'a tué, là.
28:36Il était détruit, vous l'avez détruit ?
28:38Oui, oui, oui, bien sûr.
28:40On l'a détruit, sans doute, bien sûr.
28:43On lui a niqué sa vie professionnelle.
28:45Et peut-être une partie de sa vie professionnelle,
28:48On lui a niqué sa vie professionnelle.
28:51Et peut-être une partie de sa vie sociale.
28:54Oui.
28:55Et ça, vous le vivez comment ?
29:01Aujourd'hui...
29:09C'est tombé sur lui, voilà.
29:13En 1981, le baron vend les parts de son groupe.
29:17L'héritier tout-puissant repart de zéro.
29:21Une espèce de rage le saisit,
29:23et tout d'un coup, il décide de vivre pour lui, en quelque sorte,
29:27hors du personnage qu'on avait fabriqué jusque-là pour lui.
29:31L'ancien capitaine d'industrie devient alors petit patron.
29:35Il se lance dans l'import-export de matériaux,
29:38et dans l'immobilier.
29:40Il a appris que la trésorerie d'une petite entreprise,
29:44c'était difficile à gérer,
29:47qu'il fallait faire attention.
29:49Par rapport au groupe Rue d'Anjou,
29:52c'était quelque chose d'assez peu imaginable.
29:55Mais franchement, il s'y est bien fait.
29:58Le baron ne retrouvera jamais le succès de son projet.
30:02Il a donc décidé d'éliminer le groupe.
30:05Le baron ne retrouvera jamais le succès dans les affaires.
30:09Il est même jugé pour banqueroute en 1998.
30:13Il a été relaxé de la banqueroute qu'on lui reprochait,
30:17mais ça n'a pas été facile, effectivement.
30:20Pas facile non plus côté famille.
30:23Les révélations dans la presse ont fait du mal.
30:26Son couple se délite.
30:28De toute façon, j'ai été décrit comme une espèce de noceur bondin,
30:33joueur à peine honnête,
30:36avec des relations douteuses,
30:39qui faisait des parties de poker dans des tripots d'arrière-salle.
30:43Ma femme ne me l'a pas dit,
30:46mais m'a fait comprendre qu'on ne peut pas...
30:49On ne peut pas avoir...
30:52Mes enfants ne peuvent pas avoir un père comme ça.
30:55Il divorce avec la princesse Sylvana,
30:58qui était sa femme,
31:01et dont ils étaient tous les deux très épris l'un de l'autre avant.
31:06Mais la révélation d'un certain nombre de choses
31:10a fait que ça n'était plus possible.
31:18L'affaire du baron Empin reste emblématique dans l'histoire de la police.
31:22Elle a marqué l'histoire du 36 quai des Orfèvres,
31:25tout d'abord parce que c'est le rapte le plus long jamais connu en France,
31:29mais aussi parce que la stratégie de fermeté de la police a payé.
31:33Pierre Ottavioli, le patron de la brigade criminelle,
31:36avait décidé seul de ne pas verser la rançon.
31:41Claude Cancès, pourquoi décider dans une affaire d'enlèvement
31:44qu'il n'y aura pas de remise de rançon ?
31:47Tout simplement parce que Pierre Ottavioli
31:51avait compris que si on cédait une seule fois au ravisseur,
31:56à ces grands voyous, c'était fini.
31:59On ne maîtrisait plus rien.
32:02Il a dit souvent, Ottavioli,
32:05que les voyous n'ont qu'un objectif, l'argent.
32:08L'approche de la rançon va leur faire commettre des imprudences.
32:13C'est facile pour la police de dire qu'on ne paie pas,
32:17mais elle prend aussi le risque de mettre en péril la vie de l'otage.
32:22Oui, bien sûr.
32:24Bien sûr, c'est un risque, mais qu'Ottavioli a pris.
32:29Et encore une fois, qu'il a pris tout seul.
32:32Quand on dit que sa hiérarchie administrative,
32:35et donc politique et judiciaire,
32:38a été d'accord avec sa stratégie,
32:42c'était un accord, mais...
32:44Allez, soyons clairs, du bout des lèvres.
32:47Après une longue série d'enlèvements dans les années 70,
32:51Edouard Jampin a été le dernier patron kidnappé,
32:54le dernier sur le territoire de la police judiciaire parisienne.
32:59Car après lui, 2 autres patrons ont été kidnappés en France.
33:05Il y a eu l'enlèvement d'Henri Lelievre,
33:08qui était un banquier milliardaire qui habitait dans la Sarthe,
33:11et qui a vu un jour débarquer 2 policiers chez lui,
33:15qui se sont révélés, bien sûr, être des faux policiers,
33:18parce que c'était Mestrine.
33:19Il avait demandé 6 millions de francs, qu'il a obtenus.
33:22Et puis l'autre enlèvement, qui ressemble un peu à ça,
33:25c'est Jacques Hiver, alors qu'il était un petit voyou,
33:28qui, dans les Charentes, enlève un PDG d'une grosse tuilerie,
33:32Maury Larribière.
33:34Alors là, on descend encore, lui demande 3 millions de francs.
33:38Michel Maury Larribière a été libéré sans remise de rançon,
33:41avant que son ravisseur, Jacques Hiver,
33:44ne soit arrêté et condamné à 20 ans de prison.
33:48Quant à Jacques Mérine,
33:50il n'a pas profité bien longtemps de sa rançon.
33:533 mois plus tard, il est abattu par la police,
33:55porte de Clignancourt.
33:57A chaque fois, la police a gagné,
34:00même si, à l'époque, elle travaillait avec des moyens
34:02qui, aujourd'hui, peuvent sembler parfaitement désuets.
34:06Nous avions des véhicules banalisés,
34:09vraiment très repérables,
34:11et des talkie-walkies assez peu fiables.
34:14Maintenant, avec les téléphones portables,
34:16avec les balises, les GPS,
34:19ce serait effectivement beaucoup plus facile.
34:21Là, on se repérait sur des petits plans de banlieue
34:23qu'on avait dans la main,
34:25c'était quand même assez compliqué.
34:28D'autant que dans une affaire d'enlèvement,
34:30les premières heures sont capitales.
34:33A la fin des années 70,
34:35la recherche d'informations sur la victime
34:37n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui.
34:40Aujourd'hui, vous allez prendre Internet,
34:42et sur le Net, vous allez avoir
34:44tout le curriculum vitae de ce monsieur,
34:46des photos, des adresses,
34:48ses relations, son groupe,
34:50vous pouvez aller chercher dans le groupe,
34:52enfin, en quelques minutes,
34:54vous avez une masse d'informations.
34:56Nous, à l'époque, on avait un vieux Ousevou
34:58dans le bureau du directeur de la PJ,
35:00trois étages en dessous,
35:02et puis autrement, il fallait envoyer une équipe
35:04dans la famille,
35:06pour essayer d'en savoir un peu plus,
35:08on envoyait une équipe à la société,
35:11on appelait les renseignements généraux
35:13et la DST, et on avait les mêmes
35:15renseignements que sur Internet,
35:17mais en une demi-journée.
35:19Si l'enlèvement du Baron Empin se passait
35:21aujourd'hui, comment est-ce qu'on procéderait
35:23techniquement au niveau de la police scientifique ?
35:25Alors, déjà,
35:27assez rapidement, je pense,
35:29une partie de la bande serait identifiée.
35:31Pourquoi ? Parce que dans les véhicules
35:33qui ont été abandonnés,
35:35les staffettes volées,
35:37la voiture du Baron Empin,
35:39les techniciens de la police
35:41techniques et scientifiques
35:43auraient trouvé des petits cheveux,
35:45des traces, sur lesquelles on peut trouver
35:47des ADN, des relevés de traces
35:49papillaires, et comme tous ces gens-là
35:51étaient connus, fichés,
35:53on aurait identifié certainement plusieurs membres
35:55de la bande, assez rapidement.
35:57Quel autre moyen ?
35:59Les caméras ! À Paris, il n'y avait aucune caméra,
36:01dans Paris, à l'époque
36:03maintenant, je peux vous dire qu'on aurait vu
36:05certainement le trajet
36:07d'une partie du convoi.
36:09On aurait plus rapidement identifié
36:11certains membres de la bande, ce qui ne veut pas dire
36:13qu'on les aurait arrêtés
36:15aussitôt. Ça, c'est une autre paire de manches.
36:17Mais ça nous aurait déjà mené
36:19sur une piste intéressante.
36:21Est-ce que ce serait aussi facile, aujourd'hui,
36:23d'enlever un patron comme ça l'a été
36:25quand on a enlevé le Baron Empin ?
36:27Beaucoup plus difficile. Pourquoi ?
36:29Maintenant, les patrons sont quand même,
36:31depuis cette époque-là, sont brifés.
36:33Il y a non seulement des services officiels,
36:35je pense à la DGSI,
36:37des DST, etc.,
36:39et même des entreprises privées qui vont
36:41dans les entreprises pour donner des conseils,
36:43non seulement au patron, au chauffeur,
36:45pour faire en sorte que
36:47ils aient leur attention éveillée.
36:49Un beau chauffeur, il doit se rendre compte,
36:51un petit coup dans le rétro, s'il est fait locher,
36:53il arrive le matin, avant même que son patron
36:55sorte de l'immeuble, il fait un petit tour
36:57dans le quartier, voir s'il n'y a pas des véhicules suspects.
36:59Et dans l'affaire Empin, comme dans les autres,
37:01les chauffeurs auraient vu quelque chose d'anormal
37:03et l'auraient signalé à la police.
37:05Et maintenant, je pense qu'ils sont quand même
37:07beaucoup plus sensibilisés.
37:13Du côté des Ravisseurs,
37:1537 ans après l'enlèvement du baron,
37:17les rangs se sont clairsemés.
37:19Alain Cayolle
37:21est l'un des seuls survivants.
37:23Ils sont morts de vieillesse,
37:25de maladie,
37:27de banditisme,
37:29voilà, ils sont morts.
37:31Des années de placard,
37:33la pauvreté,
37:35la maladie, la vieillesse,
37:37pas sympa.
37:39Parmi les disparus,
37:41Georges Bertoncini, proxénète
37:43et trafiquant marseillais,
37:45qui avait écopé de 15 ans de prison
37:47pour la séquestration du baron.
37:49Libéré en 1989,
37:51il replonge, 5 ans plus tard,
37:53pour trafic de cocaïne
37:55entre la France et la Colombie.
37:57Il est mort en prison en 2001.
37:59Mais la justice n'a pas jugé
38:01tous les ravisseurs du baron empin,
38:03car 3 d'entre eux
38:05ont échappé aux poursuites.
38:07L'un d'eux, toujours vivant,
38:09coule des jours tranquilles.
38:11Cayolle ne l'a pas balancé.
38:15Je ne vais pas vous demander son nom.
38:17Non. De toute façon, c'est périmé.
38:19C'est un rescapé et c'est un garçon
38:21en plus qui n'a pas de casier judiciaire.
38:23Qui n'en a jamais eu.
38:25Qui n'en a jamais eu.
38:27Et qui,
38:29après ça,
38:31a refait sa vie.
38:33Il a eu une période...
38:35Il était très jeune, du reste.
38:37Un peu chaude.
38:39Il a eu
38:41beaucoup de chance.
38:43Il y a des gens
38:45qui sont éjectés de l'avion
38:47quand ils crachent.
38:49Le mec a été éjecté de l'avion.
38:51Et comment est-ce qu'il est passé entre les mailles du filet ?
38:53Pas identifié.
38:55Et personne ne l'a donné ?
38:57Personne ne l'a donné.
38:59Et que fait-il aujourd'hui ?
39:01Il travaille à l'étranger.
39:03Ça va pour lui.
39:05Alain Cayolle est libéré
39:07en 1989,
39:09après 11 ans de prison.
39:1111 années pendant lesquelles
39:13il s'est intéressé à la littérature.
39:15Il publie alors un livre
39:17sur la correspondance de Georges Sand,
39:19écrit en détention.
39:21Cette nouvelle carrière d'écrivain lui permet
39:23de faire la route d'une vieille connaissance.
39:25Le policier qui lui a mis
39:27le canon de son arme dans la bouche pour le faire avouer.
39:2915 ans après,
39:31c'est-à-dire après avoir effectué sa peine,
39:33voilà que lui fait un livre
39:35que moi, j'ai quitté les flics
39:37et je suis journaliste
39:39à France Inter,
39:41et qui va être mon invité de plateau
39:43pour une émission enregistrée.
39:45Au cours de cette émission,
39:47Alain Cayolle ne reconnaît pas
39:49Éric Jung, le flic reconverti en journaliste.
39:51À la fin,
39:53je lui dis,
39:55Monsieur Cayolle, on se connaît tous les deux.
39:57Il me dit, ah bon, on se connaît ?
39:59Je lui dis, oui,
40:01vous parlez même de moi dans votre livre.
40:03Page 103.
40:05Et là, je vois la tête de Cayolle qui change,
40:07je lui dis, mais c'est pas possible.
40:09Vous n'êtes pas le flic qui...
40:11Je lui dis, si.
40:13Il me dit, mais c'est vous.
40:15Je lui dis, oui, mais vous marquez dans votre livre,
40:17je savais qu'il n'aurait pas tiré.
40:19Il me dit, parce que je l'ai lu dans vos yeux.
40:21Et depuis,
40:23j'ai gardé des relations
40:25amicales,
40:27n'est pas le mot,
40:29mais des bonnes relations avec Alain Cayolle
40:31que je revois régulièrement.
40:33Après quelques années de vie tranquille,
40:35Alain Cayolle replonge
40:37à son tour en 2001
40:39pour trafic de cocaïne.
40:41Décidément, pas facile de se ranger.
40:43Je dirais que j'ai un agacement
40:45à voir que Cayolle
40:47a replongé.
40:49C'est un peu dommage que, finalement,
40:51il n'ait jamais vu d'autres moyens
40:53de réaliser ses ambitions
40:55que de tomber dans les infractions.
40:57Parce que,
40:59au fond,
41:01j'aurais bien vu
41:03Cayolle comme maître
41:05de confiance dans l'université,
41:07un peu trop enclin
41:09à regarder avantageusement
41:11ses étudiantes et menant
41:13une espèce de vie de dandy.
41:15Il n'y a aucune cruauté
41:17chez Cayolle.
41:19Quand il joue les durs,
41:21il se force un peu.
41:23Le braqueur amoureux des belles lettres
41:25refait 5 ans de prison
41:27et sort en 2009.
41:293 ans plus tard,
41:31il publie son 2e livre,
41:33Lumière. C'est le titre de sa vérité
41:35sur l'enlèvement du baron Empin.
41:37Je voulais lui demander
41:39pardon collectivement
41:41au nom de tous,
41:43comme lui, il l'a fait.
41:45Parce que, généralement,
41:47les gens qui sont des malfaiteurs,
41:49qui ont des victimes,
41:51ils s'en foutent.
41:53Moi, je lui ai dit que j'étais désolé.
41:55Désolé que ça soit
41:57tombé sur lui. Désolé
41:59qu'on lui ait bousillé
42:01sa vie.
42:03Qu'est-ce que vous voulez
42:05que je lui dise de plus ?
42:07Je suis désolé.
42:09Ce qui est vrai.
42:11Dans votre livre, vous avez parlé
42:13de syndrome de Stockholm inversé.
42:15Qu'est-ce que vous entendez par là ?
42:17C'est-à-dire que
42:19le temps passant,
42:21Empin étant dans une tente,
42:23un tel lui donne
42:25à manger, un tel à boire,
42:27une cigarette, enfin bon,
42:29des liens secrets.
42:31Et puis, on discute.
42:33Tu fais du tennis, tu fais du ski,
42:35tu sors en boîte,
42:37tu choppes des gonzesses.
42:39Bon.
42:41Et en fait,
42:43Empin,
42:45il représentait l'idéal
42:47des mecs qui étaient là.
42:49Être jeune,
42:51être beau, être riche,
42:53être, voilà, tout ce que...
42:55Tout ce que vous vouliez tous.
42:57Tout ce qu'on voulait tous.
42:59Donc, il y a eu, avec le respect,
43:01une espèce d'admiration, comme les gens
43:03qui admirent des stars de cinéma.
43:05Vous avez rencontré le baron Empin
43:07à l'occasion de la sortie
43:09de votre livre. C'est un moment
43:11d'émotion ? Quand je l'ai revu,
43:13ah oui, bien sûr. Alors,
43:15si vous voulez une anecdote,
43:17quand on l'a pris,
43:19et que je lui ai lu
43:21ou donné nos conditions,
43:23je l'ai tutoyé d'entrée.
43:25Et je l'ai toujours tutoyé
43:27quand il était
43:29en détention.
43:31Aujourd'hui, j'arrive pas à le tutoyer.
43:33J'arrive pas, j'arrive pas.
43:35Alors, quand vous parlez de respect,
43:37ça doit être ça. J'arrive pas à le tutoyer.
43:39C'est un espèce
43:41de seigneur, Empin, parce que
43:43il
43:45vous reprochera jamais rien.
43:47Il...
43:49Il est au-dessus.
43:51C'est un type... Pour ça,
43:53il est impressionnant.
44:01Diane Empin,
44:03que pensez-vous des excuses
44:05d'Alain Caillol à votre frère ?
44:07J'ai pas d'excuses.
44:09Pour moi, il a...
44:13Il a meurtri un homme.
44:15Il a cassé sa vie.
44:17Il l'a mutilé.
44:19Donc, y a pas d'excuses.
44:21Il a...
44:23changé une famille.
44:25Donc,
44:27j'ignore. Le silence
44:29engendre le mépris.
44:31Vous regrettez aujourd'hui ?
44:33Je regrette rien du tout
44:35de ce que j'ai fait.
44:37Simplement, la bonne
44:39question, c'est si vous pouviez recommencer
44:41votre vie, est-ce que vous referiez pareil ?
44:43Voilà. Non.
44:45Effectivement, si c'était à refaire...
44:47Si c'était à refaire, je ferais pas de délinquance et pas de
44:49banditisme. Aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui,
44:51je sais des choses que je savais pas.
44:53Mais...
44:55Voilà. Moi, j'assume
44:57ma vie comme elle a été.
44:59Comment vivez-vous aujourd'hui ?
45:01Livre, Internet,
45:03théâtre un petit peu, puis voilà, ciné.
45:05Ça vous va, comme vie ?
45:07Parfait.
45:09Parfait. Moi, je suis un
45:11petit retraité à la con.
45:13Je suis pas
45:15ce que j'aurais souhaité
45:17ou voulu être.
45:19Voilà, c'est comme ça. Vous êtes un retraité
45:21tranquille ?
45:23Tranquille...
45:25Oui, tranquille. Qu'est-ce que
45:27ça veut dire, tranquille ?
45:29Je suis plus un malfaiteur.
45:31Si c'est ça que vous voulez dire.
45:37L'affaire Empin a fait couler beaucoup d'encre
45:39au moment des faits.
45:41Elle a suscité des passions et reste ancrée
45:43dans la mémoire criminelle des Français.
45:45Nous devons mettre toutes les armes de notre côté.
45:47Un souvenir ravivé en 2009, lorsque le réalisateur
45:49Lucas Bellevaux porte à l'écran
45:51une adaptation largement inspirée
45:53de l'enlèvement du Baron Empin.
45:55Allo ?
45:57Le scénario ressemble beaucoup
45:59à l'affaire, mais c'est une transposition
46:01contemporaine.
46:03Le personnage principal, joué par
46:05Yvan Attal, s'appelle
46:07Stanislas Graff.
46:09Lucas Bellevaux, pourquoi avez-vous
46:11décidé d'adapter cette histoire au cinéma ?
46:13Parce qu'à l'époque du...
46:15du rapt, j'étais
46:17assez jeune, j'étais adolescent
46:19et finalement j'avais pris ça un peu
46:21à l'âge légère en me disant
46:23finalement, un grand patron, un exploiteur
46:25etc. Il a eu ce qu'il
46:27méritait. Et en revoyant
46:29après le Baron raconter
46:31son histoire, raconter sa captivité,
46:33je me suis dit, mais ce que
46:35cet homme a subi,
46:37c'est épouvantable,
46:39on ne peut le faire subir à personne.
46:41Donc je me suis dit, il faut faire un film
46:43pour montrer ce que c'est qu'une captivité
46:45de ce type-là et montrer
46:47qu'un homme, quel qu'il soit, est un homme.
46:49Qu'est-ce que vous vouliez faire ressortir vraiment
46:51de votre film ?
46:53La souffrance
46:55d'Empin,
46:57à tous les moments, sa force
46:59et sa dignité certainement
47:01et puis l'abomination que ça représente
47:03une histoire comme ça. Attraper
47:05un homme et dans les heures
47:07qui suivent lui couper un doigt avant même
47:09de lui parler pratiquement
47:11comme ça.
47:13Et puis c'est un homme réduit
47:15à l'état d'animal et encore
47:17un animal maltraité.
47:19Donc il fallait parler de ça, oui.
47:21Quel regard portez-vous
47:23sur les ravisseurs dans votre film ?
47:25Un regard extrêmement
47:27dur. C'est juste des types qui décident
47:29de gagner de l'argent et
47:31qui sont prêts à tuer un individu,
47:33à l'enchaîner.
47:35Je suis extrêmement sévère.
47:37Le Baron a déclaré publiquement
47:39qu'il avait apprécié le film. Ça vous a touché ?
47:41Oui, ça m'a touché
47:43parce que c'était...
47:45J'ai vécu
47:47comme une grande responsabilité
47:49le fait de
47:51raconter l'histoire de quelqu'un
47:53qui vivait encore, qui était une histoire extrêmement
47:55dure, extrêmement intime.
47:57Si lui ne s'y retrouvait pas, s'il s'était
47:59senti ou trahi, ou sali,
48:01ou maltraité,
48:03ça aurait été quelque part une torture
48:05supplémentaire et je ne voulais pas ça.
48:07J'ai fait le film justement
48:09pas pour le réhabiliter
48:11mais en tout cas pour dire
48:13voilà, cet homme n'était coupable de rien.
48:18Aujourd'hui, le Baron Empin
48:20a 77 ans.
48:22Il partage son temps entre
48:24la région parisienne et Monaco.
48:26Remarié,
48:28grand-père et arrière-grand-père,
48:30il s'est reconstruit
48:32et savoure sa deuxième vie.
48:38Diane Empin, comment va
48:40votre frère aujourd'hui ?
48:42Aujourd'hui ? Ce qui nous a sauvés
48:44dans tous ces événements,
48:47c'est que nous avons toujours gardé
48:49un certain humour, c'est notre éducation,
48:51peut-être aussi notre étoile,
48:53le rire et le partage.
48:55Donc aujourd'hui, il va bien.
48:57Ça lui a donné davantage d'authenticité.
48:59Il est devenu plus
49:01accessible,
49:03plus humain,
49:05plus proche.
49:07Je me souviens d'une conférence de presse
49:09qu'il avait donnée un peu après sa libération
49:11où il avait dit au fond,
49:13je m'aperçois que le bonheur ça consiste
49:15à prendre un bon café, à prendre une douche,
49:17à embrasser les siens
49:19et à partir travailler.
49:21Au fond, je pense
49:23à rediriger
49:25vers une forme
49:27assez simple du bonheur.
49:29Des bonheurs simples
49:31comme la chasse
49:33ou les vacances à la montagne.
49:35Il a des amis
49:37qui lui sont restés fidèles.
49:39Vous savez, ça sert aussi...
49:41Quand on a été
49:43au Panthéon et qu'on redevient
49:45un monsieur tout le monde,
49:47on mesure aussi la qualité
49:49de ses amis, de ses vrais amis.
49:51Est-ce que vous diriez qu'aujourd'hui
49:53il est un homme apaisé ?
49:55Sur un contexte
49:57familial,
49:59il est apaisé.
50:01Il a retrouvé ses enfants.
50:03On l'aime.
50:05On est chaleureux, on est heureux, on rit.
50:07Donc il est apaisé.
50:14Aujourd'hui,
50:16le baron travaille sur un projet de film
50:18retraçant la saga industrielle
50:20de la famille Ampin
50:22pour laisser une autre trace dans l'histoire
50:24que ses souvenirs qui lui collent à la peau
50:26du baron enlevé
50:28et mutilé
50:30et pour tourner définitivement
50:32la page de son ancienne vie
50:34dont il ne veut plus parler.
50:43Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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