Hydrogène de France (HDF) a inauguré en mai 2024 son usine de piles à combustible à forte puissance, à Blanquefort en Gironde. Avec son directeur général Jean-Noël de Charentenay, SMART IMPACT s’intéresse au potentiel de l’hydrogène dans la transition énergétique et aux ambitions de HDF, qui vise 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2027. Le dirigeant évoque notamment les marchés du fret maritime et ferroviaire, et les possibilités de retrofit hydrogène.
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00:00L'invité de Smart Impact, c'est Jean Noël de Charentenay, directeur général d'Hydrogène de France, qui est avec nous en duplex.
00:13Bonjour, bienvenue. Vous venez d'inaugurer votre usine de piles à combustible forte puissance.
00:20Vous en êtes où ? Parce qu'inauguration dit tout de suite entrer en fonctionnement ou il y a encore quelques étapes ?
00:26L'inauguration dit, les bâtiments sont terminés. Ça correspond effectivement au programme qu'on avait lancé il y a maintenant deux ans,
00:34puisqu'on avait posé la première pierre en novembre 2022. Donc le bâtiment a été livré en avril 2024. On a procédé à l'inauguration.
00:42Maintenant, la phase de mise en production démarre. Notre planning, c'est de commencer cette mise en production d'ici l'automne à peu près
00:50pour être prêt à rentrer dans de la production en faible série en 2025 et en forte série à partir de 2026.
00:57Alors on va faire de la pédagogie, parler évidemment des clients des marchés potentiels. Mais d'abord, je voudrais visiter en quelque sorte
01:06ce site qui a obtenu la certification BREEAM. On parle de quoi ? De normes environnementales assez ambitieuses, c'est ça ?
01:13C'est ça. On parle de normes environnementales, à la fois sur le plan énergétique, mais aussi sur le confort des utilisateurs,
01:20sur l'utilisation de la lumière naturelle, sur l'utilisation de la climatisation plutôt active plutôt que passive.
01:27Donc c'est toute une conception de bâtiment qu'on a voulu, sur le plan esthétique, marier tel qu'elles étaient dessinées au XIXe siècle,
01:37c'est-à-dire avec ce qu'on appelle des chaises, donc avec des ruptures de pente orientées au nord, de façon à ce que du côté nord,
01:44vous avez des vitres qui ne reçoivent pas la lumière directe du soleil, qui permettent à l'atelier de fonctionner sans apport de lumière électrique.
01:51Et au sud, sur les points inclinés au sud, bien sûr, aujourd'hui, on n'est plus au XIXe siècle, on met des panneaux solaires
01:57et ça produit de l'électricité qui sera autoconsommée.
01:59Ça coûte plus cher de construire une usine avec ces normes ?
02:04Non, à partir du moment où on a pris le sujet dès le départ.
02:09Dès le départ, on a pris le sujet avec l'aide de l'architecte, le cabinet d'architecte patriarche.
02:13On a pu vraiment concevoir le bâtiment sur cette base-là.
02:18Et à partir du moment où vous démarrez depuis le début sur ces bases-là, il n'y a pas de surcoût fondamental.
02:24Et la valeur potentielle, la valeur foncière du bâtiment est bien meilleure que si vous aviez un bâtiment qui était une passoire,
02:31qui sera invendable, par exemple, dans dix ans.
02:33Le but, ce n'est pas de revendre le bâtiment, mais la valeur terminale est quand même assez intéressante quand vous voulez financer un bâtiment.
02:41Bien sûr, évidemment. On va faire un peu de pédagogie. On rappelle comment fonctionne une pile à combustible.
02:46Et puis, alors là, on parle de pile à combustible forte puissance. De quoi s'agit-il ?
02:50Une pile à combustible, c'est un élément chimique.
02:55En fait, on réintroduit un élément chimique qui est l'inverse de l'électrolyse de l'eau.
03:00On va recombiner les atomes d'oxygène qui se trouvent dans l'air avec des atomes d'hydrogène qu'on a stockés par ailleurs.
03:06Et cette recombinaison reforme de la vapeur d'eau, H2O, et émet des électrons, donc produit de l'électricité.
03:14Alors la plupart des applications sur des piles à combustible, jusqu'à maintenant, étaient plutôt limitées à de la puissance relativement faible.
03:23Parce que les marchés anticipés, déjà depuis 20-30 ans, c'était plutôt des marchés de la mobilité.
03:28Les voitures à hydrogène. Peugeot a expérimenté un prototype dans les années 80, donc c'est pas tout neuf.
03:35Et depuis une dizaine d'années, on considère que l'hydrogène est un gaz qui sera plus intéressant que l'utilisation juste dans la mobilité légère.
03:43Et le pari de l'hydrogène de France, c'est de dire que cette technologie peut être utilisée sur des grosses puissances électriques.
03:51Et donc nous avons anticipé ce mouvement-là depuis 7-8 ans pour arriver à concevoir, passer des accords avec des fournisseurs stratégiques
04:01pour pouvoir fabriquer nous-mêmes des piles à combustible qui peuvent produire des puissances très fortes.
04:07Jusqu'à maintenant, les puissances que vous trouviez sur le marché, c'était du genre, sans prendre trop de chiffres, mais entre 30 et 100 kW.
04:14Nous, nous fabriquons des piles qui sont plutôt entre 1 MW et 2 MW.
04:19Donc vous voyez, c'est un facteur d'échelle qui implique une méthodologie et une industrialisation un peu différentes.
04:26– Effectivement, on n'est plus du tout dans la même échelle avec un intérêt pour le mix énergétique français.
04:31C'est-à-dire que vous venez en complémentarité de l'intermittence des énergies renouvelables, on peut dire ça ?
04:38– Oui, absolument. Le pari qu'on a fait au moment de la création de l'hydrogène de France,
04:42c'était de se dire que l'hydrogène était un bon moyen de stocker l'intermittence des énergies renouvelables.
04:48Alors, dans des réseaux électriques très bien interconnectés comme l'Europe continentale avec des grosses puissances,
04:54ces réseaux-là sont capables, on l'a vu, sont capables d'amortir un peu les chocs de l'intermittence jusqu'à un certain point.
05:02Dans des petits réseaux comme des réseaux insulaires, là, on ne peut pas mettre beaucoup d'intermittences
05:08parce que les réseaux électriques ne seront pas capables d'amortir ces intermittences.
05:12Donc là, c'est pour ça qu'on s'est développé d'abord à l'international.
05:15On est présent dans 30 pays dans le monde parce qu'on va chercher les réseaux électriques qui sont assez faibles.
05:21Et après la vague suivante, qui dépendra des infrastructures hydrogènes qui vont se mettre en place,
05:26on pourra s'interconnecter entre le réseau de gaz hydrogène et le réseau d'électricité.
05:32De la même façon qu'aujourd'hui, les centrales à gaz qui sont utilisées pour faire des productions de pointe
05:39ou des productions de semi-base, on peut très bien imaginer que l'hydrogène
05:43et la technologie fuel cell pourra remplacer les technologies des centrales à gaz dans le futur.
05:48– Vous affichez un objectif de chiffre d'affaires de 100 millions d'euros en 2027.
05:52Avec quelle perspective, quel marché, quel client ?
05:56– Alors sur les marchés qu'on a déjà ouverts, puisque je vous ai dit, on est présent dans une trentaine de pays.
06:01On travaille sur le développement de projets qui représentent un investissement global de l'ordre de 5 milliards de dollars.
06:07À chaque fois qu'on développe un projet, on capte la valeur à la fois en tant qu'assistant maîtrise d'ouvrage
06:14dans le cadre des développements des projets et on capte de la valeur aussi en fournissant les piles à combustible
06:19qui vont faire partie de ces projets-là.
06:20Donc sur une base de 5 milliards de dollars, on estime que nous, la captation de valeur,
06:25notre objectif c'est de capter entre 15 et 17% de la valeur des investissements.
06:31Donc vous voyez, 100 millions d'euros, c'est quelque chose qui est relativement atteignable.
06:35– Oui, effectivement. Est-ce que le fait qu'on soit dans une attente,
06:39alors là je redeviens un peu franco-français, pardon, mais d'une stratégie nationale pour l'hydrogène,
06:44il y a des décisions qui ne sont pas vraiment prises, est-ce que pour vous, c'est une source d'inquiétude ?
06:50C'est un frein à votre développement ou pas ?
06:53– Non, ce n'est pas vraiment une source d'inquiétude parce que, encore une fois, je vous le dis,
06:56on s'est d'abord projeté à l'international, donc on est dans des rapports en termes de régulation
07:01qui sont un peu différents que ce qu'on peut trouver en Europe continentale et spécifiquement en France.
07:06En France, on a une difficulté, c'est qu'on fait des choix en matière énergétique
07:12qui sont très structurants, le choix nucléaire est extrêmement structurant,
07:16donc on a toujours un peu de mal à placer d'autres technologies
07:20dans une programmation globale de l'énergie, donc il faut attendre que tout ça se mette en place.
07:27L'hydrogène, ce n'est pas quelque chose qui se met en place d'un claquement de doigts,
07:31ça va prendre un peu de temps, moi j'ai coutume de dire que si on revient un petit peu en arrière,
07:37dans les années 50, je sais que ça fait un moment,
07:41dans les années 50, quand vous allumiez votre cuisinière à Paris,
07:44c'était ce qu'on appelait du gaz de ville.
07:47Le gaz de ville, c'était la distillation du charbon qui produisait de l'hydrogène,
07:50principalement d'ailleurs, et ensuite, à partir de la fin des années 50,
07:54on a découvert les gisements de gaz naturel à Lac et les gisements de gaz naturel en Hollande.
08:00Et l'Europe s'est entièrement convertie en 7 ans au gaz naturel,
08:04c'est-à-dire à déployer un réseau, une infrastructure totale
08:07pour basculer du gaz de ville au gaz naturel en 7 ans.
08:10On peut penser, et ça c'est une volonté politique,
08:13mais l'Europe a été bien impactée par la guerre en Ukraine et le réchauffement climatique,
08:20pour se dire, le gaz naturel n'est pas forcément une solution viable à moyen terme,
08:25et donc il faut mettre en place toutes les politiques qui vont nous permettre
08:28d'évoluer vers une nouvelle infrastructure qui est plutôt basée sur l'hydrogène.
08:32– Mais est-ce que l'Europe a pris ses décisions ?
08:35– Ah oui, l'Europe a pris ses décisions,
08:38l'Europe vient de mettre en place le package gaz dans lequel l'hydrogène a sa place,
08:44et l'intégralité des fournisseurs, des transporteurs de gaz européens
08:49est à l'origine d'une initiative pour déployer des réseaux d'hydrogène en Europe,
08:55et ils ont tout un plan de travail qui est prêt, qui est sur la table,
08:59qui a été pris en compte par l'Union Européenne aussi, et donc les choses avancent.
09:04– Est-ce que ça veut dire ?
09:05– Effectivement, ça n'avance pas très très vite,
09:07ça avance à la vitesse des infrastructures énergétiques,
09:10ce sont quand même des investissements très très lourds,
09:12et donc on ne peut pas se faire ça d'un claquement de doigts.
09:14– Évidemment, est-ce que pour une entreprise comme la vôtre,
09:16ça veut dire que par exemple, il y a des subventions européennes
09:19qui sont arrivées, qui pourraient arriver ?
09:23– Il y a des subventions européennes qui ont été validées par la Commission
09:28assez récemment, puisque on était dans la vague des pièges hydrogène,
09:32donc on a fait partie de la quatrième vague,
09:34donc plutôt dédiée à la mobilité lourde,
09:37et la Commission européenne a reconnu que notre dossier était finançable,
09:42donc les dossiers dans le cadre des procédures pièges
09:44sont présentés par les États membres à la Commission,
09:47et la Commission accorde à l'État membre le droit de subventionner
09:50en dehors des aides d'État, en dehors des traités européens,
09:53un droit de subventionner des projets qui ont été clairement identifiés,
09:56donc notre projet qu'on a présenté déjà il y a trois ans
09:59a subi toutes les instructions que vous pouvez imaginer
10:02au niveau national et au niveau communautaire,
10:05et là, officiellement, la Commission européenne a validé le projet,
10:09et officiellement, le ministère de l'Économie a publié
10:13que la ligne budgétaire qui était prévue,
10:15était prévue au maximum jusqu'à 172 millions d'euros de subventions
10:19pour notre programme de développement industriel.
10:22– Petite question, parce qu'on a à peine effleuré les mobilités,
10:27il y a aussi pour une entreprise comme la vôtre,
10:29des débouchés, peut-être dans le ferroviaire ou dans le transport maritime,
10:33ça fait partie des perspectives ou alors pas du tout ?
10:37– Si, si, absolument, c'est-à-dire que,
10:39pour vous redécrire assez rapidement notre processus mental si je puis dire,
10:43on s'est intéressé à s'impliquer dans la partie industrielle des piles à combustible
10:49parce que personne n'était capable dans le monde de répondre à nos besoins
10:54dans le cadre du développement des projets de production d'électricité renouvelable stable
10:59qu'on développe dans beaucoup de pays dans le monde,
11:02à partir du moment où on s'est intéressé à ça,
11:04l'étape suivante a été de se dire,
11:06peut-être on peut s'intéresser à d'autres marchés que la production d'électricité,
11:10mais par contre on garde cette spécificité de forte puissance,
11:13donc quels sont les marchés dans lesquels
11:16les piles à combustible de forte puissance peuvent avoir un débouché ?
11:19Il y a deux marchés principaux, c'est le fret ferroviaire et le maritime.
11:24Dans le fret ferroviaire, une locomotive de fret,
11:26c'est à peu près un mégawatt, deux mégawatts pour tirer du fret.
11:32La plupart des locomotives sont en fait des véhicules hybrides,
11:35c'est-à-dire qu'ils ont un moteur diesel qui alimente un moteur électrique,
11:40donc si vous retirez le moteur diesel et que vous mettez une pile à combustible à la place,
11:44cette pile à combustible va alimenter le moteur électrique.
11:47Il faut savoir qu'il y a beaucoup de locomotives de fret diesel dans le monde
11:53et beaucoup de lignes ferroviaires qui ne peuvent pas être électrifiées dans le monde.
11:56Voilà, donc ça fait du rétrofitage, si j'ose dire, en perspective.
12:00Merci beaucoup Jean-Noël de Charentenay et à bientôt sur Bismarck.
12:05On passe tout de suite à notre rubrique, le Zoom de Smart Impact.
12:09On va parler d'éco-pâturage.