La Victoire est en Elles - Davina Michel

  • il y a 4 mois
Cette semaine Alexandre Delpérier reçoit Davina Michel, championne de France de boxe anglaise. Estelle David, directrice du CREPS de Strasbourg et Chloé Célérien dessinatrice et autrice de Générations Poing Levé (marabulles).

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Sport
Transcription
00:00:00...
00:00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:00:21soyez les bienvenus dans votre rendez-vous.
00:00:23Je suis ravi de vous accueillir, comme toutes les semaines.
00:00:26Oh, que le programme est alléchant !
00:00:28Le voici, sommaire.
00:00:29Une boxeuse au parcours incroyable avec nous,
00:00:32à 24 ans, Davina Michel est l'une des têtes d'affiches
00:00:35de la boxe en France.
00:00:36La martiniquaise vise une qualif pour Paris 2024,
00:00:39après avoir failli tout arrêter en 2016.
00:00:43Direction le Krebs de Strasbourg, avec Estelle David,
00:00:46notre dirigeante de la semaine.
00:00:47Focus avec elle sur le fonctionnement
00:00:49de ses structures qui font naître, peut-être, on l'espère,
00:00:52les futurs athlètes de haut niveau.
00:00:54Enfin, Chloé Selleray, un dessinatrice,
00:00:56nous présentera son premier roman graphique,
00:00:59Génération Point Levé, un ouvrage qui raconte
00:01:01les histoires des grands sportifs, militants,
00:01:04femmes et hommes confondus.
00:01:06Elle sera avec nous dans la dernière partie de l'émission.
00:01:09Bonjour à toutes, je suis ravi de vous retrouver.
00:01:12Bonjour, ma chère Davina.
00:01:13Bonjour à toi, comment vas-tu ?
00:01:14Ça me fait plaisir de t'accueillir.
00:01:16On va parler boxe, on va parler femmes,
00:01:18on va parler haut niveau, motivation, détermination,
00:01:22changement de cap, je me remets dans la ligne droite,
00:01:25j'en sors. C'est ça, la vie d'un...
00:01:27Exactement, un parcours assez atypique,
00:01:29mais je suis toujours là.
00:01:30T'es toujours là et mieux que là.
00:01:32Championne de France 2013,
00:01:33championne de l'Union européenne 2013,
00:01:36vice-championne du monde 2013 dans les moins de 70 kg,
00:01:39cinquième des JO de la jeunesse en 2014,
00:01:41vice-championne de France 2016, y a la coupure,
00:01:43elle revient et elle regagne.
00:01:45Championne de France 2019.
00:01:462020 et 2021.
00:01:49Tu m'as coupée, mais tu as raison, tout est là.
00:01:51Je voudrais comprendre ton palmarès, Davina.
00:01:53D'où tu viens ? Tu es née en Martinique,
00:01:55d'une famille de sportives et de sportifs.
00:01:58Ton papa disputait et dispute toujours le karaté ?
00:02:01Pas du tout. Il est président de club en boxe anglaise,
00:02:03mais il a fait énormément de compétitions
00:02:05en international en karaté,
00:02:08avec l'équipe de la Martinique.
00:02:09Du coup, le sport, ça a toujours été dans ma famille.
00:02:13Jusqu'à quel niveau il a été ton papa ?
00:02:15Il a fait les championnats du monde en Russie.
00:02:17J'ai oublié la date, ça fait très longtemps,
00:02:19mais il a participé aux championnats du monde en Russie.
00:02:22J'ai envie de dire que le sport de haut niveau,
00:02:24la détermination, les sacrifices, la douleur,
00:02:27ça fait partie des gènes familiaux ?
00:02:28Oui, ça fait partie.
00:02:30C'est quand même très dur, mais ça fait partie.
00:02:32Je connais ça depuis que je suis assez petite.
00:02:33T'as commencé à quel âge le sport et quel sport ?
00:02:35J'ai commencé le karaté quand j'avais 8 ans, on va dire.
00:02:41Pourquoi le karaté ?
00:02:42Parce que papa faisait du karaté, bien évidemment.
00:02:45Et avant, t'as rien fait ?
00:02:46Non, avant, j'ai pas fait d'autres sports de combat.
00:02:48Tu étais quel type de petite fille jusqu'à 8 ans ?
00:02:51Un peu garçon manqué, je vais pas vous mentir.
00:02:53J'aimais jouer avec mes frères.
00:02:55Turbulente ?
00:02:56Je jouais tout avec mon papa.
00:02:57Je n'étais pas turbulente, j'étais quand même réservée,
00:02:59mais à partir du moment où on était dans un sport
00:03:01ou dans une activité où on devait avoir soit de la concurrence
00:03:04ou on devait jouer, j'étais la première.
00:03:06Et donc à 8 ans, finalement, tu vas toucher le karaté.
00:03:09Voilà, c'est ça.
00:03:10Donc j'ai dû faire peut-être 4 ans de karaté avec mon père.
00:03:13Attends, karaté parce que c'est la facilité ?
00:03:16Pas du tout, non.
00:03:17Parce que mon père faisait juste du karaté, c'est tout,
00:03:19mais pas parce que c'est la facilité.
00:03:20J'aimais bien, j'appréciais,
00:03:21mais c'était pas mon sport, c'était pas fait pour moi.
00:03:25Voilà.
00:03:26Pourquoi c'était pas fait pour toi ?
00:03:28Il manquait de contact.
00:03:29J'aime bien le contact, j'aime bien...
00:03:31C'est ton côté garçon manqué, ça ?
00:03:32Ouais, peut-être, sûrement, on va dire ça.
00:03:35Enfin, garçon manqué à l'époque,
00:03:37parce qu'aujourd'hui, je ne le suis plus du tout.
00:03:39Je peux en témoigner.
00:03:41Le karaté de 8 à 12 ?
00:03:43Oui, c'est ça.
00:03:44Ensuite, mon père a fait de la kickboxing,
00:03:47donc j'ai suivi mon père partout, on va dire.
00:03:49Il a recommencé à faire de la kickboxing,
00:03:51il a bien aimé, il a fait un an, on va dire.
00:03:54Il m'entraînait tout seul quand on allait sur le terrain,
00:03:57on allait dans des stades, on s'entraînait.
00:03:59Il m'a fait venir dans son club
00:04:00et là, tout le monde a dessiné en moi un potentiel.
00:04:02J'ai effectué mon premier combat en kickboxing
00:04:04quand j'avais 14 ans, à Saint-Martin.
00:04:07Voilà, sans protège, sans rien,
00:04:09c'était vraiment la street à cette époque.
00:04:11Et j'ai kiffé, j'ai aimé, j'ai aimé le monde.
00:04:13T'as gagné ?
00:04:14Oui, j'ai gagné, grâce à lui.
00:04:16Tu te souviens de la sensation de la victoire ?
00:04:17Bien sûr que je me souviens de la sensation de la victoire.
00:04:18Surtout que c'était un match très dur.
00:04:20La personne de mon adversaire était âgée,
00:04:23c'était une souris de la mienne.
00:04:24Elle était plus grande que moi, elle était déjà majeure.
00:04:26Du coup, c'était un combat assez dur
00:04:28et je ne partais pas non plus favorit.
00:04:29Dur, ça veut dire quoi ?
00:04:30Dur, ça veut dire intense.
00:04:33Il y avait beaucoup d'intensité.
00:04:35C'était une senior qui était en face de moi,
00:04:37donc il y avait la hargne, il y avait tout.
00:04:39L'expérience.
00:04:40L'expérience, donc du coup, il fallait que je monte de grade
00:04:42assez tôt, on va dire,
00:04:43ne serait-ce qu'en termes de caractère, d'envie,
00:04:46de montrer que je veux chercher mon combat,
00:04:48je veux la victoire.
00:04:49Du coup, c'était un combat difficile,
00:04:50mais une très bonne entrée.
00:04:51Ce jour-là déjà, tu avais soif de victoire.
00:04:54Oui, j'ai toujours eu soif de victoire.
00:04:56Une haine de la défaite, ça aussi ?
00:04:57Ça fait mal, la défaite, elle fait mal.
00:04:59Oui, surtout dans les sports de combat.
00:05:01Oui, puisque tu ne peux t'en vouloir qu'à toi.
00:05:04Oui, et puis il m'a mis à terre, quoi.
00:05:07Voilà, il m'a mis à terre.
00:05:08Il ou elle, bien sûr.
00:05:09Il ou elle, mais il n'y a pas que l'adversaire,
00:05:10il y a toi aussi qui compte.
00:05:11C'est-à-dire que si je ne suis pas dedans ce jour-là
00:05:14ou si il m'a manqué certaines choses,
00:05:15puisqu'on travaille énormément
00:05:16pour pouvoir effectuer que neuf minutes de combat,
00:05:19au final, on s'entraîne deux fois par jour,
00:05:22on a des entraînements biquotidiens
00:05:23avec plusieurs séances de différents types.
00:05:26Ça peut être physique, musculaire, etc.
00:05:28Pour, au final, que neuf minutes de combat.
00:05:29Donc, c'est assez frustrant quand on ressort
00:05:31et quand on n'a pas gagné.
00:05:32C'est compliqué.
00:05:34Il y a ce tournoi avec Adidas.
00:05:35Oui.
00:05:36Il a t'interpéré.
00:05:37Et là, la détection française opère à merveille.
00:05:41Et là, comment ça se passe ?
00:05:42Qui t'appelle ?
00:05:43J'ai d'abord vu Myriam Chomaz.
00:05:45Je ne sais pas si vous la connaissez.
00:05:47C'est une grande championne à l'époque.
00:05:48C'est une très, très grande championne.
00:05:50Elle a représenté la France partout.
00:05:51Elle fait partie des piliers, en tout cas.
00:05:53C'est celle qui a lancé la boxe féminine en anglaise.
00:05:56Et elle est venue me voir.
00:05:57Elle m'a signé un autographe.
00:05:59Elle m'a signé mon short. Elle m'a un peu parlé.
00:06:00Tu savais qui c'était ?
00:06:01Je savais qui c'était à l'époque.
00:06:02Mon coach me l'a expliqué, de la Martinique.
00:06:05Il me l'a expliqué et tout.
00:06:06Donc, j'étais vraiment fière.
00:06:07Mais j'ai quand même ce goût de défaite amère.
00:06:10Donc, j'écoute, mais sans trop écouter.
00:06:11J'étais plutôt déçue de moi-même.
00:06:13Donc, je n'avais pas forcément envie de voir tout le monde.
00:06:15Elle m'a dit de m'accrocher,
00:06:17qu'on se revanche plein de France et que je vais tout casser.
00:06:19Et c'est ce qui s'est passé quelques mois plus tard.
00:06:20Combien de temps après ?
00:06:21En avril, l'avril qui a suivi.
00:06:23D'accord.
00:06:24Donc, moins d'un an avant ton premier combat
00:06:26à Saint-Martin en kickboxing.
00:06:28Voilà, exactement.
00:06:29Tout ça pour comprendre que ça va hyper vite.
00:06:32On change de discipline.
00:06:34Que la boxe ou le champ d'expression,
00:06:36c'est les coups portés avec les bras.
00:06:38Donc, c'est une technique qui est considérablement nouvelle.
00:06:40L'art de l'esquive, l'art d'amener l'adversaire,
00:06:44l'art de porter ses coups.
00:06:46Et qu'en moins d'un an,
00:06:48tu as réussi avec des capacités, avec de la volonté,
00:06:51et j'imagine énormément de travail,
00:06:53à muer d'une discipline à une autre.
00:06:57Exactement.
00:06:58Du coup, c'était compliqué, mais à la fois simple.
00:07:01J'étais à l'aise.
00:07:03Donc, c'est les Championnats de France, c'est où ?
00:07:04Les Championnats de France, c'était à Saint-Gaudin.
00:07:07C'est la première fois que tu venais en métropole ?
00:07:09Non, la première fois que je suis venue en métropole,
00:07:11c'est pour les Championnats d'Adidas en décembre.
00:07:13Donc, Adidas, c'était déjà là.
00:07:14Voilà, c'était ma première fois en métropole.
00:07:16Donc, là, tu repars après en Martinique.
00:07:18Tu reviens pour les France.
00:07:19Je reviens pour les France,
00:07:20où je fais championne de France en moins de 66 kg à l'époque.
00:07:22Arrête-toi là.
00:07:23OK.
00:07:24Qu'est-ce qui se passe, là ?
00:07:25Grande fierté, une explosion.
00:07:27C'était vraiment la consécration de tout.
00:07:29Surtout par rapport à ma défaite que j'ai eue en décembre.
00:07:35Exactement.
00:07:36Du coup, c'était vraiment une fierté.
00:07:40Une fierté. Surtout que j'étais la première Martiniquaise
00:07:42à être championne de France. C'est surtout ça.
00:07:44Il n'y a pas énormément de filles en boxe, tout simplement.
00:07:46Donc, aux Antilles, encore plus, en Martinique,
00:07:48je ne vous en parle pas.
00:07:49Donc, j'étais fière.
00:07:50Comment ça a été vécu, là-bas ?
00:07:52On m'a accueillie à l'aéroport avec des tambours.
00:07:54Yeah !
00:07:55J'adore.
00:07:56Ils étaient trop fiers de moi. Ma famille était fière.
00:07:58Il y avait tout le monde.
00:07:59Mon père, en plus, travaillait un peu avec les hommes politiques.
00:08:01Donc, du coup, il y avait des hommes politiques.
00:08:02Non, mon pays m'a beaucoup soutenue.
00:08:05Il m'a beaucoup soutenue.
00:08:06Du coup, non, c'était vraiment une grande fierté pour moi.
00:08:08Et à partir de ce moment-là, je me suis dit, c'est parti.
00:08:10C'est parti, c'est parti.
00:08:11On revient.
00:08:13Alors, avant le retour en Martinique,
00:08:14mais au moment où tu combats, où tu gagnes.
00:08:16Oui.
00:08:17C'est combien de combats pour avoir le titre ?
00:08:18J'étais chez une grosse catégorie.
00:08:21Je n'ai eu que combats.
00:08:22Donc, direct, il y a eu un combat.
00:08:23Je n'ai eu que combats. Voilà.
00:08:24Exactement.
00:08:25OK.
00:08:26Parce qu'il y avait eu des sortes de présélections
00:08:28avec ce qui s'était passé avant.
00:08:30Quand tu gagnes, c'est quoi ?
00:08:33C'est un chaos ? C'est au point ?
00:08:34C'est raconte-moi.
00:08:35Arrêt de l'arbitre.
00:08:36J'ai gagné par arrêt de l'arbitre.
00:08:37C'était en trois fois deux minutes à cette époque.
00:08:40J'étais cadette.
00:08:41Ça veut dire que tu as fait mal à ton adversaire ?
00:08:42Voilà, j'ai fait mal.
00:08:43Il saignait du nez.
00:08:45C'était vraiment impressionnant.
00:08:46Il saignait du nez.
00:08:47L'arbitre l'a arrêté.
00:08:48Même, on a demandé pourquoi on l'a arrêté aussi tard
00:08:49parce que c'était une boucherie.
00:08:50En même temps, j'avais un gabarit assez atypique.
00:08:53Je faisais 1m78 pour 66 kilos.
00:08:56On voit pas ça partout.
00:08:57Et à ce moment-là, tu te rends compte du chemin
00:09:01où c'est trop difficile ?
00:09:03Parce que t'as quel âge à ce moment-là ?
00:09:04J'ai 15 ans.
00:09:05Je me rends compte sans m'en rendre compte.
00:09:06Je suis juste contente,
00:09:07mais je pensais pas que j'en serais là aujourd'hui.
00:09:09Je pensais pas que je serais en équipe de France,
00:09:11que j'aurais pas encore eu...
00:09:12Parce que 15 ans,
00:09:13c'est pas championne de France cadette.
00:09:14Non, 15 ans, je suis championne de France cadette.
00:09:17C'est championne de France cadette ?
00:09:18Cadette, exactement.
00:09:2015 ans, championne de France cadette.
00:09:21Et là, tu te dis, une fois de plus,
00:09:24je suis sur la bonne voie,
00:09:25c'est vraiment ça que je veux faire ?
00:09:26Oui, exactement.
00:09:28En tout cas, c'est ça que je voulais faire à ce moment-là.
00:09:31Rapidement, les choses vont avancer ?
00:09:33Très vite, encore plus vite, toujours plus vite.
00:09:36Du coup, on m'a sélectionnée
00:09:38pour les championnats de l'Union européenne,
00:09:41exactement en 2013.
00:09:42C'était en Hongrie.
00:09:45En Hongrie.
00:09:46Et j'ai pas pu faire de stage avant avec l'équipe de France
00:09:48puisque, comme j'étais en Martinique,
00:09:49devoir faire des allers-retours entre les deux,
00:09:51c'était pas possible.
00:09:52Financiellement, c'était très dur aussi,
00:09:53soit pour les parents ou pour eux,
00:09:55de débourser des billets pour que je fasse des allers-retours.
00:09:57Mais tu faisais les championnats d'Europe.
00:09:58Voilà, du coup, ils m'ont pris pour les championnats d'Europe.
00:10:01Il y avait un stage juste avant.
00:10:02Ensuite, on est parties aux championnats d'Europe.
00:10:03J'ai eu trois combats pour faire en championne d'Europe.
00:10:07Enfin, championne de l'Union européenne, exactement,
00:10:09à ce moment-là.
00:10:10Alors, j'ai gagné mes deux combats par arrêt de l'arbitre
00:10:14et le troisième, je l'ai fait en entier.
00:10:16Non, je mens.
00:10:17J'ai gagné tous mes combats par arrêt de l'arbitre.
00:10:20Donc, tu es championne d'Europe.
00:10:21Voilà, donc je suis championne de l'Union européenne.
00:10:23Tu y crois, à ce moment-là, ou tu te dis...
00:10:25Il faut que tu te pinces pour...
00:10:26Non, à ce moment-là, je suis consciente.
00:10:28J'ai surtout été consciente quand on a chanté la Marseillaise
00:10:30sur le podium.
00:10:32C'était un moment magnifique.
00:10:33C'était l'un de mes meilleurs moments en tant qu'athlète.
00:10:36Des larmes ?
00:10:37Oui.
00:10:38Tu penses à ton papa ?
00:10:39Mon père était là.
00:10:40Il était venu avec moi et tout.
00:10:42Il m'a accompagnée partout.
00:10:43Il devait être tellement fier.
00:10:44Il était très fier.
00:10:45J'ai pleuré.
00:10:46C'était ma première victoire.
00:10:47Enfin, ma première victoire en international.
00:10:49Oui.
00:10:51Il y a des mondiaux qui arrivent derrière.
00:10:52Exactement.
00:10:54T'es vice-championne du monde.
00:10:55Oui.
00:10:56Je perds en finale.
00:10:57Mon premier 3-round effectué.
00:10:59Puisqu'avant, je peux gagner mes combats par arrêt de l'arbitre.
00:11:03Du coup, oui, j'ai perdu contre l'Athioc.
00:11:06T'as manqué quoi, ce jour-là ?
00:11:08Il m'a manqué du cardio.
00:11:11Ça se voyait que je faisais des 2-rounds,
00:11:12après, je m'arrêtais,
00:11:13que j'arrêtais tout le monde par arrêt de l'arbitre.
00:11:15Là, j'ai fait 3-rounds durs avec une très grande boxeuse
00:11:17qui a rejoué du championnat olympique en moins de 69 kg.
00:11:20Et c'est pas la première fois que j'ai rencontré.
00:11:22Ça a été assez compliqué avec elle
00:11:23puisque j'ai rencontré sur plusieurs autres tournois après.
00:11:26Et malheureusement, elle était toujours un cran en-dessus de moi.
00:11:28Donc, c'était compliqué.
00:11:29Est-ce que c'est compliqué d'admettre une défaite,
00:11:33mais d'admettre une défaite parce qu'on sait
00:11:36que la boxeuse, la combattante en face de toi
00:11:39est plus forte que toi ?
00:11:40Alors, c'était difficile de l'admettre,
00:11:41mais pas pour les mêmes raisons.
00:11:43La boxeuse était plus forte que moi à ce moment-là
00:11:45parce que physiquement, elle avait les poumons pourts.
00:11:47Mais par exemple, mon premier round, je gagnais toujours.
00:11:50Et ensuite, je descendais pendant qu'elle montait.
00:11:52Donc, je savais que c'était juste une histoire de physique.
00:11:54Mais en soi, je n'ai rien à lui envier.
00:11:55Je suis grande.
00:11:57Techniquement parlant, j'étais très bien.
00:11:59Physiquement aussi, juste que je manquais de cardio.
00:12:01Je pouvais pas...
00:12:02La lucidité que j'avais au premier round
00:12:03n'était pas la lucidité que j'avais au troisième.
00:12:05Là, t'avais 15 ans et demi.
00:12:06Oui, j'étais toujours là de mes 15 ans.
00:12:08Et là, allô, bonjour, il va falloir que t'intègres l'INSEP.
00:12:10Exactement.
00:12:11Donc là, ça veut dire quoi ?
00:12:13Ça veut dire adieu à la Martinique,
00:12:14salut papa, salut maman, salut les frères, sœurs.
00:12:17Et passer sur des entraînements bicotidiens.
00:12:19Je m'entraînais qu'une fois, même pas quatre fois par semaine.
00:12:23Oui, mais alors, ça, j'ai envie de te dire,
00:12:25et la difficulté, mais le bon côté des choses.
00:12:26Mais dis-moi d'abord quand tu coupes le cordon
00:12:28et que tu prends l'avion et que tu quittes.
00:12:30Alors, quand je coupe le cordon et que je prends l'avion,
00:12:31je suis contente. Au début, je suis grande.
00:12:35Voilà, je vais...
00:12:36Tu es ambitieuse.
00:12:37Je suis ambitieuse, je vais en métropole.
00:12:38C'est dans la plus grande institut française, quand même.
00:12:40C'était...
00:12:42Une référence dans le monde, l'INSEP.
00:12:43Voilà, exactement.
00:12:44J'étais jeune.
00:12:45Je suis arrivée... Au début, ça a été.
00:12:48Ça a été, j'ai pris mes marques et tout.
00:12:50Mais comme je le dis, il y a deux types de personnes.
00:12:53Donc il y a ceux à qui l'INSEP, ça va,
00:12:56et il y a moi, où ça ne m'allait pas.
00:12:58C'était très compliqué.
00:13:00L'art coupeur avec la famille, c'était compliqué.
00:13:01Tout ce qu'il y a au niveau culturel.
00:13:03Le climat.
00:13:05Le climat, vraiment, ça a été vraiment quelque chose de très dur.
00:13:07Et le fait d'être toute seule, il m'a un peu coupée de tout.
00:13:11Tu restes combien de temps à l'INSEP ?
00:13:12Deux ans. De mes 16 à mes 18 ans.
00:13:14Et tes performances, entre 16 et 18 ?
00:13:16Pas grand-chose, justement.
00:13:17Ça a été compliqué.
00:13:19On a vu le choc, en fait.
00:13:20Donc en 2016... Enfin, en 2014,
00:13:23j'ai fait les Jeux olympiques de la jeunesse,
00:13:24où malheureusement, j'ai perdu contre Bella,
00:13:27championne des Jeux de la jeunesse, voilà.
00:13:30C'était une Polonaise.
00:13:31Mais j'ai fait un tour...
00:13:33Un bon tournoi.
00:13:34Un bon tournoi, et même j'ai fait un combat après
00:13:36pour pouvoir me classer.
00:13:37Je suis classée cinquième aux Jeux olympiques de la jeunesse.
00:13:40Mais ouais, c'était...
00:13:42C'était compliqué.
00:13:43C'était compliqué.
00:13:44L'INSEP, ça a été compliqué, vraiment.
00:13:46Vraiment, vraiment.
00:13:48Comment, avec le recul, tu te dis...
00:13:49Parce qu'on va parler de la coupure,
00:13:51puis il y a eu un retour, et aujourd'hui, tu surperformes.
00:13:54Avec le recul, c'est...
00:13:56C'est comme ça, il n'y a rien à dire.
00:13:58Je suis fait comme ça, ou tu te dis,
00:13:59c'est un peu couillon, j'ai peut-être arrêté...
00:14:01Mon arrêt, finalement, j'aurais peut-être pu l'éviter ?
00:14:04Je ne sais pas si j'aurais pu l'éviter.
00:14:06Dans les conditions dans lesquelles j'étais,
00:14:08j'aurais pas pu...
00:14:09J'ai été trop tôt en métropole.
00:14:11Trop jeune.
00:14:12Et même, j'avais pas de...
00:14:1316 ans, quoi.
00:14:14En fait, c'est pas juste ça.
00:14:15Tu peux aller à l'INSEP, et ça peut très bien se passer.
00:14:17J'ai vu beaucoup de camarades à moi qui étaient à l'INSEP,
00:14:20ça se passait bien, mais le week-end,
00:14:21elles rentraient chez elles après une compétition,
00:14:22elles voyaient leurs parents après une compétition,
00:14:24soit enchaînés avec l'équipe de France Senior,
00:14:26parce que je faisais un peu des deux,
00:14:27ou sinon, je rentrais dans ma chambre à l'INSEP.
00:14:29C'était toujours ça, tout le temps ça.
00:14:30Est-ce que t'en as parlé à des grandes sportives
00:14:33qui viennent aussi, comme toi, des Antilles,
00:14:35comme Marie-Jo Pérec ?
00:14:36Non, pas du tout.
00:14:37J'étais coupée.
00:14:39Je te conseille d'avoir une interview de Marie-Jo Pérec
00:14:40sur Yahoo,
00:14:41où elle a parlé à Manu Katché de ça,
00:14:44et où elle explique que, justement,
00:14:47elle voulait pas.
00:14:48Comme toi.
00:14:49Elle était contente d'arriver,
00:14:50et puis, mais non, je suis trop loin de ma culture,
00:14:53je suis trop loin de mon monde, je suis trop loin de ma famille,
00:14:55et elle est repartie.
00:14:56Et il se trouve que, comme toi, elle est revenue.
00:14:58Mais sur la pointe des pieds.
00:15:01Oui, je vois.
00:15:02Quand tu repars, au bout de deux ans, tu te dis quoi ?
00:15:04Tu te dis, salut, la boxe, merci, au revoir ?
00:15:05Moi, je me suis dit que c'est fini.
00:15:06C'est complètement fini, et pas seulement la boxe,
00:15:08que ce soit la boxe ou le sport en général.
00:15:10J'ai pris 30 kilos.
00:15:11Voilà, je suis montée jusqu'à 102 kilos, ça a été...
00:15:13Alors, attends, t'as pris 30 kilos une fois que t'es repartie.
00:15:15Une fois que je suis repartie,
00:15:17j'ai arrêté la boxe de 2016 à 2018.
00:15:19La première année, j'avais déjà pris...
00:15:2030 kilos ?
00:15:22On mange bien, hein ?
00:15:23On mange bien, là-bas.
00:15:24J'avais vraiment tout arrêté, j'avais tout coupé.
00:15:27J'étais concentrée sur mes études, je faisais ma vie.
00:15:30Alors, est-ce que tes études, ça allait bien ?
00:15:32Oui, ça allait.
00:15:33C'était un bac pro,
00:15:34donc du coup, c'était pas non plus quelque chose d'hyper compliqué.
00:15:37Mais en tout cas, j'avais ma vie, on va dire, d'adolescente.
00:15:40Oui.
00:15:41Que j'avais pas forcément eu...
00:15:42Et que t'avais besoin d'avoir.
00:15:43Voilà, exactement.
00:15:46Quand tu vois ton corps changer...
00:15:50Ça a été très dur, vraiment.
00:15:52Ça a pas été dur que pour moi, pour le regard des autres,
00:15:54pour mes parents aussi,
00:15:55parce que je suis passée d'Avina hyper médiatisée en Martinique
00:15:58à plus rien.
00:16:00Le grand espoir de la boxe dans une famille de grands...
00:16:02Exactement.
00:16:04Pas juste...
00:16:05Encore, ça aurait été, j'aurais arrêté et j'ai pris énormément de poids,
00:16:08donc c'était très difficile pour mes parents.
00:16:09Très vite, tu as pris du poids ?
00:16:10Très vite. La première année,
00:16:12j'ai dû prendre entre 15 et 20 kilos.
00:16:13Donc, ouais, ça a été très vite.
00:16:15Et ouais, ça m'a fait mal.
00:16:17Même, on ne me reconnaissait plus.
00:16:19C'est ce que j'allais dire. Le regard des autres sur toi te blessait ?
00:16:21Un peu. Enfin, je vivais ma vie, franchement.
00:16:24Je n'étais pas complexée.
00:16:25Mes 102 kilos, je les porte.
00:16:26Chez nous, on aime les femmes en santé.
00:16:28Donc, il n'y avait pas de souci avec ça en soi.
00:16:31Mais sportivement parlant, ça m'a fait mal.
00:16:32C'était compliqué de passer de championne à finie.
00:16:39Voilà, c'était...
00:16:40Oui, et puis peut-être, et je ne parle pas de l'apparence,
00:16:42mais peut-être qu'un sport de championne
00:16:45qui, Aline Sepp, s'entraîne deux fois par jour,
00:16:47on le sent, son corps, on sent ses muscles,
00:16:49on sent qu'on est puissant, qu'on est là.
00:16:52Un sport, pardon, ou un corps qui perd
00:16:56parce que les muscles font très rapidement.
00:16:58Exactement, ils font très rapidement, oui.
00:16:59Et du coup, tu étais à l'aise avec ce corps ?
00:17:01Alors, mon corps, j'étais vraiment à l'aise avec mon corps.
00:17:03Je n'avais pas de souci avec mon corps.
00:17:05Je suis grande, je suis bien bâtie, grâce à Dieu.
00:17:06Je prends bien comme il faut.
00:17:08Du coup, non, je n'étais pas complexée par mon corps, pas du tout.
00:17:12J'étais plus...
00:17:13Je ne parle pas de complexe ou d'apparence, là.
00:17:14Non.
00:17:15C'est la puissance, quoi.
00:17:17Les escaliers, je les monte difficilement.
00:17:19Oui, je vois ce que vous voulez dire.
00:17:20Non, ça a compliqué, on va dire, même au niveau des genoux et tout.
00:17:24Ça a été compliqué pour la santé,
00:17:26mais sinon, en soi, je ne me sentais pas...
00:17:29Je me sentais bien.
00:17:31OK, ça dure deux ans.
00:17:32Voilà.
00:17:33Pourquoi ça n'a pas duré dix ans et qu'il n'y ait pas encore ?
00:17:36Parce que quand j'étais en équipe de France,
00:17:37je suis tombée sur Emmanuel Dos Santos,
00:17:39qui avait plusieurs boxeurs en équipe de France.
00:17:41Donc, c'est l'entraîneur du boxing club de Garches,
00:17:43avec qui j'avais lié de très bons contacts.
00:17:46Enfin, de très bons... Voilà.
00:17:47On s'entendait très bien.
00:17:48Il était déjà venu en Martinique en 2016, exactement.
00:17:52Avant que tu viennes ?
00:17:54Avant que... On va dire à peu près quand j'allais arrêter, on va dire.
00:17:56Il était venu en 2016 et on avait passé de bons moments.
00:17:59Il était venu dans ma famille,
00:18:00je l'avais invité à manger chez moi, etc.
00:18:02Et comme mon père était président de club,
00:18:04il est président de club, il est revenu en club, justement,
00:18:05par rapport à moi.
00:18:06Oui, ils avaient des choses à se dire, en plus.
00:18:08Voilà. Du coup, mon père a créé un gala.
00:18:10Enfin, il a fait un gala et on a invité Emmanuel Dos Santos.
00:18:12Et quand je l'ai vu revenir...
00:18:14Ça, c'est au bout de deux ans.
00:18:15Exactement.
00:18:16En 2018.
00:18:17Tu as repris l'école.
00:18:18Et Emmanuel vient en Martinique.
00:18:20Ton père organise ce combat.
00:18:22Oui, il vient en avril 2018, exactement, Emmanuel Dos Santos.
00:18:25Donc, il fait le gala, le fait de les revoir,
00:18:27la complicité que le boxeur a avec son entraîneur,
00:18:29parce que c'est très spécial,
00:18:31le fait de les voir tous ensemble, le mood, genre...
00:18:34C'est quelque chose de spécial, la boxe.
00:18:36C'est dur, on était là, il s'encouragait.
00:18:38J'étais même dans la reconversion totale, on va dire,
00:18:41parce que je passais mon diplôme de juge arbitre.
00:18:43Donc, justement, c'est moi qui faisais l'arbitre du gala,
00:18:47comme mon père avait organisé.
00:18:48Oui, oui, oui. Attends, attends, attends.
00:18:50Donc, tu es juge arbitre de combat de boxe, toi,
00:18:52et tu n'as même pas 18 ans, ou tu as 18 ans à ce moment-là.
00:18:54Oui, j'ai 18 ans à ce moment-là.
00:18:56Tu as été vice-championne du monde,
00:18:57tu as été championne d'Europe, championne de France,
00:18:59avec, j'ai envie de dire, beaucoup de facilité,
00:19:01parce que tu avais le mental et le physique pour.
00:19:03Oui.
00:19:04Et là, quand tu vois les autres boxer,
00:19:05et qu'il y a Emmanuel et qu'il y a papa...
00:19:07Ça m'a manqué. J'ai regardé, je me disais,
00:19:09non, il faut que je remonte.
00:19:11J'ai toujours rêvé un peu de remonter sur le ring,
00:19:13mais je savais que ça aurait été dur.
00:19:15Le parcours que j'ai eu, l'expérience que j'ai eue,
00:19:18je me suis dit que ce n'était pas possible
00:19:19de remonter à un tel niveau en si peu de temps.
00:19:21Donc...
00:19:23Attends, tu vas trop vite.
00:19:24Tu me dis, à quel point, toi, juge arbitre,
00:19:27tu as senti les coups de couteau en toi,
00:19:29en voyant ces championnes ou ces champions sur le ring ?
00:19:32J'ai senti que je n'étais pas à ma place,
00:19:34que je devais être avec eux.
00:19:35Ma place, c'était sur le ring.
00:19:36Je n'avais rien à faire sur une chaise en train de juger.
00:19:39Ce n'était pas à ma place.
00:19:40Et donc ?
00:19:41Je suis repartie. Manuel...
00:19:42Attends, tu vas voir Manuel ou il vient vers toi ?
00:19:45C'est lui qui vient vers moi.
00:19:46Il me dit de ne pas m'inquiéter,
00:19:49que le poids, je vais le perdre très vite.
00:19:50Attends, avant d'arriver à ça,
00:19:52il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui dise,
00:19:54essaie de revenir, Davina,
00:19:55ou est-ce que tu crois que je peux revenir ?
00:19:56Non, lui, il ne m'a pas dit ça.
00:19:58Il m'a dit, tu reviens, tu perds ton poids
00:19:59et tu seras là-bas pour 2020.
00:20:01Je lui ai dit, mais ce n'est pas possible.
00:20:02Là, on est en 2018.
00:20:03On est en 2018, je lui ai dit, mais ce n'est pas possible.
00:20:05Je fais 102 kg, il faut que je perde mon poids,
00:20:07que je retourne en équipe,
00:20:08puisque l'équipe de France, ils sont quand même assez sélectifs.
00:20:11Ce n'est pas tout le monde...
00:20:13Attends, excuse-moi, mais Davina,
00:20:14quand il te dit, perds ton poids et tu reviendras,
00:20:17dans ta tête, il y a quoi ?
00:20:19Il y a un...
00:20:20Ah tiens, on croit encore en moi ?
00:20:22Oui, déjà, ce côté-là, ah tiens, on croit encore en moi,
00:20:24c'était...
00:20:26Ça m'a fait plaisir, en fait.
00:20:27Ça m'a redonné de l'espoir et de l'envie
00:20:29de savoir qu'il y a quelqu'un qui pense
00:20:31que je suis toujours Davina, tout simplement.
00:20:33T'as ce combat où tu te dis, je ne suis pas à ma place,
00:20:35lui, il arrive et te dit, tiens, t'as deux ans,
00:20:36tu reviens en 2020, t'es au top.
00:20:38Exactement.
00:20:39Et papa, il dit quoi ?
00:20:40Papa, au début, c'est un peu compliqué.
00:20:42Il croit en sa fille, mais...
00:20:44Oui, c'est un papa aussi.
00:20:45C'est un papa.
00:20:46En même temps, il était content de l'avoir, sa fille, à la maison.
00:20:48Et puis même, je ne sais pas, j'avais vraiment arrêté.
00:20:50Oui, oui.
00:20:51C'était impressionnant, comment j'ai impressionné.
00:20:52Alors, donc, qu'est-ce qui se passe ?
00:20:54Il te dit ça, Emmanuel.
00:20:55Il me dit, oui, viens, on repart et tout, je vais t'aider,
00:20:57je vais te trouver un travail, je vais te trouver un logement,
00:20:59t'inquiète pas, ça va aller, tu ne seras pas toute seule,
00:21:01puisque c'était ma crainte aussi.
00:21:02Donc, en gros, il te met dans son sac à dos,
00:21:04il te dit, tu remontes dans l'avion avec moi.
00:21:06Pas tout de suite, du coup, c'était en avril,
00:21:08il m'a dit, après ton bac, tu passes ton bac,
00:21:10parce que là, c'était l'année de mon bac, j'ai passé mon bac,
00:21:12je n'ai même pas attendu les résultats que je sois partie en France.
00:21:14J'ai reçu les résultats deux jours après mon arrivée.
00:21:16Il vient te chercher à l'aéroport ?
00:21:17Voilà, il vient me chercher à l'aéroport,
00:21:19il me ramène chez lui, donc on fait des petits trucs au début.
00:21:22C'est quoi, des petits trucs ?
00:21:24La préparation physique.
00:21:25C'était une préparation physique de deux mois,
00:21:26je suis arrivée en été.
00:21:28Donc là, tu es toujours à plus 30 ?
00:21:29Ou tu as fait attention entre avril et bac ?
00:21:31J'ai essayé, j'ai essayé, mais...
00:21:33Voilà, c'était compliqué de me remettre dedans.
00:21:36Non, mais non seulement, c'est difficile de revenir dedans,
00:21:39mais en plus, quelque part en toi, ça devait te dire,
00:21:41profite, parce que bientôt, c'est fini, c'est ça ?
00:21:44Aussi, oui, c'est exactement ça.
00:21:45Non, puis même, genre, si je n'ai pas d'objectif vraiment devant moi
00:21:49ou quelqu'un qui me pousse, je suis cette athlète, hein.
00:21:52Il y a beaucoup d'athlètes qui sont genre...
00:21:55qui arrivent à se prendre en main tout seul,
00:21:56moi, je suis celle vraiment où il faut me pousser,
00:21:59il faut être derrière moi, il faut me crier dessus.
00:22:00Tout de suite, tu perds du poids, tout de suite, tu...
00:22:02Alors, ça a été tout de suite très dur,
00:22:03donc on va dire que de mes premiers kilos à mes derniers kilos,
00:22:06j'ai porté une sudation sur moi et j'ai mangé dans une petite assiette.
00:22:08Donc ça a été vraiment 30 kilos pendant six mois,
00:22:11ça a été très dur.
00:22:12T'as perdu les 30 kilos en six mois ?
00:22:1330 kilos en six mois, oui.
00:22:15En six mois, oui.
00:22:16Et le muscle revient en même temps ?
00:22:18Le muscle revient.
00:22:19Après, j'ai une bonne nature, on va dire,
00:22:21donc c'est revenu assez vite.
00:22:22Oui, mais les muscles fondent.
00:22:23Bon, après, à 18 ans, ça revient plus vite que...
00:22:25Oui, j'avais 20 ans à ce moment-là.
00:22:28Oui, pardon. Oui, oui, 18 plus 2, oui.
00:22:30J'avais 20 ans à ce moment-là.
00:22:31Enfin, c'est pareil, ça revient...
00:22:32Oui, j'étais très jeune.
00:22:33Si on fait les efforts, ça revient vite.
00:22:34Voilà.
00:22:35Et du coup, oui, non, c'est...
00:22:38J'ai repris très vite.
00:22:39Excuse-moi, mais Davina, c'est deux ans de travail
00:22:42où en six mois, tu perds tes kilos,
00:22:43et les combats reviennent quand ?
00:22:45Quand est-ce que tu vas retrouver ces sensations de...
00:22:48De boxe. Alors, en six mois, j'ai perdu mes kilos.
00:22:51Il m'a inscrit au championnat de France.
00:22:53Du coup, j'ai fait les Îles-de-France,
00:22:54où je fais championne de l'Île-de-France.
00:22:56Donc, c'est la première fois que je refaisais 75 kilos.
00:22:59Ça a été dur.
00:23:00C'est le fait de ressentir la soif, la faim,
00:23:03comme à l'époque, quoi.
00:23:04Me retrouver dans ce cocon de boxe,
00:23:07c'était... J'étais heureuse, j'étais contente.
00:23:09Mais ça se voit, tu verrais tes yeux, là.
00:23:11Ça se voit, quoi.
00:23:12J'étais vraiment heureuse.
00:23:13Non, c'était... Ça m'a fait plaisir.
00:23:14Je me retrouvais, enfin.
00:23:15Je retrouvais mon corps, je retrouvais mon mental.
00:23:17Je me retrouvais, c'était vraiment en moi.
00:23:19Et là, tu te dis quoi ?
00:23:21Je me dis, allez, c'est parti, on essaye.
00:23:22En tout cas, je voulais le championnat de France.
00:23:24Pour moi, c'est un point d'honneur,
00:23:26le fait d'être championne de France.
00:23:27Donc, tu gagnes le championnat de l'Île-de-France.
00:23:29Le championnat de l'Île-de-France.
00:23:30Et je suis qualifiée pour les championnats de France.
00:23:31OK. Les Frances arrivent.
00:23:32Les Français arrivent.
00:23:34Normalement, je devais rentrer en demi-finale.
00:23:35Je ne suis pas rentrée parce qu'il y en a une qui a fait forfait.
00:23:37Je me retrouve en finale avec la championne de France.
00:23:39Actuellement, c'est elle qui était en équipe de France.
00:23:40Donc, c'était à cette époque...
00:23:43J'ai oublié son nom.
00:23:43Peu importe. On l'embrasse quand même.
00:23:45On l'embrasse quand même.
00:23:46Et du coup, j'ai gagné mon combat.
00:23:48J'étais hyper fière de moi.
00:23:50J'étais fière parce que je me suis battue pour.
00:23:52J'ai quitté ma famille.
00:23:53Je suis venue dans un pays qui n'est pas le mien,
00:23:55à ce moment-là, clairement.
00:23:57J'ai dû me battre aussi pour trouver un travail, le logement.
00:24:00Donc, non, c'était vraiment une superbe victoire.
00:24:03Ça a été l'une des plus belles victoires aussi que j'ai eues.
00:24:06Ensuite, l'objectif, c'est Tokyo ?
00:24:09Dans la bouche d'Emmanuel, oui.
00:24:11Dans la bouche d'Emmanuel, oui.
00:24:13Dans la mienne, non.
00:24:14Pour moi, vraiment, c'était petit à petit.
00:24:15C'était vraiment...
00:24:16Je vais recommencer à faire quelques stages en équipe et tout.
00:24:19Et là, on m'a appelée.
00:24:21On m'a demandé de venir en stage en mars.
00:24:22Donc, les championnats de France, c'était en février.
00:24:24En mars, j'ai fait mon premier stage de retour.
00:24:27Tu ne reviens pas à l'INSEP ?
00:24:28Non, pas à l'INSEP. C'était un stage à Nancy, à cette époque.
00:24:30Et j'ai fait un stage à Nancy.
00:24:32On m'a dit qu'on me prend pour le championnat d'or pour moins de 22,
00:24:35essayer de revenir.
00:24:36On m'a d'abord demandé quelles sont mes motivations.
00:24:37Est-ce que je suis vraiment de retour ou est-ce que je suis de retour à moi ?
00:24:40Tu dis quoi ?
00:24:41J'ai dit que je suis de retour, que je ne me mets aucune barrière.
00:24:43Moi, c'est vraiment ma philosophie de vie.
00:24:45Je ne me mets aucune barrière. Je peux tout faire.
00:24:46Et si tu es revenue, ce n'est pas pour...
00:24:48Ce n'est pas pour rien, clairement.
00:24:50Et moi, je suis vraiment quelqu'un qui aime la compétition.
00:24:52Pour faire de la boxe en loisir, ce n'est pas possible.
00:24:54Ce sport est trop dur.
00:24:55J'irais faire de la danse, j'irais faire plein de choses.
00:24:58C'est très dur, la danse. Je ne dis pas que ce n'est pas dur, mais voilà.
00:25:00Les Europes, tu fais quoi ?
00:25:02Les Europes, malheureusement, je perds au premier tour.
00:25:04J'étais assez stressée pour cette compétition, d'ailleurs,
00:25:07parce que c'était mon retour en équipe.
00:25:09J'ai fait même, on va dire, une contre-pay-off, vraiment.
00:25:11Parce que là, j'ai perdu contre quelqu'un que je pouvais gagner.
00:25:14C'était une contre-pay-off.
00:25:16Est-ce qu'il y a des défaites qui servent à quelque chose ?
00:25:18Oui.
00:25:19J'ai envie de te dire, Davina, est-ce que toi, la gamine
00:25:23qui, tout de suite, as tout gagné,
00:25:24puis qui a craqué, qui a eu besoin de revenir,
00:25:26qui a pris les 30 kilos, qui a reperdu, qui revient,
00:25:29est-ce que, de temps en temps, tu fais partie de ces gens
00:25:31qui ont besoin d'un coup de pied aux fesses,
00:25:32comme cette défaite-là a pu te servir ?
00:25:34Oui. J'ai besoin de me prendre des claques.
00:25:37Je suis quelqu'un qui a besoin de me prendre des claques.
00:25:38Je sais qu'il y a un souci, j'y vais quand même,
00:25:40et après, je vais me prendre un claque. C'est comme ça que je suis.
00:25:42Donc, oui, je me suis pris une claque.
00:25:43Et cette défaite m'a permis de pouvoir retourner encore
00:25:48dans de meilleures conditions, tout simplement,
00:25:50où je me disais que c'est mort, mentalement, il ne faut pas que je lâche.
00:25:53Je savais que je devais faire un travail mental aussi sur moi.
00:25:55Ce combat, c'est ?
00:25:58Ce combat, c'est avec Price.
00:25:59C'était pour les qualifications olympiques.
00:26:02OK. Alors, on accélère et on va pour ce fameux combat contre Price.
00:26:05La calife pour aller à Tokyo en 2021.
00:26:07Oui. C'était...
00:26:09Ah, ce combat, il me fait mal au cœur.
00:26:11Juste le fait de le voir, il me fait mal au cœur.
00:26:12Pourquoi ?
00:26:13Je voulais tellement gagner.
00:26:15Gagner pour aller aux Jeux ?
00:26:16Qu'est-ce que je voulais aller aux Jeux olympiques ?
00:26:18Là, je m'en foutais, il n'y avait pas de...
00:26:20Je suis pour 2024, j'ai repris il y a un an et demi,
00:26:23je suis en dessous physiquement, rien du tout.
00:26:25Elle pouvait être championne du monde, je voulais la...
00:26:27Je voulais tout péter, je voulais vraiment aller aux Jeux.
00:26:29T'étais meilleure qu'elle ?
00:26:30J'étais pas meilleure qu'elle, elle était plus forte.
00:26:32Elle est championne olympique, d'ailleurs.
00:26:33Oui, oui, je sais bien.
00:26:34Elle était meilleure que moi, tactiquement, elle était meilleure.
00:26:36J'avais envie, là, on voit que de l'envie.
00:26:38Je voulais, je voulais gagner, vraiment.
00:26:39C'était mon combat, c'était mes trois minutes.
00:26:42Franchement, c'était un combat fou.
00:26:44Il t'a manqué quoi, ce jour-là ?
00:26:45De la technique.
00:26:46Il m'a manqué aussi d'être plus posée.
00:26:48J'étais tellement dedans, je voulais tellement gagner
00:26:50que je ne pouvais qu'avancer.
00:26:51Je réfléchissais pas assez, tactiquement parlant.
00:26:53Pas assez stratégique ?
00:26:54J'étais pas assez stratégique.
00:26:55Je voulais que rentrer dedans, que taper.
00:26:56Je voulais juste montrer que je voulais y aller,
00:26:59je voulais y aller, c'était moi qui dominais le combat,
00:27:01c'est moi qui faisais le combat.
00:27:02Donc, du coup, c'était...
00:27:05Tu perds comment ?
00:27:06Je perds au point.
00:27:07Je perds au point.
00:27:08Je fais mon travail, je perds au point.
00:27:09Pas grand-chose, non ?
00:27:11Pas de grand-chose.
00:27:12J'ai fait un très bon combat, je suis pas ridicule.
00:27:14À quel moment tu comprends que tu risques de perdre ?
00:27:17À la fin, au troisième ronde, quand je rentre dans le coin
00:27:19et que John Dovey, Fabrice Chollet-Clair, me dise
00:27:23« t'as perdu les deux rondes ».
00:27:25Je savais que j'avais perdu à ce moment-là,
00:27:26je savais que c'était fini,
00:27:28mais mon troisième ronde, j'ai quand même fait...
00:27:30Je suis repartie, j'ai dit « ok, je perds ».
00:27:32Ça, c'est les championnats de France, la finale 2021.
00:27:34Exactement. Contre Talia Brio, qui est mon adversaire,
00:27:38ma concurrente directe en équipe de France.
00:27:40On sent que les coups sont plus vifs que le combat d'avant.
00:27:43Oui.
00:27:44Plus puissants, plus...
00:27:45Plus puissants, plus confiants aussi.
00:27:49C'est mon titre, je suis chez moi,
00:27:51je suis déjà deux fois championne de France.
00:27:54Je pouvais pas me permettre de perdre, c'était pas possible.
00:27:57Je voulais vraiment boucler ma catégorie.
00:28:00C'était soit moi, soit personne d'autre.
00:28:01Et ça, ça intervient après la non-qualif pour Tokyo ?
00:28:04Oui, après la non-qualif pour Tokyo, où j'ai...
00:28:06Heureusement qu'il y a eu tout ça derrière.
00:28:08Heureusement qu'il y a eu tout ça derrière,
00:28:09ça m'a permis de me remettre en selle,
00:28:10mais ma qualification pour Tokyo,
00:28:11ça m'a permis surtout d'avoir un déclic.
00:28:13J'ai toujours su que j'étais bonne,
00:28:14que j'avais des capacités physiques,
00:28:15j'avais un super beau gabarit,
00:28:17mais j'étais pas encore investie dedans, au final.
00:28:20Ça va.
00:28:22Mentalement, je me suis vraiment mise...
00:28:24J'ai toujours été, on va dire, un peu douée,
00:28:25donc j'avais pas forcément le travail plus que...
00:28:27On va dire que j'y allais au talent, voilà.
00:28:29Et là, je me suis dit, non, ça y est,
00:28:31je veux plus que mon physique soit un frein,
00:28:32je veux plus être un frein pour moi-même,
00:28:34parce que c'était surtout ça,
00:28:35j'étais un frein pour ma propre progression, au final.
00:28:38Puisque j'avais tout, j'ai tout, j'ai tout, mais...
00:28:41T'as la boxe, t'as le corps, mais...
00:28:43La boxe et le corps, mais...
00:28:44Il faut tout au bon moment ensemble,
00:28:46c'est-à-dire la préfa, la détermination, la stratégie.
00:28:48Et puis j'ai aussi compris que me manquaient des petites choses,
00:28:51au niveau, c'est des petits trucs,
00:28:52et j'ai compris qu'au début, ces petits trucs,
00:28:54pour moi, je les comptais pas, je faisais ce qu'il y avait à faire,
00:28:56mais j'ai compris que vraiment, au niveau,
00:28:59c'est les petits détails qui comptent,
00:29:00et maintenant, je prends en compte ces petits détails.
00:29:02Parce que quand tu vois Price qui te bat pour la calife,
00:29:04qui, elle, va aux Jeux à Tokyo et qui est championne olympique,
00:29:06le gap, il est pas gigantesque ?
00:29:08Ouais.
00:29:11Il y a de grosses différences à ce moment-là.
00:29:13Et là, tu te dis, dans deux ans, j'aurai 26 ans ?
00:29:15Même, c'est pas que ça.
00:29:17Je me suis dit clairement, même après le combat,
00:29:19quand j'ai perdu et qu'on est venu m'interviewer,
00:29:22au début, je voulais pas du tout, j'étais en train de pleurer,
00:29:23je voulais pas, après, j'ai pris le micro, j'ai dit
00:29:25que de toute façon, je suis jeune,
00:29:27je pensais pas être là pour 2020,
00:29:30et qu'à la base, j'étais prévenue pour 2024,
00:29:32mais que je sais que cette fille, elle est très bonne,
00:29:34qu'elle est championne du monde, et qu'un jour,
00:29:36je sais pas comment je vais faire,
00:29:37je sais pas comment je vais me débrouiller,
00:29:38mais je serai championne du monde.
00:29:40Je vais bosser, je sais pas comment je vais faire mes affaires,
00:29:42mais je serai championne du monde.
00:29:43Attends, tu préfères être championne du monde
00:29:44ou championne olympique ?
00:29:45Championne olympique.
00:29:46Où ça ?
00:29:48À Paris.
00:29:49Quand ?
00:29:502024.
00:29:51C'est après-demain, t'auras 26 ans.
00:29:52Ne vous inquiétez pas, ça va aller.
00:29:53Merci, Davida.
00:29:55Merci à vous.
00:29:56Merci et bravo, et continue, et on suivra ça,
00:29:57et puis tu reviendras nous voir d'ici là, évidemment.
00:29:58Bien sûr, si je veux.
00:29:59Donc, si je veux ou si Dieu le veut ?
00:30:00Si Dieu le veut ou si vous voulez, les deux.
00:30:02Tu m'as tutoyée tout le long, maintenant tu me prouves quoi.
00:30:08J'irai à Paris.
00:30:09OK, ne bougez pas, une dirigeante avec nous
00:30:12dans quelques petites secondes.
00:30:13Merci beaucoup, Davida.
00:30:20Estelle David, la directrice du CREPS de Strasbourg,
00:30:24est avec nous dans La Victoire est en elle.
00:30:26Une femme, évidemment, des Jeunes Espoirs,
00:30:30j'imagine qu'ils sont entre ses mains maintenant.
00:30:32Bonjour, Estelle.
00:30:34Bonjour.
00:30:35Je suis ravi de vous accueillir, Estelle.
00:30:37Le CREPS, rappelez-nous ce que ça veut dire, CREPS.
00:30:40Alors, centre de ressources, d'expertise
00:30:43et de performance sportive.
00:30:44En fait, il a gardé son acronyme.
00:30:46Il n'a pas toujours voulu dire ça,
00:30:48mais l'acronyme est toujours resté le même.
00:30:50Et il évolue, cette fois-ci, vers la notion de performance.
00:30:53Estelle, j'ai envie de comprendre votre parcours.
00:30:56Ça me fait très plaisir que vous soyez là.
00:30:58Vous, vous avez fait de la gymnastique
00:30:59quand vous étiez jeune, c'est ça ?
00:31:01Oui, moi, j'ai fait pas mal de gymnastique,
00:31:04notamment à un niveau inter-régional
00:31:07et sur la région de Franche-Comté, plutôt.
00:31:11Et puis, après, j'ai poursuivi par l'encadrement
00:31:14dans cette discipline.
00:31:17Donc, j'ai encadré, pendant une vingtaine d'années,
00:31:19des équipes de jeunes,
00:31:21alors plutôt des filles,
00:31:22mais j'ai eu aussi, parfois, des équipes de garçons.
00:31:24Vous avez passé une licence de STAPS,
00:31:26un brevet d'état gymnastique.
00:31:28Est-ce que vous avez vite senti, chez vous,
00:31:31que vous étiez leader ?
00:31:36Non, je pense pas.
00:31:37Les choses se sont construites, en fait,
00:31:40au fur et à mesure de ma carrière,
00:31:42au gré des opportunités, au gré des rencontres aussi.
00:31:46Et puis, je me suis souvent posé la question,
00:31:49quand j'avais des opportunités, sur le pourquoi pas,
00:31:52pourquoi pas prendre cette direction-là.
00:31:54Et je pense qu'à chaque fois,
00:31:57j'ai apporté une réponse à ce pourquoi pas
00:31:59en me disant, allez, j'y vais.
00:32:00Et puis, je me suis construit mon parcours professionnel
00:32:03avec des envies de faire un peu autre chose,
00:32:07mais toujours au service d'une cause,
00:32:09qui était la cause soit éducative, soit sportive.
00:32:12Vous avez été prof de sport et de gymnastique
00:32:13pendant combien de temps ?
00:32:15J'étais professeure de sport, ministère des Sports.
00:32:18Je travaillais dans un service déconcentré de l'État,
00:32:21dans une direction départementale,
00:32:23pendant 17 ans.
00:32:24J'ai commencé vraiment ma carrière
00:32:26au service du mouvement associatif,
00:32:28avec du conseil sur l'emploi,
00:32:31du conseil sur l'instructuration.
00:32:33Voilà, c'était mon premier métier,
00:32:35mon premier métier sport,
00:32:36après ma licence STAPS.
00:32:39Après, vous devenez chef d'établissement.
00:32:40Il y a eu un lycée pro, trois collèges.
00:32:43Là, on prend des grosses responsabilités.
00:32:46Oui, c'est plus pareil.
00:32:48Donc, c'est là où j'ai rencontré quelqu'un qui m'a dit,
00:32:51écoutez, il y a des parcours possibles,
00:32:52il y a de la mobilité possible.
00:32:54Donc, là, j'ai dit, allez, j'essaye aussi.
00:32:57Donc, là, on est vraiment au service
00:32:59du parcours éducatif des jeunes.
00:33:02Et pour moi, ça a été une expérience
00:33:05qui a été intéressante en termes de pilotage
00:33:08et en termes de pilotage dans un établissement public.
00:33:11Donc, un établissement avec des valeurs
00:33:14et un vrai projet collectif au service d'une mission publique.
00:33:17Là, vous avez donc quitté le monde du sport,
00:33:19le giron du sport.
00:33:20Pourquoi vous y revenez et comment ?
00:33:23Alors, j'y reviens, là aussi,
00:33:24au gré d'un parcours.
00:33:27J'avais fait des entretiens au niveau national.
00:33:30Et puis après,
00:33:32on a ce qu'on appelle une mobilité interministérielle
00:33:37avec des fiches de postes, avec des propositions.
00:33:41Donc, on est un peu comme ça.
00:33:43On cherche en fait des postes.
00:33:46Et puis après, moi, j'ai pu...
00:33:49Enfin, j'ai aperçu celui de Poitiers,
00:33:50la fiche de postes de Poitiers,
00:33:52puisque j'étais à Poitiers avant d'être à Strasbourg.
00:33:54Et la fiche de postes m'a vraiment intéressée
00:33:57en termes, justement, de pilotage.
00:33:58Et ça me faisait revenir aussi
00:34:00dans le secteur qui est le mien,
00:34:02donc le secteur sportif.
00:34:03Et là aussi, je me suis dit,
00:34:05allez, on essaye, pourquoi pas un entretien.
00:34:07J'ai été retenue à l'entretien.
00:34:09Et c'était parti pour une nouvelle aventure
00:34:11que je ne regrette absolument pas
00:34:13tant le challenge est intéressant,
00:34:16était intéressant à Poitiers
00:34:17et est intéressant donc à Strasbourg.
00:34:20Vous vous retrouvez directrice adjointe du CREPS de Poitiers.
00:34:22Pendant combien de temps vous restez à Poitiers ?
00:34:24Je reste quatre ans, donc quatre années pleines.
00:34:28Donc, on a vraiment bien travaillé
00:34:30avec le directeur qui était Patrice Veillagues.
00:34:33Et on a conduit ce projet les deux,
00:34:36donc voilà, avec beaucoup de réussite
00:34:40et puis beaucoup de satisfaction.
00:34:42Et la suite logique, eh bien,
00:34:45c'est celle de passer d'adjointe à chef.
00:34:48J'imagine.
00:34:49Estelle, j'ai besoin de comprendre une chose.
00:34:51Comment les jeunes, filles et garçons,
00:34:53intègrent le CREPS et selon quels critères ?
00:34:56Alors, ils sont admis au final
00:35:00par le chef d'établissement, donc par nous,
00:35:02mais ce n'est pas nous qui les recrutons
00:35:04sur leurs valeurs sportives.
00:35:06Ce sont les fédérations ou bien les ligues,
00:35:09ça dépend des niveaux d'admission,
00:35:12qui les repèrent et qui nous font donc des propositions.
00:35:16Ensuite, on analyse également,
00:35:18on observe le parcours scolaire
00:35:21parce que nos jeunes sportifs et sportives,
00:35:24bien évidemment,
00:35:26ils empilent des temps, le temps sportif,
00:35:29le temps scolaire, le temps médical,
00:35:32le temps de récupération.
00:35:34Donc, on observe aussi la capacité
00:35:36à pouvoir suivre justement un parcours lourd
00:35:40et un parcours complet.
00:35:42Et une fois ces listes validées
00:35:45au niveau sportif et au niveau du CREPS,
00:35:47sur la partie scolaire, sur la partie éducative,
00:35:49eh bien, après, il y a une admission
00:35:51et ils sont là à l'année, pour l'année scolaire.
00:35:53Alors, on a des collégiens, on a des lycéens,
00:35:55on a aussi des universitaires.
00:35:57Est-ce que ça peut être une étape pour certains
00:35:59avant l'INSEP ?
00:36:01Oui, c'est-à-dire qu'il y a un classement, en fait,
00:36:04dans les pôles, une hiérarchie.
00:36:07Les fédérations établissent ce qu'elles appellent
00:36:10un plan de performance fédérale
00:36:13et puis elles décrivent dans ce plan de performance fédérale
00:36:16les structures d'entraînement
00:36:17avec l'accession et l'excellence.
00:36:20Donc, on a ce qu'on appelle les pôles d'espoir,
00:36:22qui sont des structures d'accession.
00:36:24Donc, c'est vraiment ce très bon niveau
00:36:26régional, inter-régional et qui peut performer.
00:36:30Et après, on a les structures d'excellence,
00:36:32où là, donc, c'est les pôles France, en fait,
00:36:34où là, on a vraiment des jeunes
00:36:36qui sont aux portes des équipes de France.
00:36:39Donc, quand ils terminent leur scolarité,
00:36:42s'ils sont fin de collège ou fin de lycée,
00:36:45ils peuvent être admis à l'INSEP
00:36:47dans la suite logique d'un parcours d'excellence.
00:36:49Vous êtes adjointe à Poitiers pendant 4 ans
00:36:51et puis, il y a l'opportunité Strasbourg
00:36:53pour la prendre la direction du CREPS.
00:36:54C'était il y a combien de temps ?
00:36:571er novembre.
00:36:58Donc, c'est tout récent.
00:36:591er novembre 2021, donc, il y a 3 mois.
00:37:02Vous venez d'arriver.
00:37:04Vous vous êtes installée chez vous ou même pas encore ?
00:37:07Si, ça y est, ça y est,
00:37:08les installations se font vite, là, cette fois-ci.
00:37:11Non, mais il y a quand même 2 mois d'observation
00:37:13quand on arrive dans un nouvel établissement,
00:37:17d'un CREPS à l'autre, les changements...
00:37:18Enfin, les fonctionnements sont différents.
00:37:21Les personnes, évidemment, ne sont pas les mêmes.
00:37:23Donc, il y a quand même ce temps d'observation
00:37:25qui est précieux et qui est important.
00:37:28Mais oui, depuis 3 mois, effectivement,
00:37:31cette fois-ci, j'ai pu observer pas mal de choses
00:37:33et puis, on a commencé à conduire le projet
00:37:36avec mon adjoint et puis mes équipes.
00:37:38En quoi c'est plus simple ou plus compliqué,
00:37:40vous qui avez été directrice d'établissements scolaires classiques
00:37:44et maintenant de CREPS, où il y a ce sport,
00:37:47notamment ce sport de haut niveau,
00:37:48voire même des grands espoirs internationaux,
00:37:51qui sont tout jeunes, avant de partir à l'INSEP et ailleurs,
00:37:54en quoi le sport rend certaines choses plus simples
00:37:57et d'autres plus compliquées ?
00:38:00Alors, on peut dire quand même que le sport, au départ,
00:38:03c'est une vraie passion par le jeune.
00:38:05C'est un choix que le jeune fait.
00:38:07Si on compare par rapport à un établissement scolaire
00:38:10où, du coup, la scolarité est obligatoire
00:38:12et le chemin n'est pas le même.
00:38:14Donc, le jeune ayant fait ce choix d'orientation,
00:38:17avec sa famille aussi,
00:38:19à un moment donné, c'est quand même un choix qu'il le porte
00:38:23et qu'il l'engage et qu'il l'embarque
00:38:26dans un processus
00:38:30où il en connaît.
00:38:33Enfin, il connaît les éléments de ce processus,
00:38:36mais malgré tout, il les découvre quand même au fur et à mesure.
00:38:40Et on a des jeunes qui, du coup,
00:38:43se réalisent complètement dans ce parcours-là
00:38:46et puis d'autres jeunes qui, finalement,
00:38:48ne poursuivent pas pour plein de raisons.
00:38:50Donc, c'est quand même cette passion
00:38:53qui porte tous nos petits jeunes.
00:38:55Bien sûr. Moi, il y a une question qui me taraude.
00:38:57Comment vous, en tant que directrice,
00:38:59comment on gère un jeune,
00:39:02une jeune ou un jeune sportif
00:39:05qui se rêve un avenir professionnel,
00:39:07qui se voit médaille olympique ?
00:39:10Et vous comprenez que ça ne le fera pas.
00:39:13Comment on arrive à faire en sorte
00:39:15qu'il ait envie de poursuivre ses études,
00:39:17mais aussi de lui faire comprendre,
00:39:20lui ouvrir les yeux sur ses capacités ?
00:39:22C'est ça qui est parfois très difficile à intégrer pour un jeune.
00:39:26Oui, alors après, il y a quand même...
00:39:28Je précise. Surtout quand on arrive déjà à l'étape du CREBS.
00:39:32Oui, oui, tout à fait.
00:39:33C'est sûr que quand ils sont au CREBS,
00:39:35ils sont quand même sur un parcours.
00:39:36C'est ce que je vous disais tout à l'heure,
00:39:37accession ou excellence.
00:39:38Mais les jeunes sportifs sont classés.
00:39:43C'est-à-dire qu'il y a un classement avec des niveaux,
00:39:47donc un classement haut niveau où on retrouve les élites.
00:39:50Et le jeune qui est dans ce classement haut niveau,
00:39:52sait qu'à un moment donné, il est en situation de performer
00:39:57et d'atteindre une sélection en équipe nationale.
00:40:01Voilà. En revanche, le jeune qui, lui, est espoir,
00:40:05il a, comme son nom l'indique,
00:40:08il a l'espoir de grimper,
00:40:09mais il voit bien qu'il n'est pas encore sur l'étape du haut.
00:40:14Donc après, il y a ce travail à faire avec les entraîneurs
00:40:17pour effectivement positionner le jeune à son niveau,
00:40:21le faire avancer.
00:40:22Ce qui nous intéresse, c'est qu'ils soient tous
00:40:25dans une phase de progression, qu'ils puissent tous se dire,
00:40:27je suis content aussi de ce que j'ai fait.
00:40:29On a la responsabilité, nous, de leur assurer la scolarité
00:40:33parce qu'une blessure arrive, une démotivation arrive.
00:40:37Il peut y avoir un certain nombre d'événements
00:40:39et il faut que le jeune puisse repartir sur un schéma
00:40:43de formation classique sans avoir de dégoût
00:40:49par rapport à un choix qu'il aurait fait.
00:40:51Donc c'est notre travail et c'est surtout le travail des entraîneurs.
00:40:54Là, je remercie et je salue le travail sportif, bien sûr,
00:41:01mais éducatif que les entraîneurs peuvent faire avec leurs jeunes.
00:41:04Oui, parce que, et on le sait, c'est toute la complexité,
00:41:07c'est que sur 10 espoirs, 5 vont atteindre l'excellence
00:41:13et sur les 5 de l'excellence,
00:41:15un voire moins d'un sera champion olympique un jour.
00:41:19Et c'est là où le travail et l'accompagnement psychologique
00:41:24est essentiel et important.
00:41:25On sait à quel point le mental est important.
00:41:28Et c'est là où c'est très difficile.
00:41:29Moi, je me mets à la peau de ces gamins,
00:41:30ils n'ont qu'à l'âge, en moyenne.
00:41:33Oui, on a beaucoup de lycéens, mais on a aussi des collégiens,
00:41:36donc ils ont entre 12 et 18 ans.
00:41:38Donc entre 12 et 18 ans, ils deviennent des femmes et des hommes.
00:41:42Beaucoup de choses peuvent les perturber,
00:41:44l'éloignement familial, la puberté,
00:41:47l'envie de découvrir la vie de jeune, la séparation, je l'ai dit,
00:41:51les résultats même scolaires.
00:41:53C'est d'une telle fragilité.
00:41:57C'est un équilibre à construire avec le jeune.
00:42:01La dimension accompagnement est fondamentale.
00:42:04On a de plus en plus aussi cette fois-ci des psychologues
00:42:08qui interviennent,
00:42:10ou des préparateurs spécialisés en préparation mentale,
00:42:14parce que la performance sportive,
00:42:16ce n'est pas que la performance chiffrée.
00:42:19Voilà, j'avance plus vite ou je vais plus loin.
00:42:21Ce n'est pas que ça.
00:42:22Il y a plein de déterminants.
00:42:24Et dans les déterminants, il y a ce mental.
00:42:26Et le mental, il faut qu'il soit aussi aidé, accompagné.
00:42:30La pression est lourde.
00:42:31Ce que je disais, ils ont des rêves, évidemment,
00:42:35mais ils ont une grosse pression.
00:42:36Ils ont une grosse concurrence déjà entre eux, au sein du CREPS.
00:42:40Et puis après, au niveau national et à l'international.
00:42:44Mais oui, c'est un parcours qui...
00:42:48Quel que soit le parcours, pour moi, il est merveilleux.
00:42:51Donc après, il faut être avec eux.
00:42:54Il faut leur expliquer la marge de progression possible,
00:42:59probable, celle qui n'est pas possible aussi.
00:43:01Donc bon, il faut être au clair avec nos jeunes.
00:43:04Bien sûr.
00:43:05Estelle, en quoi c'est différent une jeune fille
00:43:08d'un jeune garçon entre 12 et 18 ans,
00:43:10entre une femme ou une jeune femme et un jeune homme ?
00:43:15En quoi c'est différent ?
00:43:18Moi, alors là, je ne vois pas de différence
00:43:25dans l'engagement, dans la passion.
00:43:28Ça, je n'en vois pas.
00:43:29Après, dans le fonctionnement,
00:43:30ça faudrait vraiment poser la question aux entraîneurs
00:43:33qui pourraient répondre en disant,
00:43:35est-ce qu'il y a des déterminants chez les filles,
00:43:37des déterminants chez les garçons ?
00:43:39Est-ce qu'il y a de la différence dans le management,
00:43:41dans la conduite des groupes ?
00:43:44Probablement.
00:43:45Mais là, moi, je suis incapable...
00:43:47Enfin, je n'ai pas suffisamment d'expérience
00:43:50et de retour pour dire c'est plus facile.
00:43:52Mais par exemple, il y a des fédérations
00:43:53qui ne regroupent pas les filles dans des pôles espoir
00:43:57parce qu'ils considèrent qu'ils vont les laisser dans les clubs
00:44:00et ils les regrouperont sur des temps de vacances.
00:44:05Et en revanche, ils vont avoir une politique autre pour les garçons.
00:44:08Vous voyez ?
00:44:09Par exemple, c'est le cas du tennis ou c'est le cas d'autres fédérations.
00:44:12Ils peuvent avoir des politiques différentes, filles-garçons.
00:44:15Ça ne veut pas dire que pour autant, l'accompagnement n'est pas présent.
00:44:19Mais ça, il faudrait vraiment faire une étude poussée
00:44:24sur cette problématique-là.
00:44:25Estelle, j'ai besoin de savoir si vous avez bien fait votre boulot.
00:44:28Il y a eu des Jeux olympiques à Tokyo l'été dernier.
00:44:31Combien d'athlètes étaient passés entre vos mains ?
00:44:36Alors, combien ?
00:44:38Je ne sais pas, mais en tout cas, on a aussi Anne Muller,
00:44:41qui est une jeune athlète en tir sportif
00:44:46et qui est plus que prometteuse et qui a fait cinquième.
00:44:49Donc, elle, je le sais parce qu'elle est encore aux Crêpes.
00:44:52Et donc, on l'accompagne sur des parcours bien spécifiques.
00:44:56Après, il est possible que d'autres soient passées par le Crêpes,
00:45:01probablement, puisqu'on a des Pôles France.
00:45:03Et là, je ne sais pas répondre.
00:45:06J'ai une dernière question, pardon.
00:45:07Est-ce qu'il y a une dynamique Paris 2024 ?
00:45:11Alors, la dynamique...
00:45:13Oui, parce que je pense que les jeunes...
00:45:17Alors, nos jeunes, nous, sont trop jeunes pour Paris 2024,
00:45:20mis à part quelques-uns qui sont sur les Pôles France.
00:45:24Donc, ils sont davantage...
00:45:26Ils seront davantage préparés pour 2028.
00:45:28Mais je pense que, quand même,
00:45:31cette organisation,
00:45:33cette échéance parisienne...
00:45:37Ça crée une dynamique.
00:45:39...doit apporter de la motivation à nos jeunes.
00:45:43Ça crée une vraie dynamique, j'imagine.
00:45:45Bien sûr. Et puis après, nous, ce qu'on souhaite aussi aux Crêpes,
00:45:48c'est pouvoir accueillir, alors, parfois,
00:45:51quelques délégations étrangères.
00:45:53Ça serait intéressant.
00:45:54Voir des délégations nationales, évidemment.
00:45:56Mais pour aussi, à un moment donné,
00:46:01permettre à nos petits jeunes, sportifs et sportives,
00:46:05de rêver encore plus devant une équipe
00:46:08ou une délégation étrangère
00:46:10qui viendrait passer quelques jours au Crêpes.
00:46:11Ça serait aussi merveilleux.
00:46:13Merci beaucoup, Estelle, directrice du Crêpes de Strasbourg.
00:46:16Et bravo pour votre boulot.
00:46:17Merci infiniment d'avoir été avec nous.
00:46:18Et à bientôt.
00:46:20Merci beaucoup.
00:46:21Bye-bye, au revoir. Dans quelques secondes,
00:46:23Chloé Sellerien, dessinatrice, coautrice de Génération Point Levé
00:46:27avec Karim Neidjari, arrive juste après ce petit jingle.
00:46:35Chloé Sellerien est avec nous. Bonjour, Chloé.
00:46:38Bonsoir.
00:46:38Chloé, je ne sais pas comment te qualifier, on va se tutoyer.
00:46:41Tu es autrice, coautrice de cette formidable...
00:46:44On dit quoi ? Bande dessinée ?
00:46:46Romant graphique.
00:46:47Romant graphique avec mon camarade Karim Neidjari,
00:46:49que l'on salue et que l'on embrasse.
00:46:51Autrice, ça veut dire que tu as aussi fait beaucoup de choses pour d'autres.
00:46:55Tu as écrit pour différentes personnes de la télé,
00:46:58Dans l'ombre, là, te voilà, Dans la lumière.
00:47:01On a envie de dire tant mieux et c'est bien.
00:47:03Ce livre s'intitule Génération Point Levé aux éditions Marabulles.
00:47:08Tout à fait.
00:47:09C'est un format BD qui retrace les histoires de dix sportifs
00:47:11qui ont levé le point pour différentes causes.
00:47:14Donc ça, ça me plaît.
00:47:15Moi, le journalisme sportif, le journalisme sportif, pardon,
00:47:18on va évidemment parler, et notamment des femmes,
00:47:21qui sont mises à l'honneur dans ce livre.
00:47:23Bien sûr, et je vous remercie déjà de consacrer une émission
00:47:26aux sportifs, c'est important.
00:47:27Donc merci beaucoup.
00:47:29Écoute, moi, ça me paraît aussi tout à fait légitime.
00:47:32J'aimerais d'abord que tu m'expliques d'où tu viens,
00:47:34pour qu'on comprenne le chemin.
00:47:36OK.
00:47:37Tu viens d'où ? T'es née où ?
00:47:38Moi, je suis née à Valence, dans la Drôme.
00:47:40Je suis née dans une famille où le sport est très important,
00:47:42parce que mon père était coach d'une équipe de rugby,
00:47:46le vallon sportif.
00:47:47D'accord.
00:47:47Et donc, toute petite, quand mes parents étaient divorcés,
00:47:50quand j'allais avec mon père les week-ends,
00:47:51je faisais des déplacements au quart avec toutes les équipes.
00:47:54Donc je jouais dans l'ambute avec les autres enfants
00:47:57et j'aurais rêvé de faire du rugby,
00:47:59sauf que ma génération, le rugby féminin, ça n'existait pas.
00:48:01C'est vrai.
00:48:02Et donc j'ai fait de la danse classique et j'ai détesté ça.
00:48:04J'en ai fait dix ans.
00:48:06Attends, tu as détesté pendant dix ans quelque chose
00:48:09que tu as fait pendant dix ans ?
00:48:10Mais je suis très comme ça.
00:48:11Parce que ma mère et ma grand-mère rêvaient
00:48:13que je fasse de la danse classique, donc je l'ai fait.
00:48:15Puis je pensais les décevoir en arrêtant.
00:48:17Et le jour où j'ai dit non, mais là, vraiment,
00:48:18les chignons, les concours de chignons, les barrettes,
00:48:20j'en peux plus.
00:48:21Là, tu avais quel âge, 14 ans, quand tu disais ça ?
00:48:22Exactement.
00:48:23Je faisais aussi du tennis, je faisais beaucoup de sport,
00:48:24du handball aussi, en club.
00:48:27Mais voilà, mon expérience de la danse classique,
00:48:29c'était vraiment pas un bon souvenir.
00:48:33Mais j'ai eu l'occasion, quand j'ai fait mes études à Grenoble,
00:48:35à Sciences Po Grenoble, de créer la première équipe de rugby féminin.
00:48:38Et voilà, donc, c'était une super aventure.
00:48:41On avait tout à peu près le même gabarit que moi.
00:48:44Et on était très, très fiers de cette équipe féminine.
00:48:48Quand tu fais Sciences Po, c'est pour faire quoi, après ?
00:48:51Pour faire du journalisme sportif, à la base.
00:48:53Sauf que je fais même mon mémoire sur ce thème-là,
00:48:55sur le thème des femmes et le journalisme sportif.
00:48:57J'ai la chance de rencontrer des gens comme Thierry Gilardi,
00:49:00avec qui j'ai beaucoup échangé.
00:49:02Je fais mon mémoire, puis je me retrouve à trouver un stage en télé
00:49:05chez M6, au Morning.
00:49:07Donc, un univers, la télé...
00:49:08Qui présentait, à l'époque ?
00:49:10Le Morning.
00:49:11Ah, qui présentait, pardon, oui.
00:49:12Alors, c'était plus Mickaël Younes,
00:49:15c'était Zouméo, je crois, la première année.
00:49:18Et peut-être Max.
00:49:19Oui, Max.
00:49:20Voilà, l'animateur de Fun Radio.
00:49:22Et c'est une première expérience télé,
00:49:25mais qui était très loin du sport.
00:49:27Bien qu'il y ait eu quand même les Jeux Olympiques à ce moment-là,
00:49:29et qu'on ait fait... Non, la Coupe du monde.
00:49:31La Coupe du monde, c'est en 2006.
00:49:33Oui, bien sûr.
00:49:33Donc, on a fait des sujets avec Louise Zickland, à l'époque.
00:49:36Et de fil en aiguille, je suis restée dans ce monde de la télé.
00:49:39J'ai rencontré Thierry Hardisson, avec qui j'ai travaillé pendant 15 ans.
00:49:42Donc, tu deviens finalement auteur ou autrice ?
00:49:45Pas tout de suite.
00:49:45Au début, j'arrive dans les équipes de Thierry Hardisson
00:49:48pour prendre les commandes du Boeing Hardisson.
00:49:50C'est-à-dire qu'il y avait Thierry Hardisson d'un côté
00:49:51et tous ses collaborateurs de l'autre.
00:49:53Donc, moi, je pilotais l'avion.
00:49:55Ça veut dire quoi ? C'était quoi ton titre exact ?
00:49:57J'ai commencé assistante personnelle de Thierry,
00:50:00puis après, chargée de tous ses projets,
00:50:01parce que Thierry Hardisson, c'est un homme de télé,
00:50:03mais qui a mille projets.
00:50:04Donc, on a fait des plateformes numériques avec Lina,
00:50:07on a fait du cinéma, on a fait de...
00:50:10J'ai été son bras droit.
00:50:11Je ne peux pas tout dire.
00:50:11J'ai été son bras droit pendant quelques années.
00:50:13Petit à petit, Thierry m'a proposé d'écrire pour l'émission.
00:50:17Donc, il avait déjà d'autres auteurs.
00:50:19J'ai bossé, j'étais la seule fille à bosser pour lui.
00:50:22Durs ?
00:50:23Très peu de femmes qui sont autrices en télévision.
00:50:24Très durs.
00:50:25Très, très durs.
00:50:27T'as entendu des choses désagréables ?
00:50:29C'est le petit monde de la télé.
00:50:30Non, je n'ai pas entendu des choses désagréables,
00:50:32mais forcément, c'est...
00:50:33La télé, c'est un monde très macho, machiste.
00:50:35Tout à fait, mais moi...
00:50:36Surtout, il y a quelques années.
00:50:37Oui, mais moi, qui viens du monde du sport, justement,
00:50:39et qui n'avais jamais rêvé de travailler en télé,
00:50:40ça se passait très bien,
00:50:42parce que j'avais mon équilibre à côté
00:50:43et que ces gens-là, je les considérais comme des professionnels
00:50:46et des gens qui faisaient un travail et non pas des superstars.
00:50:51Moi, j'ai adoré ces années-là
00:50:52et je continue encore à travailler pour ces gens-là.
00:50:55Et donc, tu deviens auteur.
00:50:56Et je deviens autrice.
00:50:57Autrice, pardon.
00:50:58Je commence à rédiger des vannes, des interviews formatées,
00:51:01des blind tests, des propositions d'interviews...
00:51:03Pour Thierry.
00:51:04Pour Thierry, voilà, en direct avec Thierry.
00:51:06Et petit à petit, je prends...
00:51:07Qu'est-ce que tu ressens quand tu le vois lire tes mots à l'antenne ?
00:51:10Qu'est-ce que je ressens quand je le...
00:51:12Alors, je trouve que l'autrice, c'est un métier
00:51:14où tu ne dois pas avoir trop d'ego,
00:51:16parce que c'est quelqu'un qui va incarner ce que tu as écrit,
00:51:18donc il faut accepter que cette personne-là
00:51:20se réapproprie ce que tu as écrit.
00:51:22Parfois, il jette un peu ton travail.
00:51:23C'est ça qui est très difficile, je trouve, dans le travail d'auteur.
00:51:25D'où ma question.
00:51:27Qu'est-ce que tu ressens dans la bouche de Thierry ?
00:51:29D'abord, de la fierté,
00:51:31parce que si ça arrive dans la bouche de Thierry,
00:51:32ça veut dire que derrière, tu as écrit 150 pages
00:51:35et que sur ces 150 pages, il a retenu deux vannes.
00:51:37Donc, si la vanne, elle finit dans sa bouche, t'es content.
00:51:40Puis tu vas toucher des droits d'auteur, donc forcément, t'es content aussi.
00:51:43Et beaucoup de fierté,
00:51:44parce que c'est quelqu'un qui est tellement exigeant
00:51:46que s'il prend cette vanne-là,
00:51:48s'il prend cette interview-là, cette proposition-là,
00:51:51c'est pas pour te faire plaisir.
00:51:52C'est parce que ça fait sens dans l'émission.
00:51:54Et donc, de fil en aiguille, tu bosses pour Thierry,
00:51:56tu bosses pour d'autres personnes.
00:51:58Oui, pour Lafney Burki,
00:51:59j'ai fait des essais aussi à la Grande Limerie,
00:52:01et je travaille aujourd'hui pour Nicole Ferroni.
00:52:03Et puis, j'ai un peu coupé, malgré moi, le cordon avec Thierry,
00:52:08puisqu'aujourd'hui, il a plus autant d'émissions qu'avant.
00:52:11Il a plein de super projets.
00:52:13Voilà, mais on garde de très bons contacts.
00:52:15C'est grâce à lui que je suis devenue autrice,
00:52:19et sans lui, j'aurais certainement pas fait ce livre non plus.
00:52:21Comment t'arrives à ça ?
00:52:22Comment j'arrive à ça ?
00:52:24Par une rencontre, Karim Nedjari.
00:52:26Qui, aujourd'hui, est directeur général des RMC.
00:52:28Exactement, que je rencontre un mois avant le Covid,
00:52:31pour échanger autour de projets télé qu'on pouvait avoir.
00:52:35C'est toi qui sollicite ou c'est lui qui sollicite ?
00:52:36On a une amie en commune qui fait qu'on se rencontre
00:52:39au détour d'un café.
00:52:40Et à la toute fin de ce rendez-vous,
00:52:43je sens que le feeling passe bien avec Karim.
00:52:45C'est un mec brillant,
00:52:46que j'aime nommer le gardien du temple d'e-sport.
00:52:51C'est un peu vrai.
00:52:52Entre nous, c'est un peu vrai.
00:52:53Très cultivé, bref.
00:52:54À la fin du rendez-vous, Thierry…
00:52:56Pardon, Thierry.
00:52:57Karim.
00:52:57À la fin du rendez-vous, Karim me dit…
00:52:59Moi, je rêve d'écrire un livre sur les gestes forts des sportifs,
00:53:03les gestes politiques forts des sportifs.
00:53:05Je dis, mais Karim, ce livre, on va le faire,
00:53:07mais ce n'est pas un livre qu'on va faire, c'est un roman graphique.
00:53:09Pourquoi ?
00:53:10Sur ce, on est confinés.
00:53:11Attends, pourquoi tu me dis pas qu'on va faire un roman ?
00:53:14Parce qu'un livre de 200 pages sur sport et politique,
00:53:19ça n'intéressera jamais autant qu'un roman graphique,
00:53:21qui permet plus de légèreté, qui se lit plus facilement,
00:53:25qui est accessible de 7 à 77 ans
00:53:28pour des gens qui ne s'y connaissaient pas forcément en sport.
00:53:31Je vous en prie, qu'on le plaise.
00:53:33Et vas-y, continue.
00:53:34Et donc, on est…
00:53:36Il faut trouver quelqu'un pour dessiner ?
00:53:37D'abord, on est confinés.
00:53:39On échange avec Karim sur…
00:53:41On ne parle pas de dessin tout de suite.
00:53:42On parle de qui on va mettre dans ce livre.
00:53:44Et ça, ça fait l'objet de longues discussions,
00:53:46de SMS envoyés très tard dans la nuit.
00:53:48Et très vite, on se met d'accord…
00:53:50Parce qu'il ne faut en garder que dix.
00:53:51Exactement.
00:53:52Et surtout, on se met d'accord sur c'est quoi un point levé ?
00:53:54C'est quoi un point levé ? Qui on va mettre dans ce livre ?
00:53:57Et on part sur quelques critères qu'on élabore ensemble.
00:53:59Et on se dit, d'abord, ce sont des gens qui ont une vraie carrière sportive.
00:54:02Ils ont des médailles, ils ont remporté des titres.
00:54:04Ensuite, ce sont des gens qui ont une histoire à raconter.
00:54:07Bien sûr.
00:54:09Un destin personnel.
00:54:10Ensuite, ce sont des gens, des sportifs,
00:54:11qui ont pris des risques pour leur carrière.
00:54:13Oui.
00:54:15Et qui ne sont pas juste dans la posture, dans la com'.
00:54:16À l'image de Nadia Comaneci, par exemple.
00:54:17Ils ont risqué leur vie, leur carrière, pour de nobles causes.
00:54:21Et enfin, le dernier critère, c'est celui de l'exemplarité.
00:54:24C'est-à-dire qu'on s'est longtemps demandé,
00:54:26et surtout moi, j'ai beaucoup poussé pour mettre Maradona dans ce livre.
00:54:29J'ai vu les images de son cercueil en Argentine,
00:54:31et je me suis plongée dans sa vie.
00:54:32Je me suis dit, waouh, le mec est incroyable,
00:54:34tout ce qu'il a fait au niveau politique.
00:54:36Et Karim m'a dit, oui, mais est-ce que c'est un exemple pour tes enfants ?
00:54:39Et là, je me suis dit, oui, non, c'est vrai que le mec,
00:54:41c'est un tricheur, c'est un toxicomane,
00:54:43donc on le mettra dans un tome bad boy, si c'est le cas,
00:54:47mais en tout cas pas dans ce premier volet.
00:54:50– Donc vous en trouvez dix, cinq hommes, cinq femmes ?
00:54:52– Voilà, ça, c'était mon critère.
00:54:53Moi, j'ai dit, je fais ce livre, on en trouve dix,
00:54:55mais déjà, la parité, cinq femmes, cinq hommes, c'était non négociable.
00:54:59– Alors, on va donner les dix noms,
00:55:01Marcus Rashford, Mohamed Ali, Soraya Bonaly,
00:55:04Tommy Smith, Mégane Rapinoe, Caster Semenya,
00:55:07Artur H, Nadia Comaneci, Socrates et Iori Cohn.
00:55:11– Tout à fait.
00:55:11– Parle-moi des cinq femmes, certaines que je connais
00:55:15et qui sont toutes des femmes fortes, déterminées.
00:55:19– Tout à fait.
00:55:20– On va commencer par Soraya Bonaly.
00:55:22– Soraya Bonaly, c'était notre sportif français,
00:55:25c'est-à-dire qu'on en a choisi qu'un, et c'était elle.
00:55:26C'était une évidence, tant pour la maison d'édition.
00:55:28– Pourquoi ?
00:55:29– C'était une évidence parce qu'on trouvait
00:55:33que son histoire était singulière et que c'était il y a 30 ans
00:55:35et qu'on n'en avait pas parlé.
00:55:38Et moi, j'étais restée sur cette image de Nagano,
00:55:41en 98, où elle fait son fameux saut périlleux arrière,
00:55:45qu'elle est la seule, et encore aujourd'hui, à faire au monde.
00:55:49Et puis surtout, Soraya Bonaly, elle est vivante et elle est accessible.
00:55:53Donc on l'a contactée, on a beaucoup travaillé avec elle,
00:55:55elle nous a envoyé des archives personnelles.
00:55:58Et on a écrit ce portrait ensemble
00:56:00et je ne voulais vraiment pas le faire de manière très linéaire.
00:56:03La façon dont on a construit ces portraits avec Karim,
00:56:06c'est à l'issue d'échanges qu'on a pu avoir ensemble
00:56:08et on ne voulait pas faire un récit,
00:56:11il est né telle date, il a fait ça…
00:56:13– Oui, il faut raconter l'histoire.
00:56:14– Il faut raconter l'histoire, mais de manière un peu intelligente.
00:56:16Marcus Rashford, on raconte l'histoire de Manchester United.
00:56:20– Restons sur les femmes, Megan Rapinoe,
00:56:22cette footballeuse américaine que j'ai eu la chance de voir,
00:56:26côtoyée un peu pendant les Coupes du monde,
00:56:29une femme avec un engagement tellement fort,
00:56:32un symbole dans le monde entier, bien au-delà des États-Unis.
00:56:36On parle d'elle comme une future grande politique,
00:56:39certains l'imaginent même première présidente femme des États-Unis.
00:56:43Pourquoi Megan Rapinoe ?
00:56:46– Pourquoi Megan Rapinoe ?
00:56:46– Pour tout ce que je viens de dire ou il y a des choses en plus ?
00:56:48– Parce que Megan Rapinoe, elle concentre plein de sujets
00:56:50qui nous intéressent aujourd'hui, à savoir le combat politique,
00:56:55c'est l'Amérique anti-Trump, de l'époque,
00:56:59c'est aussi un combat qui est sur le droit des personnes homosexuelles
00:57:03et de la communauté LGBT+.
00:57:05– Bien sûr.
00:57:05– Combat hyper important.
00:57:06– L'égalité homme-femme salariale ?
00:57:08– J'allais y venir, exactement, l'égalité homme-femme,
00:57:10dans un pays où le soccer, nous on appelle ça le foot,
00:57:12mais le soccer est plus pratiqué et beaucoup plus populaire
00:57:16chez les femmes que chez les hommes,
00:57:18mais dans un pays où les hommes sont quand même plus payés que les femmes,
00:57:22même dans ce pays, je ne parle pas de l'Europe.
00:57:25– Les joueuses de foot américaines sont des stars incroyables aux États-Unis,
00:57:29les hommes, vous les croisez dans la rue, il ne se passe rien.
00:57:31– Non, et puis j'adorais son côté un peu badass.
00:57:33– Oui, je suis d'accord.
00:57:34– Très rock'n'roll, un peu tête à claques parfois,
00:57:37mais je la suis sur les réseaux sociaux, mais je trouve cette fille géniale,
00:57:40puis en plus elle avait un look, ses cheveux roses,
00:57:42pour moi c'est du pain béni à dessiner.
00:57:44– Évidemment, Caster Semenya, pourquoi ?
00:57:48– Caster Semenya, parce que là aussi la question est venue,
00:57:53parce que la question des tests de féminité,
00:57:55ça j'ignorais qu'il existait dans le sport des tests de féminité,
00:57:58et je ne regrette pas du tout d'avoir choisi Caster Semenya
00:58:03parce que dans les retours que j'ai des lecteurs,
00:58:05c'est le portrait que les lecteurs jugent le plus poignant en fait.
00:58:10– J'ai une question, est-ce que tous ceux et toutes celles
00:58:12qui sont dans ce livre, est-ce qu'ils le savaient ?
00:58:16Est-ce que vous avez demandé des autorisations ?
00:58:18Est-ce que vous avez conversé avec eux ?
00:58:19Ou est-ce qu'ils vont le découvrir ?
00:58:21– Alors, des autorisations non,
00:58:22parce que c'est un travail qui est très journalistique.
00:58:24Évidemment, Mégane Rapinoe, on a essayé de la contacter,
00:58:27elle est dans d'autres sphères, Marcus Rashford aussi,
00:58:29même si Karim a le bras long, on n'a pas réussi à…
00:58:31– Pas assez long.
00:58:32– Pas assez long visiblement.
00:58:33– Il y a Karim, ta ta ta.
00:58:34– Voilà, non, on n'a pas pu les contacter.
00:58:38– Avec qui vous avez réussi à parler ? Avec Surya ?
00:58:40– Surya et Hiyori Ikon, ma petite sumotori japonaise
00:58:44avec qui on a beaucoup échangé, qui m'a envoyé des photos,
00:58:46avec le décalage horaire et la barrière de la langue,
00:58:48ce n'était pas évident, on a échangé en anglais, mais voilà.
00:58:53– Un mot sur Nadia Komanechi ?
00:58:54– Bien sûr, Nadia Komanechi…
00:58:56– La légende.
00:58:57– La légende, voilà, c'est-à-dire qu'à peu près tout le monde connaît Nadia.
00:59:00Ma génération la connaît parce que…
00:59:02– Oui, notre génération, enfin pardon.
00:59:04– Oui, si, à peu près, je suis d'accord, notre génération.
00:59:06– Ils ont l'air d'être un peu plus vieux, mais les plus jeunes,
00:59:08moi, je parle à mes enfants de Nadia Komanechi,
00:59:10ils ne savent pas qui c'est.
00:59:11– Non, j'en parle à ma fille de 14 ans.
00:59:13– 14 ans, ouais, 14 ans quand elle devient…
00:59:15– Devient championne olympique.
00:59:16– Non, ce qui est passionnant dans ce portrait-là,
00:59:18c'est qu'on a déjà tout dit sur Nadia Komanechi,
00:59:22pareil pour Mohamed Ali,
00:59:22donc qu'est-ce qu'on va pouvoir nous raconter de plus ?
00:59:24Et en travaillant sur ce portrait-là,
00:59:26on s'est rendu compte que sa vie était incroyable.
00:59:28C'est-à-dire, évidemment, qu'on connaît l'histoire
00:59:30de la note, des notes parfaites à Montréal,
00:59:32et du compteur qui affiche ce 1.0 et personne ne comprend,
00:59:37et la juge montre ses dix doigts à Nadia Komanechi en lui disant,
00:59:40non, non, mais en fait, vous avez eu 10.
00:59:42Même elle, elle n'y croit pas,
00:59:43puis elle a cette note parfaite, elle l'a réitérée
00:59:47sur tous les agrés de la compétition.
00:59:48– Donc vous parlez de quoi, la dimension politique derrière tout ça ?
00:59:50– Mais après ça, elle rentre au pays, évidemment,
00:59:52la dimension politique, comment elle a été instrumentalisée
00:59:55par les époux de Ceausescu, qui ont vu ça comme l'occasion
00:59:58de mettre un coup de projecteur sur ce pays.
01:00:01Et puis après, tout ce qui s'est passé,
01:00:03c'est-à-dire qu'elle a eu 25 ans, elle a voulu s'enfuir,
01:00:06elle a quitté le pays dans des conditions terribles,
01:00:09de nuit, dans le froid, au péril de sa vie à la frontière hongroise.
01:00:14Elle est enfin arrivée aux États-Unis, pays de la liberté,
01:00:17où elle s'est dit, ça y est, voilà, je suis enfin libre.
01:00:21Et là, elle a été kidnappée par un homme qui s'appelle Constantin Panay,
01:00:25un Roumain qui lui aussi s'était échappé d'Omanie,
01:00:28qui l'a séquestré dans une chambre d'hôtel
01:00:30et qui négocie avec les médias américains
01:00:33ses passages télé et le récit de son histoire.
01:00:36C'est hallucinant.
01:00:37Jusqu'à ce qu'un homme, sur un show télévisé,
01:00:41appelle la production en disant
01:00:43« est-ce que je pourrais faire une surprise à Nadia Khomenitchi,
01:00:46je la connais, je vais débarquer sur le plateau ».
01:00:48Le mec débarque, c'est Bart Conner,
01:00:50c'est un gymnaste qui connaissait Nadia depuis des années,
01:00:53qu'il avait rencontré aussi.
01:00:54– Un Américain ? – Un Américain.
01:00:55Un gymnaste américain dans le cadre de compétitions,
01:00:58et qui a débarqué et qui l'a « sauvée », entre guillemets.
01:01:02– La hôte des mains, des griffes.
01:01:04– Exactement.
01:01:05Constantin Panay est rentré à la chambre d'hôtel
01:01:06à récupérer tous les bijoux de Nadia Khomenitchi et tout l'argent,
01:01:09s'est enfumée, voilà, elle était enfin libre.
01:01:11Mais voilà, cette histoire-là, moi je ne la connaissais pas
01:01:14et je trouvais ça hyper intéressant.
01:01:15– Elle est devenue américaine ?
01:01:17– Non, elle est toujours roumaine, elle s'est mariée en Roumanie,
01:01:20ça a été un événement planétaire,
01:01:23je crois qu'il y avait Arnold Schwarzenegger à son mariage,
01:01:25enfin des grandes personnalités.
01:01:27– Tu nous as parlé tout à l'heure de Little Miss Sumo,
01:01:30parmi les hommes, s'il y en a un, ou une histoire à raconter,
01:01:35qu'est-ce que je pourrais apprendre parmi Arthur H., Mohamed Ali ?
01:01:38– Non, Marcus Rashford, parce que Marcus Rashford…
01:01:41– C'est très actuel.
01:01:42– C'est très actuel et surtout il a 24 ans,
01:01:44il faut imaginer, c'est l'attaquant vedette de Manchester United.
01:01:48– Mais c'est beaucoup plus.
01:01:49– Autant, si non plus, que Kylian Mbappé.
01:01:53– Oui, parce qu'il y a une dimension politique derrière lui,
01:01:55il y a des prises de parole, il y a des engagements.
01:01:57– Il a fait plier Boris Johnson à trois reprises
01:01:59sur la question de la malnutrition enfantine,
01:02:01il a fait plier son gouvernement anglais sur cette question-là.
01:02:05Ok, il a de l'argent, il a investi des millions d'argent
01:02:08pour faire livrer des repas aux enfants défavorisés de ces quartiers-là,
01:02:12mais derrière il y a vraiment un engagement politique
01:02:14et il n'est pas que dans la com'.
01:02:16– Rappelle-nous de ses origines, à lui, d'où il vient.
01:02:19– Il est anglais, il vient du quartier de Wintershave, je crois qu'on dit.
01:02:22– Il vient d'un quartier défavorisé, compliqué.
01:02:23– De Manchester United, exactement.
01:02:25Donc lui, il a connu le Breakfast Club,
01:02:28l'endroit où on va à petit-déjeuner le matin
01:02:30parce qu'on ne peut pas prendre un petit-déjeuner à la maison
01:02:32parce que le frigo est vide.
01:02:33Donc il se rappelle de tout ça, Manchester United,
01:02:36c'est le club dans lequel il a rêvé de jouer toute son enfance,
01:02:39donc tout ça fait sens et il a envie de faire quelque chose pour son pays
01:02:43et il a 24 ans, voilà, donc ça c'est un modèle pour nos enfants.
01:02:46Je crois qu'on parle beaucoup en ce moment d'engagement,
01:02:49évidemment que les sportifs, c'est quelque chose qui est à la mode de s'engager,
01:02:53Antoine Griezmann qui fait la une de têtu sur l'homophobie,
01:02:57c'est de la com', mais moi je ne vois pas en quoi ça peut nuire,
01:02:59c'est très bien.
01:03:01– S'il y a des vraies convictions, on s'insère derrière.
01:03:03– Après, dans notre livre, on parle de sportifs qui ont pris des risques,
01:03:06en l'occurrence Marcus Rashford,
01:03:08si on se rappelle la dernière Coupe du Monde,
01:03:10quand il a raté son tir au but,
01:03:12il s'est pris des sauts d'insultes sur les réseaux sociaux.
01:03:16– Quelqu'un qui a raté un tir au but en Coupe du Monde,
01:03:21il en prend quoi qu'il arrive, même Mbappé.
01:03:25– Tout à fait, là en l'occurrence, je crois que quand on prend
01:03:27des positions politiques comme ça a été le cas de Marcus Rashford,
01:03:31le revers de la médaille est d'autant plus cruel parfois,
01:03:34mais je crois qu'il a le sang-froid, l'intelligence
01:03:36et l'engagement qu'il faut pour continuer ce combat-là.
01:03:40– Génération.lv, si un tome 2, ça serait quoi, ça sera quoi ?
01:03:43– Ce sera 10 autres sportifs et sportifs, on a déjà la liste.
01:03:46– Pourquoi rester dans le sport ?
01:03:48– Pourquoi rester dans le sport ?
01:03:49Parce qu'on est passionnés avec Karim de ces sujets-là
01:03:52et qu'on vient d'ouvrir cette marque,
01:03:56parce que j'espère qu'on en fera aussi une série pour le cinéma.
01:03:59– Qui seront les prochains Français qui n'ont pas réussi à passer
01:04:02et qui sont dans le couloir.
01:04:04– Les prochains Français, c'est encore en discussion,
01:04:08en revanche, il y aura les Louis Hamilton, ça c'est sûr.
01:04:11– Pourquoi ?
01:04:12– Je pense qu'il y aura, pour Black Lives Matter,
01:04:15pour ce qu'ils représentent dans la communauté noire
01:04:18et dans un sport qui est la Formule 1, qui n'est pas n'importe quel sport.
01:04:22On voulait mettre Naomi Osaka, la tennis-fan japonaise,
01:04:28et on ne l'a pas mise parce qu'on a fini le livre
01:04:32juste avant les JO de cet été, et on ne regrette pas,
01:04:37parce qu'avec elle a émergé la question de la dépression des sportifs,
01:04:41qui je trouve est un sujet très d'actualité, dont on n'a jamais parlé.
01:04:45Et ce sera évidemment un sujet qu'on traitera dans le tome 2.
01:04:49– Chloé Sellerien avec Karim Dejari, Génération Point Levé,
01:04:5210 histoires de sportives et de sportifs militantes et militants
01:04:56aux éditions Marabule.
01:04:57Merci beaucoup Chloé.
01:04:58– Merci beaucoup Alexandre.
01:04:59– Merci à toutes et à tous pour votre fidélité,
01:05:01je vous donne rendez-vous très prochainement
01:05:03pour un nouveau numéro de La Victoire est en elle.
01:05:05Salut.
01:05:05Sous-titrage ST' 501

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