Écologie, énergie… : le déficit de compétences [Bertrand Valiorgue]

  • il y a 2 mois
Xerfi Canal a reçu Bertrand Valiorgue, professeur à emlyon business school et Directeur de l’Institut français du gouvernement des entreprises (IFGE), pour parler de l'enseignement et supérieur face aux défis du changement climatique.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcript
00:00Bonjour, Bertrand Valliorgue.
00:09Bonjour, Jean-Philippe.
00:10Bertrand Valliorgue, professeur
00:11au EM Lyon Business School, vous êtes
00:13directeur de l'Institut français du
00:14Gouvernement des entreprises.
00:16Co-auteur avec Guillaume Carton,
00:18EM Lyon Business School également,
00:19dans la revue française de gestion,
00:20d'un article qui fait beaucoup parler
00:22« Préparer l'enseignement supérieur
00:24de gestion aux défis énergétiques et
00:25écologiques de l'entrepôt saine ».
00:27Pour faire simple, vous nous dites, on
00:28est face à un « transition gap ».
00:31Voilà, la fameuse transition
00:33climatique énergétique, on y est.
00:36Et on a un gap à franchir
00:38et il faut que les acteurs pertinents
00:39se saisissent, accompagnent
00:41la transformation.
00:43Vous avez des propositions fortes
00:45dans ce texte, puisque vous dites
00:47il faut un changement de paradigme
00:49scientifique et en pédagogie.
00:51Il faut un déverrouillage
00:53institutionnel, sous-entendu, il y a
00:55une forme de verrouillage
00:56institutionnel, et il faut recruter
00:58des formes et insérer de nouveaux
00:59profils d'enseignants-chercheurs
01:00qu'il faut même protéger parce
01:02que leur carrière pourrait
01:04pâtir du fait qu'ils ne soient pas
01:06dans le mainstream.
01:07Et vous appelez, pour faire simple,
01:09une forme de révolution, en
01:10référence à l'épistémologue
01:12Kuhn.
01:14Eric Lamarck, directeur de l'IE Paris
01:16Business School, Sorbonne Business
01:18School, vous a répondu dans les
01:19commentaires.
01:21Je l'ai reçu dans cette émission
01:23pour développer son
01:25point. Pour faire simple, il dit d'un
01:26côté, on veut nous imposer par la
01:28contrainte un changement de
01:29paradigme. Je ne rentre pas dans le
01:30débat épistémologique où il dit
01:32évolution plutôt que révolution,
01:34mais il dit ce qui le dérange, c'est
01:35la contrainte, c'est l'idée de
01:36contrainte.
01:37Et finalement, c'est
01:40se mettre à mal les libertés
01:41académiques. Laissons les académiques
01:43se saisir de ces questions et voir
01:45avec les entreprises comment elles
01:46s'en saisissent.
01:48C'est rare, mais j'ai envie de vous
01:49dire, comment vous commentez le
01:50commentaire ?
01:53Comment vous répondez à Eric Lamarck
01:54sur ce point-là ?
01:55C'est intéressant, il faut que ce
01:56débat vive dans la communauté.
01:58Déjà, c'est la bonne nouvelle, Jean
01:59Philippe, c'est-à-dire qu'il y a une
02:00conversation qui est en train de
02:02s'installer dans notre
02:04communauté pour dire, est-ce
02:06que ce qui nous arrive
02:08est important ?
02:09Est-ce que ça nécessite des
02:11ajustements dans le contenu de nos
02:12enseignements et de nos recherches ?
02:15Ce n'est pas inédit sur l'histoire
02:18de notre communauté, mais c'est très
02:19sain qu'aujourd'hui, il y ait
02:21ce questionnement-là autour de
02:23est-ce qu'on est à la hauteur des
02:24enjeux qui sont devant nous ?
02:25Donc, on ne peut que se féliciter
02:27de cette conversation qui s'engage.
02:31Alors, je n'appelle pas à la
02:32révolution.
02:34Nous n'appelons pas à la révolution,
02:35nous n'appelons pas à
02:37renverser la table.
02:39Nous appelons à une forme de ce qu'on
02:40appellera, ce qu'on peut appeler un
02:42travail institutionnel.
02:43C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
02:48le constat qu'on fait dans le papier,
02:49c'est qu'on n'est pas au niveau.
02:51On n'est pas au niveau.
02:53Et peut-être un seul exemple,
02:55qui est capable, dans notre
02:56communauté, de parler sérieusement
02:58des enjeux énergétiques auxquels font
03:00face les organisations ?
03:02Est-ce qu'on a des théories ?
03:04Est-ce qu'on a des méthodes ?
03:05Est-ce qu'on a des études de cas ?
03:07Est-ce qu'on a des articles
03:09solides sur la question organisation
03:12et énergie ?
03:14Je crois pouvoir dire que non.
03:16Eh bien, pourtant, on sait que dans la
03:18société, dans son ensemble,
03:20et les entreprises en particulier,
03:22et on le vit au quotidien
03:25de ce qu'est la France aujourd'hui et
03:26son économie, la question énergétique
03:29pour les entreprises, elle est
03:29centrale et elle va l'être de plus en
03:31plus.
03:32Et on n'entend pas les gestionnaires
03:34dans les plateaux.
03:36On ne voit pas des cours
03:38sur ces sujets et très peu
03:40de recherches non plus.
03:42Donc, il y a clairement, sur cet
03:43exemple-là, mais je peux parler de
03:44biodiversité, je peux parler
03:46de plein d'autres enjeux qui
03:48sont liés aux transformations de
03:49l'environnement naturel.
03:50Il y a clairement un déficit
03:52de compétences
03:55de notre part
03:58sur les enseignants-chercheurs.
03:59Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
04:02Il y a deux solutions.
04:03Soit on se dit bon, on va laisser
04:05faire.
04:06On va attendre que le marché...
04:08Mais je pense qu'il ne faut pas du
04:09tout raisonner de cette
04:11manière en disant qu'il y a un
04:12marché des enseignants-chercheurs.
04:14Non, on n'est pas un marché.
04:16On est
04:19issu de parcours très individuels
04:21et puis il n'y a pas vocation à ce
04:23qu'il y a un marché.
04:24Donc, on peut espérer qu'il y a un
04:25marché, qu'à un moment donné, il y
04:27ait des étudiants qui se saisissent
04:29du sujet de l'énergie.
04:31Et puis, on connaît
04:34les trajectoires des enseignants-
04:36chercheurs. Dans 10-15 ans,
04:38ils ont à peu près compris
04:40comment traiter la question
04:41énergétique.
04:42Donc, on laisse faire et puis on
04:43attend, on attend que ça se passe.
04:44Là, vous dites qu'on n'a pas le temps.
04:45Mais ce n'est même pas que je dis
04:46qu'on n'a pas le temps parce que je
04:47ne veux pas l'urgence,
04:49l'urgence, mobiliser les acteurs
04:51par l'urgence. Ce n'est pas une bonne
04:52manière de faire ou mobiliser
04:54les acteurs sur l'éco-anxiété.
04:56Ce n'est pas l'argument.
04:57C'est juste dire que les entreprises,
04:59les organisations, elles ont ce
05:00déficit-là de compréhension des
05:02enjeux énergétiques.
05:03On doit y répondre.
05:04Et donc, la deuxième, si on dit
05:05que ce n'est pas le marché, c'est
05:06de l'entreprenariat institutionnel.
05:08Et on se dit OK, on a besoin de
05:10comprendre ces questions.
05:12Donc, il faut aller chercher des
05:13profils qui sont sans doute un peu
05:14différents que ce que l'on a connu
05:16aujourd'hui et les ramener
05:18vers nos objets, notre
05:20communauté des sciences de
05:22gestion.
05:23La question, on ne peut pas
05:24s'improviser compétent sur les
05:25questions énergétiques.
05:26On ne peut pas s'improviser sur la
05:28thermodynamique.
05:30Il faut des gens qui ont
05:32des bagages solides de ce côté-là
05:34et qu'on amène, qu'on amène
05:36dans notre communauté des
05:37enseignants-chercheurs. Et ça, si
05:38on ne le fait pas, le marché ne le
05:39fera pas parce qu'ils ne nous
05:41connaissent pas, ils ne nous voient
05:42pas, ils n'ont pas forcément
05:43connaissance de nous.
05:44Donc, c'est à nous d'aller vers
05:45eux.
05:47C'est à nous de faire ce travail
05:48d'entrepreneuriat institutionnel.
05:50Donc, vous voyez, ce n'est pas une
05:51révolution.
05:52C'est simplement de se dire on n'est
05:53pas au niveau, nous,
05:55les formateurs, et il faut qu'on
05:57aille chercher des compétences
05:58ailleurs.
05:59Merci Bertrand Valiangue.

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