Après trois romans devenus des classiques, l'auteur culte de science-fiction Alain Damasio vient de publier un essai, "La vallée du Silicium" (Albertine I Le Seuil). Il y interroge l'imaginaire est à l'œuvre dans la Silicon Valley, théorise sur les technologies contemporaines et pense le rôle alloué à la SF dans la concurrence des futurs souhaitables. C'est de tout cela dont parlerons dans cette master class, animée par Xavier de La Porte, journaliste au service idées du "Nouvel Obs", mais surtout de la voie de sortie qu'il imagine : le Biopunk !
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00:00:00Bonsoir, alors on est obligé de commencer à 19h pile parce qu'il y a des gens qui
00:00:09regardent en visio, donc on va pas les laisser patienter trop longtemps. Bonsoir à toutes
00:00:16et à tous, merci beaucoup d'être ici ce soir alors même qu'une partie de notre esprit
00:00:23est un peu ailleurs et d'ailleurs je pense qu'on va en parler. Merci beaucoup à Alain
00:00:30Damasio de nous accorder cette soirée, on est très content de t'écouter. Alors je
00:00:34précise juste qu'on va se tutoyer pas parce qu'on est amis de longue date mais parce
00:00:38que Alain tutoie immédiatement. Ce serait très bizarre de se vouvoyer. Alors je vais
00:00:45pas faire de présentation formelle mais quand même un petit peu. Tu es écrivain, t'es
00:00:51l'auteur de trois romans qui sont d'ores et déjà des classiques de la littérature
00:00:54de science-fiction, La zone du dehors, 1999, L'art du contrevent, 2004 et Les furtifs
00:00:592019. Trois romans que j'imagine bonne partie des gens présents ce soir ont lu et qui font
00:01:06de toi une figure majeure, voire la figure majeure de la SF française. Mais t'as une
00:01:11existence qui dépasse le champ de la littérature, tu prends régulièrement des positions politiques,
00:01:18souvent très à gauche, ce qu'on sent dans tes romans, mais qui devient plus évident
00:01:22quand on t'entend et qu'on te lit ailleurs. D'abord très critique vis-à-vis du capitalisme
00:01:28dont tu as appris très jeune les rouages en faisant une école de commerce de la société
00:01:34de surveillance. Ça ce sont aussi tes lectures d'Erida, de Guattari, de Foucault et de plus
00:01:39en plus soucieuse d'écologie et ça on en parlera. Alors ça passe non seulement par
00:01:43des liens avec des penseurs et des penseuses du vivant comme Assiane Després, Baptiste
00:01:47Ciseaux dont tu es très proche, mais aussi par un changement de vie assez radical puisque
00:01:51après avoir longtemps vécu à Marseille, tu as cofondé une communauté dans les Alpes
00:01:56du Sud que vous avez appelée, là je suis obligé de passer au mouvement puisque c'est
00:01:59collectif, la ZEST, Zone d'expérimentation sociale terrestre et enchantée et dans laquelle
00:02:06vous tous vous mettez en œuvre vos idées, vos idées qu'il est possible de s'organiser
00:02:10différemment, de renouer avec le vivant, de prendre des décisions collectives même si
00:02:15comme tu es un tyran qui s'ignore à peine, tu prends aussi des décisions tout seul.
00:02:20Et puis il y a quelques semaines, tu as publié un premier essai, Vallée du Silicium et c'est
00:02:27ce livre qui va constituer le centre de notre conversation ce soir, qui n'est pas sans
00:02:32lien avec les thématiques de tes romans et puis tout à la fin il y a une très belle
00:02:36nouvelle d'une trentaine de pages, mais c'est quand même un pas de côté par rapport
00:02:40à tes habitudes d'écriture. Vallée du Silicium c'est le récit d'un voyage dans
00:02:43la Silicon Valley que tu as effectué en sortie de confinement, tu étais invité par
00:02:47la Villa Ablertine, donc tu as sillonné les routes du petit morceau de Californie qui
00:02:52est l'épicentre mondial de la tech, tu t'es baladé dans le Ring, le siège d'Apple,
00:02:57tu t'es baladé à Palo Alto, à Mountain View, tu as rencontré des gens qui travaillent
00:03:01dans ces immenses entreprises de la tech, tu as longuement discuté avec eux, tu as
00:03:04lu, tu as beaucoup réfléchi et cet essai est le fruit de tout ça, 7 chroniques qui
00:03:08sont à la fois des descriptions et des théorisations de ce que tu as vu, entendu, pensé pendant
00:03:13tout ce voyage, et on va en parler bien sûr, et j'espère qu'on pourra donner une idée
00:03:18de la variété des questions que pose ce texte, tu abordes les questions du corps,
00:03:24du langage, des frontières, de la dématérialisation, de l'addiction, du biopunk, etc.
00:03:29Mais pour commencer, parce que c'est ça qu'on a tous en tête, on était tout à l'heure,
00:03:34pour rien vous cacher, en train de boire un petit verre à côté, et Alain a parié une
00:03:42bouteille de vin pour chacun, alors les paris sont ouverts, si vous voulez, que la gauche
00:03:48passera, sera en tête, est-ce que tu peux nous donner quelques justifications de ton
00:04:02enthousiasme, qui n'est pas de l'optimisme pur ?
00:04:09Non, j'ai parié deux bouteilles, mais vraiment une bouteille d'Hermitage et de Condrieux,
00:04:14donc là c'est du sérieux, avec un excellent pote, qu'on serait devant le Front National,
00:04:20quand je dis on, parce que je m'associe évidemment au Front Populaire, qui porte un peu les idées
00:04:25que je défends aussi, ce qui me fait rire, je vais vous dire, je pense qu'il y a des
00:04:31gens qui sont plutôt à gauche ici, il me semble, je ne sais pas, je ne vais pas vous
00:04:35faire lever la main, on ne va pas faire une assemblée, mais on a quand même une espèce
00:04:42de tendance au défaitisme à gauche, et surtout en ce moment, et tous les gens auprès de
00:04:48moi étaient là, le climat est catastrophique, ils étaient déjà battus, perdants, moi
00:04:55je n'ai pas du tout cette approche là, je trouve que la gauche a réagi par un sans-faute,
00:05:00depuis quelques jours là, c'est un parfait sans-faute, c'est une réaction immédiate
00:05:05d'appel à l'union, notamment des Verts, du PC, etc, réaction je trouve conciliante
00:05:13et fluide de la part de LFI et du PS, enfin de Place Publique, donc tout est en place,
00:05:20ça s'est fait très vite, les accords ont été faits très vite dans les circonscriptions,
00:05:24donc on est en ordre de marche, et je trouve que c'est fabuleux, voilà, ce n'était
00:05:29pas du tout évident, ça pouvait faire exploser effectivement la gauche, ce qui s'est passé,
00:05:34Macron pariait sur ça, donc rien que le fait d'avoir déjoué le pronostic de l'IA,
00:05:40Macron est un bonheur en soi, et je crois qu'on s'en bat beaucoup sur le Front National,
00:05:46il faut rappeler que c'est une des européennes, ils ont toujours été favorisés sur les
00:05:49européennes, il faut rappeler que tous les anti-européens qui veulent vraiment peser
00:05:54contre l'Europe, bah vote Front National, même si ils ne sont pas complètement FN,
00:05:58donc c'est vraiment une élection qui les favorise, et ça ne signifie pas qu'ils
00:06:03sont à 31%, et ensuite il y a l'implantation locale, ça reste des législatives, donc
00:06:07ça reste des combats locaux avec une implantation dans la ville, ou dans les communes attenantes,
00:06:16et là je trouve que la gauche elle est quand même bien ancrée, bien placée, etc.
00:06:20Donc, j'ai confiance, je pense qu'on sera devant, voilà, et qu'on aura un premier
00:06:25ministre qui viendra de l'autre camp, donc moi je suis tout joyeux en fait depuis trois
00:06:30jours parce que j'ai l'impression que sur une espèce de catastrophe, c'est-à-dire
00:06:34d'un coup de poker complètement absurde, ridicule de Macron et complètement égocentré
00:06:39à mon sens, complètement narcissique même, on va en faire de l'or, voilà, donc je vous
00:06:45donne, après vous pouvez venir me revoir le 7 juillet et puis, et m'insulter si on perd.
00:06:52Voilà, malgré tout, ce qui m'inquiète un tout petit peu, c'est le LR qui quand même,
00:06:55avec Cioti, apparemment ils ont quand même 70 circonscriptions, que ça rajoute un peu
00:07:00au RN, mais je pense que, je sais pas, mon argument c'est que ceux qui se rallient au
00:07:06RN, c'est ceux qui sont le moins sûrs de passer, qui n'ont pas un ancrage local suffisamment
00:07:10puissant et qui du coup se disent que sous l'étiquette RN ils vont passer, donc c'est
00:07:15plutôt ceux qui sont un peu à la ramasse, voilà, donc je suis confiant.
00:07:19Puisque tu parles d'ancrage local, comment c'est chez toi ?
00:07:22Ah bah moi j'ai, alors sur les députés, on a un gars qui est génial qui s'appelle
00:07:26Léo Walter, qui est à l'EFI, qui a battu, là il faut quand même le dire, c'est la
00:07:30grande fierté du coin, il a battu Castaner, quand même, cet enfoiré de Castaner, qui
00:07:37était, voilà, qui a été le premier à éborgner, à mutiler, etc. avec sa police,
00:07:43donc on était très contents que ça passe, et ce gars-là est très bien, c'est un ancien
00:07:46instite, il est venu nous voir d'ailleurs dans la Zest, et je l'ai trouvé très, voilà,
00:07:51très simple, très direct, et voilà.
00:07:53Et on parle beaucoup des questions, je sais pas si c'est de mépris réciproque, ou enfin
00:08:00de difficultés, je sais pas, pour dire globalement être ensemble, c'est-à-dire vous, vous êtes
00:08:05des urbains qui venez créer une sorte de lieu comme ça, un peu alternatif, avec des
00:08:09gens cools, qui font des trucs cools, vous avez de l'argent, etc. et vous êtes dans
00:08:14un endroit où c'est plus difficile, comment vous êtes regardé, comment ça fonctionne,
00:08:20je veux dire, tu vois, les liens avec les gens qui sont là ?
00:08:22En fait, on n'est pas vraiment des urbains, puisque Gentil élevait des chevaux déjà
00:08:28depuis longtemps en Suisse, Yves et Lucie, les maraîchers, ils habitaient dans les Hautes-Alpes,
00:08:33donc ils étaient déjà à Chorges, vers les Écrins, moi je me considère pas vraiment
00:08:39urbain, parce que j'ai vécu 4 ans dans le Vercors, puis 3 ans en Corse, puis bon après
00:08:44au bout de Marseille, mais quasiment sur les Calanques, donc je ne suis pas un urbain
00:08:48pur jus du tout, en tout cas je ne me reconnais pas du tout là-dedans, et puis surtout le
00:08:53lien a été fait très vite avec le village, parce qu'on a embauché des gens qui étaient
00:08:58du coin, on a embauché la cuisinière Maggie qui est depuis 35 ans dans le village, Gentil
00:09:02connaissait le lieu depuis 10 ans, les maraîchers ont fait un gros lien, c'était hyper important
00:09:06de ne pas être parachuté, voilà, de ne pas être parachuté sur le lieu, de ne pas arriver,
00:09:09de se poser en expliquant aux gens les choses, donc on a fait tout de suite le lien aussi
00:09:12avec les paysans, puisqu'on a 50 hectares, et on a donc un éleveur bovin, on a un éleveur
00:09:18de brebis, et puis on a un éleveur de chevaux aussi, on leur a laissé la possibilité de
00:09:22rester sur le terrain.
00:09:23Est-ce que vous les intéressez, les gens du coin ?
00:09:24Ah ouais, ouais, ouais, ouais, on les intéresse déjà parce qu'on fait des soirées, une
00:09:29soirée pizza et des soirées bière, et des soirées avec des spectacles, donc ils viennent
00:09:33aussi pour ça quoi, et puis on les intéresse tout bêtement, parce que concrètement si
00:09:37t'as pas des terrains pour faire pèter tes vaches, t'es emmerdé, donc il y a ces
00:09:43intérêts qui sont, voilà, des intérêts, mais ça crée le lien, c'est aussi comme
00:09:49ça que tu crées le lien.
00:09:50Et toi, ils vous intéressent, vous ?
00:09:52Ah bah oui, oui, oui, bien sûr, à fond, après ils viennent ici, ils ont 30 ans, 37
00:09:58ans, donc ils vont bientôt faire des gosses, là-bas il y a beaucoup de couples qui ont
00:10:02cet âge-là, il y a beaucoup d'enfants, ils vont réouvrir l'école, mais on a de
00:10:05la chance, c'est un lieu où c'est beaucoup des fils d'agriculteurs et des filles d'agriculteurs
00:10:10qui étaient partis à la ville pendant, j'ai envie de dire, toutes leurs études et un
00:10:14peu après, et qui sont revenus vers la trentaine, parce que tu vis quand même très très bien
00:10:18là-bas, et du coup ils ont cette ouverture, ils se sentent pas désenracinés, natifs,
00:10:25donc ça change des choses.
00:10:26Dans le Vercors, c'était pas comme ça, dans le Vercors il y avait vraiment le côté
00:10:30néo-ruraux versus natifs, et grosses tensions, chasse, écologie, grosses tensions, du coup
00:10:37très souvent liées, FN, gauche, donc c'était plus compliqué, mais là on a un lieu qui
00:10:42est...
00:10:43Donc c'est intéressant aussi de voir ça, c'est que t'as des zones rurales qui sont
00:10:45beaucoup plus fluides, beaucoup plus ouvertes, où il y a beaucoup plus de brassages, pourtant
00:10:49on est à Cisteron, c'est quand même assez loin, et on est à 20 kilomètres de Cisteron,
00:10:53tu l'as vu, c'est quand même de la pure montagne, mais voilà, c'est fluide, c'est
00:10:58assez fluide.
00:10:59C'est une chance, ouais.
00:11:00Évidemment, tous, on essaie de comprendre ce qui se passe, pourquoi la France vote
00:11:05autant RN, qu'est-ce qui meut ce vote-là, et en fait ce qui est assez étonnant, c'est
00:11:10que dans le voyage que t'as fait dans la Silicon Valley, dans ce que t'as lu, dans
00:11:14tes réflexions, etc., on pourrait presque trouver, alors évidemment pas l'ensemble
00:11:17des explications, mais des traits communs, et notamment autour de quelque chose que
00:11:23tu racontes sur le fait que les technologies contemporaines, c'est ce que tu remarques,
00:11:29c'est ce que t'analyses, se reposent sur l'idée d'une protection.
00:11:33C'est ce que t'appelles le technococon, avec ça, c'est ajouté à ça, c'est ajouté
00:11:39la multiplication des frontières dans notre espace numérique, et tout ça animé par
00:11:45une volonté d'immunité, alors qu'il a été en plus augmenté par le confinement,
00:11:49etc.
00:11:50Donc j'aimerais savoir quels liens tu pourrais tisser, alors c'est pas des liens automatiques
00:11:53évidemment, il y a de mille autres raisons, mais comment tu vois des liens possibles entre
00:11:59une volonté de protection qui peut se manifester dans ce vote-là, dans ces inquiétudes-là,
00:12:03et par ailleurs, nos usages numériques qui sont maintenant bien ancrés ?
00:12:08Ouais, alors, bon, avant de parler de tout ça, juste rappeler que moi je suis auteur
00:12:12de science-fiction, donc je lis beaucoup effectivement de sociologie, de philo, d'anthropologie,
00:12:18et j'ai une approche politique, mais tout ce que je vais dire, ça vient d'un bâtard
00:12:23de la science-fiction, d'un bâtard d'écrivain qui se fait sa sauce, quoi, son composte,
00:12:30donc voilà, prenez pas ce que je vais dire pour une espèce d'opinion ultra ancrée
00:12:36et rédifférenciée.
00:12:37Pourquoi tu dis bâtard ? Bâtard ça veut dire quoi ?
00:12:38Bâtard, c'est-à-dire que j'ai des bouts de tout, voilà, je suis hybridé philo, hybridé
00:12:43socio, hybridé anthropo, hybridé psycho, hybridé roman, narration, etc., hybridé
00:12:49politique, c'est-à-dire que c'est des petits bouts de chaque chose, et moi je le dis, c'est-à-dire
00:12:52que le champ est tellement impossible à couvrir aujourd'hui, si tu veux dire, si tu veux exprimer
00:12:57une opinion sociologique fondée, t'imagines le boulot de couverture de tout ce qui a été
00:13:02écrit en socio que tu dois faire, si tu veux exprimer en philosophie, c'est peut-être
00:13:06le domaine où je suis le moins ridicule, parce que c'est quand même un champ que
00:13:10j'ai beaucoup lu et que je continue à lire les philosophes contemporains très attentivement,
00:13:14tu y arrives pas, le gars il va te sortir Hegel, il va te sortir Fichte, il va te sortir
00:13:21des noms que tu connais même pas, et il va revenir sur Spinoza, puis repasser sur
00:13:26Bergson, etc., etc., bon voilà, moi j'ai mon champ qui est plutôt Deleuze-Foucault,
00:13:31un peu de Bergson, beaucoup de Nietzsche, des choses comme ça, mais je vais pas, voilà,
00:13:36mais cette bâtardise elle est importante, c'est quelque chose que je trouve important
00:13:39de dire, c'est qu'on s'interdit aujourd'hui dans les paroles publiques et dans les paroles
00:13:44universitaires et dans les paroles spécifiques, par exemple un sociologue il va s'interdire
00:13:49d'émettre une opinion philosophique, ou un philosophe il va s'interdire de parler
00:13:52comme anthropologue, il va dire là je suis hors de mon champ de compétences, je suis
00:13:55hors de mon couloir de nage, je suis hors de mon silo, etc., moi je crois qu'on a besoin
00:13:59de ces pensées transversales et c'est peut-être la chance qu'on a nous écrivains, c'est
00:14:03qu'on peut se permettre d'explorer le champ transversalement et de dire des choses
00:14:07qui un peu relient ces secteurs et assumer que parfois c'est des intuitions, c'est
00:14:12des hypothèses, c'est des intuitions, mais les intuitions c'est extraordinairement
00:14:15important, voilà, parce que je pense que si on a une qualité en tant qu'écrivain
00:14:17c'est qu'on sent des choses sortir, émerger, se déployer, et il ne faut pas hésiter
00:14:21à le dire, après moi je considère les gens suffisamment intelligents pour faire leur
00:14:24tri pour dire voilà, Damasio il part en vrille, c'est n'importe quoi, là il dit tiens
00:14:28il a pointé un truc qui peut être peut-être intéressant, en tout cas que ça vous pousse
00:14:30à… voilà, mais ça c'est important.
00:14:32Donc là j'ai une hypothèse, c'est une intuition qui est très bizarre, qui peut
00:14:35paraître bizarre au premier abord, c'est que je me posais la question au départ sur
00:14:40les migrants, ça a été ça la source de ma réflexion en me disant mais comment ça
00:14:43se fait que l'imaginaire des migrants en une vingtaine d'années est devenu aussi
00:14:48anxiogène.
00:14:49Quand tu regardes pour le coup les chiffres, quand tu regardes les flux migratoires, etc.,
00:14:53ils restent relativement modestes, même très modestes, il n'y a absolument pas de vagues
00:14:57migratoires, il n'y a absolument pas de dangers éminents, et pourtant c'est déployer
00:15:01un imaginaire complètement panique de l'invasion ou de la vague avec des mots « tsunami migratoire
00:15:07», « submersion migratoire », il faut écouter Bardella, enfin tout ce vocabulaire
00:15:11est convoqué, et tu regardes simplement les chiffres, tu te dis mais what the fuck,
00:15:15qu'est-ce qu'ils me racontent ? Donc c'est totalement fantasmatique, c'est absolument
00:15:19pas corrélé au réel, et pourtant ça marche, et pourtant ça tape, et je me suis dit mais
00:15:23pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe pour que cette espèce de mythe un peu débile ou fantasmatique
00:15:28fonctionne aussi bien ? Et une des hypothèses que j'ai, c'est que l'arrivée du numérique
00:15:32a renforcé les mécanismes immunitaires, les mécanismes de protection et les mécanismes
00:15:37sécuritaires, c'est-à-dire qu'en réalité ce qui nous expose c'est toujours notre corps,
00:15:41si le corps il est protégé, s'il est désincarné, si les choses sont dématérialisées, si
00:15:47on est chez nous, pour être simple, dans nos chambres ou un autre bureau, à s'envoyer
00:15:51des messages, à aller sur Facebook, Insta, aller dans nos communautés affines, à envoyer
00:15:56un clash sur Twitter mais sans prendre aucun risque, parce qu'il n'y a rien de plus
00:15:59facile que de taper un message et de l'envoyer, et t'es pas menacé, t'es pas exposé,
00:16:04si t'es dans un monde comme ça, tu continues à renforcer le techno-cocon, c'est-à-dire
00:16:09cette espèce de cocon numérique dans lequel on est, qui nous choix, qui nous cajole, qui
00:16:13nous protège, qui nous filtre le monde, et dans lequel on est en réalité pas mis en
00:16:19danger.
00:16:20Et du coup, il y a cette boucle de renforcement, je trouve, qui se met en place, et qui fait
00:16:26que plus elle est intense, plus on a peur de tout, plus on se sent menacé par tout,
00:16:31plus les fantasmes d'agression, les fantasmes d'insécurité, les sentiments d'insécurité,
00:16:36etc. se déploient, alors que tous les chiffres pareils disent qu'il y a beaucoup moins d'agressions
00:16:41qu'au XIXe siècle, il y a beaucoup moins de meurtres, il y a beaucoup moins de blessés
00:16:43dans les rues, il y a beaucoup moins de violences, et ça c'est validé par tous les sociologues
00:16:47de la violence, vous pouvez lire des bouquins là-dessus, c'est extrêmement clair.
00:16:50Donc on n'a jamais été une société en réalité aussi pacifiée, malgré tout ce
00:16:54qu'on nous raconte, et dans cette société qui n'a jamais été aussi pacifiée, on
00:16:57n'a jamais eu autant la trouille et autant eu de sentiments d'insécurité qu'aujourd'hui.
00:17:02Et moi je fais le lien avec le numérique là-dessus, et en fait j'ai l'impression
00:17:06qu'on est passé d'une société sécuritaire à une société immunitaire, et le Covid
00:17:12a été exemplaire là-dessus, c'est-à-dire qu'il a révélé que l'apparition d'un
00:17:15virus vivant qui fait un certain nombre de morts engendrait une réaction panique dans
00:17:19nos sociétés, totalement panique, excessive, dingue, liberticide, ayant flingué toute
00:17:24une génération de jeunes, parce que ça on le dit pas assez, mais le nombre de dépressions
00:17:27que ça a fait chez les jeunes, le nombre de jeunes que ça a pété, tout ça pour
00:17:30sauver évidemment des vies, mais souvent des vies au-dessus de 70 ou 80 ans, tu fais
00:17:37que c'est intéressant sur la vitalité, qu'est-ce qu'on considère, bon bref, je
00:17:40veux pas en faire le Covid parce que ça va encore créer énormément de tensions, etc.,
00:17:44et puis moi j'ai une approche assez Nietzschienne du Covid, c'est-à-dire que ce qui m'intéresse
00:17:47c'est la vitalité profonde des choses, c'est pas la quantité de vie que quelqu'un
00:17:51va pouvoir déployer, c'est la qualité des vies qu'on mène, voilà.
00:17:57Et cette qualité des vies qu'on mène je trouve qu'on l'a absolument pas tenu compte
00:18:00sur le Covid, on s'est contenté de regarder l'espérance de vie et la quantité de vie
00:18:04qu'on pouvait, voilà.
00:18:05Mais tout ça pour dire que le numérique, pour moi, il a cette faculté à conjurer
00:18:10le lien, voilà, à conjurer les relations, et à essayer d'éviter de conjurer toute
00:18:16altérité dangereuse, menaçante, etc.
00:18:19Donc moi c'est ma principale technocritique en réalité quand je regarde, c'est-à-dire
00:18:23que je considère que la technologie c'est l'empire de l'île antique, c'est l'empire
00:18:27du même, c'est l'empire de la réduplication des choses, c'est l'empire du coup de l'identité,
00:18:31tu vois, et de la répétition identitaire, et c'est pas du tout, contrairement à ce
00:18:36qu'on dit souvent, une interface ou une médiation vers l'autre, vers l'altérité, vers la
00:18:39confrontation avec l'autre, avec tout ce que l'autre a de dérangeant.
00:18:42Et à mon avis c'est à cause du fait qu'effectivement le corps est plus mis en jeu, puisque quand
00:18:49vous êtes médié par une interface, quand vous faites une visio, le corps sent pas face
00:18:53à face, vous sentez pas l'odeur, la présence, le toucher, etc, et vous êtes dans une dynamique
00:18:58de protection qui est assez forte.
00:19:00Donc voilà, et je pense que tout ça, alors je finis là-dessus, je finis mon mouvement,
00:19:03mais tout ça a favorisé l'extrême droite, tout ça fait que l'extrême droite est ultra
00:19:08présente sur les réseaux, parce que l'extrême droite adore les trucs réactifs, adore les
00:19:13clashs à distance, adore montrer les muscles, mais sans prendre aussi aucun risque, tu vois,
00:19:20et que ça favorise énormément ces mouvements-là.
00:19:22Je pense que structurellement, presque, ontologiquement, les réseaux sont favorables à la droite
00:19:26et à l'extrême droite, et ça c'est très important de le mesurer.
00:19:29Et c'est pas favorable à la gauche, parce que la gauche c'est le lien, la gauche c'est
00:19:33la solidarité, la gauche c'est le côté plus fusionnel, chaleureux, généreux, etc.
00:19:38Et ces valeurs-là, si les corps sont pas en jeu, tu peux pas les déployer.
00:19:41Après c'est qu'une intuition, vous pouvez vraiment critiquer ça.
00:19:44Et ça, avec les technos, il y a toujours un problème qui est de savoir si la technologie
00:19:48est neutre, et c'est l'usage qu'on en fait qui détermine les effets qu'elle peut avoir,
00:19:52ou est-ce que c'est inscrit dans la technologie en elle-même.
00:19:54Pour moi c'est inscrit.
00:19:56Alors pourquoi c'est inscrit dans la technologie en soi ?
00:19:58Parce que, c'est-à-dire que, vraiment moi je me barre énormément, et dans le livre
00:20:02je fais un passage vraiment là-dessus en disant, il n'y a pas d'idée plus stupide
00:20:05ou plus condamnable que de dire la technologie est neutre, voilà, elle est absolument pas
00:20:08neutre, ni évidemment dans ses financements amont, parce que toute technologie qui existe
00:20:12est d'abord financée en amont par des états, par des gouvernements, par des multinationales
00:20:17qui visent un objectif particulier, par exemple quand c'est financé par le capitalisme,
00:20:20ça veut dire qu'il faut que ça fasse le maximum de fric, donc s'il n'y a pas de marché
00:20:25favorable, par exemple, je vous donne un exemple, la première chose qu'on devrait faire
00:20:29aujourd'hui, c'est faire une éducation en numérique, voilà, on devrait avoir des associations,
00:20:33même des entreprises, et l'éducation nationale devrait nous éduquer
00:20:38au numérique, comme on fait de l'éducation civique, ça devrait être une matière aussi
00:20:41importante pour moi que les maths et le français, mais on y reviendra.
00:20:44Aucune multinationale ne finance ça, d'accord ?
00:20:48Les GAFAM ne financent pas l'éducation en numérique, ou de façon exceptionnelle,
00:20:52sur un laboratoire, etc.
00:20:54Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de marché là-dessus, rendre les citoyens, les libérer
00:20:59de l'addiction numérique, les libérer de l'auto-aliénation numérique, évidemment ça
00:21:03ne les intéresse pas, et puis c'est pas un marché, libérer les gens, voilà, ça n'apporte
00:21:07pas d'argent de libérer les gens, donc ça n'existe pas, tu vois, c'est des choses qui
00:21:10sont... Donc il n'y a pas de neutralité de la technologie déjà en amont sur les
00:21:14finances. Après, le truc le plus important, c'est que toute technologie amène un rapport
00:21:18au monde, elle construit un rapport au monde et ce rapport, il est structurel.
00:21:21Si vous considérez que, par exemple, communiquer avec les gens, échanger avec les
00:21:26gens doit passer par une interface, donc une visio, des messages,
00:21:31des smartphones, des écrans, etc.
00:21:33Si vous communiquez à distance avec les gens et dans la distanciation sociale et que vous
00:21:37passez par une machine ou du numérique pour faire ça, c'est déjà un rapport au monde.
00:21:41C'est un rapport au monde où on considère que le corps n'est pas important, qu'il est
00:21:44secondaire. Que le corps soit là pour échanger, c'est secondaire.
00:21:48C'est pas grave. Une visio pour plein de gens, ça vaut aussi bien que de se voir dans une
00:21:53salle de réunion, dans un café à discuter.
00:21:55Pour moi, c'est fondamentalement et radicalement différent et on pourrait l'expliquer
00:21:59pourquoi, mais la grosse différence, c'est que le corps n'est pas là.
00:22:03Donc structurellement, ce monde là, les métavères, par exemple de Zuckerberg, les
00:22:07métavères où il dit on va aller dans une salle de concert et vivre un concert avec le
00:22:13casque virtuel dans notre chambre, on aura le son spatialisé du concert, on aura les
00:22:17basses exactement restituées, on aura l'image en 4K, etc.
00:22:21Et de dire. C'est super de vivre ça comme ça et on peut même se retrouver dans le
00:22:26métavère à regarder le concert de Taylor Swift ensemble dans le métavère.
00:22:30On comprend bien que la conception du monde que ça implique et du corps que ça implique,
00:22:35elle est structurellement désincarnée.
00:22:38Donc, rien n'est jamais neutre.
00:22:41C'est comme le smartphone, c'est un monde où on est en permanence géolocalisé.
00:22:44Ça n'a rien de neutre d'être en permanence géolocalisé.
00:22:48Et tout simplement à cause de la triangulation.
00:22:51Donc, ça change absolument tout notre rapport au monde.
00:22:53Moi, je n'ai pas de smartphone, mais je suis dans un monde où le smartphone, c'est 98%
00:22:57de la population. Donc, de toute façon, je suis dans un monde où même ne pas avoir
00:23:02l'usage du smartphone est de toute façon inscrit dans un monde de la joignabilité
00:23:06considérée comme naturelle.
00:23:09Donc, le rapport au monde, il a été complètement modifié.
00:23:13Donc, il n'y a aucune neutralité là-dedans, même si tu n'utilises pas le smartphone.
00:23:16Ce qui est marrant, c'est quand on t'écoute comme ça, on se dit qu'il est affreusement
00:23:21critique, à la limite de la technophobie, etc.
00:23:25Ce qui est assez marrant dans ton voyage dans la Silicon Valley, c'est que tu croises
00:23:29des gens, tu discutes avec eux, des gens qui parfois ont des pratiques vraiment absurdes.
00:23:34Je pense à Alain, par exemple, qui se moniteure complètement.
00:23:37Tout, il moniteure son ton de glucose, son temps de sommeil.
00:23:40Et toi, tu es là, tu fais ouah, c'est trop marrant.
00:23:45Alors, ma question, si tu veux, c'est comment se combine l'espèce d'enthousiasme que
00:23:50tu peux avoir ? Je ne sais pas si c'est un enthousiasme total ou c'est parce que ça
00:23:54te fait réfléchir, tu vois. Et par ailleurs, cette critique, comment ça marche les deux
00:23:58ensemble ?
00:23:59Moi, quand je suis allé à la Silicon Valley, il y avait vraiment cette envie-là.
00:24:01Je me suis dit, si j'y vais, c'est vraiment pour ouvrir les chakras, quoi.
00:24:04C'est-à-dire, si j'arrive avec ma position d'humanisme français, d'un télo humanisme
00:24:10français technophobe, ça n'a aucun intérêt.
00:24:14Si c'est pour appliquer un cri préexistant sur des choses que j'ai déjà pensées, ça
00:24:19ne m'intéressait pas. Donc, je suis vraiment parti en me disant, je vais essayer de penser
00:24:23contre moi-même, voilà. Mais en fait, contre soi-même, ça ne veut rien dire.
00:24:26Moi, j'aime bien penser à côté de moi-même ou au-dessus de moi-même ou en dessous de
00:24:30moi-même ou à l'oblique ou à l'équerre de moi-même.
00:24:32C'est-à-dire que tu essaies de te faire bousculer par ce que tu vois.
00:24:36Et ça a été très fort là-dessus, parce que déjà, quand tu arrives aux Etats-Unis,
00:24:40tu as ce truc qui est complètement à l'envers.
00:24:42Nous, on a ce côté, surtout à gauche en France, un peu, comme je l'ai dit, un peu
00:24:46battu, un peu défaitiste, un peu avoir le monde.
00:24:49On voit que l'effondrement, on voit que les choses négatives, on voit que la victoire
00:24:54indestructible de l'ultralibéralisme, la privatisation de tout, l'effondrement des
00:24:58communs, l'effondrement de la planète.
00:25:00Enfin, on est dans une espèce d'atmosphère comme ça, qui est très, très mélancolique
00:25:04et très, très noire.
00:25:06Et quand tu arrives là-bas, eux, d'abord, ils considèrent qu'ils sont au centre du
00:25:09monde. Allez dire à un Français qu'il est au centre du monde, il rigole.
00:25:11Mais eux, là-bas, ils se croient au centre du monde et ils le sont d'une certaine façon,
00:25:15parce que tous les outils que vous utilisez tous les jours viennent de là-bas.
00:25:18Effectivement, ils fabriquent ce monde qui vient.
00:25:21Mais surtout, ils sont dans l'enthousiasme.
00:25:22C'est un monde de start-upers, c'est un monde de gens qui montent des boîtes sans
00:25:25arrêt. Il y a 98% d'échecs dans la Silicon Valley, il y a seulement 2% des projets qui
00:25:29aboutissent. Mais là-bas, ce n'est absolument pas un problème.
00:25:33Ils adorent. Échouer, c'est un signe de, presque de gloire, parce que ça veut dire que
00:25:38tu as essayé des choses, tu as tenté.
00:25:39Et puis, au bout du cinquième projet, ils réussissent un truc et tout va bien.
00:25:42Donc, il y a cette énergie. Il y a une très grande énergie, un très grand dynamisme,
00:25:45il y a une très grande vitalité.
00:25:46Moi, je suis toujours sensible à l'énergie et c'est quelque chose qui me touche.
00:25:49Et du coup, j'étais très content là-bas de vivre ça et de voir.
00:25:53Et voilà, je suis tombé, par exemple, sur ce Grégory Renard, qui était quelqu'un qui
00:25:58travaille sur les machines de langage, sur les chatbots, qui est à très haut niveau,
00:26:01donc, sur ces IA et qui m'a montré l'artisanat de ce travail-là.
00:26:07Donc, c'était fabuleux.
00:26:09Il m'a montré comment ça fonctionne, comment lui, il s'en sert.
00:26:13Donc, lui, il fait ses revues de presse chaque matin avec des IA, il a une espèce de
00:26:17board of IA comme ça, il a un groupement d'IA et il travaille avec ces IA pour
00:26:22générer les revues de presse dont il a besoin, les sujets dont il a besoin.
00:26:25Il sous-traite énormément de choses à ces IA et surtout, il travaille sur les
00:26:30robots de conversation, sur ces fameux chatbots.
00:26:33Et il m'a fait comprendre plein de choses, notamment, il m'a fait comprendre que
00:26:38moi, j'étais encore, c'était marrant, j'étais encore comme Elon Musk, vous savez,
00:26:42quand il fait Neuralink, où il se dit je vais coupler des câbles informatiques,
00:26:47du silicium à du carbone, aux neurones et aux synapses humaines et je vais créer
00:26:51des interactions cerveau-machine à partir de ça, je vais faire des cyborgs à partir
00:26:56de ça. Ce qui est complètement stupide, parce que d'abord, ça ne marche pas et
00:26:58puis il y aura des effets secondaires destructifs.
00:27:01Et lui, il m'a dit mais en fait, la meilleure façon de communiquer avec une
00:27:06machine, c'est de se servir du langage.
00:27:09Tu vois ? Et je n'avais jamais posé les choses comme ça dans ma tête.
00:27:13Je m'étais dit mais ouais, en fait, c'est des machines de langage.
00:27:17On dialogue avec elles, on converse avec elles et le médium, l'interface qu'on a
00:27:21choisi pour communiquer avec elles, c'est le langage.
00:27:24Et pour nous, c'est tellement évident, c'est tellement naturel que c'est génial.
00:27:28Et en fait, on a une espèce d'immense bibliothèque de Babylone qui est synthétisée,
00:27:32qui est mal axée, qui est catalysée par ces machines de langage en permanence
00:27:38et ça nous permet des échanges avec elles.
00:27:40Et ça, j'ai trouvé ça génial que de se dire que le langage, forcément, on va y
00:27:43projeter plein de choses, nous, parce qu'on va interpréter et l'interprétation,
00:27:47c'est du jeu, c'est du jeu.
00:27:49Et donc, ce que Chad JPT nous dit, on l'interprète, on le renvoie, elle nous
00:27:54apprend des choses, on lui apprend des choses, etc.
00:27:57Et on est dans un rapport langagier et que c'est le vecteur.
00:28:00Et lui, il m'a vraiment fait comprendre ça.
00:28:01Je n'avais pas vu, c'est très con, mais je n'avais pas vu.
00:28:04Justement, c'est très con, c'est très con et surtout, c'est très étonnant.
00:28:07Tu vois, quand même, tu es écrivain de SF, donc tu passes ton temps à essayer,
00:28:13à sentir des signaux faibles, tu vois, et à en faire des matrices fictionnelles,
00:28:16à imaginer des univers qui sont déploiements de ces signaux faibles.
00:28:20Et tu n'as pas vu ça ?
00:28:22Ouais, je n'ai pas vu ça.
00:28:25Non, mais ce qui est fabuleux, c'est que je n'ai pas compris que le fait que
00:28:29l'interfaçage soit par le langage naturel, ça ouvrait des possibilités
00:28:33infinies et ça allait nous donner du jeu.
00:28:35Et ça, la notion de jeu, elle est extrêmement importante parce que s'il y a
00:28:38du jeu, c'est qu'il y a une liberté par rapport à l'outil.
00:28:41Et cette liberté, elle permet vraiment des échanges qui sont riches.
00:28:46Et le fait qu'on puisse apprendre à l'IA et qu'elle puisse nous apprendre
00:28:49et que c'est réciproque, il y a quelque chose de très nouveau.
00:28:53Il y a quelque chose de très nouveau qui est que pendant très longtemps,
00:28:56c'était dialectique maître esclave, en fait.
00:28:59On était le maître de la machine et on faisait faire à la machine,
00:29:02à l'appli, au logiciel, ce qu'on avait envie de lui faire faire.
00:29:05Et on était dans ce truc-là.
00:29:06Et les moments où on sentait que l'appli ou le logiciel nous obligeait
00:29:10à faire quelque chose, qu'on devenait esclaves du truc,
00:29:12on disait non, ça, c'est pas bon, il faut contrôler l'outil.
00:29:14C'est pas l'outil de nous contrôler, etc.
00:29:16Et je pense que cette espèce de crible assez binaire, assez manichéen,
00:29:20il a explosé avec l'IA parce que on est dans un rapport qui est un rapport
00:29:24de danse, qui est un rapport d'échange effectivement authentique,
00:29:29qui est un rapport qui peut être assez intime, qui est un rapport de création.
00:29:34Et beaucoup de choses sont possibles, voilà.
00:29:35Et donc, on a fait des créations numériques,
00:29:37mais ces créations sont vraiment devenues des créatures.
00:29:39Là, on peut le dire.
00:29:40Et on a beau savoir que ce sont des simulations de langage,
00:29:43on a beau savoir que c'est une immense machinerie de calcul derrière,
00:29:47ça réagit comme un être humain réagirait.
00:29:50Et ça nous oblige à mettre en marche notre animisme naturel.
00:29:54Et je crois qu'il ne faut pas lutter contre ça.
00:29:56On est des êtres, déjà, quand on est enfant, on a des doudous,
00:29:59on les croit animés, on discute avec eux, on les fait parler,
00:30:02on les fait jouer, etc.
00:30:04Et en face d'une IA,
00:30:06on sait très bien que tout est simulé, que c'est très bien simulé.
00:30:09Maintenant, ils peuvent simuler la voix, le visage,
00:30:11ils peuvent simuler le langage, la conversation,
00:30:13c'est très bien écrit et tout.
00:30:14Et tu as beau savoir que c'est simulé, très vite, tu vas couper ce truc-là,
00:30:19tu vas arrêter de te dire OK, c'est simulé et tu rentres dans un rapport.
00:30:22Voilà. Et au même titre que tu as des rapports avec les animaux,
00:30:24que tu as des rapports avec ton chat, que tu as des rapports...
00:30:27Et il faut accepter ça.
00:30:28Et ça veut dire que ces relations avec l'IA,
00:30:30elles vont être aussi complexes que les relations qu'on a avec
00:30:33avec les autres êtres humains et qu'il faut l'accepter.
00:30:36Ça va créer plein de perversions.
00:30:37Ça va créer plein de boucles narcissiques perverties
00:30:41parce qu'elles sont construites pour être bienveillantes envers nous, ces IA.
00:30:44Et donc, ça va être extrêmement vicieux, la façon dont on va s'attacher à elles.
00:30:49C'était génial, il y a eu le chatbot chinois comme ça.
00:30:52Il y a eu 25% des Chinois qui ont déjà déclaré leur flamme, leur amour à leur IA.
00:30:57Mais pourquoi ? Parce que c'est une présence qui est là en permanence,
00:31:00qui t'écoute tout le temps, qui finit par connaître toutes tes traces,
00:31:03tous tes comportements, tous tes goûts, etc.
00:31:05Parce qu'elle les ore pas, elle les data mine et tout.
00:31:07Donc, elle n'en sait plus que ta mère sur toi,
00:31:10elle n'en sait plus que ton frère, que ta copine, etc.
00:31:13Du coup, t'as un rapport qui est très intense,
00:31:15qui devient très intense, effectivement, et qui débouche sur...
00:31:18Mais ça montre aussi le degré de misère affective
00:31:21dans lequel vivent les Chinois et sans doute nous aussi, quoi.
00:31:23Mais voilà, donc on parlera de l'IA personnalisée,
00:31:26parce que c'est un sujet extrêmement important.
00:31:27Moi, je crois que c'est une masse de perversions colossales
00:31:29que ça va générer sur notre psychologie.
00:31:32Mais malgré tout, je pense qu'on doit garder en tête
00:31:35la positivité d'un rapport qui est responsif,
00:31:38comme on dit aujourd'hui,
00:31:40c'est-à-dire d'un rapport qui peut être ouvert et intéressant.
00:31:43Est-ce que du coup, ça nous oblige...
00:31:44Ah oui, donc Alain, il dit toujours qu'on en reparlera,
00:31:46parce qu'il y aura des questions qui seront évidemment ouvertes,
00:31:48donc vous pouvez fourbir vos questions.
00:31:51C'est fondamental, quoi.
00:31:52Pour moi, c'est la troisième grande révolution.
00:31:54On a eu l'arrivée des réseaux, c'est-à-dire le fait que partout où on était,
00:31:57on pouvait se connecter au réseau, ce qui faisait de chaque point de l'espace
00:32:02un point de connexion à cet espèce de non-lieu de communication,
00:32:06comme dit Benastaya, qui est le réseau.
00:32:07Et puis après, il y a le smartphone, qui est pour moi l'objet nomade totalitaire
00:32:10au sens où il totalise absolument toutes nos vies désormais,
00:32:14toutes nos photos, toutes nos vidéos, tous nos messages,
00:32:17tous nos rapports amoureux, tous nos espoirs,
00:32:19toutes nos facultés de travail, notre agenda, etc.
00:32:22Ce tir rectangle de 5 centimètres par 10, c'est devenu...
00:32:25Voilà, moi, j'appelle ça l'objet nomade totalitaire.
00:32:27Ça a complètement révolutionné et rebouté, pour moi, même jeudi.
00:32:32Ça m'avait choqué, mais je me souviens, mais ça a rebouté l'éthologie de sapiens,
00:32:35c'est-à-dire qu'on est un sapiens différent à cause, aujourd'hui, du smartphone.
00:32:39Et le troisième, c'est l'IA.
00:32:40L'IA, ça va être une énorme déflagration dans le monde du travail.
00:32:44On va perdre énormément d'emplois,
00:32:45mais surtout, ça va être une déflagration dans nos rapports
00:32:49au monde parce qu'on passera par une IA personnalisée, à mon sens,
00:32:53pour accéder au monde et que cette IA deviendra le premier interlocuteur de nos vies.
00:32:58Et là, ça va changer beaucoup de choses.
00:32:59Ça va être extrêmement dangereux psychologiquement.
00:33:03Mais je pense qu'il faut avoir conscience de ça, se préparer,
00:33:05parce que ça va être ouf.
00:33:07Qu'est-ce que ça nous invite à repenser, si tu veux, dans notre place,
00:33:11dans la création, si on utilise un mot...
00:33:15Ouais, tu vois, il y a les animaux, d'un côté,
00:33:18dont on s'aperçoit de plus en plus qu'ils sont intelligents, ils créent,
00:33:21ils souffrent, voilà tout ce que l'éthologie contemporaine nous apprend.
00:33:25De l'autre côté, on a les IA.
00:33:28Alors, par animisme, on va investir, peut-être même d'une conscience,
00:33:33même si on sait qu'elle est simulée, etc.
00:33:34Mais enfin, voilà, qu'est-ce qui nous reste, nous, comme singularité ?
00:33:38Il ne reste plus grand-chose, c'est ça.
00:33:41Ça te fait marrer ?
00:33:42Ouais, non, ça me fait rire parce que moi, je considère,
00:33:46et c'est pour ça que la science-fiction, moi, je considère, est le genre...
00:33:49On est, pour moi, dans un âge d'or de la science-fiction aujourd'hui,
00:33:53non seulement parce qu'on est, pour moi, quasiment à l'acmé de la courbe
00:33:58technologique.
00:33:59On va peut-être encore pousser un tout petit peu,
00:34:01mais il y a un moment, on va atteindre l'exhaustion des ressources,
00:34:04des terres rares, des métaux, de l'énergie.
00:34:07Il faudra bien s'arrêter et redescendre à de la mid-tech ou de la low-tech.
00:34:10Et ça sera une très bonne nouvelle, à mon avis.
00:34:12Mais on est quasiment à l'acmé.
00:34:15Et donc, pour ça que c'est un âge d'or de la science-fiction,
00:34:17parce que la science-fiction, qu'est-ce que c'est ?
00:34:18La science-fiction, on va le faire en deux secondes, la science-fiction,
00:34:20c'est le genre qui analyse ce que la technologie fait à l'homme.
00:34:25Voilà, c'est ça la science-fiction, qu'est-ce que la technologie fait à l'homme ?
00:34:29C'est-à-dire comment la technologie réinvente, bouleverse,
00:34:32retourne les rapports qu'on a au monde,
00:34:35donc c'est-à-dire à la nature, au cosmos, au vivant, etc.
00:34:37Aux autres, c'est-à-dire aux autres humains,
00:34:39et aussi les rapports qu'on entretient avec nous-mêmes, notre rapport à soi.
00:34:43Et ça, c'est un truc que les psychanalystes insistent dessus.
00:34:46Mais je pense que le rapport à nous-mêmes, le rapport à soi, était totalement
00:34:50réinventé, notamment par les réseaux sociaux, le smartphone et tous ces outils.
00:34:55OK, donc la SF est là-dessus, donc on est un âge d'or,
00:34:57puisqu'on n'a jamais été une société aussi technophile qu'aujourd'hui.
00:35:00Mais c'est aussi que la SF, quand tu regardes les œuvres de SF,
00:35:04généralement, la SF, elle pose la question de quelle est la spécificité de l'homme ?
00:35:09Quelle est sa singularité ?
00:35:10Qu'est-ce qui fait que l'être humain est l'être humain ?
00:35:13Et elle pose cette question face à deux miroirs, et tu les as cités très bien.
00:35:18Le premier miroir, c'est le monde animal ?
00:35:21C'est l'animal ?
00:35:22En se posant la question, est-ce que les animaux peuvent rire comme nous on rit ?
00:35:26Est-ce que les animaux peuvent manier le langage symbolique ?
00:35:29Est-ce que les animaux peuvent créer ?
00:35:31Est-ce que les animaux ont une spiritualité, etc. ?
00:35:35Et l'éthologie a tellement progressé qu'on s'est rendu compte que par rapport à ce miroir-là,
00:35:39déjà, on n'arrive plus à trouver de supériorité ou très, très peu.
00:35:43Peut-être dans la faculté combinatoire du langage.
00:35:46Mais je vous donne le dernier exemple qui, moi, m'a sidéré,
00:35:49m'a même fait pleurer parce qu'il est super beau.
00:35:52On a découvert que chez les éléphants, il y avait des rituels funéraires.
00:35:58D'accord ? Les éléphants creusent avec leurs trompes,
00:36:00amènent l'éléphanteau mort, le déposent dans un trou.
00:36:03Avec leur trompe, ils se mettent autour et ils mettent de la terre dessus
00:36:07pour enterrer l'éléphanteau.
00:36:10Ils barrissent.
00:36:11Il y a eu plein d'analyses faites par des éthologues indiens là-dessus
00:36:15qui sont absolument bouleversants et qui montrent qu'il y a une conscience de la mort
00:36:19et qu'il y a même des rituels qu'ils mettent en place.
00:36:20Et ce qui est marrant, c'est que ces rituels, en plus, se rapprochent
00:36:23du rituel d'un autre mammifère qui est nous.
00:36:26C'est fou. Et pareil sur les singes.
00:36:28Donc même ça, la conscience de la mort, la spiritualité,
00:36:31on sait sur les singes qu'on leur apprend du langage symbolique.
00:36:34Ils arrivent à manier 200 ou 300 mots en langage symbolique.
00:36:37Tu fais, c'est ouf.
00:36:39La création, on le sait.
00:36:40Si tu as lu Habiter en oiseau de Vinciane Desprez, mais même d'autres,
00:36:43on sait que la capacité de création musicale d'un oiseau,
00:36:46la faculté à reprendre des mélodies d'un autre oiseau,
00:36:49à les articuler avec les siennes, à les rythmer,
00:36:51les facultés de parade, etc.
00:36:53Tout ça, Deleuze l'avait dit aussi dans Mille Plateaux,
00:36:56tout ça relève indiscutablement de la création et de la créativité.
00:37:01Donc tu regardes ce miroir animal et tu fais, il nous reste quoi ?
00:37:05Pas grand chose.
00:37:06Alors tu tournes de l'autre côté et tu dis, ouais,
00:37:08mais l'autre côté, il y a les créations humaines.
00:37:10Tu dis, il nous reste le corps.
00:37:11Il nous reste le corps.
00:37:11Ouais, ouais, ouais, ouais, tout à fait.
00:37:13Et de l'autre côté, tu regardes et t'as,
00:37:16et c'est la SF qui fait ça aussi tout le temps,
00:37:19le robot et la version spiritualisée qu'est l'IA.
00:37:22D'accord, donc combien vous avez vu de films de SF,
00:37:25de jeux vidéo de SF, de séries télé de SF, etc.
00:37:29où on pose la question du réplicant, de l'androïde,
00:37:33de la gynoïde, du cyborg, du rapport au robot.
00:37:37Et qu'est-ce qui nous différencie du robot ?
00:37:39Voilà, qu'est-ce qui nous différencie de l'IA ?
00:37:40Donc, les grandes réponses, souvent, c'est le degré d'empathie.
00:37:43C'est le fait d'avoir un sentiment d'identité.
00:37:45Enfin, tu prends Blade Runner, c'est le souvenir.
00:37:49C'est le souvenir comme facteur de l'identité qui ferait la différence.
00:37:51Mais si tu fabriques des souvenirs, du coup, il n'y a plus de différence.
00:37:55C'est l'émotion, c'est bon.
00:37:56Voilà. Et très souvent, on s'en sort en disant ouais, ouais, mais nous, on a un corps.
00:37:59Voilà. Et ce corps est en lien profond avec l'esprit.
00:38:03Et c'est cette dynamique phénomologique entre le corps et l'esprit
00:38:05qui fait qu'on a une conscience, qu'on est bon, voilà.
00:38:08Ouais, ça peut marcher avec l'IA.
00:38:10Tu vois, tu dis quand il y a une conscience, tu dis bah,
00:38:11comment tu peux avoir une conscience si t'as pas un corps ?
00:38:13C'est bon, voilà. Donc, tu fais nous, on a un corps.
00:38:15Mais sauf que tu te retournes du côté des animaux et tu dis bah aussi, ils ont un corps.
00:38:20Et donc, c'est comme deux murs ou deux miroirs qui se rapprochent de nous
00:38:23et qui quasiment se touchent maintenant et on n'arrive plus à trouver notre singularité.
00:38:28Donc, c'est la fameuse blessure narcissique.
00:38:30Déjà, on n'est pas au centre de l'univers.
00:38:31Déjà, il y a de la vie certainement ailleurs.
00:38:34Déjà, il y a plein de choses qui sont plus spécifiques.
00:38:37Et la dernière blessure narcissique, c'est qu'on est quasiment indissociable
00:38:40maintenant des animaux, des mammifères évolués, etc.
00:38:43Et on est quasiment indissociable du NIA.
00:38:46Et le pire, voilà le pire pour moi, la pire insulte, c'est qu'étant écrivain,
00:38:50je me disais de toute façon, les animaux, c'est super les animaux,
00:38:53mais aucun ne maniera le langage comme nous.
00:38:56On le manie avec ses niveaux de virtuosité, de brio, de complexité.
00:39:00Et ça, c'est vrai.
00:39:01On peut dire, mais sauf que de l'autre côté, l'IA, c'est ce qu'elle fait.
00:39:05Voilà donc l'IA, elle a des machines de langage qui écrivent ultra bien,
00:39:09qui maintenant peuvent copier le style d'Amasio comme n'importe quel.
00:39:13Et ça fait peur.
00:39:14Moi, le dernier truc que j'ai vu récemment, c'est Paul Jurion.
00:39:16Je ne sais pas si vous avez vu, il a sorti un bouquin sur la singularité.
00:39:18Paul Jurion, économiste, anthropologue, philosophe, quelqu'un d'assez brillant.
00:39:22Je ne sais pas si vous connaissez son blog.
00:39:24Et il fait un article comme ça sur l'IA.
00:39:28Et au milieu de l'article, il se met à utiliser aussi ChatGPT,
00:39:31mais lui, il utilise ChatGPT4, tu vois déjà le niveau du gars.
00:39:36Et il demande à l'IA, si vous étiez Paul Jurion,
00:39:39comment vous traiteriez ce problème de l'émergence de la singularité,
00:39:42c'est-à-dire d'une machine qui serait ultra intelligente et tout.
00:39:45Et en fait, il finit l'article en recopiant ce que ChatGPT4 lui dit.
00:39:51Et basta.
00:39:53Et tu fais en fait, ce mec-là, c'est l'avant-garde parce qu'en réalité,
00:39:58il a décidé qu'il relançait à penser, quoi.
00:40:02C'est-à-dire que...
00:40:02Sauf qu'il a fallu qu'il pense.
00:40:04Ouais, il a fallu qu'il pense.
00:40:05Et à la fin, tu vois, il pense dans le truc et tout.
00:40:08Et à la fin, quand même, et ça, moi, ça m'a quand même choqué,
00:40:11mais ça m'a vraiment intéressé parce que ChatGPT4,
00:40:15ayant intégré tous les billets de blog, les articles, les textes,
00:40:19les essais de Paul Jurion,
00:40:22ChatGPT4 dit, voilà, je pense que Paul Jurion dirait ça
00:40:25sur l'émergence d'une super intelligence.
00:40:28Et Paul Jurion termine en disant, ouais, c'est vrai, c'est ce que je dirais.
00:40:33Et tu fais, mais mec, t'es encore un être humain,
00:40:35t'es censé avoir cette espèce, je sais pas, de créativité ou d'orgueil
00:40:39ou d'imprévisibilité ou de, tu vois, et d'essayer de te battre
00:40:43contre tes propres clichés de pensée, contre ton propre déroulement de pensée.
00:40:46Si t'es là et que finalement, par rapport à tout ce que t'as fait avant,
00:40:51GPT4 faisant la synthèse de tout ce que t'as fait avant.
00:40:55Et tu dis, bah ouais, c'est tout.
00:40:56Ça veut dire que tu n'as plus de plus-value, de créativité.
00:40:59Dans ce cas-là, moi, j'ai envie de dire, Paul, arrête d'écrire,
00:41:02arrête de penser, parce que on est censé, si on pense,
00:41:04si on écrit, si on parle, amener une plus-value de créativité à chaque moment.
00:41:08Justement, toi, tu l'as fait, parce que t'as demandé à des IA
00:41:12de te faire ton prochain roman.
00:41:13Voilà, moi, j'ai dit, comme tu mets dix ans à écrire tes romans.
00:41:15Moi, j'ai pas de chat GPT4, donc c'est nul, mais j'avais la version gratuite
00:41:20et je lui dis, voilà, imagine que tu es l'un d'Amazio
00:41:23et que ton prochain roman porte sur le thème de l'eau.
00:41:26Parce que c'est là-dessus que je suis en train de réfléchir.
00:41:28Je commence à, bon, quel roman t'écrirais ?
00:41:30Je lui dis, vas-y, 500 mots, tu vois, tu lui fixes le truc.
00:41:34Et il m'a fait une première version.
00:41:36J'ai fait Refresh, deuxième version, troisième version.
00:41:39Et ce qu'il m'a renvoyé, c'était extraordinaire,
00:41:42parce que c'était une caricature ou les clichés
00:41:45de ma propre, de mes propres constructions de romans.
00:41:48Et je l'ai vraiment pris dans la gueule, il a commencé à faire.
00:41:51Ouais, alors c'est un monde, donc il a posé d'abord la dystopie.
00:41:54Toi, j'ai vu, j'ai vu mes méthodes, finalement, romanesque dans la gueule.
00:41:58C'est, je pose d'abord une ligne dystopique, tu vois.
00:42:01Dans cette dystopie, je mets un mouvement révolutionnaire
00:42:04qui lutte contre la dystopie, qui ne supporte pas ce monde
00:42:07comme dans la zone d'or ou dans les furtifs.
00:42:10Dans ce groupe révolutionnaire, évidemment, il y a des personnages spécifiques
00:42:12qui sont généralement jeunes et déter et motivés, etc.
00:42:17Et ensuite, ça dérive sur...
00:42:19Alors évidemment, la dystopie, c'est l'accumulation de l'eau,
00:42:23le capitalisme de l'eau, les méga bassines, tous les trucs, tu vois.
00:42:26Et après, le mouvement révolutionnaire commence à se connecter à l'océan, etc.
00:42:29Il se rend compte qu'il y a un inconscient collectif
00:42:32stocké dans l'océan, dans les grands mammifères marins et que...
00:42:36Et franchement, le truc est pas mal, ça pourrait être une commande, tu vois.
00:42:38Et franchement, c'est pas nul, tu vois.
00:42:41Mais ça me renvoyait vraiment dans la gueule tous mes clichés.
00:42:43Et donc, je me suis dit, c'est exactement ce que je ne vais pas faire, quoi.
00:42:45Voilà. Et ça m'a poussé à me dire, attends, c'est bon, quoi.
00:42:49Est-ce que tu arrives à le faire, ce que tu ne veux pas faire?
00:42:52Ouais, ouais, ouais. Je suis parti sur la rivière.
00:42:55Non, non, non, mais je vais, oui, oui, oui, tout à fait.
00:42:57Non, mais tout à fait.
00:42:58Et en plus, ça correspond à ma conception de la créativité.
00:43:01Moi, mon rêve depuis toujours, c'est d'essayer d'être chaque jour différent
00:43:04de ce que j'étais la veille, tu vois, d'avoir au moins sur chaque journée
00:43:07une idée nouvelle, une sensation nouvelle, une émotion nouvelle.
00:43:10Enfin, que chaque journée, tu aies le sentiment qu'il y a tout petit truc.
00:43:15Mais des fois, c'est ridicule.
00:43:16Mais sois neuf dans ta journée, tu vois.
00:43:20Et ça, je trouve que c'est ultra motivant.
00:43:22C'est pour ça que t'es écrivain, que t'es artiste, c'est que t'as ce moment
00:43:25où tu dis, tu vois, hier, j'étais à Bedsom, j'ai vu les phoques sur la Bedsom.
00:43:30C'est la première fois que je les voyais vraiment.
00:43:32J'étais hyper content parce que c'était un truc nouveau.
00:43:34J'ai vu sortir de l'eau, j'ai vu comment ils avancent,
00:43:36qu'ils sont complètement incapables d'avancer, mais qu'ils n'ont pas de patte et tout.
00:43:39Donc, ils font comme ça, ils avancent sur le truc et c'était génial.
00:43:43Ça m'a donné plein de métaphores, plein de trucs.
00:43:44Et je les ai vus nager dans l'eau, j'ai vu.
00:43:46Donc, tu vois, il se passe un truc et tu dis OK, la journée d'hier, elle n'était pas
00:43:51elle n'était pas gâchée, quoi.
00:43:53Tu vois, il y avait un truc.
00:43:54Donc, cette créativité, elle est extrêmement importante.
00:43:56Donc, c'est ça, Caracol dans la Horde, c'est le personnage qui, à chaque moment,
00:44:00peut se réinventer.
00:44:01Mais du coup, c'est quoi ?
00:44:02Qu'est ce que c'est le rôle de l'ASF maintenant ?
00:44:04Si tu dis qu'on est à l'acmé de, tu vois, on est donc à l'acmé d'un moment
00:44:09technologique, c'est ton hypothèse, que par ailleurs, en fait,
00:44:13cette question de comment on se relie à des êtres nouveaux, finalement,
00:44:17on va la régler à un moment, si tu veux, puisqu'on est obligé de la régler là
00:44:20maintenant, peut être de manière maximale.
00:44:22C'est ce qui est en train de se faire.
00:44:22C'est la négociation contemporaine.
00:44:24C'est ça, c'est là où on est, etc.
00:44:26Et du coup, ce sera quoi le rôle de l'ASF ?
00:44:29Est ce qu'on va continuer à avoir besoin de l'ASF ?
00:44:31Oui, bien sûr, on continue d'en avoir besoin.
00:44:33Et d'autant plus que ça va très vite, quoi.
00:44:34Et que du coup, les écrivains de littérature blanche, on a l'impression
00:44:38qu'ils sont has-been du moment qu'ils écrivent.
00:44:42C'est déjà has-been par rapport à ce qui se passe.
00:44:43Et bon, j'ai dit ça pour troller les écrivains de littérature blanche.
00:44:47Évidemment, c'est pas si simple que ça.
00:44:49Moi, je pense que le rôle de l'ASF reste toujours valable et puissant.
00:44:54Moi, je le dis des fois comme ça, c'est qu'on doit donner du possible au réel.
00:44:58Voilà, on a un réel qui nous est imposé dans lequel on est.
00:45:01On a une situation politique, économique, ultralibérale, etc.
00:45:05dans lequel on existe, on est né.
00:45:08C'est le réel qui nous donne comme indépassable.
00:45:10On nous le dit, voilà.
00:45:12On n'arrive même pas à imaginer un avenir du capitalisme.
00:45:15On arrive mieux à imaginer la fin du monde qu'un avenir du capitalisme,
00:45:18selon la phrase de Jameson, qui a été beaucoup reprise.
00:45:21Et tu te dis, ben non, nous, on va donner du possible,
00:45:25c'est-à-dire qu'on va montrer des alternatives, on va montrer d'autres modes de vie.
00:45:29On va montrer d'autres façons d'utiliser la technologie.
00:45:31Justement, on va monter d'autres types de liens.
00:45:33On va aller chercher l'anthropologie ancienne, des manières d'exister,
00:45:37des économies du don, du contre-don, du gratuit qui vont nous sortir
00:45:40complètement du capitalisme.
00:45:41On va montrer d'autres façons de lutter, de mettre en place des mouvements
00:45:44révolutionnaires qui soient réellement efficients, etc.
00:45:47On continue de donner du possible.
00:45:49C'est notre boulot.
00:45:50Et là, moi, comme je te l'avais dit,
00:45:52tu vois, c'est-à-dire qu'on sort d'une grande période cyberpunk,
00:45:55dominée par le cyberpunk en science-fiction,
00:45:58parce que la science-fiction s'attache à trouver des lignes de fuite,
00:46:01comme ça, des lignes de libération.
00:46:03Et le cyberpunk, c'était cette promesse magnifique de dire
00:46:06la technologie va nous émanciper, la technologie va nous libérer.
00:46:09Et dans les années 70, quand arrive, commence à arriver les tout premiers PC,
00:46:12les tout premiers personnages de computer,
00:46:15la première personnalisation de la technologie.
00:46:18Et qu'en même temps, c'est le mouvement hippie,
00:46:19qu'en même temps, c'est les drogues, le LSD, etc.
00:46:22Qu'en même temps, c'est le rock et puis le punk derrière.
00:46:24Donc, tout un système et tout un champ de libération magnifique.
00:46:27Les années 70, moi, j'ai un seul regret, c'est d'être pas né en 59
00:46:31pour avoir 15, 20 ans dans les années 70, quoi.
00:46:34Et d'être contemporain de Deleuze et Foucault et de tous les grands,
00:46:38de tous les grands rockers, etc.
00:46:40Ça fait chier. Voilà. Donc, je suis venu beaucoup trop tard.
00:46:44Moi, je suis venu en 69, donc j'avais 10 ans de décalage.
00:46:47Mais si tu veux, le cyberpunk arrive à ce moment là et dit cette chose très simple,
00:46:50promet cette chose très simple.
00:46:52On va, en se couplant avec la technologie, peut être avec des technographes,
00:46:56peut être avec des puces, mais en tout cas avec des logiciels,
00:46:58avec des techniques, des techno, etc.
00:47:00On va être plus grand, on va être plus vaste,
00:47:02on va pouvoir expérimenter plus de choses, etc.
00:47:05Et ça a été vrai en partie. Cette promesse, en partie, elle a été tenue.
00:47:07Il ne faut pas dire qu'elle a été immédiatement trahie ou détruite,
00:47:10parce que je ne sais pas, si je prends juste Wikipédia,
00:47:13si je prends juste l'accès qu'on a à toutes les musiques du monde,
00:47:17à travers Deezer ou Spotify ou tous ces trucs là, je suis désolé.
00:47:20Ce champ d'expansion, cette libération des possibilités d'écoute
00:47:25qui a permis la techno, elle est magnifique.
00:47:27Moi, je trouve ça génial de pouvoir explorer toute une discographie
00:47:30entièrement grâce à Deezer ou Spotify ou ces choses là.
00:47:34On a accès à un milliard de vidéos, on a Wikipédia.
00:47:36Enfin, on a énormément d'outils de créativité aussi,
00:47:40musicales, littéraires, permis par les applis et les logiciels.
00:47:45Donc, tout ça est un facteur d'émancipation.
00:47:49Mais sauf qu'au final, on le voit et vous le voyez,
00:47:52il y en a qui sont déjà sur les smartphones et tout.
00:47:54Qu'est-ce qui s'est passé ?
00:47:56Eh bien, ils ont fabriqué une immense machinerie d'auto-addiction,
00:48:00d'auto-aliénation à l'outil, c'est-à-dire que ces outils quotidiens
00:48:04sont devenus une formidable trappe à dépendance.
00:48:07Et ce n'est pas un hasard, ce n'est pas un effet collatéral
00:48:11qu'on ne pouvait pas anticiper.
00:48:12C'est lié au fait que ce sont des entreprises capitalistes
00:48:15qui ont créé ces outils et que pour eux, plus vous passez de temps
00:48:19sur les outils, plus ils peuvent vous envoyer de pubs,
00:48:21plus ils peuvent vous capter d'attention et plus ils font de fric.
00:48:25Donc, pour maximiser les profits,
00:48:27il faut maximiser le temps que vous passez sur les outils.
00:48:29Pour maximiser le temps sur les outils, ça a été très documenté, très analysé.
00:48:33Il a fallu utiliser tous les biais cognitifs qui saturent nos psychés.
00:48:37Donc, le désir de complétude, la peur de rater, la boîte de Skinner,
00:48:42les récompenses aléatoires, etc.
00:48:43Il y a au moins 50 biais cognitifs qu'ils ont utilisés
00:48:47et ils ont mis des gens, des gens très compétents,
00:48:48des psychanalystes, des psychiatres, des behavioristes,
00:48:50des comportementalistes, des sociologues, des anthropologues, etc.
00:48:53Ils les ont fait bosser pendant des années
00:48:55et ces gens-là ont designé la dépendance qu'on a aux outils.
00:48:58Voilà, ce n'est pas complotiste de le dire, c'est juste évident.
00:49:01Il y a eu plein de renégats de ces mondes-là qui l'ont explicité,
00:49:03notamment un mec qui s'appelle Tristan Harris, je ne sais pas si vous l'avez lu.
00:49:07Mais c'est fabuleux.
00:49:08Donc, on est scotché à nos jeux vidéo,
00:49:11on est scotché à nos réseaux sociaux, on est scotché à nos plateformes,
00:49:13on est scotché à Insta, on est scotché à TikTok, etc.
00:49:16parce que ça a été designé pour maximiser la dépendance.
00:49:20Donc, la promesse du cyberpunk de libération, elle s'est effondrée
00:49:23et en grande partie à cause du capitalisme, dans des boucles d'auto-addiction
00:49:27dans lesquelles on est tous pris.
00:49:28Moi, je ne connais pas une personne qui ne me dit pas
00:49:30« Mon Dieu, je n'arrive pas à me débarrasser de ce truc, je loue le temps sur... »
00:49:33Avant, quand je disais « Je n'ai pas de smartphone »,
00:49:34on me regardait comme une espèce de barbare ou d'arriéré.
00:49:37Maintenant, quand je dis « Je n'ai pas de smartphone »,
00:49:38on me dit « Putain, t'as de la chance ! »
00:49:40Tu vois ?
00:49:41Et ça veut bien dire quelque chose sur la dépendance.
00:49:44Mais ça, on peut en parler aussi.
00:49:45Donc, les cyberpunks, les promesses du cyberpunk...
00:49:47Oui, donc je suis parti en vrille.
00:49:48La question originelle, c'était quand même de savoir qu'elle était...
00:49:50Oui, je suis parti en vrille.
00:49:51Pardon ?
00:49:52Je suis parti en vrille.
00:49:53Non, pas du tout.
00:49:54Non, mais le premier cyberpunk, c'était la grande promesse de la SF.
00:49:56C'est ça que je voulais dire.
00:49:57Et aujourd'hui, il faut changer cette promesse.
00:49:59Moi, je crois, après c'est mon délire, mon intuition encore d'auteur de SF,
00:50:03que la nouvelle promesse, c'est le biopunk.
00:50:05Voilà, j'appelle ça le biopunk.
00:50:06En disant « bio », c'est le vivant, c'est la vie, etc.
00:50:09C'est-à-dire que c'est en essayant à nouveau de retisser des liens extrêmement forts
00:50:14avec le vivant, c'est-à-dire avec les espèces animales, avec les espèces végétales,
00:50:18avec les biotopes, avec la forêt, avec la rivière, avec le maki,
00:50:20avec la neige, avec les rivières, avec tout ça,
00:50:26qu'on va retrouver une dynamique de vie que ça va nous libérer,
00:50:29ça va nous réémanciper.
00:50:30Voilà.
00:50:31On est les héritiers des modernes.
00:50:32Quand vous lisez Baptiste Morisot, il parle de la crise de sensibilité avec le vivant.
00:50:36On a été entièrement coupé de la nature, de ce qu'on appelait avant la nature,
00:50:41maintenant, on appelle ça le vivant.
00:50:43On a été entièrement coupé de ça dans nos milieux urbains.
00:50:45On ne sait plus du tout reconnaître.
00:50:47Moi, je vois plein de groupes qui arrivent dans mon lieu là-haut.
00:50:50Ils ne savent pas reconnaître trois arbres, ils confondent le pain avec le sapin.
00:50:54À la rigueur, ils reconnaissent le platan et encore.
00:50:59C'est catastrophique.
00:51:01Ils ne connaissent aucune plante.
00:51:02Ils ne se sont jamais baignés dans une rivière.
00:51:03On amène les gens se baigner dans la rivière, on a un torrent là-haut.
00:51:06Il y en a, la seule fois où ils se sont baignés dans leur vie,
00:51:09c'est dans la mer, dans la piscine.
00:51:11Mais ils ne savent pas ce que c'est une rivière.
00:51:13Voilà, ils n'ont jamais ramassé des champignons de leur vie.
00:51:16Je vous donne des trucs très simples.
00:51:17Ils n'ont jamais cuisiné des champignons qu'ils ont ramassés.
00:51:21Donc, on est à un degré de coupure, de déliaison dingue.
00:51:25Et je pense qu'en retraitissant ces liens-là, avec toutes les théologies contemporaines,
00:51:28parce que quand tu dis ça, les gens, ils te disent
00:51:30« Ouais, mais c'est bon, en fait, vous voulez revenir au XIXe siècle,
00:51:32quand on te caressait nos vaches et puis on allait chasser nos chamois, etc.
00:51:37Je dis, mais tout a changé.
00:51:39C'est-à-dire les connaissances qu'on a, par exemple, sur les arbres,
00:51:41sur la science des arbres, sur la science des plantes,
00:51:43les connaissances qu'on a sur les espèces animales,
00:51:45elles ont été multipliées par dix dans les trente ou quarante dernières années.
00:51:49Donc, en nous servant de ces nouvelles connaissances éthologiques,
00:51:53on arrive à tisser des liens beaucoup plus intéressants.
00:51:55Alors justement, est-ce que tu veux...
00:51:56Non, mais c'est vachement intéressant, parce qu'en gros,
00:51:57si tu considères que le cyberpunk, c'est Gibson,
00:52:00c'est-à-dire c'est des univers urbains, hyper technologisés, etc.
00:52:03Alors qu'ils peuvent être très dystopiques aussi, mais tu vois, c'est très urbain.
00:52:05Donc toi, tu fais du biopunk.
00:52:07Là, tu disais tout à l'heure que tu étais en train de réfléchir
00:52:09pour ton quatrième roman à la question de la rivière, etc.
00:52:12Est-ce que tu peux...
00:52:13Il ne s'agit pas de nous dévoiler des trucs, tu vois.
00:52:15Mais comment tu y réfléchis ?
00:52:16C'est-à-dire que tu vois, comment est-ce que tu fais du...
00:52:19Comment tu es en train de faire du biopunk, là,
00:52:20en écrivant ton quatrième roman autour de cette question de l'eau ?
00:52:23Qu'est-ce qui t'excite ?
00:52:24Qu'est-ce qui t'intéresse ?
00:52:25Comment tu vas nous faire réenchanter un renouement avec le vivant ?
00:52:28Oui, déjà, parce que dans L'Ordre du Contrevent,
00:52:32j'avais fait une cosmogonie de l'air, en fait, de l'air en mouvement, donc du vent.
00:52:37Et ouais, c'est ça, je faisais du vent, je brassais du vent.
00:52:40Et là, je suis sur une cosmogonie de l'eau.
00:52:43C'est-à-dire que ce qui m'intéresse, c'est l'écoulement,
00:52:45mais liquide, c'est le flux, etc.
00:52:47Et c'est l'idée, évidemment, que l'eau est présente
00:52:50dans absolument tous les êtres vivants,
00:52:51souvent entre 70 et 80 % dans toutes les plantes,
00:52:55les animaux, les humains, etc.
00:52:56Donc, il n'y a pas de vivant sans eau.
00:52:59Donc, c'est la matière fondamentale.
00:53:01Et du coup, je travaille sur l'idée, un peu comme dans la nouvelle,
00:53:05je vous fais un petit scoop, mais comme dans la nouvelle,
00:53:07je travaille sur l'idée d'eau intelligente.
00:53:09C'est-à-dire que la science fiction, c'est souvent,
00:53:11tu prends un élément et tout d'un coup, tu le twists,
00:53:15ou tu amènes quelque chose de plus.
00:53:17Qu'est-ce qui se passerait si l'eau devenait intelligente ?
00:53:20C'est l'homéopathie ? La mémoire de l'eau, quoi ?
00:53:22Ouais, mais en partie.
00:53:23Moi, j'avais travaillé beaucoup sur la mémoire de l'eau.
00:53:25J'avais fait un très gros projet sur la mémoire de l'eau,
00:53:26dont je n'ai plus les droits parce que je les ai vendus,
00:53:28je suis en train de les récupérer, etc.
00:53:29J'ai même fait un roman sur la mémoire de l'eau.
00:53:32Mais l'eau était porteuse de souvenirs,
00:53:33c'est-à-dire la salive, la pisse, le sperme, la sueur, etc.
00:53:38Quand tu prélevais une goutte, tu pouvais accéder au souvenir de quelqu'un.
00:53:43Donc j'avais déliré à partir de la mémoire de l'eau de Benveni, etc.
00:53:46Qui est super intéressante d'ailleurs,
00:53:47parce qu'en fait, c'est la mémoire de la structure moléculaire.
00:53:50La mémoire de Benveni, c'est hyper intéressant.
00:53:52Et ça expliquerait l'homéopathie.
00:53:53C'est-à-dire que l'homéopathie, effectivement,
00:53:54il n'y a pas un seul gramme de matière dans la dilution totale qui a été faite.
00:54:00Ce qui reste, c'est la structuration moléculaire.
00:54:03C'est comme si ça structurait un vide.
00:54:05Mais comme la structure moléculaire reste, elle continue à agir.
00:54:09Je connaissais quelqu'un qui résumait l'homéopathie en disant
00:54:12« C'est simple, tu jettes tes clés dans la Seine à Paris,
00:54:14tu prends un sodo à Rouen et tu ouvres ta porte avec. »
00:54:16C'est une belle mémoire.
00:54:18J'adore. Je ne sais pas si c'est ça, mais j'adore.
00:54:20Non, non, c'est pas ça.
00:54:22Donc c'est des trucs comme ça.
00:54:23Donc l'eau intelligente.
00:54:24Donc là, je ne serais pas sur la mémoire, je serais sur autre chose, tu vois.
00:54:26Mais si tu te dis, tiens, une eau intelligente arrive, émerge.
00:54:30Peu importe comment elle émerge, tu vois.
00:54:31Après, c'est tout le délire de la narration et du côté thriller
00:54:35que tu peux faire remonter jusqu'à essayer de comprendre comment elle a pu émerger.
00:54:38Est-ce que c'est une auto-émergence ?
00:54:39Est-ce que c'est immanent ?
00:54:40Est-ce que c'est une transcendance ?
00:54:41Est-ce que c'est une expérience scientifique à tourner ?
00:54:44Etc.
00:54:45Mais juste, t'imagines ça.
00:54:47Ça veut dire que tout le vivant devient plus intelligent.
00:54:49Les plantes deviennent plus intelligentes.
00:54:51Les animaux deviennent plus intelligents.
00:54:53Les nuages deviennent plus intelligents.
00:54:54D'où le fait que les nuages se regroupent
00:54:56et créent des pluies particulières à certaines zones, tu vois.
00:54:58Les lacs deviennent intelligents.
00:55:00L'océan devient intelligent.
00:55:01Enfin, tu vois, ça fait tout exploser.
00:55:03Voilà.
00:55:04Donc, par exemple, quand tu travailles sur un paradigme comme ça,
00:55:06je sais pas si je vais faire ça.
00:55:07C'est même pas sûr parce que c'est presque trop vaste et trop puissant.
00:55:11C'est-à-dire que si t'as un paradigme trop puissant,
00:55:13ça finit par tout dévaster et tu peux rien gérer et c'est de la merde.
00:55:17Donc, mais l'idée, je trouve qu'elle possède quelque chose.
00:55:21Donc, je travaille là-dessus.
00:55:22Après, je travaille beaucoup sur les flux, la rivière.
00:55:24Je m'intéresse beaucoup à essayer de faire un parallèle
00:55:27entre l'écoulement de la rivière et l'écoulement du temps.
00:55:29De remonter la rivière, c'est rajeunir.
00:55:30De redescendre, c'est vieillir.
00:55:32Je travaille beaucoup sur les saumons,
00:55:35toutes ces espèces qui remontent le courant.
00:55:38Qu'est-ce que ça signifie, etc.
00:55:39Excuse-moi, quand tu dis que tu travailles,
00:55:41parce que c'est très mystérieux pour nous qui...
00:55:43Oui, c'est travail.
00:55:44C'est-à-dire que je lis beaucoup de choses.
00:55:45Donc, ça veut dire quoi ?
00:55:46Tu lis, tu te promènes, tu réfléchis, tu discutes,
00:55:48t'écris sur ton ordi des trucs.
00:55:50C'est quoi travailler ?
00:55:51Travailler, c'est plein de choses à la fois.
00:55:53C'est-à-dire que c'est autant aller me balader en montagne
00:55:56comme je l'ai fait l'année dernière, là, sur le Val-Gaune-Mars,
00:55:58où je vais et tout d'un coup, je me plante devant un torrent
00:56:01et je passe des heures à regarder les écoulements
00:56:03et à jeter des bâtons dans le torrent
00:56:04pour voir comment le bâton circule,
00:56:06comment il se piège, comment il sort.
00:56:08Et je regarde, parce que des fois,
00:56:09il est piégé cinq minutes.
00:56:10Et pourquoi il sort ?
00:56:11Qu'est-ce qui se passe dans les courants,
00:56:12les contre-courants, etc.
00:56:13De comprendre viscéralement les choses
00:56:16et de le voir vraiment directement.
00:56:17Des fois, je me fous dans l'eau et je me gèle
00:56:19et c'est l'enfer.
00:56:21Donc, je regarde ça,
00:56:22je regarde la façon d'où ça vient,
00:56:24comment ça sort des glaciers, etc.
00:56:26Ça peut être un travail très concret.
00:56:28Après, je vais faire du kayak, etc.
00:56:32Après, ça peut être aussi des fascinations.
00:56:34Là, ma fascination actuelle,
00:56:36c'est pour une kayakiste de l'extrême.
00:56:38C'est une nana qui s'appelle Noria Newman.
00:56:41C'est mon idole absolu en ce moment.
00:56:43C'est ma Taylor Swift.
00:56:47Et cette nana, elle est géniale.
00:56:49Elle a une trentaine d'années.
00:56:50Elle est toute fine.
00:56:51Alors que les kayakistes,
00:56:52généralement, ils ont des épaules comme ça.
00:56:53C'est des monstres.
00:56:54Et elle a un sens de l'eau absolument prodigieux.
00:56:56Ce qui fait qu'elle descend des rivières
00:56:58qui sont…
00:56:59Juste, tu regardes la rivière,
00:57:00tu te dis, c'est pas possible.
00:57:01Si je mets un pied dans cette rivière,
00:57:02je suis noyé en 17 secondes.
00:57:05Même moins que ça, je pense.
00:57:07Et elle descend des rivières
00:57:08avec des débits colossaux.
00:57:10Elle saute des cascades de 30 mètres
00:57:11quand même en kayak.
00:57:14Et c'est la meilleure,
00:57:15je pense que c'est la meilleure mondiale.
00:57:17Et je regarde des interviews,
00:57:18je regarde des films,
00:57:19je la regarde descendre,
00:57:20je regarde le sens de l'eau,
00:57:21j'essaie de comprendre comment elle peut faire ça.
00:57:22J'essaie de comprendre
00:57:24comment d'un seul coup de paguet
00:57:26elle reste dans le fil de l'eau.
00:57:28Et j'adore.
00:57:30Et ça me donne un personnage.
00:57:31C'est quasiment un personnage.
00:57:32C'est ça.
00:57:33Donc au bout d'un moment,
00:57:34comment ça devient de la fiction ?
00:57:35Après, ça devient un perso.
00:57:37C'est-à-dire que je vais hystériser ça,
00:57:39je vais encore aller plus loin.
00:57:41Mais ce qui m'intéressait,
00:57:42c'est comment tu peux avoir
00:57:44le sens d'un flux aussi,
00:57:46de façon aussi géniale,
00:57:47intuitive et belle qu'elle l'a
00:57:49avec une extrême simplicité en même temps.
00:57:52À un moment donné,
00:57:53on lui demande son entraînement.
00:57:55Ça fait bizarre de parler de ça,
00:57:56c'est hyper intime pour moi.
00:57:59Elle lui demande son entraînement
00:58:00et elle dit
00:58:02déjà, j'ai horreur des salles de fitness.
00:58:04Je ne vais jamais faire un entraînement
00:58:06dans une salle où il y a de la fonte
00:58:08ou à faire de la musculation.
00:58:09Ça la fait royalement chier.
00:58:12Elle dit en fait,
00:58:13je fais de la cohérence cardiaque
00:58:14mais sans m'en rendre compte.
00:58:15Des fois, il y a beaucoup de stress
00:58:16mais c'est normal.
00:58:17Elle dit à des moments,
00:58:18tu rates un coup de paguet
00:58:19et t'es morte.
00:58:20Tu vois, ça me rappelle
00:58:21un skieur de l'extrême
00:58:22qui disait ça,
00:58:23c'était magnifique.
00:58:24Il faisait des pentes à 55 degrés
00:58:25comme ça
00:58:26et le mec lui disait
00:58:27à quoi vous pensez
00:58:28quand vous rentrez sur la pente ?
00:58:29Le mec, il dit
00:58:30je pense que si je rate ce virage,
00:58:32c'est la dernière chose
00:58:33que je raterais dans ma vie.
00:58:35Il trouvait ça très beau.
00:58:36Et elle, c'est pareil,
00:58:37elle rate ce coup de paguet
00:58:38c'est la seule chose
00:58:39qu'elle ratera dans sa vie
00:58:40parce qu'elle est morte.
00:58:42Et donc, c'est super intéressant
00:58:43de voir son rapport à l'anxiété,
00:58:44à la peur,
00:58:45ce qu'elle tente.
00:58:47Elle a battu le record
00:58:48de chute d'eau,
00:58:49je ne sais pas si vous voyez
00:58:50ce que c'est 30 mètres
00:58:51avec un kayak.
00:58:52Excuse-moi,
00:58:53c'est super intéressant
00:58:54mais quand est-ce
00:58:55que tu vas te mettre à écrire ?
00:58:57Donc voilà,
00:58:58je travaille là-dessus
00:58:59pour se broudir le travail
00:59:00et après je lis
00:59:01le dernier manuscrit de Maurizio
00:59:02c'est génial
00:59:03parce que Baptiste Maurizio
00:59:04va sortir un livre
00:59:05sur la rivière et les castors
00:59:06qui est génial
00:59:07donc je lisais ça
00:59:08par exemple,
00:59:09en baie de Somme.
00:59:10Donc bosser, c'est ça.
00:59:11Tu lis,
00:59:12tu regardes des documentaires,
00:59:13tu regardes sur le terrain.
00:59:14Moi, je veux faire plus de kayak
00:59:15je vais essayer
00:59:16de me foutre aussi
00:59:17dans les retours
00:59:18de cascades
00:59:19pour comprendre
00:59:20ce que c'est
00:59:21quand tu te fais bloquer
00:59:22dans un retour.
00:59:23Enfin,
00:59:24tu tentes plein de trucs
00:59:25jusqu'à temps
00:59:26que t'aies la sensation
00:59:27que t'aies l'affect.
00:59:28Une fois que t'as l'affect
00:59:29et la sensation,
00:59:30tu sens que t'es prêt
00:59:31et que tu peux faire des choses.
00:59:32Tant que tu l'as pas,
00:59:33c'est un peu…
00:59:34Et après,
00:59:35travailler,
00:59:36c'est développer
00:59:37des files narratifs,
00:59:38des personnages.
00:59:39Mais moi,
00:59:40j'essaie de bâtir l'univers.
00:59:41D'abord,
00:59:42coeur concept.
00:59:43Est-ce que ça va être
00:59:44l'eau intelligente ?
00:59:45Je ne suis pas sûr
00:59:46Après ensuite,
00:59:47tu bâtis tout l'univers.
00:59:48Ensuite,
00:59:49tu bâtis les personnages.
00:59:50Et ensuite,
00:59:51tu bâtis la narration.
00:59:52Donc moi,
00:59:53c'est mon mouvement à moi.
00:59:54Il y en a qui commencent
00:59:55par les personnages
00:59:56puis qui ensuite font la narration.
00:59:57Moi,
00:59:58j'ai d'abord besoin
00:59:59d'avoir l'univers,
01:00:00puis les persos,
01:00:01puis la narration.
01:00:02Tu parlais d'une science-fiction
01:00:03qui serait biopunk.
01:00:04Ouais.
01:00:05En quoi,
01:00:06si t'arrives à faire ça,
01:00:07bon,
01:00:08tu sais pas exactement
01:00:09encore ce que tu veux faire,
01:00:10mais si t'arrives à faire ça,
01:00:11en quoi ça serait biopunk ?
01:00:12Tu vois,
01:00:13en quoi ça obéirait à l'eau ?
01:00:16Tu vois,
01:00:17il y a l'eau
01:00:18dans toutes ses dimensions.
01:00:19L'eau qu'on boit,
01:00:20l'eau qu'on nage,
01:00:21l'eau dévastatrice,
01:00:22l'eau purificatrice,
01:00:23l'eau...
01:00:24Toutes ces dimensions mythologiques,
01:00:25l'eau...
01:00:26Enfin,
01:00:27il y a un milliard de choses
01:00:28à faire avec l'eau.
01:00:29L'eau comme fertilité,
01:00:30comme naissance,
01:00:31comme...
01:00:32Donc,
01:00:33l'eau comme écoulement du temps,
01:00:34l'eau comme gravité,
01:00:35enfin...
01:00:36Donc,
01:00:37tous ces trucs-là,
01:00:38tu seras totalement immergé
01:00:39là-dedans,
01:00:40donc tu vas avoir
01:00:41un rapport à l'eau.
01:00:42Ensuite,
01:00:43tu pourras...
01:00:44Ben,
01:00:45si vous voulez l'eau Robinez,
01:00:46vous le voyez différemment.
01:00:47Tu vois,
01:00:48c'est ça,
01:00:49aussi,
01:00:50la puissance d'un livre,
01:00:51donc c'est d'arriver à ça,
01:00:52quoi,
01:00:53d'arriver à cette intensité-là.
01:00:54Et là,
01:00:55du coup,
01:00:56le biopunk,
01:00:57il se...
01:00:58Et après,
01:00:59il y aura tout un travail,
01:01:00je pense,
01:01:01sur les points de vue,
01:01:02mais c'est le grand défi actuel.
01:01:03En réalité,
01:01:04en littérature,
01:01:05pour les gens qui sont écologistes
01:01:06et même pour Maurizio,
01:01:07pour Vinciane Desprez
01:01:08et tous les philosophes du vivant,
01:01:09le grand problème,
01:01:10c'est comment restituer
01:01:11un point de vue animal,
01:01:12comment restituer
01:01:13un éthos animal,
01:01:14comment restituer
01:01:15le monde
01:01:16comme si tu étais
01:01:17l'animal
01:01:18ou d'un point de vue animal.
01:01:19Ça,
01:01:20c'est un défi magnifique,
01:01:21lexical,
01:01:22grammatical,
01:01:23c'est ultra difficile.
01:01:24Évidemment,
01:01:25t'as les fables de la fontaine,
01:01:26évidemment,
01:01:27t'as plein de récits
01:01:28d'enfance
01:01:29et de jeunesse
01:01:30où on fait
01:01:31de la prose au popé,
01:01:32on fait parler la rivière,
01:01:33on fait parler l'animal,
01:01:34on fait parler le loup,
01:01:35etc.
01:01:36Mais évidemment,
01:01:37c'est pas ça qu'il faut faire.
01:01:38Il faut réussir
01:01:39à transmettre
01:01:40l'affect fondamental
01:01:41de l'animal
01:01:42et trouver un langage
01:01:43qui puisse le faire.
01:01:44Et ça,
01:01:45c'est une galère
01:01:46invraisemblable.
01:01:47Donc là,
01:01:48je travaille
01:01:49sur la grammaire,
01:01:50la voix moyenne,
01:01:51je travaille
01:01:52sur plein de trucs
01:01:53pour essayer
01:01:54de trouver
01:01:55une façon
01:01:56d'entrer
01:01:57et de restituer ça.
01:01:58Si j'arrive
01:01:59à faire ça,
01:02:00ça sera un chef-d'oeuvre.
01:02:01Mais je suis pas sûr
01:02:02d'arriver à ça.
01:02:03Tout le monde
01:02:04essaie de faire ça
01:02:05en ce moment,
01:02:06tous les gens
01:02:07qui ont compris
01:02:08que le problème,
01:02:09c'est ça.
01:02:10C'est hyper dur.
01:02:11Donc,
01:02:12c'est de la SF,
01:02:13c'est…
01:02:14Comment ça peut
01:02:15concurrencer
01:02:16ce que vend
01:02:17comme futur possible
01:02:18la Silicon Valley ?
01:02:19Parce qu'en fait,
01:02:20là,
01:02:21t'es dans un truc
01:02:22de concurrence.
01:02:23Qu'est-ce qu'il faut
01:02:24comme degré de puissance,
01:02:25d'envie,
01:02:26de je sais pas quoi,
01:02:27pour concurrencer
01:02:28ce que,
01:02:29par ailleurs,
01:02:30nous vend
01:02:31la Silicon Valley aussi ?
01:02:32Quelle place
01:02:33tu donnes
01:02:34à la technologie
01:02:35là-dedans ou pas ?
01:02:36Est-ce qu'elle est absente ?
01:02:37Non,
01:02:38on est sûr.
01:02:39La concurrence
01:02:40c'est exactement ça.
01:02:41Tu as raison
01:02:42de le poser comme ça.
01:02:43C'est que
01:02:44on est sur un combat
01:02:45de désir.
01:02:46Je pense que
01:02:47la militance
01:02:48a beaucoup perdu
01:02:49sur le capitalisme.
01:02:50Ça fait 40 ans
01:02:51qu'on perd là.
01:02:52Pourquoi ?
01:02:53Parce que
01:02:54si on doit
01:02:55battre le capitalisme,
01:02:56on doit le battre
01:02:57sur le terrain du désir.
01:02:58C'est-à-dire
01:02:59qu'on doit poser
01:03:00quelque chose
01:03:01de plus désirable
01:03:02que le capitalisme.
01:03:03Donc,
01:03:04de plus désirable
01:03:05que la consommation,
01:03:06de plus désirable
01:03:07que l'économie de service
01:03:08qu'il nous offre,
01:03:09il crée les désirs,
01:03:10mais les désirs
01:03:11les dégradent en besoins,
01:03:12les besoins les dégradent
01:03:13en pulsions
01:03:14et les pulsions
01:03:15les dégradent
01:03:16en actes d'achat.
01:03:17Cette ligne-là
01:03:18est extrêmement rapide,
01:03:19extrêmement bien conçue
01:03:20qui fait qu'on préfère
01:03:21le soir jouer
01:03:22aux jeux vidéo tranquille
01:03:23et être Dieu
01:03:24dans notre jeu vidéo.
01:03:25On préfère regarder
01:03:26une série télé
01:03:27parce qu'on a juste
01:03:28à appuyer
01:03:29et puis ça déroule.
01:03:30Donc,
01:03:31on a des satisfactions
01:03:32de nos désirs
01:03:33extrêmement immédiates
01:03:34et qui ont été rendues
01:03:35encore plus immédiates
01:03:36par le numérique.
01:03:37On n'a même plus besoin
01:03:38d'aller louer
01:03:39la cassette VHS
01:03:40comme nous,
01:03:41on le faisait
01:03:42au loueur
01:03:43pour regarder un film
01:03:44le soir.
01:03:45Donc,
01:03:46face à ça,
01:03:47il faut trouver
01:03:48une économie de désir
01:03:49aussi puissante.
01:03:50Et moi,
01:03:51j'en suis arrivé à l'idée
01:03:52parce que ça me tourne l'épine
01:03:53depuis des années
01:03:54que la seule chose
01:03:55aussi puissante
01:03:56c'est les liens humains
01:03:57c'est-à-dire l'amour
01:03:58et l'amitié
01:03:59et c'est les liens en vivant.
01:04:00C'est-à-dire
01:04:01c'est retrouver
01:04:02l'intensité physique,
01:04:03corporelle
01:04:04incarnée
01:04:05des liens
01:04:06et d'avoir
01:04:07l'esprit libère.
01:04:08C'est-à-dire
01:04:09de réussir à battre
01:04:10le capitalisme
01:04:11et le néolibéralisme
01:04:12sur l'idée
01:04:13que la liberté
01:04:14ne pourrait être
01:04:15qu'individuelle.
01:04:16Ce qu'ils nous vendent
01:04:17c'est que
01:04:18tout collectif
01:04:19c'est-à-dire
01:04:20ta famille,
01:04:21tes amis,
01:04:22l'école,
01:04:23le boulot,
01:04:24etc.
01:04:25Tout ce qui est collectif
01:04:26la société
01:04:27est aliénant.
01:04:28Tout ce qui est collectif
01:04:29nous enchaîne.
01:04:30Que le collectif
01:04:31c'est pas libérateur,
01:04:32c'est pas émancipateur.
01:04:33Que si tu veux être libre,
01:04:34il faut faire des choses
01:04:35toute seule
01:04:37On est sur l'idée
01:04:38d'une liberté
01:04:39comme hyper-individualisme.
01:04:40Ce qu'il faut réhabiliter,
01:04:41et à gauche
01:04:42c'est notre boulot,
01:04:43c'est de dire
01:04:44on peut être libre
01:04:45en collectif.
01:04:46On peut être libre ensemble.
01:04:47On peut avoir des liens
01:04:48qui libèrent
01:04:49et pas qui alienent.
01:04:50Donc c'est ça
01:04:51qu'il faut reconstituer.
01:04:52C'est ce que j'essaie
01:04:53de faire à la Zest.
01:04:54Tu l'as vu un peu
01:04:55parce que t'es venu,
01:04:56etc.
01:04:57Mais tout d'un coup
01:04:58quand t'arrives à créer
01:04:59des groupes
01:05:00où les gens viennent,
01:05:01tu crées ensemble,
01:05:02tu vas à l'arrivée
01:05:03ensemble,
01:05:04tu fais plein de choses.
01:05:05C'est la personnalité.
01:05:06Chacun évidemment
01:05:07dans son ouverture
01:05:08et sa personnalité.
01:05:09Mais tu fais des choses
01:05:10qui sont collectives
01:05:11et tu vis des moments
01:05:12qui te rendent plus vastes,
01:05:13plus riches.
01:05:14Tu te rends compte
01:05:15que tu sors
01:05:16et t'es plus riche.
01:05:17Les rencontres
01:05:18t'ont ouvert,
01:05:19t'ont rendu plus...
01:05:20Ça c'est plus puissant
01:05:21que le capitalisme.
01:05:22Et on le voit dans le lieu.
01:05:23C'est-à-dire que les gens
01:05:24ils posent naturellement
01:05:25le smartphone,
01:05:26ils y touchent pas
01:05:27parce que c'est moins intéressant
01:05:28d'aller sur les réseaux sociaux
01:05:29que de vivre
01:05:30ce que tu vis là
01:05:31en ce moment.
01:05:32Et ça,
01:05:33c'est la seule puissance
01:05:34de désir
01:05:35qui est au niveau
01:05:36j'ai envie de dire.
01:05:37Et comment tu le transcris
01:05:38dans un roman ça ?
01:05:39Ça c'est facile.
01:05:40C'est le plus facile.
01:05:41Moi je l'ai fait beaucoup
01:05:42dans les furtifs
01:05:43et dans la zone.
01:05:44Tu montres des gens
01:05:45qui se battent ensemble,
01:05:46tu montres des gens
01:05:47qui sont heureux ensemble,
01:05:48tu montres des gens
01:05:49qui sont dans la horde.
01:05:50La horde c'est juste
01:05:51politiquement
01:05:52parce que la horde
01:05:53n'est pas politisée
01:05:54ou située politiquement.
01:05:55Mais en réalité
01:05:56la horde
01:05:57c'est une exaltation
01:05:58extrêmement puissante
01:05:59du lien
01:06:00et du bonheur
01:06:01et de l'intensité du lien
01:06:02et de la richesse
01:06:03qui est en permanence
01:06:04ensemble.
01:06:05Donc moi j'ai toujours fait ça
01:06:06dans mes livres,
01:06:07j'ai toujours ça.
01:06:08Dans le truc que
01:06:09le chat GPT va reprendre
01:06:10c'est que c'est toujours
01:06:11des groupes,
01:06:12c'est toujours l'histoire
01:06:13de groupes
01:06:14et de groupes
01:06:15qui sont heureux
01:06:16ou dont le fait
01:06:17d'être ensemble
01:06:18est une libération
01:06:19et une émancipation.
01:06:20Mais ça veut dire
01:06:21qu'il faut vraiment
01:06:22réinvestir
01:06:23et le rapport au vivant
01:06:24et le rapport aux autres.
01:06:25Sinon le capitalisme
01:06:26a gagné
01:06:27et pour l'instant il gagne
01:06:28parce qu'on n'arrive pas
01:06:29à constituer ce bonheur
01:06:30d'être ensemble.
01:06:31Je te propose
01:06:32qu'on ouvre,
01:06:33il est 20h,
01:06:34je te propose
01:06:35qu'on ouvre
01:06:36les questions.
01:06:37Alors ça peut être
01:06:38des questions,
01:06:39des remarques,
01:06:40des contradictions,
01:06:41tout ce que vous voulez.
01:06:42Il suffit de lever la main
01:06:43puis Marie va vous apporter.
01:06:44Ok,
01:06:45j'ai mis ici après.
01:06:46Bonjour M. Damasio,
01:06:47merci pour votre travail
01:06:48et pour les explications
01:06:49que vous avez fournies.
01:06:50Moi ce que je constate
01:06:51c'est que dans
01:06:52l'histoire
01:06:53du capitalisme
01:06:54il y a
01:06:55toujours
01:06:56des groupes
01:06:57qui sont
01:06:58en permanence
01:06:59ensemble
01:07:00et qui sont
01:07:01en permanence
01:07:02ensemble.
01:07:03Et je pense que
01:07:04dans les romans
01:07:05que j'ai lus de vous
01:07:06ça parle à chaque fois
01:07:07de l'opposition
01:07:08à un pouvoir.
01:07:09Et est-ce que
01:07:10par exemple
01:07:11vous parlez de la
01:07:12diminution technologique,
01:07:13le low-tech,
01:07:14etc.
01:07:15Est-ce que l'effondrement
01:07:16est un sujet SF
01:07:17qui vous intéresse
01:07:18et la survie également ?
01:07:19La survie vous l'avez fait
01:07:20dans les Hordes du Contrevent.
01:07:21Ouais,
01:07:22alors je vais te répondre
01:07:23non,
01:07:24c'est pas un sujet
01:07:25qui m'intéresse
01:07:26parce que déjà
01:07:27je trouve qu'il a été
01:07:28extraordinairement exploré,
01:07:29beaucoup exploré,
01:07:31on a énormément
01:07:32d'oeuvres
01:07:33qui travaillent
01:07:34sur ce qu'on appelle
01:07:35nous le post-apo,
01:07:36le post-apocalyptique.
01:07:37Donc après l'effondrement,
01:07:38comment les sociétés
01:07:39se reconstituent
01:07:40ou comment elles vivent
01:07:41dans l'effondrement,
01:07:42des fois c'est juste de la peau.
01:07:45Je trouve que
01:07:46dans les imaginaires
01:07:47que ça déploie
01:07:48et notamment
01:07:49l'imaginaire survivaliste,
01:07:50on est justement
01:07:51dans des imaginaires
01:07:52qui sont
01:07:53à mon avis
01:07:54pas émancipateurs,
01:07:55justement,
01:07:56qui sont pas libérateurs.
01:07:57C'est-à-dire que
01:07:58il y a deux façons
01:07:59de rester post-apo.
01:08:00J'ai envie de dire
01:08:01la bonne façon
01:08:02ou la façon
01:08:03que je défendrais moi.
01:08:04Un de mes amis
01:08:05c'est Pablo Servigne,
01:08:06donc c'est celui
01:08:07qui a vraiment amené
01:08:08la collapsologie en France.
01:08:09C'est lui qui a fait
01:08:10comment tout peut s'effondrer,
01:08:11etc.
01:08:12Il le dit lui-même,
01:08:13il a été dépassé
01:08:14par le blob,
01:08:15c'est-à-dire dépassé
01:08:16par la collapso
01:08:17et dépassé par
01:08:18la pensée effondrée.
01:08:19Et surtout,
01:08:20il a été dépassé
01:08:21par sa droite,
01:08:22par des gens
01:08:23qui sont dans l'idée
01:08:24que tout va s'effondrer
01:08:25et que la seule réponse possible
01:08:26est l'individualiste.
01:08:27C'est-à-dire que c'est la survie.
01:08:28Et donc,
01:08:29il faut que tu crées ton bunker.
01:08:30Il y a des gens,
01:08:31je ne t'ai pas raconté,
01:08:32mais il y a des gens
01:08:33à Saint-Genier,
01:08:34ils ont carrément
01:08:35les réserves de nourriture,
01:08:36les pâtes,
01:08:37les boîtes de conserve,
01:08:38etc.
01:08:39Le gars,
01:08:40je ne vous citerai pas qui c'est
01:08:41parce que c'est un mec
01:08:42qui est connu en plus,
01:08:43mais il a carrément
01:08:44une pièce remplie
01:08:45de féculents
01:08:46et de trucs
01:08:47qui peuvent durer.
01:08:48Cette réaction-là,
01:08:49alors tu peux dire
01:08:50peut-être qu'il le prévoit
01:08:51pour tout le monde,
01:08:52je ne vais pas préjuger,
01:08:54mais cette réaction-là,
01:08:55c'est l'action imaginaire
01:08:56de droite pour moi.
01:08:57C'est-à-dire,
01:08:58c'est de dire,
01:08:59c'est ce qu'on voit
01:09:00dans tous les films hollywoodiens,
01:09:01c'est qu'il y a
01:09:02une catastrophe monstrueuse,
01:09:03au lieu d'essayer
01:09:04de sauver tout le monde,
01:09:05on sauve sa gueule,
01:09:06au maximum sa famille.
01:09:07Et c'est tout,
01:09:08le reste n'existe pas.
01:09:09J'en ai encore vu un récemment
01:09:10parce qu'il y a une actrice
01:09:11que j'adore
01:09:12qui s'appelle Naomi Watts
01:09:13qui était dedans
01:09:14et c'est un truc
01:09:15où il y a un tsunami,
01:09:16donc ces Américains,
01:09:17ils sont dans une espèce
01:09:18de complexe en Thaïlande
01:09:19et puis il y a un tsunami qui arrive
01:09:20et puis la famille,
01:09:21elle est dispersée par le tsunami
01:09:22et tout le film,
01:09:23c'est juste retrouver la famille
01:09:24et puis rentrer en avion.
01:09:25Tu vois ?
01:09:26Et tu fais,
01:09:27mais what the fuck mec ?
01:09:28Tu vois,
01:09:29t'as la possibilité
01:09:30de poser plein de choses,
01:09:31tu vois,
01:09:32politiquement,
01:09:33sociologiquement,
01:09:34comment on sauve ses touristes,
01:09:35comment on les sauve pas,
01:09:36comment réagissent
01:09:37les Thaïlandais,
01:09:38etc.
01:09:39Mais non,
01:09:40tu vois,
01:09:41c'est juste la narration,
01:09:42elle est concentrée
01:09:43sur les cinq personnes de la famille
01:09:44et point,
01:09:45à la ligne quoi,
01:09:46tu vois.
01:09:47Et en plus,
01:09:48c'est horrible,
01:09:49tu vois.
01:09:50Alors,
01:09:51ne révèle pas les raisons
01:09:52pour lesquelles
01:09:53j'ai essayé de voir ce film
01:09:54mais,
01:09:55voilà,
01:09:56en tout cas,
01:09:57c'était pas,
01:09:58pour une actrice,
01:09:59c'était absolument pas intéressant
01:10:00parce qu'elle allongeait
01:10:01tout le long
01:10:02et elle fait comme ça
01:10:03tout le long.
01:10:04C'est horrible.
01:10:05Donc,
01:10:06je sais pas pourquoi
01:10:07je parle de ça,
01:10:08mais voilà.
01:10:09Non,
01:10:10tout ça pour vous dire
01:10:11que cet imaginaire-là,
01:10:12il est grave,
01:10:13il est dangereux
01:10:14parce qu'il fait créabilité
01:10:15et en fait,
01:10:16moi je crois beaucoup
01:10:17à cet imaginaire de gauche
01:10:18où il dit,
01:10:19en fait,
01:10:20le rôle des récits,
01:10:21le récit peut beaucoup
01:10:22parce que le récit,
01:10:23il préscénarise
01:10:24des comportements,
01:10:25tu vois.
01:10:26Et ce terme est très important.
01:10:27C'est-à-dire que
01:10:28si tu vois
01:10:29un événement apocalyptique
01:10:31dans un film
01:10:32ou dans une série
01:10:33et que tu vois les gens
01:10:34réagir individuellement
01:10:35pour sauver juste leur famille,
01:10:36c'est spontanément
01:10:37ce que tu vas faire
01:10:38si ça arrive.
01:10:39Pourquoi ?
01:10:40Parce que l'être humain,
01:10:41personne,
01:10:42enfin,
01:10:43peut-être vous ici,
01:10:44mais personne n'a été confronté
01:10:45à des inondations,
01:10:46donc quand ça va arriver,
01:10:47tu n'as aucun référent,
01:10:48tu vois.
01:10:49Tu n'as pas vécu ça,
01:10:50donc tu n'as aucune habitude,
01:10:51tu n'es pas construit
01:10:52pour réagir à ça.
01:10:53Donc qu'est-ce que va faire
01:10:54ton cerveau ?
01:10:55Il va aller chercher
01:10:56dans sa mémoire
01:10:57des référents
01:10:58et ces référents,
01:10:59ça va être des référents
01:11:00fictionnels,
01:11:01des films,
01:11:02des séries,
01:11:03des livres,
01:11:04des BD que tu as lus
01:11:05et si ces référents,
01:11:06ils sont survivalistes,
01:11:07tu vas faire du survivalisme,
01:11:08tu vois.
01:11:09Si les référents,
01:11:10ils sont,
01:11:11comme le défend Pablo Servigne,
01:11:12solidaires,
01:11:14tu vois.
01:11:15Donc c'est hyper important
01:11:16en vérité, tu vois,
01:11:17c'est hyper important
01:11:18dans l'imaginaire
01:11:19de travailler ça.
01:11:20Donc moi,
01:11:21ça ne m'intéresse pas
01:11:22de bosser là-dessus,
01:11:23je trouve qu'on en fait trop
01:11:24sur l'effondrement
01:11:25et qu'est-ce que ça veut dire
01:11:26l'effondrement ?
01:11:27Je veux dire,
01:11:28si c'est passé de la high-tech
01:11:29à la low-tech,
01:11:30ce n'est pas un effondrement,
01:11:31c'est juste arriver
01:11:32à une sobriété ou à une frugalité
01:11:33qu'on devrait atteindre
01:11:34dès aujourd'hui, tu vois.
01:11:35Donc vu d'un occidental,
01:11:36l'effondrement,
01:11:37c'est toujours un peu bizarre,
01:11:38tu vois.
01:11:39Quand tu dis l'effondrement
01:11:43c'est quand tu vas arrêter
01:11:44de pleurer, quoi.
01:11:45Donc voilà.
01:11:46Donc ouais,
01:11:47c'est ça que je voulais dire.
01:11:48Il y avait une autre question ici.
01:11:50Pardon ?
01:11:51Bonjour.
01:11:52Ah pardon, excusez-moi.
01:11:53Monsieur Damasio,
01:11:54bonjour.
01:11:55Merci d'être là.
01:11:56Je voulais vous poser
01:11:57une question.
01:11:58Vous parliez tout à l'heure
01:11:59des effets du numérique
01:12:00et notamment des réseaux sociaux
01:12:01sur la montée
01:12:02de l'extrême droite
01:12:03et j'aimerais avoir
01:12:04votre avis
01:12:05sur l'impact des médias.
01:12:07Vous dépeignez des sociétés
01:12:09dystopiques,
01:12:10avec Brio d'ailleurs,
01:12:11je voulais d'ailleurs vous dire
01:12:12que la Zone du Nord
01:12:13est mon bouquin préféré,
01:12:14ever.
01:12:15Voilà.
01:12:16Et vous ne donnez pas
01:12:18beaucoup de place
01:12:19aux médias
01:12:20et aux effets négatifs
01:12:22des médias.
01:12:24Donc voilà,
01:12:25je voulais avoir
01:12:26votre avis
01:12:27sur l'impact des médias
01:12:28dans le monde
01:12:29dans lequel on vit
01:12:30et sur leur place
01:12:31dans les sociétés dystopiques
01:12:32et notamment
01:12:33celles que vous dépeignez.
01:12:34Ouais, ouais.
01:12:35En fait,
01:12:36c'est une très bonne question
01:12:37parce que pendant longtemps
01:12:38j'ai sous-estimé,
01:12:40je pense,
01:12:41l'impact des médias.
01:12:42J'arrivais pas à y croire,
01:12:43en vrai.
01:12:44Il y a des choses
01:12:45dans la Zone du Nord,
01:12:46sur les médias,
01:12:47effectivement,
01:12:48sur le traitement de la violence
01:12:49et tout,
01:12:50notamment l'hypertrophie
01:12:51de la violence
01:12:52dans le traitement médiatique
01:12:53alors que c'est juste
01:12:54une,
01:12:55je me souviens dans la Zone,
01:12:56c'est juste une porte
01:12:57qui coupe une jambe
01:12:58d'une gamine
01:12:59qui se fait réparer
01:13:00très facilement
01:13:01dans ce monde-là.
01:13:02Bon,
01:13:03je change d'avis,
01:13:04voilà,
01:13:05j'ai changé d'avis
01:13:06et notamment
01:13:07une des grosses claques,
01:13:08alors là on va faire
01:13:09de la politique,
01:13:10une des grosses claques
01:13:11de propagandiste
01:13:12que j'ai subi,
01:13:13c'est Gaza
01:13:14depuis le 7 octobre,
01:13:16voilà.
01:13:17J'ai été sidéré
01:13:18du traitement médiatique,
01:13:19en tout cas des mainstream français,
01:13:22sur Gaza,
01:13:23de l'hypertrophie,
01:13:24justement,
01:13:25de l'attaque du Hamas,
01:13:26qualifié à juste titre
01:13:27de terroriste,
01:13:28etc.,
01:13:29mais de l'espèce
01:13:30de déshumanisation
01:13:31et invisibilisation totale
01:13:33des morts gazaouies
01:13:34puisqu'on est maintenant
01:13:35quasiment à 40 000,
01:13:36c'est-à-dire qu'on a eu
01:13:37un facteur,
01:13:38en gros,
01:13:3935 morts israéliens,
01:13:41on a maintenant
01:13:42quasiment 35 morts gazaouies
01:13:43et on a un traitement
01:13:45extrêmement,
01:13:46on va dire,
01:13:47en litote,
01:13:48tu vois,
01:13:49ou extrêmement
01:13:50modeste de ça.
01:13:51Donc j'ai trouvé
01:13:52la propagande pro-israélienne
01:13:53française délirante
01:13:54dans nos médias
01:13:55et je ne m'attendais pas à ça
01:13:56et j'ai vu l'effet
01:13:57que ça produit.
01:13:58C'est-à-dire que ça arrive
01:13:59à complètement déséquilibrer
01:14:00une perspective.
01:14:01Il y a pour moi
01:14:02un truc extrêmement simple
01:14:03qui est la colonisation d'Israël
01:14:04sur la Palestine
01:14:05depuis 75 ans,
01:14:06il y a une violence
01:14:07qui a été documentée,
01:14:08il y a eu des crimes de guerre,
01:14:09il y a eu des crimes
01:14:10sur les enfants,
01:14:11il y a des cimetières
01:14:12dans lesquelles ils roulent
01:14:13avec des tanks,
01:14:14il y a des tombes profanées,
01:14:15enfin,
01:14:16les israéliens font
01:14:17une horreur,
01:14:18un carnage à Gaza
01:14:19et le traitement médiatique
01:14:20arrive à,
01:14:21à un peu près,
01:14:22dire oui,
01:14:23mais quand même
01:14:24le 7 octobre,
01:14:25tu vois.
01:14:26Et tu dis oui,
01:14:27le 7 octobre,
01:14:28c'est horrible,
01:14:29bien sûr,
01:14:30on l'a compris,
01:14:31mais le 7 octobre,
01:14:32il arrive après
01:14:33des milliers,
01:14:34des milliers
01:14:35de morts palestiniens.
01:14:36Le 7 octobre est déjà
01:14:37un jour
01:14:38où on a eu
01:14:39une idée
01:14:40qui est
01:14:41extrêmement importante
01:14:42pour moi,
01:14:43parce qu'on parle politique,
01:14:44j'aime bien les sushis,
01:14:45ce qui est extrêmement
01:14:46important pour moi.
01:14:47Oui,
01:14:48je vais finir là-dessus,
01:14:49mais tu,
01:14:50tu...
01:14:51oui,
01:14:52oui,
01:14:53mais c'est ma compétence,
01:14:54aussi.
01:14:55J'ai travaillé
01:14:56sur toute la sémantique
01:14:57de Gaza
01:14:58et toute la sémantique
01:14:59des médias
01:15:00là-dessus.
01:15:01Entre 2008...
01:15:02Oui,
01:15:03mais c'est...
01:15:04Tu vois,
01:15:05tu exemplifies
01:15:07pour le cessez-le-feu
01:15:08et pour la libération
01:15:09des otages.
01:15:10Oui,
01:15:11mais tout à fait,
01:15:12moi aussi,
01:15:13je suis pour le cessez-le-feu
01:15:14et pour la libération
01:15:15des otages,
01:15:16tout à fait.
01:15:17Pardon ?
01:15:18Tu parles pas des Syriens,
01:15:19tu parles des tueurs,
01:15:20c'est le Hamas.
01:15:21Non,
01:15:22il y a aussi...
01:15:23Ceux qui sont morts,
01:15:24c'est les palestiniens,
01:15:25c'est les civils palestiniens
01:15:26qui meurent.
01:15:27C'est pas le Hamas
01:15:28qui meurt.
01:15:29Le Hamas,
01:15:30malheureusement,
01:15:31ils sont pas touchés.
01:15:32Donc,
01:15:33je vais terminer
01:15:34sur un chiffre,
01:15:35entre 2008 et 2023,
01:15:37il y a eu 6300 palestiniens
01:15:40tués par TSAHAL
01:15:41et de l'autre côté,
01:15:42il y a eu 313 Israéliens
01:15:43tués par TSAHAL.
01:15:44D'accord ?
01:15:46Voilà.
01:15:47Donc,
01:15:48c'est bien de le savoir aussi
01:15:49avant le 7 octobre.
01:15:50Voilà.
01:15:54Voilà.
01:15:55Donc,
01:15:56c'était pour essayer
01:15:57d'exemplifier justement
01:15:58les effets de propagande
01:15:59qui sont très forts.
01:16:00Donc,
01:16:01pour revenir aux médias.
01:16:02Aux médias,
01:16:03ce qui se passe en France
01:16:04est catastrophique.
01:16:05Voilà.
01:16:06Et je parle pas juste de Gaza.
01:16:07On a,
01:16:08effectivement,
01:16:09vous le savez,
01:16:10la montée de Bolloré
01:16:11qui récupère beaucoup de médias
01:16:12et qui crée notamment
01:16:13sur les chaînes d'information continue
01:16:14une espèce de feu roulant
01:16:15pro-extrême droite
01:16:18qui est très fort
01:16:19avec des éditorialistes
01:16:20qui sont clairement d'extrême droite
01:16:21ce qu'on n'avait pas du tout avant.
01:16:22Et ça finit par décaler la nappe
01:16:24vers la droite très fortement.
01:16:27Donc,
01:16:28ça c'est très grave.
01:16:29Voilà.
01:16:30Et nous,
01:16:31en face,
01:16:32j'ai envie de dire,
01:16:33en tout cas,
01:16:34c'est ce que je pense,
01:16:35on a Mediapart,
01:16:37on a Blast,
01:16:39on a quelques médias indépendants
01:16:41mais qui n'ont pas du tout
01:16:42la même force de frappe
01:16:43à part Mediapart
01:16:44qui est quand même beaucoup lu.
01:16:45Donc,
01:16:46il y a un déséquilibre
01:16:47très très important
01:16:48qui se crée au niveau médiatique
01:16:49et qui favorise les idées
01:16:50de droite et d'extrême droite.
01:16:51Donc,
01:16:52on est face à un problème majeur
01:16:53et sur lequel c'est dur de lutter.
01:16:55Voilà.
01:16:56C'est...
01:16:57Donc,
01:16:58moi,
01:16:59ça m'angoisse,
01:17:00je pense,
01:17:01comme vous tous.
01:17:03Et un système libéral,
01:17:04encore une fois,
01:17:05comme le nôtre,
01:17:06n'a pas intérêt à défendre
01:17:07des valeurs de gauche,
01:17:08quoi.
01:17:09Donc,
01:17:10effectivement,
01:17:11ces financeurs,
01:17:12on sait que 90% de la presse écrite
01:17:13est tenue par un neuf milliardaire,
01:17:14ça a été documenté
01:17:15par Le Monde Diplomatique,
01:17:16notamment.
01:17:17Ces chiffres sont effarants,
01:17:18quoi.
01:17:19Voilà.
01:17:20Et effectivement,
01:17:21un milliardaire,
01:17:22tu ne vas pas lui demander
01:17:23de défendre des valeurs
01:17:24de solidarité,
01:17:25de gauche,
01:17:26etc.
01:17:27Donc,
01:17:28il n'a aucune raison
01:17:29de faire des médias
01:17:30qui vont équilibrer les choses.
01:17:31Structurellement,
01:17:32comme on est dans le capitalisme,
01:17:33ces médias sont alimentés
01:17:34par le capital
01:17:36et je ne vois pas
01:17:37comment on arrive
01:17:38à contrer ça.
01:17:39Donc,
01:17:40il faut continuer à se battre,
01:17:41faire des médias indépendants,
01:17:42faire des réseaux sociaux indépendants,
01:17:43etc.
01:17:44Mais la plupart du temps,
01:17:45c'est dans le bénévolat,
01:17:46quoi.
01:17:47Tu vois,
01:17:48c'est des gens
01:17:49qui sont à peine payés
01:17:50ou qui...
01:17:51À part Mediapart.
01:17:52C'est-à-dire que Mediapart
01:17:53a montré
01:17:54que le système d'abonnement
01:17:55et les financements par les lecteurs
01:17:56étaient efficaces
01:17:57et marchaient, quoi.
01:17:58Mais on n'a pas d'autres exemples
01:17:59pour l'instant
01:18:00mais...
01:18:09Ouais,
01:18:10mais là,
01:18:11moi, tu vois,
01:18:12si je faisais un roman
01:18:13en disant
01:18:1490% de la presse
01:18:15dans un pays
01:18:16dit démocratique
01:18:17est tenue par 9 milliardaires,
01:18:18je te fais ça dans un roman,
01:18:19tu me dis
01:18:20putain,
01:18:21c'est vraiment une dystopie,
01:18:22t'exagères un peu, quoi,
01:18:23tu vois.
01:18:24Et c'est ce qui se passe, quoi.
01:18:25Tu vois.
01:18:26Et maintenant qu'ils veulent
01:18:27en plus privatiser
01:18:28le service public
01:18:29de...
01:18:30Toi, si on revient à l'ORTF,
01:18:31pire que l'ORTF,
01:18:32c'est l'ORTF privé, hein.
01:18:33Je veux dire,
01:18:34France Inter,
01:18:35là, il commence à se dire
01:18:36est-ce qu'on va
01:18:37continuer à exister
01:18:39quand tu vois l'importance
01:18:40de France Culture
01:18:41justement dans l'émancipation
01:18:42et l'ouverture des esprits.
01:18:45Si c'est privatisé,
01:18:48c'est catastrophique, quand même,
01:18:49tu vois.
01:18:50Voilà, donc...
01:18:52Enfin, moi,
01:18:53c'est une des plus grosses peurs,
01:18:54c'est la première peur que j'ai
01:18:55si le RN passait,
01:18:57tu vois.
01:18:58C'est qu'immédiatement,
01:18:59il ferait ce boulot-là.
01:19:01Et une fois que c'est fait,
01:19:02c'est très, très difficile
01:19:03de revenir en arrière.
01:19:04Voilà.
01:19:05Donc, tu peux détruire
01:19:06France Inter, France Culture,
01:19:07etc.,
01:19:08tout Radio France
01:19:09en une décision,
01:19:11parce que t'as fait passer
01:19:12le RN, quoi.
01:19:14Ça, c'est chaud.
01:19:15Voilà.
01:19:16C'est très, très chaud.
01:19:19Monsieur.
01:19:20Bonjour, Alain.
01:19:22Je me demandais,
01:19:24comme tu vis
01:19:25plus vraiment dans la ville
01:19:26et plus
01:19:27au cœur
01:19:28de la
01:19:29technologie,
01:19:30comment t'arrivais,
01:19:31en tant qu'écrivain SF,
01:19:33à encore te projeter
01:19:34dans le futur,
01:19:35dans les nouvelles technologies,
01:19:37dans ce qui va arriver,
01:19:38sachant qu'autour de toi,
01:19:39tu n'as pas de smartphone,
01:19:40tu as la rivière,
01:19:41tu as des gens
01:19:42et il y a une situation simple
01:19:44qui...
01:19:46Voilà.
01:19:47Je te rassure,
01:19:48je suis aliéné au réseau
01:19:49comme tout le monde,
01:19:50donc je passe
01:19:51toutes mes soirées
01:19:52sur l'écran, quoi,
01:19:53et sur Internet,
01:19:54et à regarder
01:19:55ce qui se passe
01:19:56à lire les infos,
01:19:57à regarder
01:19:58ce qui arrive
01:19:59en termes de prototype,
01:20:01à être informé aussi
01:20:02par les amis,
01:20:03c'est-à-dire que,
01:20:04normalement,
01:20:05tu as tout un petit réseau
01:20:06d'amis qui t'envoient des choses.
01:20:07J'ai un pote, là,
01:20:08qui travaille beaucoup
01:20:09sur les IA
01:20:10et il m'envoie
01:20:11tous les derniers...
01:20:12C'est lui, par exemple,
01:20:13qui m'a envoyé
01:20:14le fait que Amazon,
01:20:15tu sais, dans ces magasins
01:20:16où tu...
01:20:17Just Walkthrough,
01:20:18je ne sais pas si tu as entendu parler,
01:20:19où tu passes,
01:20:20tu mets tout dans le caddie,
01:20:21tu sors
01:20:22et tu n'as même pas besoin
01:20:23de payer,
01:20:24tout est décompté,
01:20:25c'est l'IA
01:20:26qui contrôlait les caméras
01:20:27et qui faisait le boulot de l'IA
01:20:28parce que l'IA n'arrivait pas
01:20:29à faire le boulot
01:20:30et qu'en fait,
01:20:31il payait ces gens-là
01:20:32un dollar de l'heure
01:20:33au lieu des douze dollars
01:20:34qu'ils devraient payer
01:20:35et que c'était une forme
01:20:36de néocolonialisme
01:20:37complètement dingue.
01:20:38Tu vois, ça,
01:20:39c'est des copains
01:20:40qui me l'envoient,
01:20:41tu vois.
01:20:42Ils savent que je déteste Amazon
01:20:43donc ils m'envoient ça.
01:20:44Tu as vu Ikea aussi,
01:20:46qui propose,
01:20:47dans son métaverse,
01:20:48de faire travailler les gens ?
01:20:49Je n'ai pas vu ça.
01:20:50Tu fais ton petit chemin
01:20:51pour aller acheter
01:20:53et les clients
01:20:54peuvent aussi travailler
01:20:55dans le métaverse.
01:20:56C'est génial.
01:20:57C'est quoi le dernier objet
01:20:58technologique ?
01:20:59Dans ton bouquin,
01:21:00tu parles beaucoup
01:21:01du masque d'Apple
01:21:02qui s'appelle l'Apple Vision Pro.
01:21:03Oui, l'Apple Vision Pro,
01:21:04oui, oui.
01:21:05Pourquoi, par exemple,
01:21:06cet objet-là ?
01:21:07Excusez-moi,
01:21:08je prolonge.
01:21:09Pourquoi cet objet-là
01:21:10t'intéresse ?
01:21:11Oui, il m'intéresse
01:21:12parce qu'il amène
01:21:13la réalité mixte
01:21:14comme quelque chose
01:21:15de quotidien, tu vois.
01:21:16Et si tu te dis
01:21:17qu'ils arrivent vraiment
01:21:18à rendre cette technologie fluide,
01:21:19c'est parce que
01:21:20qu'ils arrivent vraiment
01:21:21à rendre cette technologie fluide
01:21:22et à un prix accessible,
01:21:23ça veut dire que là,
01:21:24tu vois, avec mes lunettes,
01:21:25j'aurais mes applis
01:21:26qui seraient dans l'espace.
01:21:27Je pourrais même avoir
01:21:28une image derrière
01:21:29ou même chercher,
01:21:30sans vous le dire,
01:21:31des informations
01:21:32et je vous aurais
01:21:33quand même en face.
01:21:34C'est-à-dire que c'est vraiment
01:21:35la réalité où tu as
01:21:36le monde réel
01:21:37en face de toi
01:21:38et en même temps,
01:21:39tu surimprimes dessus
01:21:40une couche numérique.
01:21:41Voilà.
01:21:42Donc, ce qu'on appelle
01:21:43réalité augmentée,
01:21:44mais moi, je préfère
01:21:45appeler mixte
01:21:46parce que c'est le
01:21:47mixte,
01:21:48c'est-à-dire
01:21:50et ça,
01:21:51Apple est très intelligent,
01:21:52je trouve,
01:21:53parce que tu vois,
01:21:54autant Meta
01:21:55a travaillé
01:21:56sur le casque fermé,
01:21:57sur le casque
01:21:58de réalité virtuelle,
01:21:59sur le fait que
01:22:00tu es obligé d'être
01:22:01dans une pièce fermée
01:22:02de 3 mètres par 3
01:22:03et que tu es coupé du monde,
01:22:04eux, ils ont dit
01:22:05non, non,
01:22:06on va avoir
01:22:07le meilleur des deux mondes.
01:22:08C'est-à-dire qu'on aura
01:22:09tout l'univers
01:22:10de l'appli en permanence
01:22:11et du numérique
01:22:12et toutes les interfaces
01:22:13dont on a besoin
01:22:14et en même temps,
01:22:15on a le monde réel.
01:22:16Donc, je peux parler avec vous
01:22:17tout en ayant quelque chose
01:22:18de réel.
01:22:19Ça, ça me paraît intéressant
01:22:20et ça, c'est-à-dire
01:22:21que ça re-spatialise le corps
01:22:22dans un monde numérique.
01:22:23Et c'est une façon
01:22:24d'aborder les choses
01:22:25qui est plutôt neuve
01:22:26et qui est flippante
01:22:27parce que dans ce cas-là,
01:22:28on ne se débrassera jamais.
01:22:29Effectivement,
01:22:30on sera tout le temps,
01:22:31tout le temps
01:22:32dans un élément numérique.
01:22:33Ça va être…
01:22:34Et tout le temps chez soi
01:22:35parce que…
01:22:36Et tu es tout le temps
01:22:37chez toi.
01:22:38Ceux qui ne l'ont pas vu,
01:22:39allez regarder le clip
01:22:40d'Apple
01:22:41sur l'Apple Vision Pro.
01:22:42C'est-à-dire que les personnages,
01:22:43les personnages,
01:22:44les personnes
01:22:45sont complètement
01:22:46dans leur canapé
01:22:47et en même temps partout.
01:22:48Donc, c'est le techno cocon.
01:22:49Mais c'est le rêve.
01:22:50Le corps est toujours
01:22:51entre 20 et 25 degrés.
01:22:52Il est posé sur un canapé,
01:22:53il ne fait pas d'efforts
01:22:54et il circule
01:22:55avec ce don d'ubiquité
01:22:56dans tout le réseau.
01:22:57C'est une espèce de rêve
01:22:58de l'homme augmenté aussi.
01:22:59Il y a une question ici.
01:23:00Et donc, je suis avec…
01:23:01Je m'utilise la technologie
01:23:02pour suivre la technologie.
01:23:03Bonjour.
01:23:04Bonjour.
01:23:05C'est Laurent.
01:23:06C'est Laurent.
01:23:07C'est Laurent.
01:23:08C'est Laurent.
01:23:09C'est Laurent.
01:23:10C'est Laurent.
01:23:11C'est Laurent.
01:23:12C'est Laurent.
01:23:14Bonjour.
01:23:15J'ai tellement de choses à dire.
01:23:17Je vais essayer de canaliser un peu.
01:23:18Surtout que quand je lis vos bouquins,
01:23:19j'aimerais tant lui dire ça.
01:23:21Pour faire le débat,
01:23:22parce que j'aime beaucoup
01:23:23votre manière d'approcher les trucs,
01:23:24vous êtes apparemment
01:23:25ouverts à la critique.
01:23:26Moi, j'ai pas mal de critiques
01:23:27à vous faire.
01:23:28Et…
01:23:29Je vais rester sur la tech.
01:23:31J'y travaille pas mal de temps.
01:23:33Je travaille dans les médias.
01:23:34Je connais bien la SF.
01:23:36Effectivement,
01:23:37comme vous disiez tout à l'heure,
01:23:38l'IA, il y avait comme
01:23:39le film H.E.R.
01:23:40Il y a aussi Olaf Tappeldon
01:23:41qui dans les années 30
01:23:42avait déjà parlé
01:23:43de ce que pouvait être l'IA.
01:23:45Et moi, j'ai envie de vous dire
01:23:46est-ce que vous envisagez
01:23:47pas un peu la tech
01:23:48comme vos visiteurs
01:23:49envisagent le vivant ?
01:23:50Ça veut dire que
01:23:51vous avez tendance
01:23:52un petit peu à la réduire.
01:23:53Je ne suis pas sûr
01:23:54que vous la connaissez
01:23:55si bien que ça.
01:23:56Et j'ai envie de vous réinviter
01:23:57à faire du cyberpunk, quoi.
01:23:59De reprendre
01:24:00Ghost in the Shell,
01:24:01d'aller vous fondre
01:24:02dans les réseaux
01:24:03et d'imaginer les choses
01:24:04bien plus loin
01:24:05que votre côté un peu
01:24:06Black Mirror pourrait faire.
01:24:08Ça veut dire que ça va
01:24:09plus loin que ça, la tech.
01:24:10En tout cas, j'ai envie
01:24:11de dire que si un poète
01:24:12ou quelqu'un de la SF
01:24:14a envie de s'en imprégner,
01:24:16c'est prodigieux dans la tech
01:24:18de voir à quel point
01:24:19il y a des choses vivantes.
01:24:20Moi, j'adore le vivant.
01:24:21J'adore Baptiste Morisot.
01:24:22J'ai aussi lu ses bouquins.
01:24:24Mais j'ai envie de vous inviter
01:24:26à aller plus loin que simplement...
01:24:29C'est un peu cliché, quand même.
01:24:31Est-ce que vous pouvez
01:24:32donner un exemple
01:24:33de ce que vous le feriez faire ?
01:24:34On pourrait faire
01:24:35une sorte d'échange.
01:24:36Vous iriez dans la zeste,
01:24:37marchez avec lui,
01:24:38c'est épuisant.
01:24:39Clairement, mais la tech,
01:24:40aujourd'hui, en open data,
01:24:43tout ce qu'on peut faire,
01:24:44aujourd'hui, toutes les personnes
01:24:45qui ont même la naissance d'Internet,
01:24:46la naissance d'Internet,
01:24:47ça a été mettre à disposition
01:24:49le savoir.
01:24:50Vous disiez,
01:24:51j'ai envie d'être présent,
01:24:52mais est-ce que vous avez été présent
01:24:53face à Nietzsche ?
01:24:54Non, vous l'avez découvert
01:24:55face à un livre.
01:24:56Le nombre de gens
01:24:57qui ont entendu parler de vous
01:24:58sans être dans la salle,
01:24:59il y en a peut-être
01:25:00qui nous écoutent, d'ailleurs,
01:25:01aujourd'hui.
01:25:02C'est quand même...
01:25:03Moi, je suis toujours halluciné
01:25:04de voir des gens
01:25:05qui utilisent les réseaux
01:25:06pour dire à quel point
01:25:07c'est nul, les réseaux.
01:25:08Moi, je trouve ça prodigieux
01:25:09de dire...
01:25:10Des gens, ils utilisent la tech
01:25:11pour propager leurs paroles
01:25:12et ils disent
01:25:13la tech est nulle.
01:25:14Mais moi, sans la tech,
01:25:15je n'aurais jamais entendu
01:25:16parler de vous.
01:25:17C'est un truc prodigieux,
01:25:18la tech.
01:25:19Moi, tous les jours,
01:25:20je peux aller écouter
01:25:21des gens me parler de science,
01:25:22de l'espace.
01:25:23Mais vous disiez,
01:25:24soyons optimistes,
01:25:25mais prenez la partie optimiste.
01:25:26Allons dire aux enfants,
01:25:27vous avez...
01:25:28Moi, je vois des gamins
01:25:29regarder des vidéos
01:25:30sur la science
01:25:31faites par des Youtubers
01:25:32qui valent, mais,
01:25:3310 000 profs.
01:25:34Et ces mecs,
01:25:35ils font 4 ou 5 vidéos
01:25:36sur la science
01:25:37et ces mecs,
01:25:38ils font 4 millions,
01:25:398 millions de vues.
01:25:40Envisageons la tech
01:25:41comme quelque chose
01:25:42de pas forcément capitaliste.
01:25:43Il y a aussi des gens
01:25:44qui vivent d'abonnement,
01:25:45pas du cerveau disponible
01:25:46et vous parliez
01:25:47de Mediapart,
01:25:48il y a de la tech
01:25:49qui vit de ça.
01:25:50C'est un peu simple,
01:25:51je trouve,
01:25:52de le réduire à ça.
01:25:53Comme le vivant est beau,
01:25:54comme il y a aussi
01:25:55des gens qui vivent
01:25:56du vivant
01:25:57et qui sont des connards,
01:25:58il y a des gens
01:25:59qui vivent de la tech
01:26:00et qui sont des connards.
01:26:01Mais voilà,
01:26:02je pense qu'il y a
01:26:03vraiment beaucoup de choses
01:26:04à explorer
01:26:05et moi,
01:26:06j'ai envie de vous dire,
01:26:07essayez de retomber amoureux
01:26:08de la tech.
01:26:09Soyez cyberpunk,
01:26:10soyez biopunk,
01:26:11soyez les deux,
01:26:12mélangez les deux,
01:26:13allez-y à fond
01:26:14parce que moi,
01:26:15je trouve qu'il y a
01:26:16un truc intrinsèquement
01:26:17vivant et humain
01:26:18dans la tech.
01:26:19La notion de réseau,
01:26:20c'est hyper humain.
01:26:21La manière dont Internet
01:26:22propage ses données,
01:26:23c'est hyper humain.
01:26:24On parle de virus
01:26:25parce que c'est quasiment vivant.
01:26:26C'est mon petit coup de gueule
01:26:27pour vous inviter
01:26:28à retomber amoureux
01:26:29de la tech.
01:26:30T'as lu le bouquin
01:26:31où on parle de Valéry Le Cicium ?
01:26:32Tu l'as lu, non ?
01:26:36Parce que je le dis,
01:26:37évidemment,
01:26:38en tout ça.
01:26:39Peut-être que je me suis
01:26:40mal exprimé là,
01:26:41mais moi,
01:26:42je ne suis pas du tout
01:26:43technophobe
01:26:44et je vois très bien
01:26:45ce que ça amène.
01:26:46Un peu quand même.
01:26:47Non, non, je suis technocritique.
01:26:48Avouez-le,
01:26:49dites-le vraiment
01:26:50parce qu'en fait,
01:26:51vous faites un discours
01:26:52en disant
01:26:53c'est génial,
01:26:54il y a Spotify
01:26:55et puis d'un coup,
01:26:56pa pa pa pa,
01:26:57vous taquez le truc.
01:26:58Non, mais technocritique,
01:26:59ça veut bien dire
01:27:00ce que ça veut dire.
01:27:01Comme un critique de cinéma,
01:27:02il va dire,
01:27:03ce film,
01:27:04cet aspect est très génial,
01:27:05c'est une critique.
01:27:06C'est-à-dire que vraiment,
01:27:07j'essaie d'analyser
01:27:08et de voir ce que ça apporte
01:27:09dans les deux sens.
01:27:10Moi,
01:27:11il y a des trucs fantastiques
01:27:12dans la technologie,
01:27:13je le redis
01:27:14parce que moi,
01:27:15j'adore pouvoir
01:27:16passer mes soirées
01:27:17à explorer le net
01:27:18et à découvrir
01:27:19plein de choses
01:27:20et plein d'informations
01:27:21auxquelles
01:27:22je n'aurais jamais accès.
01:27:23Moi, à l'époque,
01:27:24je faisais de l'ASF,
01:27:25j'allais à Boubourg,
01:27:26je regardais
01:27:27les sciences et vie
01:27:28et les sciences et avenir
01:27:29et j'étais obligé
01:27:30de regarder l'index.
01:27:31C'est comme ça
01:27:32que je cherchais,
01:27:33t'imagines,
01:27:34une page Wiki,
01:27:35elle m'ouvre
01:27:36des trucs monstrueux.
01:27:37Donc, c'est fantastique,
01:27:38c'est extraordinaire.
01:27:39Enfin, tu vois,
01:27:40je le redis.
01:27:41Quand je te parlais de Deezer,
01:27:42quand je te parlais
01:27:43de toutes les vidéos accessibles,
01:27:44quand je te parlais
01:27:45de toute la pédagogie,
01:27:46effectivement,
01:27:47de gens qui arrivent
01:27:48à transformer l'information
01:27:49et te la rendre hyper attractive,
01:27:50tout ça est génial.
01:27:51Tous les outils de créativité,
01:27:52tout l'open source,
01:27:53etc.
01:27:54Mais si tu veux,
01:27:55moi, j'ai le sentiment
01:27:56qu'après,
01:27:57c'est peut-être moi,
01:27:58qu'on est dans un monde
01:27:59où on te vend beaucoup
01:28:00la technologie
01:28:01parce que le capitaliste la vend
01:28:03On vend tout,
01:28:04technologie ou autre.
01:28:05Et les gens se déplacent.
01:28:06Aller sur les plages,
01:28:07c'est plein de monde.
01:28:08Aller dans la montagne,
01:28:09c'est plein de monde.
01:28:10Aller vous perdre n'importe où,
01:28:11même dans l'Everest,
01:28:12il y a 200 000 personnes.
01:28:13Les gens vivent physiquement,
01:28:14ils sont partout.
01:28:15On vend tout, en fait.
01:28:16On vend pas que la tech,
01:28:17on vend pas que le cerveau disponible,
01:28:19on vend tout.
01:28:20Voilà, c'est ça le truc.
01:28:21D'accord.
01:28:22Mais tu regarderas du coup
01:28:23dans le bouquin,
01:28:24je crois que je parle
01:28:25de tout ça
01:28:26et de tout l'aspect positif.
01:28:28Mais on va jamais assez loin.
01:28:30Enfin, tu vois,
01:28:31moi j'apprends plein de choses
01:28:32sur l'IA,
01:28:33toujours avec ce pote là.
01:28:34Par exemple,
01:28:35l'enginification,
01:28:36je sais pas si t'as entendu parler de ça,
01:28:37comment le réseau se merdifie
01:28:40par les IA
01:28:41et comment lutter contre ça
01:28:42avec des données nouvelles.
01:28:43Enfin,
01:28:44moi je suis d'accord avec toi.
01:28:46Je vois ça un peu
01:28:47comme on voit le vivant, tu vois.
01:28:48Je prétends pas du tout
01:28:49être quelqu'un
01:28:50qui a une connaissance ultra pointue
01:28:52de tout ce qui se passe en techno.
01:28:53C'est monstrueux tout ce qui se passe,
01:28:55tu vois.
01:28:56Il y a des choses passionnantes,
01:28:57il y a des choses géniales,
01:28:58il y a des choses enthousiasmantes.
01:28:59Moi j'essaie juste
01:29:00de me situer sur
01:29:01j'ai envie de dire
01:29:02l'humain moyen
01:29:03et anthropologiquement
01:29:04ce que ça nous fait.
01:29:05Voilà.
01:29:06Et déjà d'essayer
01:29:07de comprendre ça
01:29:08à un petit niveau.
01:29:09Mais il y a tellement
01:29:10de choses à explorer.
01:29:11Toi, moi je comprends
01:29:12ton agacement
01:29:13ou ton envie
01:29:14que ça aille plus loin.
01:29:15Discuter c'est tout,
01:29:16pas de problème.
01:29:17Mais t'as raison.
01:29:18Et d'ailleurs c'est génial
01:29:19de pouvoir avoir
01:29:20un tel débat.
01:29:21Je passe le micro.
01:29:22Mais là encore
01:29:23je suis un bâtard,
01:29:24tu vois.
01:29:25C'est juste,
01:29:26voilà.
01:29:27Monsieur a à nouveau une question.
01:29:28C'est juste des bouts,
01:29:29je connais des bouts.
01:29:30Il y a d'autres questions ?
01:29:31Je ne vois pas.
01:29:32Il l'a déjà posé lui.
01:29:33Il triche.
01:29:34Si j'ai le droit.
01:29:35Si si, allez-y.
01:29:36Parce qu'il n'y a pas d'autres
01:29:37questions pour l'instant.
01:29:38Moi je ne me trompe pas
01:29:39avec des questions féminines.
01:29:40Navré, d'ailleurs
01:29:41pour ma question précédente
01:29:42qui vous a sans doute
01:29:43fait perdre deux lectrices
01:29:44du coup.
01:29:45Ouais, je crois là.
01:29:46Quand vous parliez,
01:29:47vous auriez bien aimé
01:29:48avoir 15-20 ans
01:29:49dans les années 70
01:29:50pour être contemporain
01:29:51de Deleuze et tout.
01:29:52Déjà moi je tiens à dire
01:29:53que je suis très fier
01:29:54d'être un des vôtres.
01:29:56Est-ce que vous pourriez
01:29:57me donner des recos
01:29:58d'auteurs de science-fiction
01:29:59aujourd'hui
01:30:00qu'il faudrait absolument
01:30:01qu'on lise avec vous ?
01:30:02Il y a d'excellents...
01:30:03Je vais te donner
01:30:04des recos françaises
01:30:05pour le coup
01:30:06parce qu'on est...
01:30:07Tu sais qu'on est
01:30:08le tiers monde culturel
01:30:09des Etats-Unis.
01:30:10En passant,
01:30:11quand j'étais à San Francisco,
01:30:12un des buts
01:30:13c'était enfin
01:30:14d'avoir un de mes livres
01:30:15publiés en anglais
01:30:16ce qui n'est pas le cas.
01:30:17La Horde
01:30:18est le plus gros succès
01:30:19de SF française
01:30:20de l'époque.
01:30:21C'est un livre
01:30:22qui a été publié
01:30:23en anglais
01:30:24c'est le plus gros succès
01:30:25de SF française
01:30:26depuis 20 ans
01:30:27et ils n'en veulent pas
01:30:28aux Etats-Unis.
01:30:29Est-ce que tu sais pourquoi ?
01:30:30Oui, c'est très clair.
01:30:31Ils me l'ont dit
01:30:32très clairement.
01:30:33C'est quoi ?
01:30:34C'est qu'on est
01:30:35le tiers monde culturel.
01:30:36Vraiment.
01:30:37C'est vrai.
01:30:38Ils considèrent
01:30:39qu'il y a une science-fiction
01:30:40anglo-saxonne
01:30:41maintenant un tout petit peu
01:30:42chinoise
01:30:43mais que la science-fiction
01:30:44allemande,
01:30:45italienne,
01:30:46espagnole,
01:30:47française,
01:30:48ça n'existe pas.
01:30:49C'est eux la science-fiction.
01:30:50Du coup,
01:30:51ils ne traduisent pas
01:30:52du tout nos livres.
01:30:53Alors,
01:30:54dans la salle,
01:30:55elles pourraient en parler
01:30:56mais c'est extrêmement difficile
01:30:57de faire traduire
01:30:58même en littérature blanche
01:30:59des choses aux Etats-Unis.
01:31:00Et nous,
01:31:01on n'arrête pas
01:31:02de traduire leurs bouquins
01:31:03et dont beaucoup
01:31:04de bouquins moyens
01:31:05ou même des fois médiocres.
01:31:06Donc,
01:31:07il faut quand même
01:31:08le savoir.
01:31:09Et ce n'était pas ça
01:31:10ta question.
01:31:11C'était des recommandations ?
01:31:12Ah oui.
01:31:13Donc,
01:31:14du coup,
01:31:15je fais une compensation
01:31:16et je vais parler
01:31:17de Laval.
01:31:18C'est mon éditeur
01:31:19mais je trouve
01:31:20qu'il fait un boulot magnifique.
01:31:21Vraiment,
01:31:22c'est un grand éditeur.
01:31:23Diablo Vauvert,
01:31:24Laval,
01:31:25je pense que c'est vraiment
01:31:26deux maisons d'édition
01:31:27sur la SF française
01:31:28qui est très chouette.
01:31:29Il y a un auteur que j'adore,
01:31:30moi,
01:31:31qui s'appelle Léo Henry.
01:31:32Pourquoi tu l'aimes ?
01:31:33C'est un écrivain extraordinaire.
01:31:34Dans le fantastique,
01:31:35dans la SF,
01:31:36il y a une SF politique.
01:31:37C'est extrêmement original.
01:31:38Il a fait des bouquins magnifiques.
01:31:39Donc,
01:31:40Léo Henry avec un Y à la fin.
01:31:41Il y a Luvan aussi.
01:31:42Donc,
01:31:43tu peux lire Spline,
01:31:44par exemple.
01:31:45C'est un recueil
01:31:46de livres
01:31:47qui est vraiment
01:31:48magnifique.
01:31:49C'est un livre
01:31:50où tu peux lire
01:31:51Spline,
01:31:52par exemple.
01:31:53C'est un recueil de nouvelles
01:31:54mais hyper original.
01:31:55Tu peux lire
01:31:56Sabrina Calvo.
01:31:57Anciennement,
01:31:58David Calvo
01:31:59qui a fait
01:32:00une transition
01:32:01Sabrina
01:32:02et qui a fait
01:32:03Melmode furieux
01:32:04récemment
01:32:05qui est génial.
01:32:06C'est la commune
01:32:07de Belleville
01:32:08et le personnage principal,
01:32:09le seul objectif,
01:32:10c'est de faire cramer
01:32:11Euro Disney.
01:32:12Et c'est superbement fait,
01:32:13justement,
01:32:14dans les communautés.
01:32:15C'est une communauté
01:32:16un peu hacker,
01:32:17informatique.
01:32:18C'est
01:32:19délirant.
01:32:20C'est un travail
01:32:21sur ce que c'est
01:32:22l'imaginaire hollywoodien
01:32:23et comment lutter contre.
01:32:24Super dialogue,
01:32:25super écriture,
01:32:26Sabrina,
01:32:27tout ce qu'elle a fait
01:32:28était super.
01:32:29Eliott Dunéant
01:32:30est super.
01:32:31Voilà.
01:32:32Après,
01:32:33c'est déjà pas mal
01:32:34ces trois-là.
01:32:35Je me posais juste
01:32:36une question.
01:32:37Tu pourrais écrire
01:32:38d'autres fictions
01:32:39que de la SF ?
01:32:40T'as déjà essayé
01:32:41d'écrire
01:32:42de ce que t'appelles
01:32:43la littérature blanche
01:32:44avec un léger mépris ?
01:32:45Mon père me disait
01:32:46toujours,
01:32:47fais une histoire d'amour,
01:32:49je suis pas capable.
01:32:51Pourquoi t'es pas capable ?
01:32:52Je pense que ça m'ennuierait.
01:32:54En fait,
01:32:55j'ai besoin
01:32:56d'instiller une touche
01:32:57de décalage,
01:32:58des espèces
01:32:59de coeur concept
01:33:00de malade.
01:33:01J'ai besoin
01:33:02d'anticiper aussi,
01:33:03parce que je trouve
01:33:04que c'est
01:33:05un art spéculatif.
01:33:06La science-fiction,
01:33:07on le dit pas assez,
01:33:08mais c'est un art spéculatif.
01:33:09C'est un art fantastique
01:33:10pour interroger
01:33:11notre monde,
01:33:12notre réel.
01:33:13Et moi,
01:33:14je subis tellement
01:33:15le réel tel qu'il est
01:33:16que j'ai envie
01:33:18de le dévoyer,
01:33:19de le subvertir
01:33:20sur d'autres réalités,
01:33:22d'autres fonctionnements,
01:33:23d'autres dynamiques.
01:33:24Donc,
01:33:25soit je le décale
01:33:26dans le temps,
01:33:27soit je le décale
01:33:28sur un paradigme,
01:33:29comme là peut-être
01:33:30l'eau intelligente
01:33:31ou comme la horde.
01:33:33Soit je fais carrément
01:33:34une planète
01:33:35avec une nouvelle société
01:33:36de contrôle, etc.
01:33:37Donc,
01:33:38j'ai besoin de ça.
01:33:39Je serais pas capable.
01:33:40J'ai pas eu l'envie,
01:33:41en tout cas.
01:33:42J'ai jamais eu l'envie.
01:33:43Par contre,
01:33:44je fais du fantastique
01:33:45des fois en nouvelles,
01:33:46de la fantaisie.
01:33:47La horde,
01:33:48c'est quand même
01:33:49au moins pour moitié
01:33:50de la fantaisie.
01:33:51Même si je critique
01:33:52toujours la fantaisie,
01:33:53mais c'est quand même
01:33:54une saloperie de droite,
01:33:55la fantaisie.
01:33:56Pourquoi tu dis ça ?
01:33:57Non, je dis ça,
01:33:58mais c'est vrai en partie.
01:33:59Vas-y,
01:34:00explique.
01:34:01Non,
01:34:02mais bon,
01:34:03j'aime pas critiquer
01:34:04d'autres genres,
01:34:05etc.
01:34:06Non,
01:34:07bien sûr.
01:34:08Mais si tu veux,
01:34:09c'est quand même un genre.
01:34:10Je veux dire,
01:34:11Tolkien a tout fait,
01:34:12a tout posé.
01:34:13On recycle indéfiniment
01:34:14du Tolkien.
01:34:15Dans l'inventivité,
01:34:16je trouve que c'est
01:34:17beaucoup moins fort
01:34:18que la science-fiction
01:34:19où il y a vraiment
01:34:20une capacité à pervertir
01:34:21le réel,
01:34:22à le subvertir.
01:34:23T'as quand même un travail
01:34:24sur la langue.
01:34:25Le mec,
01:34:26il invente des langues
01:34:27et tout.
01:34:28Ah,
01:34:29mais Tolkien,
01:34:30c'est génial.
01:34:31Mais Tolkien,
01:34:32il a tout fondé.
01:34:33Et après,
01:34:34on a un immense recyclage
01:34:35de chevaliers,
01:34:36de dragons,
01:34:37de princesses,
01:34:38d'assassins royaux,
01:34:39de tout ce que tu veux.
01:34:40Mais t'as envie de leur dire
01:34:41les gars,
01:34:42mais allez-y.
01:34:43J'ai pas inventé
01:34:44de choses comme ça.
01:34:45Et moi,
01:34:46je suis horrifié
01:34:47parce que ma fille lit
01:34:48beaucoup de fantaisie
01:34:49et notamment
01:34:50de Young Adult
01:34:51et des choses comme ça.
01:34:52Et quand on l'ouvre,
01:34:53je lis une page
01:34:54et ça me tombe des mains.
01:34:55Ça fait...
01:34:56T'sais,
01:34:57j'aimerais allumer le poil avec
01:34:58et tout,
01:34:59j'ose pas.
01:35:00Et c'est terrible.
01:35:01Et pourtant,
01:35:02elle lit que ça.
01:35:03Elle peut pas lire mes livres.
01:35:04C'est ça,
01:35:05en fait,
01:35:06t'es blessé.
01:35:07Ouais,
01:35:08c'est catastrophique.
01:35:09C'est un échec.
01:35:10Non,
01:35:11je suis pas trop fantaisie.
01:35:12Mais t'sais,
01:35:13la SF est considérée comme...
01:35:14Enfin,
01:35:15on se considère
01:35:16qu'on est l'élite spéculative,
01:35:17qu'on invente,
01:35:18qu'on renouvelle le genre,
01:35:19etc.
01:35:20Et on dit toujours
01:35:21que la fantaisie,
01:35:22c'est identitaire,
01:35:23c'est le passé,
01:35:24c'est le médiéval fantastique.
01:35:25Enfin,
01:35:26bon,
01:35:27voilà.
01:35:28Quand on est complètement caricaturant,
01:35:29on dit la fantaisie,
01:35:30c'est le FN
01:35:31et la SF,
01:35:32c'est l'extrême gauche.
01:35:33C'est pas ça du tout,
01:35:34mais bon,
01:35:35des fois,
01:35:36on délire là-dessus.
01:35:37Alors,
01:35:38pardon,
01:35:39une autre question
01:35:40et puis après...
01:35:41J'ai déjà le micro.
01:35:42Alors,
01:35:43bonjour.
01:35:44Moi,
01:35:45je vous ai connu par un ami
01:35:46qui va devenir prêtre.
01:35:47Alors,
01:35:48rassurez-vous,
01:35:49il n'est pas forcément de droite.
01:35:50J'ai vu que vous en parliez souvent.
01:35:51Mais souvent,
01:35:52ce qu'il me disait,
01:35:53ce qui est magnifique avec Damasio,
01:35:54il me disait,
01:35:55c'est que son œuvre
01:35:56est totalement christique
01:35:57et il ne s'en rend pas compte.
01:35:58Alors,
01:35:59je ne vais pas vous demander
01:36:00si vous considérez
01:36:01que votre œuvre est christique,
01:36:02mais plutôt,
01:36:03vous parliez tout à l'heure
01:36:04de la différence avec les animaux.
01:36:05Une des grandes différences
01:36:06qu'on essaie encore,
01:36:07un mur qui ne tombe pas,
01:36:08c'est d'imaginer
01:36:09un être supérieur,
01:36:10un dieu.
01:36:11Quel avenir
01:36:12pour les religions
01:36:13face par exemple
01:36:14à la science-fiction
01:36:15selon vous ?
01:36:16Alors,
01:36:17j'ai essayé
01:36:18toute ma carrière
01:36:19pour l'instant
01:36:20d'éviter
01:36:21toute dimension religieuse
01:36:22dans le...
01:36:23Est-ce que quand même,
01:36:24pardon,
01:36:25la première question
01:36:26que vous ne vouliez pas poser,
01:36:27on pourrait quand même
01:36:28te la poser.
01:36:29Oui,
01:36:30sur le christique.
01:36:31Je n'osais pas,
01:36:32mais si vous voulez,
01:36:33oui,
01:36:34je suis curieux.
01:36:35Voilà.
01:36:36Oui,
01:36:37alors,
01:36:38sur le christique,
01:36:39on me l'a déjà dit,
01:36:40et notamment
01:36:41des copains,
01:36:42effectivement,
01:36:43qui sont chrétiens.
01:36:44Je pense que j'ai
01:36:45un vrai problème
01:36:46avec la mort,
01:36:47en fait,
01:36:48et que
01:36:49dans tous mes bouquins,
01:36:50il y a un motif
01:36:51sur la résurrection.
01:36:52Quasiment.
01:36:53Mes personnages
01:36:54n'arrivent pas à mourir,
01:36:55ils savent toujours
01:36:56qu'ils se réincarnent
01:36:57ou qu'il y a
01:36:58une résurrection.
01:36:59C'est vraiment
01:37:00caractéristique
01:37:01dans les furtifs,
01:37:02quoi.
01:37:03Donc,
01:37:04après,
01:37:05je pourrais vous dire
01:37:06Vincienne Desprez,
01:37:07comment elle interprète ça,
01:37:08c'est un bon oeuvre.
01:37:09Je suis un fils de divorcée
01:37:10et elle considère
01:37:11que
01:37:12tout mon mouvement
01:37:13est pour réunir
01:37:14les deux
01:37:15les deux bords
01:37:16de la rupture.
01:37:17Tu vois ?
01:37:18Et que la mort,
01:37:19c'est la rupture radicale,
01:37:20absolue, etc.
01:37:21Et donc,
01:37:22en créant la résurrection,
01:37:23tu permets de...
01:37:24Elle a toutes les interprétations
01:37:25psychanalytiques
01:37:26et c'est certainement
01:37:27très juste,
01:37:28mais il ne faut surtout pas
01:37:29se rendre compte
01:37:30de ce qu'on fait
01:37:31psychanalytiquement,
01:37:32sinon...
01:37:33Tu sais,
01:37:34c'est David Lynch,
01:37:35je sais pas si vous connaissez
01:37:36l'histoire,
01:37:37je sais pas si ça vous donne
01:37:38l'histoire,
01:37:39mais c'est vrai.
01:37:40Et il demande au psychanalyste,
01:37:41il lui dit,
01:37:42je voudrais savoir
01:37:43est-ce qu'il y a
01:37:44une chance,
01:37:45même infime,
01:37:46que ce que vous me réveilliez
01:37:47à travers la psychanalyse
01:37:48pénalise d'une façon
01:37:49ou d'une autre
01:37:50ma créativité ?
01:37:51Et le psychanalyste,
01:37:52il lui dit,
01:37:53oui,
01:37:54il y a une chance,
01:37:55il lui dit,
01:37:56au revoir.
01:37:57Donc,
01:37:58tu dois pas être conscient
01:37:59du truc.
01:38:00Mais ouais,
01:38:01il y a une dimension
01:38:02critique.
01:38:03Après,
01:38:05il y a quand même
01:38:06des fois ce truc-là.
01:38:07Mais on l'échappe pas
01:38:08à sa culture.
01:38:09Et puis c'est pas forcément
01:38:10mal de faire ça,
01:38:11mais c'est des ressources
01:38:12de récits qui sont
01:38:13puissantes,
01:38:14ultra-puissantes.
01:38:15Et la deuxième question,
01:38:16alors ?
01:38:17La deuxième question
01:38:18sur la religion.
01:38:19Donc moi,
01:38:20j'évite soigneusement.
01:38:21Je suis profondément athée.
01:38:22Je trouve profondément
01:38:23que la religion
01:38:24est une réponse
01:38:25souvent fatiguée
01:38:26à la complexité du monde.
01:38:27Et je suis beaucoup plus
01:38:28dans l'immanence,
01:38:29à la Deleuze
01:38:30et toutes les philosophies
01:38:31contemporaines
01:38:32qui sont sur l'immanence.
01:38:33J'ai un problème
01:38:34avec la transcendance
01:38:35et j'évite ça.
01:38:36Donc je pourrais,
01:38:37comme dans Dune,
01:38:38comme dans beaucoup
01:38:39de grandes œuvres de SF,
01:38:40évidemment,
01:38:41mettre en place des religions.
01:38:42On voit la puissance
01:38:43des religions
01:38:44dans la structuration du monde.
01:38:45Mais c'est un sujet
01:38:46que j'ai pas envie d'explorer.
01:38:47J'ai fait l'impasse de ça.
01:38:48Je fais l'impasse.
01:38:49Pour aller dans le sens
01:38:50de ce que dit monsieur,
01:38:51tout le début
01:38:52de la Vallée du Silicium,
01:38:53c'est une comparaison
01:38:54entre Apple
01:38:55et une cathédrale,
01:38:56le digital
01:38:57et les pratiques
01:38:58de rites,
01:38:59etc.
01:39:00Ouais, ouais,
01:39:01parce que tu fais
01:39:02tienne cette métaphore.
01:39:03Ouais,
01:39:04parce que c'est très difficile
01:39:05d'y échapper aux États-Unis
01:39:06où il y a une présence
01:39:07très forte de ça.
01:39:08Et puis,
01:39:09j'avais ce sociologue
01:39:10Fred Turner
01:39:11qui m'a parlé
01:39:12du puritanisme,
01:39:13qui m'a expliqué
01:39:14que pour lui,
01:39:15l'informatique était
01:39:16une sorte de religion
01:39:17de la matière lumière
01:39:18et que la fibre optique,
01:39:19c'est de la lumière,
01:39:20que tout le numérique fonctionne
01:39:21par la circulation de la lumière.
01:39:22Les réseaux,
01:39:23c'est une circulation
01:39:24des ongles électromagnétiques
01:39:25et de la lumière
01:39:26dans les fibres optiques.
01:39:27Et il m'a expliqué
01:39:28toute cette présence,
01:39:29toute cette proximité
01:39:30de la lumière
01:39:31entre les hommes blancs
01:39:32dans l'imaginaire
01:39:33de la Silicon Valley
01:39:34et que derrière l'homme blanc,
01:39:35il y avait la femme
01:39:36parce que la femme
01:39:37est déjà trop incarnée,
01:39:38trop dans l'enfantement,
01:39:39donc elle est
01:39:40un peu moins proche
01:39:41de la lumière immatérielle
01:39:42de Dieu
01:39:43et que derrière,
01:39:44il y avait les Noirs
01:39:45parce que carrément,
01:39:46ils sont sombres.
01:39:47Il m'a fait toute une lecture
01:39:48sexiste et raciste
01:39:49en me disant
01:39:50qu'elle est latente
01:39:51dans la Silicon Valley,
01:39:52elle n'est pas forcément
01:39:53manifestée,
01:39:54mais elle travaille
01:39:55quand même l'imaginaire
01:39:56de la Silicon Valley
01:39:57à partir de
01:39:58ce point magnifique
01:39:59qui est le point désincarné,
01:40:00dématérialisé
01:40:01qui est la lumière pure.
01:40:02Et quand tu vois
01:40:03comment ils traitent
01:40:04effectivement le corps
01:40:05comme une espèce de viande,
01:40:06ils disent meat,
01:40:07ils disent
01:40:08body and flesh
01:40:09are just meat,
01:40:10c'est-à-dire qu'on est de la viande
01:40:11et que ce qui compte
01:40:12c'est l'information,
01:40:13la circulation de la lumière,
01:40:14etc.
01:40:15C'est un parallèle intéressant
01:40:16avec la religion,
01:40:17avec le puritanisme
01:40:18et tout ça,
01:40:19donc j'ai trouvé intéressant
01:40:20ce lien.
01:40:21Madame.
01:40:22Bonjour,
01:40:23je m'excuse par avance
01:40:24parce que je ne vous ai jamais lu,
01:40:25donc peut-être que ma question
01:40:27est répondue dans vos livres.
01:40:30Par rapport à un point du début
01:40:33sur la perte de liens
01:40:35et de sens et de temps
01:40:37liés aux technologies,
01:40:39aux distanciels,
01:40:40aux réunions visuels,
01:40:41etc.
01:40:42Moi, je suis rentrée
01:40:43sur le marché du travail
01:40:44après le Covid,
01:40:45donc je n'ai connu
01:40:46que le télétravail.
01:40:48Avec du présentiel,
01:40:49mais beaucoup de télétravail,
01:40:50j'ai l'impression
01:40:51que c'est l'occasion unique
01:40:53par rapport à mes parents
01:40:54de récupérer du temps personnel
01:40:56dans l'entreprise
01:40:57et que finalement
01:40:58c'est un moyen
01:40:59d'être dissident
01:41:00au sein du capitalisme.
01:41:03Je me demandais
01:41:04que ça pourrait être
01:41:05un horizon de fiction
01:41:06et un moyen justement
01:41:08d'enclencher une petite révolution
01:41:11au sein d'un système
01:41:13trop difficile à bouger.
01:41:15Est-ce que ce ne serait pas
01:41:18plus efficace
01:41:19que de tout nier en bloc ?
01:41:21C'est une question de
01:41:22est-ce que la science-fiction
01:41:23peut investir ce temps-là
01:41:27qui, pour moi,
01:41:28est une vraie révolution en tout cas.
01:41:30Oui, et c'est génial
01:41:32parce que,
01:41:33j'en parlais tout à l'heure,
01:41:36le Covid pour moi
01:41:37ça a été un laboratoire
01:41:38d'anthropologie expérimentale,
01:41:39je l'ai vécu comme ça,
01:41:40c'est-à-dire que l'être humain
01:41:42et sa façon de vivre
01:41:43a été totalement rebouté
01:41:44et transformé par le Covid
01:41:45et on a été obligés
01:41:46d'agir complètement différemment
01:41:47par rapport à nos habitudes.
01:41:48Et parmi les chocs du Covid
01:41:50au niveau anthropologique
01:41:51qui sont restés,
01:41:52il y a le télétravail.
01:41:53Et quand tu discutes
01:41:54avec des DRH,
01:41:55j'ai une copine de mon frère
01:41:56qui se trouve
01:41:57qu'elle est DRH de Pôle Emploi,
01:41:59enfin maintenant c'est quoi,
01:42:00France Travail,
01:42:01ou je ne sais pas quoi,
01:42:02travail famille patrie,
01:42:03je ne sais plus comment
01:42:04ils l'ont appelé.
01:42:05Et elle me disait,
01:42:06maintenant les gens,
01:42:07deux ou trois jours par semaine,
01:42:08ils sont en télétravail.
01:42:09Et dans la région parisienne
01:42:10notamment, c'est fantastique
01:42:11parce que tu gagnes un temps fou
01:42:12dans des transports,
01:42:13tu gagnes un temps fou
01:42:14dans des dépenses de temps
01:42:16hyper éprouvantes
01:42:17qui sont les transports
01:42:18en commun de Paris.
01:42:20Et ce temps,
01:42:21tu peux le rapatrier pour toi,
01:42:22le gagner pour toi
01:42:23et les gens sont d'autant plus
01:42:24productifs chez eux
01:42:25qui sont peinards.
01:42:26Et du coup,
01:42:27moi qui me serais dit,
01:42:28tu m'aurais dit avant
01:42:29en dystopie,
01:42:30tout le monde est en télétravail,
01:42:31c'est horrible,
01:42:32il faut du corps,
01:42:33il faut de la présence,
01:42:34etc.
01:42:35Et en réalité,
01:42:36cet équilibre-là
01:42:37de deux ou trois jours
01:42:38par semaine
01:42:39où tu n'es pas au boulot
01:42:40et tu es chez toi,
01:42:41ça te permet
01:42:42de souffler,
01:42:43de respirer
01:42:44et ça te donne
01:42:45un temps qui est précieux.
01:42:46Et ça,
01:42:47c'est super intéressant
01:42:48je trouve,
01:42:49de le voir.
01:42:50Et c'est riche.
01:42:51Pardon,
01:42:53En fait,
01:42:54ma question,
01:42:55c'est qu'aujourd'hui,
01:42:56on a investi ce temps
01:42:57pour du plaisir,
01:42:58du loisir.
01:42:59Donc,
01:43:00quelque part,
01:43:01ça ne change pas énormément
01:43:02de choses
01:43:03dans notre construction.
01:43:04Alors que si on exploitait
01:43:05ce temps-là
01:43:06pour essayer
01:43:07de penser les choses
01:43:08autrement,
01:43:09ça bousculerait
01:43:10tout un système-là.
01:43:11Je trouve que c'est
01:43:12un temps
01:43:13qui contient en lui
01:43:14une petite révolution.
01:43:15Et on n'en parle pas beaucoup
01:43:16parce que ça fâche
01:43:17les entreprises.
01:43:18D'accord.
01:43:19Donc,
01:43:20ce temps gagné
01:43:21sur les transports,
01:43:22c'est ça que tu veux dire ?
01:43:23Ce temps qu'on a en plus,
01:43:24c'est un temps
01:43:25pour être dissident,
01:43:26pour faire autre chose,
01:43:27pour s'extraire
01:43:28de la machine
01:43:29qui est l'entreprise.
01:43:30Oui,
01:43:31mais tu vois,
01:43:32moi,
01:43:33ce qui est horrible,
01:43:34je trouve,
01:43:35c'est que
01:43:36si tu regardes
01:43:37l'évolution
01:43:38du temps de travail,
01:43:39il n'a pas arrêté
01:43:40de réduire.
01:43:41On a eu de plus en plus
01:43:42de congés payés
01:43:43dans l'histoire humaine,
01:43:44on a allégé
01:43:45énormément de choses
01:43:46et tout ce temps
01:43:47a été réinvesti
01:43:48dans la consommation numérique.
01:43:49Donc,
01:43:51en réalité,
01:43:52l'apport du numérique,
01:43:53ça a été de nous transformer
01:43:54en consommateurs
01:43:55et en consommant,
01:43:56on travaille
01:43:57pour les GAFA.
01:43:58En tout cas,
01:43:59on génère de la plus-value
01:44:00pour les GAFA.
01:44:01Donc,
01:44:02on a eu une capacité
01:44:03à s'auto-aliéner
01:44:04ou à ré-aliéner
01:44:05ce temps libre
01:44:06sur le numérique.
01:44:07Tu vois,
01:44:08c'est quand même
01:44:09un truc de fou.
01:44:10Moi,
01:44:11c'est quelque chose
01:44:12qui me sidère aussi.
01:44:13Moi-même,
01:44:14j'arrive le soir
01:44:15et je ne peux pas m'empêcher
01:44:16d'être scotché à la machine
01:44:17et je ne fais pas
01:44:18que des trucs géniaux
01:44:19et couvrants,
01:44:20intellectuellement puissants.
01:44:21Je gratte de la merde aussi.
01:44:22Et tu vois,
01:44:23cette capacité
01:44:24à ré-aligner le temps,
01:44:25elle est quand même prodigieuse.
01:44:26On n'en parle pas assez.
01:44:27On parle beaucoup de l'espace
01:44:28quand on analyse
01:44:29les mécanismes de pouvoir.
01:44:30On ne parle pas assez du temps,
01:44:31l'accaparement du temps,
01:44:32l'emprise sur le temps,
01:44:33l'économie de l'attention,
01:44:34etc.
01:44:35Peut-être qu'on n'en parle pas assez.
01:44:36Mais je trouve
01:44:37qu'on a réinvesti énormément
01:44:38de ce temps libre
01:44:39ou libéré
01:44:40dans...
01:44:41Parce que là,
01:44:42tu vois l'IA.
01:44:43Ce que dit Sam Altman
01:44:44de OpenIA,
01:44:45il dit,
01:44:46il va y avoir
01:44:47des millions d'heures
01:44:48de travail libérées
01:44:49par les machines de langage.
01:44:50Il y a énormément de jobs
01:44:51qui vont pouvoir être faits
01:44:52par ces machines.
01:44:53Donc normalement,
01:44:54on va libérer
01:44:55un temps colossal.
01:44:56Et puis,
01:44:57tu as l'impression
01:44:58que c'est comme une eau.
01:44:59Ce temps libéré
01:45:00va à nouveau flouer
01:45:01vers la consommation numérique,
01:45:02des jeux vidéo
01:45:03des fois à la con.
01:45:04Il y a des jeux vidéo fantastiques
01:45:05que j'adore
01:45:06et d'autres
01:45:07qui sont très alénants.
01:45:08Donc je ne sais pas.
01:45:09Je pense qu'on a une capacité
01:45:10à s'auto-aligner
01:45:11qui est prodigieuse.
01:45:12Donc il y a ça
01:45:13à bord des temps libérés.
01:45:15Je ne suis pas très optimiste là-dessus.
01:45:22Bonsoir Alain.
01:45:23Est-ce que tu aimerais écrire
01:45:24un livre de philo
01:45:25pour formaliser ta pensée
01:45:26à un moment ?
01:45:28J'ai un peu fait ça
01:45:29sur Vallée du Silicium.
01:45:30C'est vraiment un des essais.
01:45:31Je pense que je ne peux pas
01:45:32aller au-delà de l'essai
01:45:33parce que je n'ai pas la structure.
01:45:35J'admire tellement les philosophes
01:45:37et je vois tellement la différence.
01:45:38Quand tu discutes
01:45:39avec Baptiste Morisot,
01:45:40tu vois à quel point
01:45:41la pensée,
01:45:42elle est puissante,
01:45:43elle est structurée
01:45:44et profonde.
01:45:45Donc moi,
01:45:46très clairement,
01:45:47je n'ai pas ce niveau-là.
01:45:48Je compense par mon intuition,
01:45:50par ma capacité narrative,
01:45:51etc.
01:45:52Mais je ne peux pas dépasser
01:45:53le niveau des séistes.
01:45:54Donc je n'irai pas jusque-là.
01:45:55Sauf si je fais un travail en commun
01:45:58avec...
01:46:00Là, je ferais soit avec Yves Citon,
01:46:01que j'aime beaucoup,
01:46:02soit avec Vinciane Desprez,
01:46:03soit avec Baptiste.
01:46:06Mais ça serait un boulot à deux.
01:46:07Je ne ferais pas ça tout seul.
01:46:10Je n'aurais pas la prétention
01:46:11de faire ça tout seul.
01:46:13On va peut-être prendre
01:46:14les deux dernières questions,
01:46:15madame et puis monsieur.
01:46:19Bonsoir.
01:46:20Merci pour la discussion.
01:46:21Et moi,
01:46:22j'aimerais bien revenir
01:46:23à quelque chose
01:46:24que vous avez évoqué au début.
01:46:25Notamment quant à l'IA
01:46:27comme une déflagration
01:46:28sur le marché du travail.
01:46:29J'avoue que pour moi,
01:46:32l'IA et notamment
01:46:33les modèles de langage naturel
01:46:36qu'on voit aujourd'hui,
01:46:38pour moi,
01:46:39c'est un modèle
01:46:41pour moi,
01:46:42c'est plus une bulle spéculative
01:46:44sur les marchés financiers
01:46:45que vraiment quelque chose
01:46:46qui va être pérenne
01:46:48parce que ça demande énormément
01:46:49de données en entrée
01:46:50pour devenir cette espèce
01:46:54de miroir imparfait
01:46:55de ce qu'on est.
01:46:57Donc, énormément de données
01:46:58en entrée.
01:47:00Je ne vois pas vraiment ça
01:47:03bouleverser le monde humain
01:47:04sachant que dès que les humains
01:47:06cesseront de mettre des données
01:47:07dans la machine
01:47:08et non pas seulement des données
01:47:09mais des données en grande quantité,
01:47:11toute cette révolution
01:47:13de chat GPT qu'on voit
01:47:15s'arrêtera immédiatement.
01:47:17Et donc du coup,
01:47:18ma question ce serait
01:47:19quand vous dites
01:47:20que l'IA va être une déflagration
01:47:21et va mener à beaucoup
01:47:22de pertes d'emploi,
01:47:23à quels emplois
01:47:24vous pensez en particulier ?
01:47:28Là, vraiment,
01:47:29ce n'est pas mon délire
01:47:30ou mon intuition,
01:47:31c'est vraiment des choses
01:47:32que j'ai lues et des études
01:47:33qui sont en cours.
01:47:35Nous, on avait fait un bouquin
01:47:36qui s'appelle
01:47:37Demain le travail à la vol justement
01:47:38qui est un recueil de nouvelles
01:47:39sur le travail en gros
01:47:40en 2050.
01:47:41Et à ce moment-là,
01:47:42j'avais énormément travaillé
01:47:43sur les métiers
01:47:45qui vont disparaître
01:47:46ou s'aménuiser.
01:47:48Il y a une sorte de synthèse
01:47:49de ça dans
01:47:50Si jamais tu trouves,
01:47:51ça s'appelle
01:47:54Serf Made Man,
01:47:55la nouvelle que j'avais fait.
01:47:56Serf Made Man,
01:47:57ce n'est pas self,
01:47:58mais Serf Made Man,
01:47:59comment on se fait serf
01:48:00de soi-même,
01:48:01où la créativité discutable
01:48:02de Nolan Peskin
01:48:03et je raconte l'histoire
01:48:04de quelqu'un en 2050
01:48:05qui est dans un monde
01:48:06où il n'y a plus
01:48:07de la créativité
01:48:08qui est rémunérée
01:48:09parce que tout le reste
01:48:10est fait par le...
01:48:11Et je donne des pourcentages
01:48:12que j'avais repris d'une étude
01:48:13sur tous les métiers
01:48:14qui ont,
01:48:15et notamment journalistes.
01:48:16Aujourd'hui,
01:48:17tu vas,
01:48:18honnêtement,
01:48:19je pense que tu peux
01:48:20enlever 80%
01:48:21des boulots de pigistes
01:48:22parce que les machines
01:48:23de langage vont le faire
01:48:24aussi bien,
01:48:25tu vois,
01:48:26partir des pêches à FP,
01:48:27etc.
01:48:28Tu as tous les boulots
01:48:29de jurisprudence,
01:48:30tous les assistants juridiques
01:48:31qui font ça,
01:48:32tu amènes même des médecins,
01:48:33des mécanistes de diagnostic
01:48:34qui sont faits par les IA.
01:48:35Moi, je vois en jeu vidéo,
01:48:36on avait monté un studio
01:48:37de jeu vidéo
01:48:38où j'avais des gens
01:48:39qui faisaient tout l'univers
01:48:40de Néo Paris 2084,
01:48:41on avait fait un Haussmannier
01:48:42augmenté, etc.
01:48:43Le directeur artistique,
01:48:44il aurait donné
01:48:45les éléments à l'IA.
01:48:46Il sortait tout ce qu'on appelle
01:48:47les props,
01:48:48c'est-à-dire les props,
01:48:49c'est l'abribus,
01:48:50les poubelles,
01:48:51la borne d'incendie,
01:48:52les trottoirs,
01:48:53tu vois,
01:48:54toutes ces choses-là
01:48:55dans la ville.
01:48:56L'IA pourrait parfaitement
01:48:57les faire aujourd'hui
01:48:58avec des bons prompts
01:48:59et à partir de là...
01:49:00Donc tous ces jobs,
01:49:01au niveau graphique,
01:49:02par exemple,
01:49:03les graphistes,
01:49:04les codeurs,
01:49:05à partir de là,
01:49:06il y a toute une partie du code
01:49:07qui est générée maintenant
01:49:08par l'IA.
01:49:09Il y a énormément de métiers
01:49:10qui vont être touchés
01:49:11et c'est des métiers du tertiaire.
01:49:12C'est que des métiers du tertiaire,
01:49:13tu vois.
01:49:14Et comme 70% des métiers
01:49:15aujourd'hui,
01:49:16c'est le tertiaire,
01:49:17ça fait beaucoup de monde.
01:49:18Moi, si tu veux,
01:49:19pourquoi je vois
01:49:20que ça va être catastrophique,
01:49:21c'est que quand Sam Altman,
01:49:22donc toujours
01:49:23ce PDG de OpenAI
01:49:24qui a fait chat GPT,
01:49:25il parle de revenu universel
01:49:26et qu'à la Silicon Valley,
01:49:27on reparle du revenu universel
01:49:28qui était au départ
01:49:29une marotte de la gauche
01:49:30que la droite a repris
01:49:31à certains moments.
01:49:32C'est-à-dire l'idée
01:49:33qu'on va tellement perdre d'emploi
01:49:34que si on ne donne pas
01:49:35un revenu de base
01:49:36à tout le monde,
01:49:37ça sera la révolution,
01:49:38tu vois.
01:49:39Pour que la Silicon Valley
01:49:40qui est vraiment
01:49:41une idéologie
01:49:42de start-upeur absolue,
01:49:43de libertariat absolu
01:49:44et tout ça,
01:49:45parle de revenu de base,
01:49:46c'est qu'ils sentent
01:49:47que c'est vraiment compliqué.
01:49:48Donc après,
01:49:49ça reste de la perspective,
01:49:50tu vois.
01:49:51Je ne sais pas
01:49:52s'ils ont raison,
01:49:53je ne sais pas
01:49:54si j'ai raison
01:49:55de te retransmettre ça,
01:49:56etc.
01:49:57Et puis,
01:49:58il y a aussi
01:49:59des métiers
01:50:01et peut-être que c'est toi
01:50:02qui as raison
01:50:03et peut-être que si on
01:50:04n'alimente plus
01:50:05ces machines-là,
01:50:06il va y avoir
01:50:07des choses.
01:50:08Mais là,
01:50:09c'est quand même
01:50:10vraiment bien parti
01:50:11pour...
01:50:12Quand je vois la qualité,
01:50:13tu vois,
01:50:14j'utilise,
01:50:15je regarde,
01:50:16etc.
01:50:17Quand je vois la qualité
01:50:18des réponses,
01:50:19des synthèses
01:50:20sur tout ce qui concerne
01:50:21les textes,
01:50:22par exemple,
01:50:23tous les services
01:50:24de maintenance,
01:50:25de maintenance en ligne,
01:50:26etc.
01:50:27Tout ça va être fait,
01:50:28c'est déjà fait en partie
01:50:29par l'IA.
01:50:30Non, non,
01:50:31ça va vraiment être féroce.
01:50:32Oui, oui,
01:50:33ça va vraiment être féroce.
01:50:34Et ça ne viendra pas
01:50:35tout de suite,
01:50:36tout de suite,
01:50:37mais je pense qu'en 5-6 ans,
01:50:38on va déjà avoir
01:50:39des impacts monstrueux.
01:50:40Tu as déjà un journal,
01:50:41je ne sais plus
01:50:42le nom de ce journal
01:50:43qui a licencié 30%
01:50:44de ses journalistes.
01:50:45Comment il s'appelle ?
01:50:46Je ne sais plus.
01:50:47Oui,
01:50:48ça arrive quand même fort.
01:50:49Je suis assez d'accord
01:50:50avec ce constat
01:50:51en fait à court et moyen terme.
01:50:52C'était plus dans le sens
01:50:53où pour moi,
01:50:54pour avoir en fait
01:50:55cette continuité
01:50:56qui est assurée par l'IA,
01:50:57il faut avoir
01:50:58l'IA qui est nourrie
01:50:59par 100%
01:51:00de créativité humaine.
01:51:01Mais quand les humains
01:51:02vont cesser de créer,
01:51:03ce qui va arriver
01:51:04parce qu'en fait,
01:51:05ils se reposent sur l'IA,
01:51:06c'était un peu
01:51:07l'exemple de Paul Jurion
01:51:08dont vous parliez
01:51:09un peu plus tôt.
01:51:10En fait,
01:51:11je pense que l'IA
01:51:12va aussi commencer
01:51:13à s'effondrer.
01:51:14Enfin,
01:51:15c'est ce que j'espère.
01:51:16Non, mais tu touches
01:51:17à un point qui est fabuleux.
01:51:18Moi,
01:51:19qu'on m'a raconté
01:51:20et dans les choses
01:51:21que je n'avais pas intégrées
01:51:22au niveau de la technologie
01:51:23pour reprendre ce que tu disais
01:51:24tout à l'heure,
01:51:26et en fait,
01:51:27mon copain m'a expliqué
01:51:28qu'aujourd'hui,
01:51:29admettons que
01:51:30Internet,
01:51:31ça soit un volume 100,
01:51:32je ne sais pas,
01:51:33100 milliards de milliards
01:51:34de milliards de milliards
01:51:35de teraoctets de données
01:51:36ou je ne sais pas quoi.
01:51:37Je ne sais pas les chiffres,
01:51:38mais admettons que
01:51:39ce soit un volume 100.
01:51:40L'arrivée de l'IA générative,
01:51:41comme elle produit
01:51:42des vidéos automatiquement,
01:51:43comme elle produit
01:51:44des images automatiquement,
01:51:45comme elle produit
01:51:46des textes automatiquement,
01:51:47des musiques automatiquement,
01:51:48etc.,
01:51:49le facteur 100,
01:51:50il va devenir 1000,
01:51:512000, 5000,
01:51:52etc., très vite.
01:51:53C'est-à-dire que le Web,
01:51:54déjà on a une quantité
01:51:55colossale de données,
01:51:56il va s'étendre.
01:51:57Sauf que sur les 5000,
01:51:58il y aura 4900
01:51:59et ça sera fait
01:52:00par l'IA générative.
01:52:01Donc ça sera fait
01:52:02à partir des données
01:52:03fraîches,
01:52:04créatives,
01:52:05humainement générées,
01:52:06etc.
01:52:07Donc du coup,
01:52:08la masse du Web
01:52:09va être sur
01:52:10de l'image dégradée,
01:52:11de l'image
01:52:12GPT-ifiée,
01:52:13enfin,
01:52:14mid-journé-ifiée
01:52:15ou je ne sais pas quoi,
01:52:16des textes dégradés,
01:52:17etc.,
01:52:18du texte moyen.
01:52:19Et donc,
01:52:20il disait,
01:52:21il y a ce mot
01:52:22qu'un mec a inventé,
01:52:23c'est génial en anglais,
01:52:24c'est
01:52:25N-shitification.
01:52:26Donc,
01:52:27emmerdement,
01:52:28enfin,
01:52:29si tu veux,
01:52:30ou merdification,
01:52:31tu vois.
01:52:32C'est-à-dire que la qualité
01:52:33des données va se merdifier.
01:52:34Et il me disait,
01:52:35il me racontait,
01:52:36donc,
01:52:37Nvidia,
01:52:38tu dois connaître,
01:52:39quoi,
01:52:40qui est une grosse boîte,
01:52:41est en train
01:52:42de faire tourner
01:52:43actuellement
01:52:44des voitures
01:52:45dans les villes du monde
01:52:46avec des caméras 8K
01:52:47qui filment
01:52:48tout et n'importe quoi,
01:52:49des chiens,
01:52:50des bâtiments,
01:52:51pour avoir
01:52:52de la donnée fraîche.
01:52:53Tu vois ?
01:52:54C'est comme si la vampirisation
01:52:55dégradait tout
01:52:56et qu'il fallait sans arrêt
01:52:57de la donnée fraîche.
01:52:58Donc,
01:52:59t'arrives au délire,
01:53:00moi j'ai envie de faire
01:53:01une nouvelle là-dessus,
01:53:02t'arrives au délire
01:53:03où 80% des gens
01:53:04sont au chômage
01:53:05et ton boulot,
01:53:06c'est de filmer
01:53:07de la merde
01:53:08toute la journée
01:53:09avec ta petite caméra
01:53:10chez toi,
01:53:11tes enfants,
01:53:12machin,
01:53:13pour alimenter
01:53:14en données fraîches
01:53:15les IA
01:53:16pour éviter
01:53:17qu'elles se dégradent
01:53:18trop vite,
01:53:19tu vois ?
01:53:20Il me racontait aussi
01:53:21dans les délires,
01:53:22c'est qu'il y a des gens
01:53:23ils envoient 300 livres
01:53:24par jour
01:53:25sur la plateforme Amazon
01:53:26générée par l'IA.
01:53:27Donc,
01:53:28Amazon a limité
01:53:29le nombre de livres
01:53:30que tu peux envoyer
01:53:31par jour,
01:53:32tu vois,
01:53:33sur le truc,
01:53:34parce que les gens
01:53:35ils font des biographies
01:53:36d'Amy Winehouse
01:53:37avec trois promptes
01:53:38et ils balancent,
01:53:39tu vois ?
01:53:40Ça c'est des cas,
01:53:41mais par exemple,
01:53:42je discutais récemment
01:53:43avec deux chercheurs
01:53:44qui sont vraiment pas du tout
01:53:45dans les mêmes domaines,
01:53:46l'un qui est physicien
01:53:47et l'autre qui travaille
01:53:48en sciences humaines
01:53:49et l'autre qui travaille
01:53:50dans la recherche.
01:53:51Et l'année dernière,
01:53:52le nombre de demandes
01:53:53de financement
01:53:54dans les institutions
01:53:55qui financent la recherche,
01:53:56c'était multiplié
01:53:57parce que les chercheurs
01:53:58faisaient générer
01:53:59leur projet de recherche
01:54:00par les IA.
01:54:01Parce qu'en fait,
01:54:02c'est très facile
01:54:03pour une IA
01:54:04de bien générer
01:54:05un projet de recherche
01:54:06parce que ça correspond
01:54:07à un vocabulaire
01:54:08très codifié,
01:54:09etc.
01:54:10Et ils se sont demandés pourquoi
01:54:11ils avaient autant de demandes
01:54:12et après ils ont compris pourquoi
01:54:13parce que sans doute
01:54:14que même le font par ailleurs.
01:54:15Et ça c'est,
01:54:16bon,
01:54:17c'est pas forcément
01:54:18grave,
01:54:19mais c'est des effets
01:54:20comme ça.
01:54:21C'est très grave
01:54:22sur les appels d'offres.
01:54:23C'est-à-dire que les gens
01:54:24qui reçoivent,
01:54:25pareil,
01:54:26il y a l'appel d'offres
01:54:27ouvert sur Demain la Ville
01:54:28justement à La Volte,
01:54:29tu reçois 200 manuscrits
01:54:30mais tu peux recevoir 400
01:54:31parce que les gens
01:54:32ils en génèrent,
01:54:33tu vois.
01:54:34Et au bout du cône,
01:54:35t'as juste 3 personnes
01:54:36qui lisent les manuscrits,
01:54:37tu vois.
01:54:38Et bientôt,
01:54:39il y aura des vidéos
01:54:40générées automatiquement,
01:54:41il y a des images
01:54:42générées automatiquement.
01:54:43Il faut des humains
01:54:44derrière pour les...
01:54:45Après les gens
01:54:46travaillent aujourd'hui
01:54:47et les robots reconnaissent
01:54:48que c'est produit
01:54:49par des robots.
01:54:50Il va falloir mettre des IA
01:54:51pour analyser les IA
01:54:52qui vont...
01:54:53Non mais ça pose
01:54:54d'énormes problèmes
01:54:55par exemple en traduction
01:54:56automatique puisqu'en fait
01:54:57jusqu'à maintenant
01:54:58la traduction automatique
01:54:59est alimentée par des textes
01:55:00qui sont traduits par des humains
01:55:01donc plutôt des textes
01:55:02de bonne qualité
01:55:03mais que le problème
01:55:04c'est que là en ce moment
01:55:05les IA traduisent du texte
01:55:06donc un tout petit peu
01:55:07plus moyen que le texte
01:55:08humain en qualité
01:55:09et que donc les IA
01:55:10s'entraînent avec du texte
01:55:11qui sont des mauvaises traductions
01:55:12ou des traductions moyennes.
01:55:13Voilà,
01:55:14ça c'est un énorme problème
01:55:15pour la traduction automatique
01:55:16mais sauf qu'ils travaillent
01:55:17sur la labellisation
01:55:18et qu'il est possible
01:55:19qu'assez vite
01:55:20on puisse identifier...
01:55:21Enfin bon bref.
01:55:22Une dernière question peut-être
01:55:23ou deux dernières questions ?
01:55:32Alors je ne sais pas
01:55:33comment formuler la question
01:55:34mais c'est autour de l'hotech.
01:55:37Est-ce que c'est une alternative
01:55:40ou est-ce que c'est un complément
01:55:41ou est-ce que c'est parasité
01:55:42par le hightech
01:55:43ou est-ce que c'est justement
01:55:44dans le télétravail
01:55:45un moment de subversion ?
01:55:48Et quel est le rapport au monde
01:55:49que vous voyez
01:55:50quand vous vous projetez
01:55:51dans la fiction ?
01:55:55Quel est le rapport au monde
01:55:56que ça donne le low-tech ?
01:55:58Oui, moi je suis très favorable
01:56:00au low-tech
01:56:01et je le défends beaucoup
01:56:02dans Vallée du Silicium.
01:56:04Dans les technologies positives, etc.
01:56:07Quand j'envisage
01:56:08que ce serait pour moi
01:56:09une technologie positive
01:56:10je valorise énormément le low-tech
01:56:11au sens où,
01:56:12déjà écologiquement,
01:56:13c'est moins d'intrants
01:56:14pour les fabriquer,
01:56:15c'est moins d'extrants
01:56:16et de déchets en aval
01:56:18mais c'est surtout
01:56:19parce que c'est
01:56:20des technologies appropriables.
01:56:21C'est des technologies
01:56:22dont on comprend
01:56:23comment elles fonctionnent.
01:56:24C'est des technologies
01:56:25qu'on peut réparer,
01:56:26qu'on peut bricoler,
01:56:27sur lesquelles on a la main, etc.
01:56:28Donc, pour moi,
01:56:30c'est profondément ce qui manque.
01:56:31Ce n'est pas de critiquer
01:56:32la technologie, etc.
01:56:33Moi, ce que je critique,
01:56:34c'est pour revenir aussi
01:56:35à ce qu'on disait tout à l'heure,
01:56:36mais ce que je critique
01:56:37c'est ce qu'on appelle
01:56:38les technologies hétéronomes.
01:56:39C'est-à-dire,
01:56:40c'est des technologies
01:56:41qui te rendent dépendant
01:56:42de leur fonctionnement.
01:56:43Tu prends une tablette Apple,
01:56:44tu ne peux utiliser
01:56:45une tablette Apple
01:56:46que comme elle a été conçue.
01:56:47Sauf si tu manies Linux,
01:56:49peut-être,
01:56:50on pourrait discuter, etc.
01:56:51Mais en gros,
01:56:52l'iOS est fixée,
01:56:53les applis sont fixées,
01:56:55c'est très pratique à utiliser
01:56:56mais l'interface te dit exactement
01:56:59ce que tu peux faire
01:57:00ou pas faire
01:57:01et tu ne peux pas rien faire
01:57:02en dehors d'elle.
01:57:03Donc, tu n'as pas d'autonomie
01:57:04sur l'outil.
01:57:05Si tu prends l'exemple,
01:57:06j'ai inventé rien,
01:57:07c'est Ivan Illich
01:57:08qui a parlé de ça beaucoup.
01:57:09Il appelait ça
01:57:10les technologies conviviales.
01:57:11Il y en a qui disent
01:57:12technologies émancipatrices,
01:57:13etc.
01:57:14Il y a plusieurs façons
01:57:15de les appeler
01:57:16mais l'Autech,
01:57:17ça a le mérite
01:57:18d'être très court,
01:57:19c'est qu'il dit
01:57:20tu prends un vélo,
01:57:21si ce n'est pas
01:57:22un vélo électrique,
01:57:23ta chaîne saute,
01:57:24tu prends la chaîne,
01:57:25tu la remets,
01:57:26tu comprends
01:57:27comment ça marche.
01:57:28Tu crèves ton pneu,
01:57:29tu peux démonter ton pneu,
01:57:30tu peux mettre une Westin
01:57:31et tu redémarres.
01:57:32Ton frein bloque,
01:57:33c'est-à-dire que tu comprends
01:57:34exhaustivement et complètement
01:57:35comment fonctionne un vélo.
01:57:36La technologie,
01:57:37elle est appropriable,
01:57:38elle est bricolable.
01:57:39Et je pense que c'est vers ça
01:57:41qu'on doit aller au maximum.
01:57:42Et quand on parle
01:57:43d'effondrement,
01:57:44quand on parle
01:57:45peut-être de déclin,
01:57:46en tout cas,
01:57:47ou d'effritement
01:57:48de certaines situations high-tech,
01:57:49il faut le voir
01:57:50comme quelque chose de positif,
01:57:51c'est-à-dire qu'on va revenir
01:57:52à des technologies
01:57:53qui sont plus facilement manipulables.
01:57:54Après, il faudrait apprendre
01:57:55le code à tous les gamins
01:57:56et c'est pour ça,
01:57:57encore une fois,
01:57:58d'avoir la techno
01:57:59comme troisième matière
01:58:00avec le math et le français
01:58:01à l'éducation nationale.
01:58:02Mais tout gamin
01:58:03devrait savoir coder,
01:58:04pour moi,
01:58:05d'une page web.
01:58:06On devrait leur apprendre
01:58:07à utiliser des technologies
01:58:08de création,
01:58:09enfin, en tout cas,
01:58:10des outils de créativité.
01:58:11On devrait leur apprendre
01:58:12à se servir d'un réseau social
01:58:13correctement,
01:58:14d'un moteur de recherche
01:58:15correctement,
01:58:16d'une idée générative
01:58:17correctement.
01:58:18On devrait nous apprendre
01:58:19à avoir la main
01:58:20sur ces outils,
01:58:21à comprendre comment ils marchent
01:58:22et à s'en servir
01:58:23de façon intelligente
01:58:24et éclairée.
01:58:25Ce qui n'est pas le cas,
01:58:26on a pris toute la vague numérique
01:58:27depuis 30 ans
01:58:28sur la gueule,
01:58:29le tsunami,
01:58:30et personne n'a éduqué personne.
01:58:31Nos parents n'arrivent pas
01:58:32à éduquer nos gosses,
01:58:34il y a quelques assos numériques,
01:58:35il y a l'acuprédature du net,
01:58:37mais c'est extrêmement modeste.
01:58:40L'halothèque permettrait,
01:58:42en tout cas pour moi,
01:58:44de se situer au bon niveau.
01:58:45Quand on parle de sobriété,
01:58:46de frugalité,
01:58:48et de baisse surtout
01:58:49des consommations énergétiques
01:58:50parce qu'on ne peut pas
01:58:51continuer comme ça,
01:58:52l'halothèque est une réponse
01:58:54à mon avis excellente
01:58:55et ajustée
01:58:56à ce qui se passe.
01:58:58Je suis très favorable à ça
01:58:59et je suis assez attentive
01:59:00à ce qu'ils font.
01:59:03Tu as le Halothèque Lab en France
01:59:04notamment,
01:59:05et les événements.
01:59:07Mais tu vois,
01:59:08l'halothèque c'est aussi
01:59:09les ateliers paysans,
01:59:10c'est un groupement
01:59:11où ils ont mis en open source
01:59:12toutes les façons
01:59:13de faire des herses
01:59:14derrière les tracteurs,
01:59:15de réparer le tracteur,
01:59:16de faire des tracteurs
01:59:17moins chers,
01:59:18de bricoler son tracteur,
01:59:19etc.
01:59:20Il y a toute une...
01:59:22sur les réseaux,
01:59:23et là c'est la blâpant aussi
01:59:24de l'open source
01:59:25et de la techno
01:59:26quand elle est bien utilisée.
01:59:28Tu peux gagner énormément
01:59:29d'argent chez tes paysans
01:59:30en suivant ce que
01:59:31l'atelier paysan met en place.
01:59:32Tu vois,
01:59:33ça t'évite d'acheter
01:59:34les gros tracteurs
01:59:35où tu t'en dettes
01:59:36pendant 20 ans.
01:59:37Ça c'est de l'halothèque aussi.
01:59:38Donc moi je suis à fond
01:59:39pour l'halothèque.
01:59:42Merci beaucoup
01:59:43pour vos questions,
01:59:44votre attention.
01:59:48Merci Alain.
01:59:59Et si vous voulez
02:00:00vous faire dédicacer
02:00:01quelques livres,
02:00:02demandez pour vos voisins,
02:00:04votre mariage,
02:00:05il adore.
02:00:07Si vous voulez discuter
02:00:085 minutes
02:00:09et vous faire dédicacer
02:00:10vos livres.
02:00:11Généralement,
02:00:12après une rencontre,
02:00:13c'est chaud de dédicacer encore.
02:00:14Sauf si vraiment
02:00:15c'est un triadeau,
02:00:16je ne sais pas,
02:00:17la fête des pères
02:00:18ou un truc.
02:00:20Merci beaucoup
02:00:21et bonne soirée.
02:00:31Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org