Vendredi 7 juin 2024, SMART SPORTS reçoit Michael Tapiro (Fondateur, Sports Management School) et Frank Tapiro (consultant créatif)
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00:02 -Gros plan sur un documentaire diffusé ce week-end
00:05 sur RMC Découverte.
00:07 Auschwitz, en mémoire des champions.
00:09 C'est le nom de ce documentaire, le 14 janvier dernier.
00:12 "Vous étiez, nous étions avec une délégation d'athlètes
00:14 "en Pologne pour un déplacement pas comme les autres."
00:17 ...
00:21 -Avant de partir, vous avez très rapidement
00:23 les larmes qui montaient aux yeux.
00:24 -Je ne me rendais pas compte à quel point ça allait être difficile.
00:27 -Mirador, Barbelé, c'est plus dans le même monde.
00:30 ...
00:33 -Vincent Moscato, Sophie Camoun et Richard Dakouri
00:36 seront à Auschwitz.
00:37 ...
00:38 À deux mois des Jeux olympiques, un voyage en mémoire
00:41 de trois autres grands sportifs juifs déportés.
00:43 Julius Hirsch.
00:45 -La dernière trace qu'on a, c'est cette lettre
00:47 qu'il a jetée du train.
00:49 -Alfred Nackasch.
00:50 -Le nazisme lui a tout enlevé et la natation lui a tout donné.
00:53 -Ian Perez.
00:54 -Ca a été un des acteurs de l'histoire,
00:56 un des acteurs de la tragédie.
00:57 -C'est dur, c'est très dur.
00:59 -Je suis écrasé par l'émotion.
01:01 -Inédit. Auschwitz, en mémoire des champions.
01:04 Vendredi à 22h20.
01:06 -Frédéric Coulier, bonjour.
01:07 Vous êtes le réalisateur de ce documentaire incroyable.
01:10 -Bonjour.
01:11 -Racontez-nous le parti pris.
01:13 Ce sont trois champions qui vont rentrer dans les pas...
01:17 -Oui, dans les traces.
01:19 -De trois destins tragiques.
01:20 -De trois sportifs déportés.
01:21 L'idée, c'était d'accompagner Vincent Moscato,
01:24 Sophie Camoun et Richard Dakoury, trois sportifs contemporains,
01:27 à l'occasion du premier voyage de leur vie dans le camp d'Auschwitz.
01:30 On a essayé de tirer un lien dans le temps,
01:33 une sorte de pont métaphorique avec trois sportifs déportés.
01:36 Il y a un nageur, Alfred Nakasch,
01:38 un boxeur, Victor Jung-Perez,
01:39 et un footballeur allemand-juif, Julius Hirsch.
01:42 Ce lien nous a semblé extrêmement important
01:45 pour accompagner ce voyage.
01:47 Être sportif professionnel, de haut niveau,
01:49 c'est une sorte de communauté intemporelle.
01:52 On est sportif, on l'a été il y a 100 ans ou aujourd'hui,
01:54 et c'était une bonne manière pour les sportifs
01:57 de s'identifier à quelqu'un qui avait pu vivre
01:59 parce qu'il était né au mauvais endroit,
02:01 une histoire tragique.
02:03 -J'ai eu la chance de faire partie de ce voyage
02:06 avec tous ces athlètes, ces grands champions.
02:08 -Parmi lesquels ?
02:09 -Philippe Sella, Denis Charvet pour le rugby,
02:12 Vincent Moscato, Camille Lacour...
02:14 -Jean-Marc Mormec, Fabrice Fantoro.
02:16 -Oui. Et c'est vrai que je trouve
02:20 que c'est vraiment judicieux de faire le lien
02:22 de sportif à sportif,
02:24 parce qu'on est dans un spectacle d'horreur,
02:26 on est dans une situation où on n'est plus du tout
02:29 dans l'humanité la plus classique,
02:31 et la seule chose qui nous ramène,
02:33 en tout cas pour les athlètes présents,
02:35 qui les ramène à ce qui a pu se passer avec Nakaj
02:39 ou à ce qui a pu se passer avec Yoncq-Pérez,
02:41 c'est leur problématique et leur profil de sportif.
02:44 Sachant que, encore une fois,
02:45 Alfred Nakaj a réussi à survivre à Auschwitz,
02:48 il a même été champion de France de natation par la suite,
02:51 tandis que Yoncq-Pérez y a péri.
02:53 -Non, il y a péri pendant les marges de la mort.
02:56 -Mais est-ce que... Je lui ai posé la question,
02:58 je n'étais malheureusement pas à ce voyage,
03:01 mais je lui ai toujours posé comme question
03:03 que le fait d'être sportif les a un petit peu,
03:06 je dirais bien, "protégés".
03:08 Est-ce que leur statut de sportif les a permis un peu à part,
03:11 peut-être de résister de façon un peu plus forte,
03:14 déjà parce qu'ils s'étaient entraînés ?
03:17 Est-ce qu'il y avait chez les Allemands une forme de...
03:20 Je le fais avec des gros guillemets,
03:22 respect du sportif ou pas ?
03:23 -C'est une problématique passionnante.
03:25 On pense par exemple que, pour reprendre les guillemets,
03:28 ça a pu aider Alfred Nakaj au moment du processus de sélection,
03:32 au moment où les convois de Juifs arrivaient à Auschwitz.
03:35 Et à ce moment-là, en fait, la légende raconte
03:38 qu'un SS l'a reconnu.
03:39 Un SS l'a reconnu et donc lui a permis d'intégrer le camp.
03:42 Mais en contrepartie, on a aussi utilisé les sportifs
03:45 pour le bon plaisir des SS.
03:47 Par exemple, Yoncq-Pérez, on l'a fait combattre.
03:50 -Avec des poids lourds. -Une centaine de fois dans le camp.
03:53 Mais c'était fou. C'était fou.
03:55 -Et puis, pareil, pour Alfred Nakaj,
03:57 qui était donc un nageur émérite,
03:59 il y avait un certain sadisme
04:01 à le faire plonger dans un bassin gelé et dégueulasse
04:05 pour aller rechercher des éléments
04:07 que jetaient les nazis au fond de l'eau
04:10 pour qu'il aille les rechercher.
04:12 -On le voit dans la pièce.
04:13 -Ce qu'on vous parlait de Yoncq-Pérez,
04:15 c'était totalement inégal...
04:17 -Disproportionné.
04:18 -Des combats complètement inégaux, disproportionnés.
04:21 Il y avait la récurrence des combats.
04:23 On l'a fait combattre plus de 100 fois.
04:26 Il faut imaginer les conditions dans lesquelles il était détenu.
04:29 -Il était affamé. -Il était affamé, amégré.
04:32 On le faisait combattre contre un poids lourd,
04:34 un gardien du camp qui lui était bien nourri
04:37 et qui faisait 40 kilos de plus.
04:38 On le raconte dans ce documentaire
04:40 parce qu'on s'est plongé dans ces moments-là,
04:43 où des survivants comme Léon Levkovitch,
04:45 mais aussi des descendants, ont raconté ces épisodes
04:48 à nos sportifs contemporains.
04:50 Sous combat de Yoncq-Pérez, on le raconte
04:52 et on vous laisse découvrir l'histoire de cette fin.
04:55 -Justement, pour capter ces moments d'intensité incroyable de sport,
05:00 vous avez eu recours à des dessins.
05:03 On peut en voir quelques-uns.
05:04 -On va peut-être en voir certains.
05:06 Celui-ci, c'est le combat qu'on a vu brièvement
05:09 entre Yoncq-Pérez et le poids lourd allemand.
05:12 C'est le dessin qui raconte l'histoire d'un match de football
05:15 qui a lieu dans l'enceinte du camp.
05:17 C'est fou de se dire ça, mais à l'ombre des chambres à gaz,
05:20 il y avait des matchs de football.
05:22 Il y a une anecdote poignante qui est relatée
05:25 dans le documentaire où un gardien de foot polonais
05:28 raconte qu'entre deux corners, dans le même match de football,
05:32 dans son dos, 3000 Juifs venaient d'être gazés.
05:34 Là, on voit autre chose.
05:36 C'est un dessin qui raconte le pseudo-sport.
05:39 Ils faisaient faire les gardiens nazis aux prisonniers du camp
05:42 pour les utiliser comme des jouets.
05:44 Ils leur faisaient faire des exercices militaires.
05:47 Pendant des heures, ils tenaient des positions
05:50 alors qu'ils étaient affamés.
05:52 C'était de la torture.
05:54 -Dans quel état Richard Dakouris, Sophie et Vincent
05:59 sont sortis de cette plongée,
06:01 cette immersion dans la vie de ces destins tragiques ?
06:05 -De manière très différente.
06:07 Vous allez le voir dans le documentaire.
06:09 Ils sont tous profondément émus, bouleversés,
06:12 complètement chamboulés par ce qu'ils ont vécu.
06:15 Ils ont été d'une aide et d'une collaboration incroyable.
06:18 Ils se sont plongés avec conviction, corps et âme,
06:22 et ils étaient sincèrement intéressés, passionnés
06:25 par l'histoire des sportifs qu'ils allaient découvrir
06:28 et par ce voyage à Auschwitz qui, ils le disent,
06:31 a changé leur vie.
06:32 -Je tiens à préciser, pour avoir été proche de Vincent Moscato,
06:36 c'est dans ce voyage que Vincent s'est déplacé
06:38 avec toute sa famille, ses filles.
06:41 Ca a été pour eux un choc, mais en même temps,
06:43 une information et une expérience qu'ils ne sont pas prêts à oublier.
06:47 -Pourquoi c'était important de faire ce documentaire
06:50 particulièrement aujourd'hui ?
06:52 -C'était important parce que c'est l'année des Jeux olympiques,
06:56 parce qu'on oublie parfois que derrière les chiffres
06:59 des victimes de la Shoah, il y a des hommes, des femmes,
07:02 des destins.
07:04 C'est important de comprendre à travers le regard
07:07 des sportifs contemporains que ça aurait pu arriver
07:10 à chacun d'entre nous, parce qu'on n'a pas le bon nom,
07:13 la bonne religion, on n'est pas né au bon moment.
07:16 Ca aurait pu être vous, moi, eux, surtout, eux trois.
07:19 C'était de cette manière-là une possibilité de le raconter
07:22 et de faire comprendre à tout le monde
07:25 à travers des destins individuels que la Shoah n'avait pas de regard,
07:29 ne regardait personne et tuait tout le monde.
07:32 -Pourquoi tu as fait le choix de produire ce documentaire ?
07:35 -Il est assez unique.
07:36 Il y a eu énormément de choses qui se sont faites
07:39 depuis des années, depuis Lanzmann,
07:42 jusqu'à de bons documentaires,
07:44 mais c'est la 1re fois qu'un angle d'attaque a été fait,
07:47 d'abord avec la démarche d'emmener ces sportifs à Auschwitz,
07:51 dans un devoir de mémoire qui se délit depuis une vingtaine d'années.
07:55 On voit la difficulté qu'on a d'enseigner la Shoah à l'école,
07:58 où certains font l'impasse.
08:00 Ça date de début 2000, mais là, passer par le sport,
08:03 passer par les sportifs, les valeurs que véhicule le sport,
08:06 les mettre dans ce contexte,
08:08 je trouve que c'est d'abord, un, historiquement magnifique,
08:12 deux, c'est pédagogique,
08:14 et trois, d'un point de vue émotionnel, j'ai hâte de le voir,
08:17 parce qu'on a tous envie de se projeter en tant que sportif,
08:21 comment on aurait réagi.
08:22 C'est ça qui est intéressant, c'est qu'on change un peu.
08:26 Ce ne sont pas que des déportés avec des matricules sur le bras,
08:30 ils ont cette petite dimension en plus
08:32 qui fait que le sport, c'est le dépassement de soi aussi.
08:35 S'il n'avait pas été sportif, serait-il sorti de cette façon ?
08:39 Même si Jung-Pérez ne s'en est pas sorti,
08:41 mais il a duré et il a vécu plus longtemps
08:44 si il n'avait pas été sportif.
08:46 -Un troisième personnage qui est fondamental dans ce documentaire,
08:50 c'est le footballeur allemand, Julius Hirsch.
08:52 Il a été international allemand,
08:54 il a représenté son pays aux Jeux olympiques,
08:57 il a été adulé, c'était une star de son époque,
09:00 un héros de guerre décoré pendant la Première Guerre mondiale,
09:04 malgré ses états de service,
09:06 c'était un patriote allemand depuis des générations.
09:09 Tout ça a été relégué aux oubliettes
09:11 et il a été massacré, exterminé... -D'abord juif.
09:14 -Il était juif, sitôt arrivé, sur la Judenramp,
09:17 la fameuse rampe où les juifs arrivaient
09:20 et étaient sélectionnés.
09:21 Lui, il est exterminé immédiatement à son arrivée,
09:25 il était juif et rien d'autre.
09:27 -Même s'il était une star, il était aussi un symbole.
09:30 Les nazis avaient besoin de montrer
09:32 que quel que soit votre passé, votre background,
09:35 vous étiez d'abord et uniquement juif.
09:37 -Pas d'abord, vous étiez seulement.
09:40 -Exactement, ils avaient besoin de ça
09:42 pour donner un signal politique,
09:44 pour montrer que même lui, il y passe directement.
09:47 C'est ça, le machiavélisme,
09:49 ce système absolu du nazisme.
09:51 -Merci, Frédéric Roullier. -Merci à vous.
09:54 -On est donc très pressés pour découvrir vos documentaires.
09:58 J'invite tous nos téléspectateurs
10:00 et toute la communauté de Franck, de Michael
10:03 et ma petite communauté à voir sur RMC Découverte ce week-end.