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00:07 ... était battu, torturé, et je me suis évadé. Les Vietnamiens nous gardaient en isolement carcéral. Si on était pris sur le fait, on était immédiatement battus. J'allais devoir assumer les conséquences de mes actes.
00:27 ...
00:29 C'est une histoire vraiment remarquable. Tous les Américains devraient la connaître.
00:35 ...
01:01 J'étais libéré depuis deux mois lorsque j'ai été invité à la Maison-Blanche, à une réception que le président Nixon donnait à des prisonniers de guerre rentrés du Vietnam.
01:11 ...
01:14 J'avais été prisonnier de guerre pendant sept ans, dix mois et sept jours. Je me sentais déplacé parce que j'étais en civil et qu'ils étaient tous en uniforme.
01:26 ...
01:29 À l'autre bout du salon, j'ai vu celui qui, j'en étais sûr, était John McCain. J'en savais plus sur John McCain et lui en savait plus sur moi que quiconque. Mais nous ne nous étions jamais vus.
01:45 ...
01:47 C'était la première fois que tous les prisonniers de guerre libérés étaient réunis. Un type s'est approché de moi, m'a dévisagé et m'a dit "Je suis Ernie Brace".
02:00 J'étais abasourdi. C'était un moment terriblement émouvant.
02:07 Lui et moi avions traversé des épreuves terribles, mais je n'avais jamais eu l'occasion de rencontrer Ernie Brace avant cette réception à la Maison-Blanche.
02:17 ...
02:27 En mai 1965, j'avais 33 ans. Je vivais à Chiang Mai, en Thaïlande, avec ma femme et nos quatre fils.
02:38 Je travaillais comme pilote pour la CIA. Je transportais des hommes et des munitions jusque dans les bases secrètes situées au Laos pour lutter contre les communistes.
02:47 ...
03:03 J'effectuais ce jour-là une mission ordinaire. Je devais aller ravitailler un agent basé dans les montagnes du Laos.
03:12 Dès qu'on avait franchi le Mekong pour passer de Thaïlande au Laos, on était en territoire inhumain.
03:20 ...
03:29 La piste d'atterrissage longeait la jungle. En m'approchant, je n'ai rien remarqué qui sortait d'ordinaire.
03:36 Je n'avais pas la moindre idée de ce qui allait se passer ce jour-là. J'ignorais que huit ans allaient s'écouler avant mon retour.
03:44 ...
03:54 Dès que je me suis posé, j'ai compris qu'il y avait un problème.
03:58 ...
04:01 J'ai entendu ce qui ressemblait à des pétards.
04:04 ...
04:10 Il y a eu une violente fusillade. Les balles heurtaient le pare-brise.
04:15 J'ai pensé que je devais sortir de là.
04:17 ...
04:21 En regardant sur la gauche, j'ai vu un soldat nord-vietnamien qui avait son arme pointée droit sur l'avion.
04:30 C'est là que j'ai compris que je ne pourrais pas m'en sortir.
04:33 Bouge pas !
04:35 ...
04:37 Je suis descendu de l'avion, les mains en l'air.
04:41 Ils m'ont passé une corde autour du cou et ils y ont fait un nœud.
04:47 Ils m'ont attrapé les bras et m'ont attaché les coudes dans le dos.
04:53 Je me suis dit que c'était la fin.
04:56 ...
05:01 Ils m'ont emmené dans un village tenu par l'ennemi.
05:07 Il y avait des corps qui gisaient par terre.
05:11 Je me demandais si j'allais sortir de là en vie.
05:14 ...
05:19 Ils m'ont emmené jusqu'à une grande hutte faite de bambous et de chaume.
05:24 J'ai dû grimper quelques marches pour entrer à l'intérieur.
05:28 ...
05:32 Il faisait très sombre et quand j'ai commencé à y voir,
05:36 j'ai aperçu un officier assis derrière un petit bureau.
05:41 ...
05:46 Il m'a posé une question en vietnamien.
05:50 Je lui ai dit "je suis un pilote civil qui fait du ravitaillement".
05:55 ...
05:57 L'officier a pris mon portefeuille et l'a ouvert.
06:01 Il en a sorti une carte qui disait que j'étais un civil américain
06:05 travaillant pour le gouvernement des Etats-Unis.
06:08 ...
06:11 Il m'a dit "je sais que tu fais partie de la CIA".
06:14 ...
06:18 J'ai nié et je me suis accroché à cette idée.
06:22 Tant que je soutenais que j'étais un civil,
06:25 cet officier vietnamien ne pouvait rien me reprocher.
06:29 ...
06:33 Il m'a demandé mon grade et je lui ai redit "civil".
06:37 "Je suis un pilote civil".
06:39 ...
06:41 Il s'est levé brusquement et c'est là que j'ai vu qu'il avait un bâton à la main.
06:44 ...
06:47 Il m'a ordonné "mets-toi à genoux, les mains sur la table".
06:51 ...
06:55 ...
06:59 ...
07:03 Américain ! Je ne comprends pas votre langue.
07:07 Il a violemment abattu son bâton sur la table juste à côté de ma main.
07:11 ...
07:15 Je l'ai entendu lever son bâton, une nouvelle fois.
07:18 ...
07:21 Je suis un pilote civil. Un pilote civil.
07:24 Il a de nouveau hurlé.
07:26 Américain !
07:28 Eh ben.
07:30 J'ai sursauté parce que j'étais sûr qu'il allait me frapper.
07:33 ...
07:37 Il m'a dit "tu n'as pas répondu correctement à mes questions et tu vas être puni".
07:41 ...
07:43 Je vous en prie.
07:45 Je vous en prie.
07:48 Les soldats m'ont emmené dans une clairière où il y avait un petit peloton d'exécution.
07:54 ...
07:59 J'avais la peur au ventre.
08:02 ...
08:04 L'officier m'a dit "êtes-vous prêt à avouer votre grâve ?"
08:08 Si j'avais avoué être un espion,
08:12 ils étaient en droit de me fusiller.
08:15 Alors j'aurais dit "non, je ne suis qu'un civil qui fait du ravitaillement".
08:20 ...
08:23 L'officier leur a donné un ordre.
08:25 Ils ont épaulé leurs fusils.
08:28 ...
08:32 Je les ai regardés droit dans les yeux en me disant
08:35 "je n'irai pas plus loin, c'est la fin".
08:38 ...
08:41 A la dernière heure, Dernibras est venu.
08:45 ...
08:47 Mais l'officier a dit "baissez vos armes".
08:50 "Nous n'allons pas vous fusiller maintenant".
08:53 ...
08:56 Je n'en revenais pas.
08:58 C'était un tel soulagement.
09:01 ...
09:03 J'ai pensé qu'ils allaient me garder quelques temps prisonnier.
09:06 ...
09:18 Après avoir marché pendant sept jours, nous nous sommes arrêtés.
09:24 Il y avait une cage de bambou.
09:27 Elle devait faire deux mètres de long, 60 centimètres de large et 1,20 mètre de haut.
09:33 J'espérais qu'ils n'allaient pas me mettre dedans.
09:37 Ils m'ont attaché les poignets et m'ont mis dans la cage.
09:42 ...
09:46 Je ne pouvais pas me tenir debout.
09:49 Ils m'ont attaché les pieds au poteau en bas de la cage.
09:54 ...
09:57 Mes bras étaient attachés et tendus sur moi.
10:02 Ensuite, ils ont tendu la corde que j'avais autour du cou et l'ont accrochée à un pied.
10:07 ...
10:10 C'était très douloureux.
10:13 J'ai pensé que ça allait être temporaire, que j'allais rester là au maximum 24 heures.
10:20 Je n'imaginais pas l'horreur que ça allait être.
10:24 ...
10:27 Après avoir passé 7 jours dans cette cage, j'ai compris qu'ils allaient me laisser là pour un bon moment.
10:36 ...
10:40 J'étais aussi dans cette cage 24 heures sur 24, sans pouvoir bouger, marcher ou faire quoi que ce soit.
10:48 Au bout de quelques semaines, mes muscles commencent à s'atrophier.
10:53 J'avais perdu une dizaine de kilos.
10:57 ...
11:03 J'avais la teigne et des morsures d'insectes qui s'étaient infectés.
11:09 ...
11:11 J'ai compris que si je n'essayais pas de sortir de cette cage, j'allais y mourir.
11:17 ...
11:20 Au bout de 6 semaines, ils m'ont emmené jusqu'à la rivière pour me laver.
11:27 ...
11:31 J'ai vu quelque chose scintiller dans l'eau à côté de moi.
11:36 ...
11:38 C'était un morceau d'aluminium.
11:41 Je savais que si un pilote voyait un éclair miroiter, il allait faire des recherches.
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11:50 Il me le fallait.
11:52 Mais si le garde me voyait, je savais qu'ils allaient me battre.
11:57 ...
12:00 Je l'ai pris et l'ai rapporté dans ma cage.
12:04 ...
12:06 Ce morceau d'aluminium allait me permettre de signaler ma position une fois que je me serais échappé.
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12:17 Si je voulais m'évader, il fallait que je le fasse de nuit pour être sûr de ne pas être vu.
12:25 Mais le soir, ils m'attachaient avec des cordes.
12:29 Je devais avant tout trouver le moyen de me détacher.
12:33 ...
12:36 Chaque matin, ils me sortaient pour m'emmener faire mes besoins dans un trou.
12:42 Pendant le trajet, je cherchais tout ce qui pourrait m'aider à me libérer de mes cordes.
12:47 ...
12:50 J'ai ramassé des petits morceaux de bambou que j'ai réussi à ramener dans ma cage.
12:55 ...
12:58 Pendant la nuit, je m'entraînais à détendre mes liens pour pouvoir détacher une de mes mains.
13:05 ...
13:08 Je devais m'assurer que l'attention du garde était occupée ailleurs et qu'il ne me regardait pas.
13:14 ...
13:16 Si j'arrivais à me libérer une main, je pouvais enlever la corde que j'avais autour du cou,
13:21 et ensuite, je pouvais m'asseoir et me détacher les jambes.
13:24 ...
13:29 Je m'entraînais toutes les nuits jusqu'à ce que j'arrive à le faire sans y penser.
13:36 L'étape suivante arrivait à sortir de la cage.
13:39 ...
13:43 Les barreaux de la cage étaient attachés par des lanières de bambou qui avaient été trempées dans l'eau et nouées.
13:51 Pendant que le garde ne faisait pas attention à moi,
13:55 j'essayais d'en dénouer certaines de manière à faire un trou pour m'échapper.
14:00 Je tortillais les lanières jusqu'à ce qu'elles cèdent.
14:03 ...
14:07 Je voulais faire un trou assez grand pour que mes épaules passent dedans.
14:11 ...
14:14 Et puis, je rattachais les lanières de bambou pour qu'ils ne remarquent rien.
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14:20 J'avais tout le temps peur d'être vu.
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14:24 Alors, ça m'a pris très longtemps.
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14:34 Au bout de onze mois de captivité, j'ai décidé que le moment était venu.
14:39 J'allais m'échapper.
14:41 ...
14:44 Les gardes étaient distraits et ne me regardaient pas.
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14:53 J'ai attrapé le morceau de bambou que j'avais caché dans le choum.
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15:02 Je m'en suis servi pour détacher mes poignets.
15:06 ...
15:10 Ensuite, j'ai enlevé la corde que j'avais autour du cou,
15:14 je me suis penché en avant et j'ai libéré mes chevilles.
15:18 ...
15:19 J'ai hésité un moment à l'idée que le garde derrière moi était armé.
15:25 ...
15:28 Il lui suffisait de tirer dans la cage et j'étais mort.
15:32 ...
15:34 J'ai écarté les barreaux et le choum.
15:37 ...
15:40 Je me suis redressé et j'ai glissé hors de la cage.
15:44 ...
15:47 Les jeux étaient faits.
15:51 Je voulais rejoindre la piste.
15:55 ...
15:56 M'éloigner le plus loin possible de cette cage.
16:01 Je savais que je ne pouvais pas rester sur le sentier parce que j'allais laisser des traces.
16:06 Alors je me suis enfoncé dans les arbres.
16:10 ...
16:11 Je me suis faufilé entre les roseaux.
16:15 C'est l'adrénaline circulant dans mon organisme qui me faisait avancer.
16:20 Et soudain, j'ai entendu des chiens et des soldats courir derrière moi.
16:25 ...
16:27 Je me suis figé.
16:29 ...
16:32 Et je suis resté caché au milieu des roseaux.
16:36 ...
16:39 C'était un moment crucial.
16:42 Je ne voulais pas bouger, pas faire le moindre bruit.
16:46 Et j'avais peur que les chiens me détectent mon odeur.
16:50 ...
16:53 Je les ai regardés passer.
16:56 ...
17:01 Et je les ai vus s'éloigner.
17:04 ...
17:08 Le lendemain...
17:10 ...
17:12 Je ne pouvais pas tenir debout.
17:15 Je trébuchais sur les cailloux.
17:18 Et m'effondrais dans les broussailles.
17:22 En rouvrant mes vieilles plaies.
17:25 ...
17:31 Je suis finalement arrivé à un endroit d'où j'ai aperçu un village un peu plus loin.
17:37 ...
17:41 Je suis resté dissimulé, et j'ai regardé les gens passer.
17:45 ...
17:47 Je courais un risque énorme.
17:49 Si j'étais vu par la mauvaise personne, j'allais être remis en captivité.
17:54 ...
17:57 J'avançais tout doucement en essayant de voir s'il y avait quoi que ce soit sous la corniche.
18:02 ...
18:04 Quand soudain, la porte s'est ouverte.
18:07 Une femme est sortie.
18:10 A regarder autour d'elle, et m'a vu.
18:13 J'ai regardé la femme, et je me suis pétrifié.
18:18 Je lui ai dit...
18:20 J'ai faim. J'ai faim !
18:23 Elle s'est mise à crier.
18:25 ...
18:28 Un soldat armé d'un fusil est arrivé en courant.
18:32 Il m'a regardé...
18:35 ... et a pointé son arme sur moi.
18:39 Je pensais juste... "Mince, c'est raté."
18:42 ...
18:47 Ils m'ont remis dans la cage...
18:50 ... qu'ils avaient entouré de barbelés.
18:55 Ils m'ont fait asseoir sur la planche, m'ont retourné...
18:59 ... et ont placé mes chevilles dans une espèce de carcan de bois...
19:02 ... qui était boulonnée à l'extérieur de la cage.
19:06 Le boulon et l'écho étaient en métal.
19:09 Il m'était impossible d'en sortir.
19:13 ...
19:16 Je ne regrettais pas... ma tentative d'évasion.
19:21 ...
19:24 Je me disais juste que la guerre allait bientôt finir.
19:27 Je n'avais pas la moindre idée de l'ampleur qu'elle avait prise.
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19:51 J'étais capitaine de corvette dans la marine et je pilotais un A4 Skyhawk.
19:55 Je participais à la première grosse attaque aérienne sur Hanoï en octobre 1967.
20:02 Jamais aucune ville n'a eu une défense antiaérienne aussi puissante que celle qu'avait Hanoï.
20:09 ...
20:12 Le ciel grouillait de missiles antiaériens.
20:15 J'ai été touché et éjecté.
20:18 Mon parachute ne s'est ouvert qu'au moment où mes pieds touchaient l'eau du lac de l'Ouest de Hanoï.
20:25 ...
20:27 Des Vietnamiens se sont jetés sur moi et m'ont tiré hors de l'eau.
20:31 Ils étaient furieux. Ils m'ont passé à la baïonnette et m'ont cassé l'épaule.
20:36 Des soldats vietnamiens sont arrivés et m'ont emmené dans ce qu'on appelait entre nous le Hanoï Hilton, la prison Hoa Lo.
20:45 ...
20:53 J'étais dans un très sale état.
20:57 Les Vietnamiens pensaient que j'allais mourir.
21:01 Ensuite ils ont appris par la presse occidentale que j'étais le fils d'un amiral.
21:07 Et ils m'ont emmené à l'hôpital.
21:09 On m'a fait une transfusion sanguine, mais à part ça, leurs soins n'étaient pas ce qu'il y avait de mieux.
21:17 ...
21:23 Ils cherchaient de quoi alimenter leur propagande.
21:27 Ils voulaient des aveux de crimes de guerre, ils voulaient obtenir la condamnation des États-Unis.
21:32 Ils voulaient des gens qui dénoncent notre pays et cette guerre.
21:36 ...
21:38 J'ai refusé.
21:41 Les Vietnamiens m'ont placé en isolement carcéral.
21:45 J'ai passé des moments très durs.
21:49 Mais d'autres prisonniers américains ont été traités d'une manière inqualifiable.
21:54 ...
22:02 J'ai passé près d'un an en cage après ma première tentative d'évasion.
22:07 J'avais les chevilles bloquées dans le carcan, 24 heures sur 24.
22:12 J'étais en train de perdre l'usage de mes jambes.
22:16 Je ne pouvais plus marcher.
22:19 Je ne pouvais plus aller faire mes besoins sans aide.
22:22 Si je restais trop longtemps dans ce carcan, j'allais définitivement perdre l'usage de mes jambes.
22:29 Je savais que je ne pouvais pas marcher, mais je pouvais ramper.
22:35 Au point où j'en étais, je préférais mourir libre que de rester enfermé dans cette cage indéfiniment.
22:44 ...
22:48 Il fallait que je trouve le moyen de sortir de ce carcan.
22:52 ...
22:54 Le verrou était à l'extérieur de la cage.
22:57 ...
22:59 Je devais trouver un objet pour desserrer le boulon.
23:03 Pour pouvoir l'enlever, il me fallait une clé.
23:08 La seule chose que je pouvais imaginer serait d'enrouler un morceau de barbelé autour du boulot.
23:16 Pendant que les gardes avaient les yeux tournés, j'attrapais les barbelés et j'essayais d'en couper un morceau d'une vingtaine de centimètres.
23:26 Si j'étais pris en train de couper les barbelés, je savais que je serais battu.
23:33 ...
23:40 Il me fallut deux ou trois jours pour avoir un morceau de barbelé assez long.
23:45 ...
23:48 Je l'ai caché dans une fissure de la planche sur laquelle j'étais allongé, et j'ai réussi à l'attordre pour faire une clé à six pans.
23:59 ...
24:03 Entre-temps, je dénouais les liens de bambou sur le côté de la cage.
24:10 ...
24:15 En quelques semaines, j'avais enfin les moyens de faire une nouvelle tentative.
24:21 ...
24:26 J'ai défait la corde de mon cou et me suis assis. J'ai pris ma clé cachée dans le chou.
24:32 ...
24:36 Je me suis penché, j'ai bloqué l'écrou avec la clé et j'ai commencé à faire tourner le boulot.
24:43 Je savais que j'allais devoir partir dès que l'écrou allait tomber, parce qu'ils allaient se rendre compte que j'ouvrais le carcan.
24:52 J'ai jeté de nouveau un oeil sur les gardes, et je l'ai entendu tomber.
25:01 Le moment était venu. Je n'avais plus le choix.
25:07 J'ai soulevé le carcan qui était plus lourd que je ne le pensais, et j'ai réussi à dégager mes pieds.
25:14 ...
25:19 Je me suis ensuite mis à genoux. J'ai fait passer ma tête et mes épaules par le tout. J'ai posé les mains par terre, et j'ai réussi à sortir.
25:32 Mes jambes étaient trop faibles et ne pouvaient pas me porter, alors j'ai rampé jusque dans les bois.
25:40 ...
25:44 Le sentier était en pente, il était mouillé et glissant, et je savais que si j'essayais de me lever, j'allais tomber.
25:55 J'étais à 8 ou 9 mètres de la cage, mes mains ont glissé, et me voilà en train de dévaler la colline en écrasant les broussailles et en faisant un bruit d'enfer.
26:11 J'ai atterri sur le chemin plus bas. J'ai entendu les gardes, plus haut près de la cage, se mettre à courir.
26:20 J'étais trop faible pour leur résister, je le savais. J'allais devoir y retourner et assumer les conséquences de mes actes.
26:32 ...
26:39 Le lendemain matin, j'ai regardé autour de moi, et j'ai vu deux hommes en train de creuser un teau.
26:48 J'ignorais ce qu'ils avaient l'intention de faire.
26:52 Ces types étaient cruels, et j'avais peur qu'ils ne me fassent quelque chose de définitif.
27:00 Ils m'ont attrapé et m'ont tiré jusqu'au trou.
27:09 Ils m'ont poussé dans le trou...
27:15 et ont commencé à remettre la terre.
27:22 Je sentais l'air disparaître autour de ma poitrine et dans mon dos.
27:27 Dès que je remuais, ils m'essaient d'un coup de bâton sur l'épaule.
27:37 Et ils ont continué à remplir le trou.
27:41 Quand j'ai eu de la terre jusqu'au cou, ils ont arrêté.
27:46 J'avais du mal à respirer.
27:48 J'avais peur...
27:51 qu'ils ne me laissent mourir dans ce trou.
27:54 ...
27:59 Le matin du huitième jour, j'ai vu l'officier s'approcher avec deux hommes portant des pelles.
28:07 Ils ont commencé à me déterrer.
28:12 Je crois que je n'avais pas dormi depuis qu'ils m'avaient mis dans le trou.
28:18 Je ne sentais plus mon corps.
28:21 Je ne savais pas que j'allais avoir aussi mal.
28:27 Je me suis effondré sur le côté, et finalement, ils m'ont tiré hors du tôt.
28:32 Je ne pouvais plus marcher. Ils ont dû me porter.
28:37 J'étais totalement enquilosé.
28:41 ...
28:46 Près d'un an plus tard, j'étais encore partiellement paralysé.
28:53 Je pensais aux muscles que j'essayais de faire réagir, mais il ne se passait rien.
29:01 Je ne pouvais plus bouger les doigts.
29:04 Je devais utiliser une baguette pour pousser la nourriture dans ma bouche.
29:09 ...
29:14 Noël 1967 approchait, et je me suis souvenu que c'était l'anniversaire de mon plus jeune fils.
29:24 Je me suis mis à penser à mes fils, au fait que j'étais paralysé et que je n'allais sans doute pas sortir de là en vie.
29:31 À quoi bon continuer à vivre ?
29:34 ...
29:39 J'ai tenté de m'étrangler avec la corde que j'avais autour du cou.
29:43 J'ai tiré dessus jusqu'à ce que je me sente asphyxié.
29:48 ...
29:52 Ça m'étranglait.
29:55 Et j'ai tiré de plus en plus fort, encore et encore.
30:00 ...
30:03 J'ai fini par m'évanouir.
30:06 ...
30:13 ...
30:16 ...
30:23 ...
30:29 ...
30:32 Ils ont ouvert une porte.
30:34 Ils m'ont laissé tomber sur le sol, embêtant.
30:39 L'officier m'a dit qu'il était interdit de parler, de cogner contre les murs et de siffler.
30:45 Vous serez punis !
30:47 Toute tentative de communication serait sévèrement punie.
30:53 Ils m'ont enfermé pour la nuit.
30:58 Je me suis mis à penser à ma famille beaucoup plus qu'avant.
31:02 Je me demandais si je les reverrais un jour, comment ils allaient, et ce qu'ils faisaient, que devenaient mes fils.
31:13 J'étais très abattu. Je sombrais dans la dépression.
31:21 Soudain, j'ai entendu taper contre le mur.
31:27 J'étais en isolement carcéral depuis près d'un an et demi, quand j'ai entendu du bruit dans la cellule à côté de la mienne.
31:36 Les Vietnamiens savaient que si nous communiquions, nous allions résister.
31:40 C'est pourquoi, si on était pris sur le fait, on était immédiatement battus.
31:46 Mais j'étais prêt à prendre le risque d'être battu, parce que c'était le moyen de montrer aux Vietnamiens qu'ils ne pouvaient pas contrôler intégralement nos vies.
31:56 J'ai hésité pendant un moment.
31:59 Mais l'idée de pouvoir communiquer avec un autre Américain au bout de trois ans et demi était très tentante.
32:08 Alors j'ai frappé doucement, deux coups, sur le mur.
32:14 J'ai finalement eu une réponse.
32:22 J'étais heureux. Il y avait quelqu'un qui tapait sur le mur et avec qui j'allais pouvoir discuter.
32:27 L'homme de l'autre côté du mur s'est mis à taper, des coups rapides.
32:36 Mais je ne comprenais pas ce qu'il voulait me dire avec ces coups rapides.
32:42 Je me suis dit qu'il devait utiliser un code.
32:46 Nous utilisions un code basique, nous tapions juste le nombre de lettres.
32:51 J'ai pensé que ça pouvait être l'alphabet.
32:57 Et j'ai commencé à compter.
33:00 J'ai récité l'alphabet, A, B, C, D, E, etc. jusqu'au M.
33:07 La seconde lettre était E, la suivante, T.
33:12 Mais oreille sur mur.
33:15 J'ai élongé le mur jusqu'à l'endroit d'où venaient les coups et j'ai collé mon oreille contre le mur.
33:27 J'arrivais à communiquer en plaçant une tasse contre le mur et en parlant dedans.
33:32 J'ai entendu une petite voix de l'autre côté qui disait "si tu m'entends, tape deux fois".
33:38 Il a dit "je m'appelle McCain, John McCain".
33:49 Je lui ai dit "qui es-tu ?"
33:54 Et il m'a répondu "je m'appelle Ernie Brace".
34:00 Il était visiblement très ému.
34:05 J'ai compris ce qu'il ressentait et nous avons cessé de parler.
34:10 C'était le premier américain que j'entendais depuis plus de trois ans et demi, depuis que j'avais quitté ma femme.
34:20 C'était un moment bouleversant.
34:23 John McCain m'a fait remonter la pente.
34:27 Il m'a réconcilié et avec moi-même et avec ce que l'avenir pouvait me réserver.
34:35 Son histoire m'a marqué et m'a profondément élu.
34:40 À côté de lui, j'avais l'impression d'avoir passé une journée sur la plage.
34:47 Ça m'a vraiment beaucoup aidé de pouvoir lui parler.
34:53 Au bout de quelques mois, j'en savais sans doute plus sur John que sa propre mère ou son frère.
35:01 Une nuit, la porte s'est ouverte et un officier vietnamien à la mine féroce est entré.
35:12 Mettez-vous là !
35:14 Ils se sont mis à examiner le mur.
35:21 L'officier s'est tourné vers moi et m'a dit "Vous avez communiqué avec d'autres prisonniers."
35:28 Je lui ai dit nom de la tête.
35:31 Il m'a dit "Si, d'autres prisonniers connaissent votre nom."
35:36 "Avec qui communiquez-vous ?"
35:41 Je ne savais pas quoi faire.
35:45 Je me suis dit qu'il allait sûrement le savoir.
35:50 Et je n'avais pas la force d'être battu pour ça.
35:53 Alors je l'ai regardé et je lui ai dit "Le capitaine de corvette John McCain."
35:58 Les nord-vietnamiens sont entrés dans ma cellule.
36:03 Ils m'ont bandé les yeux et m'ont emmené dans la cour.
36:10 Je savais que s'ils prenaient quelqu'un en train de communiquer, les représailles étaient terribles.
36:19 Je ne savais pas où j'allais.
36:21 Et ils m'ont poussé sur le sol de ce camion.
36:25 J'avais les yeux bandés.
36:27 Le camion a démarré et nous voilà partis dans Hanoï.
36:37 J'avais peur qu'ils me ramènent dans la jungle et me remettent dans une cage.
36:47 Je me suis dit "Et voilà, c'était bien sympa, mais c'est fini."
36:53 J'ignorais où ils m'emmenaient, mais je savais que j'allais être puni.
37:00 Soudain, j'ai senti un tapotement sur ma cuisse.
37:05 Par dessous mon bandeau, j'ai vu que j'étais assis à côté d'un Américain.
37:15 Alors j'ai tapé "Je suis John McCain."
37:18 "Qui êtes-vous?"
37:21 J'ai compris que John McCain était couché à côté de moi dans le camion.
37:28 Je n'en revenais pas.
37:31 Il a tapé "Je suis Ernie Brace."
37:36 Je me suis dit "Incroyable, le gars de la cellule d'à côté que je n'ai jamais vu est assis à côté de moi."
37:45 C'était merveilleux de savoir qu'Ernie et moi étions toujours ensemble.
37:50 Je ne savais pas quel traitement serait le nôtre, mais au moins j'y allais avec un camarade.
37:56 Une fois arrivé à la prison, nous avons été placés dans des ailes différentes.
38:10 Et je n'ai plus revu Ernie.
38:12 Ils nous ont donné des vêtements différents de notre tenue de prisonnier,
38:37 nous ont mis dans des autobus et nous ont emmenés à l'aéroport.
38:40 Pendant plusieurs années, j'ai pensé au moment où je serais face à face avec John pour la première fois.
38:50 C'était la personne qui comptait le plus au monde à mes yeux.
38:57 Ne me dis pas que c'était un rêve.
39:05 Nous nous sommes regardés et j'ai dit "Je savais qu'on s'en sortirait John."
39:12 Il m'a serré dans ses bras et m'a dit "On s'en est sorti, Ernie."
39:18 Les êtres que l'on connaît le mieux et que l'on aime le plus sont ceux avec qui on a traversé ce genre d'épreuves.
39:34 Je chérirai à jamais les moments passés aux côtés d'un véritable héros américain.
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