François Paput, président de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine de la Drôme
Une grève massive des pharmaciens est annoncée jeudi pour dénoncer les pénuries de médicaments, la vente de médicaments sur internet et les difficultés économiques des officines. 94 % des pharmacies en Drôme Ardèche devraient rester fermées.
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00:00 Info, musique et jeux, c'est le 6/9, France Bleu Dromardèche.
00:04 8h moins le quart, la plupart des pharmacies seront fermées en grève après demain.
00:09 On en parle avec notre invité ce matin, Emmanuel Champal.
00:13 - Bonjour François Papu. - Bonjour.
00:14 - Président de l'union des syndicats des pharmaciens d'officine de la Drôme,
00:17 pharmacien vous-même à bourg de péage.
00:19 94% des pharmacies en Dromardèche fermées jeudi, c'est déjà arrivé ça ?
00:26 - Alors en 2014 il y avait déjà eu un mouvement de grève mais là il est particulièrement bien suivi
00:32 et a fait l'objet d'ailleurs d'une inter-syndicale.
00:35 Les deux principaux syndicats de pharmaciens sont unis.
00:41 - La question que se posent ceux et celles qui nous écoutent ce matin,
00:44 c'est de savoir comment ils vont faire, s'ils ont besoin de médicaments après demain ?
00:46 - Eh bien il y aura un certain nombre de pharmacies qui seront réquisitionnées sur le territoire.
00:51 Donc il y aura toujours une solution pour les urgences.
00:56 - On sera en mode dimanche en clair ?
00:58 - On sera en mode garde, oui tout à fait.
01:00 - Vous dites que c'était déjà arrivé en 2014, ça arrive de nouveau aujourd'hui, 10 ans après.
01:05 Pourquoi ? Qu'est-ce que vous avez comme véritable problème aujourd'hui ?
01:09 - Aujourd'hui on a un certain nombre de problèmes, on n'en a pas qu'un seul.
01:14 On a premièrement cette rupture de médicaments qui est chronique depuis quelques années
01:22 et qui prend des proportions vraiment inquiétantes,
01:27 parce que quelque part pour les patients il y a une perte de chance,
01:31 puisqu'on est souvent amené à recontacter le médecin pour modifier la prescription.
01:39 Et parfois on n'a pas de réelle solution.
01:42 - Combien de médicaments sont concernés par des ruptures ou des risques de rupture ?
01:46 - Sur 2023 il y en avait à peu près 5000.
01:49 C'est-à-dire que dans nos logiciels informatiques,
01:52 dès qu'il y a rupture il y a un signalement qui est envoyé.
01:55 - Ça veut dire que vous dites quoi à vos patients en ce moment-là ?
02:00 - Et bien qu'on va essayer de trouver une solution.
02:02 - Que vous trouvez ?
02:03 - Alors qu'on trouve, je dirais dans 90% des cas,
02:07 soit on a un produit équivalent ou quasiment équivalent à proposer,
02:15 soit on contacte le médecin et il nous propose une solution alternative,
02:22 soit on se retrouve bloqué.
02:24 - Et il y a des listes d'attente ?
02:25 - Et il y a des listes d'attente qui se créent.
02:27 C'est-à-dire que de temps en temps on a des quotas.
02:31 C'est-à-dire que pour certains médicaments, par pharmacie, on va en recevoir deux par semaine.
02:35 Par contre on a une demande de 10.
02:37 - Les personnes qui viennent vous voir pour tenir leur médicament,
02:40 qui ne l'ont pas, qui ne peuvent pas l'avoir immédiatement,
02:42 qui sont mises sur liste d'attente, elles vous disent quoi ?
02:44 Elles comprennent ou pas ?
02:46 - Alors aujourd'hui elles comprennent.
02:48 Il y a quelques années en arrière, ça se passait plus difficilement.
02:52 Mais aujourd'hui cette notion-là est bien comprise malheureusement.
02:56 - Le gouvernement annonce un plan de relocalisation de certains médicaments en France.
03:01 Ça va régler la solution, ça ou pas ?
03:04 Vous avez quel espoir en fait ?
03:06 - Alors déjà la relocalisation ça va être très progressif.
03:09 Donc on ne peut pas s'attendre à des résultats dans les prochains mois.
03:14 La relocalisation ça va être quelques formules,
03:18 puisque l'essentiel des médicaments est quand même fabriqué dans des pays comme l'Inde ou la Chine,
03:24 mais assez peu en Europe en fin de compte.
03:27 - Une cinquantaine de molécules relocalisées, ce n'est pas suffisant pour vous ?
03:31 - C'est un début.
03:33 - Ça veut dire quoi ?
03:34 - Quand on vous entend ce matin, c'est aucune perspective d'amélioration réelle avant plusieurs années ?
03:40 C'est ça qu'il faut entendre ?
03:41 - C'est ça.
03:43 Vous avez un ancien ministre de la Santé qui annonçait pas avant 2027.
03:47 - Il va falloir être patient.
03:49 On l'entend bien avec vous, François Papu.
03:52 Vous êtes pharmacien à Bourg de Péa, je le rappelle,
03:54 et président de l'union des syndicats des pharmaciens d'officine de la Drôme.
03:58 On parle de la pénurie de médicaments.
04:00 Il n'y a pas que ce problème-là aujourd'hui qui vous préoccupe ?
04:02 - Non, non, non.
04:04 Après, la pénurie pour nous, c'est un travail supplémentaire.
04:07 Ça a été quantifié à peu près à une douzaine d'heures par pharmacie en moyenne.
04:12 Donc, ça c'est le premier problème.
04:14 Le deuxième problème, c'est un problème économique des officines.
04:21 Aujourd'hui, on voit d'ailleurs des officines fermées pour des raisons économiques,
04:25 alors qu'elles travaillaient tout à fait correctement.
04:27 Ça, c'est un phénomène, je dirais, plus classique à l'heure actuelle,
04:32 qui est lié à l'inflation.
04:34 - Pardon, mais on a du mal à croire que les pharmacies sont en difficulté.
04:38 - Les pharmacies ont toujours travaillé avec des marges étroites de fonctionnement.
04:42 Avec des chiffres d'effet élevés, mais des marges étroites.
04:45 Donc, dès que l'inflation s'est mise en place,
04:48 les bénéfices ont sérieusement diminué.
04:52 Alors, c'est vrai qu'il y a eu un moment donné,
04:54 où avec le Covid, on a eu des marges, je dirais, "confortables".
05:00 Mais ça, ça a été mangé très rapidement en 2022 et 2023,
05:04 à la sortie de Covid.
05:06 Et aujourd'hui, les trésoreries des pharmacies ont été sérieusement impactées.
05:12 Aujourd'hui, on commence à avoir des fermetures de pharmacies.
05:15 Il y a un effet de seuil, si vous voulez.
05:17 Là, on y arrive.
05:18 Et les charges globalement d'une officine,
05:21 entre 2019 et 2023, ont augmenté d'environ 24 à 25 %.
05:25 - Pénurie de médicaments, problème économique.
05:28 Il y a aussi la vente des médicaments en ligne qui pose problème.
05:31 Ça aussi, c'est un gros sujet.
05:32 - Oui, parce qu'on a appris il y a quelques mois,
05:35 qu'il y avait la préparation d'un rapport qui s'appelle le rapport Ferrachi.
05:39 Et qui va devenir un projet de loi au mois de septembre.
05:44 - Qui prévoit quoi ?
05:45 - Qui prévoit, pour le moment,
05:48 qui prévoit une dérégulation de la vente du médicament.
05:52 Sur deux points.
05:55 Déjà, la vente en ligne de médicaments à l'origine OTC.
06:00 OTC, c'est-à-dire tout ce qui est médicaments sans ordonnance.
06:04 Et puis, également, la possibilité des groupes financiers
06:10 de venir investir directement dans les capitales des officines.
06:14 - Je ne trouve pas mon médicament en officine.
06:17 Pourquoi je n'irais pas le chercher sur internet, finalement ?
06:20 - Alors, le médicament sur internet,
06:23 vu sous cet angle, à la limite, pourquoi pas ?
06:26 Mais ça demande quand même un contrôle derrière.
06:29 Ça demande, quand vous allez chercher une boîte de Doliprane...
06:32 - Si je tape la marque, si je mets Doliprane sur internet,
06:36 finalement, est-ce que j'ai besoin d'un contrôle derrière ?
06:38 C'est le même Doliprane que celui que...
06:40 - Aujourd'hui, le Doliprane, c'est un bon exemple.
06:43 Aujourd'hui, le Doliprane, c'est un bon exemple.
06:45 C'est quand même le premier médicament qui est incriminé
06:50 dans des accidents d'intoxication médicamenteuse.
06:55 C'est à peu près 10%.
06:57 Aujourd'hui, la NSM se pose la question par rapport aux jeunes,
07:02 parce qu'il y a une recrudescence des suicides chez les jeunes
07:07 avec le Doliprane, et se pose la question d'ailleurs
07:12 de réduire la vente aux mineurs de Doliprane.
07:15 Ce n'est pas un médicament anodin.
07:17 Ensuite, sur d'autres médicaments, le principal, en fin de compte,
07:21 c'est qu'il y a un professionnel de santé qui vienne
07:26 interroger le patient pour voir s'il est vraiment adapté à sa situation.
07:31 Vous allez avoir par exemple l'ibuprofène ou le nurophène.
07:34 C'est une personne qui a une insuffisance rénale,
07:37 ça peut être très grave.
07:39 - Le médicament n'est pas un produit comme les autres.
07:41 Vous l'entendez avec vous ce matin.
07:43 Il faut effectivement un professionnel derrière qui vérifie.
07:45 C'est un de vos messages avec ce problème de pénurie de médicaments,
07:49 ces problèmes économiques qui vous touchent.
07:51 Appel à la grève après-demain.
07:53 94% des pharmacies en Dromardèche seront fermés, on le rappelle.
07:56 Prenez vos précautions dès aujourd'hui si vous avez des médicaments à récupérer.
08:00 C'est peut-être une bonne idée aussi.
08:02 Merci à vous, François Papu, président de l'union des syndicats
08:05 des pharmaciens d'officine de la Drôme,
08:07 pharmacien aussi à bord de PH. Passez une bonne journée.