Tirana _ Le joyau caché de la Méditerranée - Albanie - Documentaire voyage - SBS

  • il y a 4 mois
Sur le papier, Tirana est une ville quasi inconnue, dans un pays surtout réputé pour ses kalachnikovs, ses vendettas et sa fameuse mafia « albanaise ».
Transcript
00:00 Moi c'est Thomas, je suis auteur de guide de voyage à touristes professionnels.
00:06 Aux quatre coins du monde, je teste les lits comme les cuisines, le spot avec vue et déniche
00:12 les meilleures adresses pour vos futures vacances.
00:14 Aujourd'hui, je pars pour un voyage 100% perso à la recherche de mes coins de paradis.
00:21 Et pour y arriver, je n'ai qu'une seule philosophie, ce ne sont pas les lieux qui
00:25 font les voyages, mais les gens qui les habitent.
00:27 Prochaine étape, Tirama, la capitale de l'Albanie.
00:32 Sur la carte du tourisme méditerranéen, il y a les têtes de gondole, Grèce ou Italie,
00:38 les tendances de l'été, Croatie et Monténégro, et puis il y a l'Albanie.
00:43 360 km de plages annoncées comme la prochaine destination phare du All Inclusive.
00:49 Pas loin, pas cher et bien ensoleillé.
00:52 Alors, c'est quoi un pays à l'aube du grand débarquement ?
00:55 Allez, bienvenue à Tirana !
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01:37 Regarde en face, il y a l'aigle.
01:42 Ce monument a été inauguré pour les 100 ans de l'indépendance.
01:45 - Ah, il est impressionnant !
01:46 C'est le symbole de l'état albanais.
01:48 On l'appelle Stiboria, le pays des aigles.
01:50 - Le pays des aigles !
01:52 J'arrive tout juste à Tirana.
01:55 Et à l'aéroport, je suis rencontré Mehdi, qui est un taxi clandestin.
01:59 C'est très drôle parce qu'il me fait la visite guidée depuis tout à l'heure.
02:03 C'est une très bonne façon d'arriver à Tirana, finalement.
02:06 Voilà l'ancien palais de la culture.
02:12 - Ça, ça date du communisme.
02:14 Oui, ça date du communisme.
02:15 Maintenant, on y trouve l'opéra et le ballet national.
02:18 Ici, c'est notre héros national, Skanderberg.
02:21 [Musique]
02:32 Premier pas à Tirana, la capitale albanaise.
02:35 Près d'un million d'habitants et d'emblée, un premier constat.
02:38 Ici, il n'y a pas de centre historique, pas d'architecture millénaire,
02:42 ni de ruelle carte postale et pas un touriste à l'horizon.
02:45 La ville offre le spectacle d'une vie à ciel ouvert.
02:59 Ici plus qu'ailleurs, mon voyage se fera à travers les rencontres.
03:02 Tant mieux, c'est tout ce que j'aime.
03:04 - Goûte mes olives, tu vas voir.
03:18 - Elles sont délicieuses.
03:19 - Merci.
03:20 - Pas d'indolèze.
03:21 - Merci.
03:23 - C'est quoi toutes ces sortes de tabac ?
03:28 - C'est pas du tabac, c'est du Durran.
03:30 Tu peux le mettre dans la pipe ou le briser.
03:33 - Qu'est-ce que vous faites ?
03:55 - On colle les articles de notre constitution.
03:58 Il y a 24 ans, il y avait une statue de Staline sur cette place.
04:04 - Ici ?
04:08 - Oui.
04:09 - En haut, là ?
04:10 - Oui, en haut.
04:11 - Une grande statue de Staline, là ?
04:12 - Oui, oui.
04:13 - Mais vous êtes qui ? Vous êtes des artistes, des activistes ?
04:21 - Nous sommes un groupe d'artistes, d'artistes engagés.
04:25 Je m'appelle Ergheil Eloshir.
04:27 - Je m'appelle Thomas.
04:28 - Content de te connaître.
04:30 - Voici Sokol Petshaye, il est aussi artiste.
04:33 Et Eliane Stéphane, lui est architecte.
04:35 - Un collectif affiche la constitution albanaise sur le socle d'une ancienne statue de Staline.
04:41 Ici, les deux tiers de la population ont moins de 30 ans.
04:44 Les jeunes voyagent, étudient à l'étranger
04:46 et n'hésitent manifestement pas à revendiquer à coup de happening l'article 22 de la constitution.
04:51 - Article 22, la liberté de parole est garantie.
04:55 - Et de fait, c'est exactement ce que vous prouvez.
04:59 - Beaucoup de personnes, en particulier dans la périphérie,
05:02 ne connaissent pas vraiment ces articles.
05:04 Donc c'est une bonne chose de les exposer.
05:06 - Vous vous attendez à quel genre de réaction ?
05:15 - En fait, je m'attendais à plus d'agressivité.
05:18 Parce qu'on a recouvert l'emblème d'une équipe de foot très populaire dans la région.
05:21 - Donc tu t'attendais à voir débarquer des ultras pour réagir ?
05:26 - Peut-être qu'ils sont plus intéressés par la constitution.
05:29 Et s'ils veulent, ils peuvent les recouvrir de nouveau.
05:32 - Qu'est-ce que vous en pensez ?
05:34 - Tonton, qu'en penses-tu, tonton ?
05:39 Ici, avant, il y avait le buste de Staline.
05:41 Et maintenant, nous sommes en train de diriger à la place le buste des droits de l'homme.
05:44 - Oui, c'est très bien.
05:46 Comme ça, au moins, cela ne restera pas moche comme c'est maintenant.
05:49 Et puis, c'est propre. C'est plus agréable à regarder.
05:53 - Comme ça, les gens peuvent s'arrêter et connaître leurs droits.
05:56 À peine arrivés, Tirana livre les premiers instantanés d'un monde post-communiste.
06:01 L'Albanie fut jusqu'en 1991 une dictature.
06:04 Parmi les plus dures au monde, un pays coupé de tout,
06:07 sauf peut-être de la Corée du Nord.
06:09 23 ans plus tard, l'architecture porte encore les traces d'un ancien système.
06:13 Tandis que les voitures de luxe sont la nouvelle norme.
06:15 Si Tirana est le Far-Est de l'Europe,
06:18 on est loin des clichés "calache", "trafiquant tout genre" et "Vendetta"
06:21 qui ont longtemps collé à l'Albanie.
06:23 Ici, les cow-boys sont en jupe et sont bien décidés à refaire le monde.
06:27 Pour mieux comprendre cette ville et casser peut-être pas mal de clichés,
06:32 j'ai rendez-vous avec Bora, une jeune architecte, chanteuse à 16 heures.
06:35 Bora a voyagé dans toute l'Europe,
06:38 incarne une nouvelle génération albanaise, moderne, polyglotte,
06:41 tout simplement séduisante.
06:43 - Comment vas-tu ? - Ça va et toi ?
06:47 - Bien.
06:48 - Quel endroit ?
06:52 - C'est le centre de Tirana, ici, c'est ça ?
06:54 - Le kilomètre zéro.
06:56 La grande place de Tirana concentre les anciens bâtiments officiels,
07:05 un brin totalitaire.
07:07 Bora me montre l'ancien visage de sa ville.
07:11 - Ici, ce sont les nouvelles extensions qui ont été construites.
07:14 Cette partie de la ville n'était pas du tout développée.
07:17 Alors, l'ancien régime a d'abord posé la route, il n'y avait rien autour.
07:21 Puis, ils ont construit des bâtiments emblématiques.
07:24 - L'ensemble est plutôt impressionnant.
07:26 100 m plus loin, c'est déjà un nouveau décor.
07:28 - Tu remarqueras que beaucoup de nouveaux bâtiments à Tirana sont très colorés.
07:32 Cette histoire de couleur est très intéressante.
07:36 Edirama, qui est maintenant le Premier ministre,
07:38 était auparavant le maire de Tirana.
07:40 La ville était très grise,
07:42 donc il a fait peindre les façades des grands bâtiments.
07:44 Il cherchait une nouvelle identité,
07:46 alors il a remis des couleurs dans toutes les rues principales.
07:49 A défaut de pouvoir rénover sa ville par de nouvelles constructions,
07:57 Edirama, l'ancien maire, également artiste-peintre,
07:59 fait appel dans les années 2000 à des artistes pour changer le visage de sa ville.
08:03 À grands coups de couleur dans le gris.
08:05 Un simple lifting comme cache-misère pour certains,
08:08 une opération de com' à coup sûr, voire un trait de génie.
08:11 10 ans plus tard, les façades un peu délavées font encore rêver.
08:15 Chemin faisant, ma guide me montre son Tirana.
08:21 - J'adore ces rues.
08:23 Celle-ci est une de mes préférées à cause des arbres.
08:27 Il doit s'agir des plus vieux arbres. Ils sont tellement grands.
08:34 Je découvre un labyrinthe de ruelles
08:36 où les arbres comme les murs profitent à fond d'une liberté retrouvée.
08:40 - Il y a des gens très créatifs dans cette ville.
08:45 Les conditions de vie ont obligé les gens à trouver de nouvelles solutions,
08:50 des alternatives pour améliorer leur quotidien.
08:54 Il y a des moyens informels pour avancer sans compter sur une administration.
09:01 C'est une des conséquences de l'histoire.
09:04 - Et voilà l'exemple flagrant de ce que tu m'expliques.
09:08 - Exactement.
09:10 - Tirana est un enchevêtrement d'immeubles, de maisons des glingues et de câbles,
09:17 comme si chacun avait poussé les murs pour un peu de place au soleil.
09:21 Bora aime sa ville faite de coins et de recoins pas très carrés
09:26 parce qu'ici, tout s'invente et c'est aussi valable pour la pause déjeuner.
09:30 - Comme tu le vois, c'est complètement camouflé.
09:33 - Une poissonnerie. OK. Deux couverts.
09:37 Trois tables bien cachées, des scampis marinés.
09:40 Voilà le plus petit restaurant de Tirana et peut-être un des meilleurs.
09:46 - C'est délicieux, ça.
09:48 - C'est aussi un des secrets les mieux gardés de la ville.
09:51 - Tout le monde ne peut pas venir ici. Ce n'est pas ouvert sur la rue.
09:56 On doit te connaître pour que tu puisses réserver.
09:59 Ça marche comme ça depuis 6 ans.
10:01 - Donc les touristes ne peuvent pas venir, c'est ça ?
10:05 - Non, non. Les touristes peuvent venir ?
10:08 - Ils peuvent venir, oui, mais seulement s'ils connaissent quelqu'un qui peut réserver.
10:12 Premier renseignement, à Tirana, un poissonnier passionné
10:15 peut cacher quelques tables pour initier.
10:17 Et je ne suis pas au bout de mes surprises.
10:19 Pour la plus belle vue de la ville, direction un bar
10:22 ou plutôt derrière le comptoir d'un bar.
10:25 - C'est le raccourci improbable.
10:27 - Tu veux voir ?
10:29 - OK.
10:30 - Monte.
10:33 - Qu'est-ce que tu en penses ?
10:39 Tu as aimé notre petit escalade ?
10:41 - Oui, absolument.
10:42 - Je pense que c'est le meilleur endroit pour se rendre compte
10:46 que toute la ville est entourée de montagnes.
10:49 - En montagne.
10:54 - Tirana a été fondée, on va dire, au 17e siècle.
10:58 Il y avait un tout petit centre dans ce coin-là.
11:02 C'était un tout petit village.
11:06 Il a commencé à grandir pendant la période ottomane.
11:10 Mais il a commencé à ressembler à une vraie ville vers les années 20.
11:15 Lorsqu'il a été décidé que Tirana deviendrait la capitale de l'Albanie.
11:22 Tu dois comprendre que l'indépendance de l'Albanie a eu lieu en 1912.
11:27 Et on avait besoin de développer une capitale
11:31 qui devait en quelque sorte devenir le symbole de cette volonté d'indépendance.
11:37 - Boram explique que l'ancien village est devenu la capitale albanaise
11:42 parce qu'il était loin de tout envahisseur.
11:44 Tirana n'est pas une capitale culturelle ni historique,
11:47 mais un choix géographique.
11:49 Ne cherchez pas de vieilles pierres ici, il n'y en a pas, ou peu.
11:52 Mais dans les pas de Boram, je découvre une ville jeune,
11:55 de tout juste 100 ans, qui se développe aujourd'hui à grande vitesse.
11:59 Depuis 20 ans, des quartiers entiers sortent de terre
12:02 et toute une génération invente de nouveaux codes pour vivre leur ville autrement.
12:06 Musique
12:08 - Je suis au parc du lac, le poumon vert de Tirana.
12:22 C'est un peu comme Central Park, mais version albanaise.
12:26 Musique
12:28 ...
12:44 - Merdita. - Merdita.
12:46 - Bonjour. - Bonjour.
12:48 - Vous êtes français. - Ça va.
12:50 - Et vous ? - Oui.
12:52 - Je peux savoir ce que vous faites ?
12:54 - Je récupère des bouts de bois, un peu de mousse,
12:58 pour faire le cachepot, en fait.
13:00 - Avec ces écorces-là ? - C'est ça.
13:02 - Donc là, vous êtes en plein boulot de récup ?
13:04 - Oui, voilà.
13:06 J'ai ces branches-là que j'ai récupérées.
13:11 Ça aussi, je mets dans une composition un peu exotique, on dit.
13:20 - Rézard est un artiste, fleuriste, bricolo, écolo.
13:24 Il ne m'en fallait pas plus pour lui emboîter le pas
13:26 et découvrir la phase bucolique de Tirana.
13:29 - Si vous voulez me suivre, on prend la route ?
13:33 - Ah, merci. - Oui, on y va.
13:35 - C'est incroyable, ce panorama.
13:42 - C'est le nouveau cité. - Ça, c'est nouveau, ça, tout ça.
13:45 - Ça, c'est nouveau, oui. - Nouveau.
13:47 - Depuis 5 ans. - Depuis 5 ans.
13:49 - Il n'y avait rien avant, là, il y a 5 ans.
13:51 - Non, il n'y avait que les collines vertes, avec les olives.
13:56 Et maintenant, la cité a grandi en plein deuil.
14:04 Hop là.
14:06 - Maintenant que je te vois ramasser, je regarde tout autrement.
14:09 - Les yeux de fleuriste. - Les yeux du fleuriste, exactement.
14:13 - Voilà une autre petite fleur ici.
14:18 - Voilà, c'est bon. - Ah, la majour.
14:20 - Oui.
14:24 - Qu'est-ce que j'en fais ? Tu le laisses, ça, non ?
14:26 - Ça, ça va mieux, oui.
14:29 - Mais c'est vrai que c'est rare de voir des parcs comme ça,
14:31 en pleine ville, qui... - On y va.
14:33 - Qui sont un peu laissés en friche.
14:35 - On vit à Tirana, on a cherché toujours à avoir un endroit
14:39 où tu peux te perdre.
14:45 - Je retourne à la maison pour composer tout ça.
14:54 - Je pensais pas me promener en pleine ville avec...
14:56 - Oui, oui. - ...10 morceaux de bois et des morceaux de bois.
14:59 - Moi, j'ai l'habitude...
15:01 - T'as l'impression qu'on ressort de la montagne. - Oui.
15:05 - Je ne vais pas laisser Rezard et son bouquet en si bon chemin.
15:08 Une location de vélo plus tard, et on en trouve beaucoup à Tirana,
15:12 je suis paré.
15:13 - Voilà, rouler un vélo à Tirana, c'est pas compliqué.
15:16 Une pièce d'identité, quelques lecs, et c'est parti.
15:20 - C'est bon.
15:21 - Alors, je pensais pas du tout me retrouver à faire une balade à vélo...
15:24 - Eh, avec... - ...avec des branches.
15:27 - Oui. - Mais c'est aussi ça, voyager autrement.
15:30 Et je ne suis pas au bout de mes surprises.
15:32 Rezard est loin d'avoir fini sa curieuse récolte.
15:35 - Eh, là !
15:36 - Merci. - Oui.
15:37 - Je t'ai manqué, Pat.
15:39 - Tu es le but, toi. - Bonjour.
15:41 - C'est mon ami de Paris.
15:43 - C'est ton fournisseur officiel de bouchons. - Voilà.
15:45 - Dans ce bar branché trône une première lampe, en paille,
15:48 une deuxième... - Incroyable.
15:50 - ...une troisième.
15:51 Rezard invente des objets à partir de récup.
15:54 Il a fait de ses fournisseurs, ses premiers clients,
15:57 un bon business plan, finalement.
15:59 - OK. - Ciao.
16:00 - Merci. - Salut.
16:02 - Deuxième bar, nouvelle récolte et autre création,
16:06 d'une simple boîte à des compositions florales.
16:09 Je suis à peine étonné lorsqu'on s'arrête dans une épicerie
16:12 pour récupérer des boîtes d'oeufs.
16:14 - Merci. Fallende.
16:16 - OK, c'est bon. On y va.
16:19 - Alors, c'est là, le petit laboratoire.
16:26 - Oui.
16:28 Et voilà. On est arrivé au laboratoire SMIC.
16:37 Voilà.
16:39 Ça, c'est avec des vieilles verres.
16:43 Mais bon, il est pas génial.
16:45 On peut l'utiliser dans une soirée, comme ça,
16:49 avec un peu de lumière dedans, comme ça, voilà.
16:53 - C'est la boule à facettes.
16:55 Et les gens aiment bien tes créations ?
16:57 - Ils sont un peu surpris parce qu'ils disent
17:00 qu'on est en train d'acheter quelque chose qu'on a jeté.
17:04 - Oui ? - Oui, c'est ça, en fait.
17:06 - Combien tu le vends ?
17:08 - Ah, bah, avec les verres, comme ça, simple, 10 euros.
17:13 - 10 euros ? - Oui, oui.
17:15 - En 1 400 lecs ? - Oui, à peu près, oui, oui.
17:19 Olé !
17:21 - Génial. - C'est ça.
17:23 - Allez, joyeux Noël.
17:25 On se met où ?
17:33 - On se met là, sur la chaise.
17:35 - Et là, on va où ?
17:37 - Un petit tableau, il suffit, un petit tableau,
17:41 juste comme ça.
17:43 - Oh, t'es bien installé. - Attention, la tête, attention.
17:46 - Je vois qu'on n'est pas tout seul.
17:48 - Ah oui, il y a les canards. - Ouais, ouais, ouais.
17:52 - Et voilà, on peut aller par là.
18:03 - Elle est dure, hein, quand même.
18:06 - Comment t'as commencé à faire tout ça, ton petit business, là ?
18:09 Comment ça s'est mis en place ?
18:12 - Bah, c'est mis en place...
18:15 à toujours avoir l'envie de faire des choses nouvelles,
18:20 d'introduire ici les...
18:24 une nouvelle culture de fleurs, de recyclage.
18:29 Voilà, c'est bon.
18:31 - Et comment tu arrives à vivre ?
18:33 - Bah, avec tout ça, parce que je vois, c'est récupéré,
18:36 tu vas montrer, c'est 10 euros...
18:38 - J'ai des banques au monde. - Ouais.
18:40 - J'ai des clients qui veulent faire un jardin.
18:43 - D'accord.
18:45 - Mais les fleurs, c'est difficile en Albanie.
18:47 C'est pour ça que j'ai laissé un peu de côté
18:50 pour m'occuper un peu de recyclage.
18:53 - Pourquoi c'est pas suffisant, les fleurs, en Albanie ?
18:55 - Les gens, ils ont pas assez d'argent pour les fleurs.
18:58 C'est un peu le luxe.
19:01 - Ça commence à prendre vie.
19:04 OK, on a fini. Voilà.
19:12 - Et moi qui découvre Tirana,
19:14 qu'est-ce que tu aimes dans cette ville, par ailleurs ?
19:16 - Tout se transforme en peu de temps.
19:18 C'est ça que j'aime de Tirana.
19:20 - Donc tu trouves un certain dynamisme dans cette ville ?
19:23 - Oui, il y a beaucoup d'avenir.
19:26 ...
19:42 - C'est ça.
19:44 - Notre ami, il y est.
19:46 - Une boîte plus tard, je suis à Rezard
19:48 à livrer sa création du jour dans un hôtel voisin.
19:51 ...
19:54 - Salut. - Salut.
19:56 - Thomas.
19:58 Au Backpacker Hôtel, on cultive aussi un certain art du recyclage.
20:01 De la vie en communauté,
20:03 de l'expression libre,
20:06 de la plante verte et de la détente.
20:09 Le tout en plein centre-ville.
20:12 Ça fleurbont les 70's et les fleurs dans la grisaille.
20:15 Loin de subir la ville, Rezard et ses potes l'ont juste recyclée, à leur façon.
20:19 ...
20:29 - A votre santé. - Santé.
20:31 ...
20:39 ...
20:48 - Ça, c'est quelque chose qu'on trouve partout à Tirana.
20:51 L'autosport, Xoyloto,
20:54 c'est des bars de Paris sportif.
20:57 Il y a à environ tous les 10 mètres une vraie institution.
21:00 Forcément, ça me donne envie de parier.
21:03 De gagner et d'acheter une Mercedes.
21:06 ...
21:20 - Bienvenue, Etaf.
21:23 Bonjour.
21:26 Je peux avoir un café ?
21:29 ...
21:34 - Je peux parier sur quoi, aujourd'hui ?
21:37 - Regarde sur cette page. Tu as tous les paris en jeu, aujourd'hui.
21:40 Que du foot. - Ah, et tout ça, c'est les paris du jour.
21:43 Je peux parier sur Newton contre Derby.
21:46 - Les gens aiment parier sur tout et n'importe quoi.
21:49 Parfois, même sur des petits pays.
21:52 Les pays qui n'ont pas une grosse culture du football
21:55 ou des pays amateurs. Ouzbékistan, Tadjikistan,
21:58 des pays comme ça.
22:01 C'est nouveau ou ça existe depuis des dizaines d'années ?
22:04 - Les paris sont devenus légaux en 1988.
22:07 Mais il y en avait déjà avant.
22:10 Des paris clandestins.
22:13 Ici, les gens aiment parier. C'est de l'argent facile.
22:16 On a toujours parié, mais aujourd'hui, c'est légal.
22:19 - Pourquoi est-ce que les Albanais aiment autant parier ?
22:22 - Je crois que c'est simplement parce qu'on croit au destin.
22:25 Beaucoup de chances qui changent tout.
22:28 - Moi aussi, je vais parier.
22:31 Newton contre Derby, 20h45.
22:34 Victoire de Derby à l'extérieur. Gros coup de poker.
22:37 Je croise les doigts.
22:40 Et j'avais une question.
22:43 Là, j'ai vu vos clients.
22:46 Mais vos clientes qui sont là,
22:49 elles parient, elles aussi ?
22:52 - 3 mamies dans un bar de Paris Sportif,
22:55 c'est déjà la promesse d'un voyage. Je ne résiste pas.
22:58 - Vous avez parié sur quoi aujourd'hui ?
23:01 - Non, nous, on prend pas de paris.
23:04 Notre pari, c'est de venir boire le café ici 6 jours par semaine.
23:07 - Ha, ha, ha ! Ici ?
23:10 - Ici. - À cette table ?
23:13 - Oui. On vient ici 2h,
23:16 toutes les 3, pour parler l'une avec l'autre des choses de la vie.
23:19 Les bonnes et parfois les dures. Et après, on rentre à la maison.
23:22 - Pourquoi est-ce que vous vous retrouvez ici et pas ailleurs ?
23:25 - Parce que nous sommes à un âge avancé.
23:28 Nous sommes vieilles. On ne peut pas rester dans n'importe quel bar.
23:31 En plus, on reste 2h à table.
23:34 Si on va dans d'autres bars, dès que notre café est fini,
23:37 on peut nous demander de partir.
23:40 Alors qu'ici, ils nous laissent tranquilles, on peut rester autant de temps qu'on veut.
23:43 Toute la matinée, si on veut.
23:46 - Ca veut dire qu'ailleurs, vous pouvez pas rester tranquille ?
23:49 - Impossible ! Tu bois ton café et au bout de 30 minutes,
23:52 tu te lèves et tu laisses la place à d'autres.
23:55 - Moi, mon père était riche à l'époque.
23:58 Au début de la guerre, vers 1940, il y a eu beaucoup de manifs.
24:01 Les gens disaient "on veut du pain, on veut du pain".
24:04 Moi aussi, j'étais dans la rue. Mais mon père m'a surprise.
24:07 De retour à la maison, il m'a dit
24:10 "Comment ? Tu as tout ce qu'il te faut, mais tu manifestes ?"
24:13 Alors, je suis partie dans les montagnes
24:16 pour rejoindre un groupe de partisans dans la région de Girocastra.
24:19 - Donc à 14-15 ans,
24:22 vous êtes devenue partisane ?
24:25 - J'avais un fusil automatique.
24:28 Et je partais de village en village avec mon automatique.
24:31 J'organisais des réunions pour les jeunes.
24:34 Je recrutais ceux qui voulaient combattre et devenir partisans, comme moi.
24:37 - Et vous avez tiré ?
24:40 - Oui. Je faisais partie du groupe des partisans de Malacastra.
24:43 Je n'étais pas sur le champ de bataille, mais en charge du recrutement.
24:46 Quand il y avait une grosse opération,
24:49 celui qui avait un automatique partait toujours en 1re ligne.
24:52 Dans ce cas-là, je sortais au 1er rang, peu m'importait la vie.
24:55 Je voulais juste libérer mon pays.
24:58 - Ces souvenirs-là, c'est des souvenirs de peur ou de liberté ?
25:01 - J'étais jeune et je ne pensais pas à la mort.
25:04 Plus tard, en y repensant, je me suis dit que j'aurais dû avoir peur
25:07 vu les circonstances. Mais à l'époque, je ne me rendais pas compte.
25:10 Je garde un bon souvenir.
25:13 Tout de suite après la guerre, j'ai repris l'école pour finir mes études.
25:16 - Vous 2, vous n'étiez pas partisans ? - Non.
25:19 - Moi, je suis née à Tirana.
25:22 Mon grand-père et mon arrière-grand-père étaient de Tirana aussi.
25:25 Je me souviens bien du Tirana de 1939,
25:28 quand l'Italie fasciste a occupé l'Albanie.
25:31 J'étais petite, mais je me souviens bien
25:34 que j'étais en 1re ligne.
25:37 J'étais petite, mais je me souviens
25:40 des avions qui passaient sur nos têtes.
25:43 On partait se réfugier sous les arbres.
25:48 Il n'y avait pas de cave à l'époque, ni d'abri souterrain.
25:51 En ville, on trouvait seulement des petites maisons d'un étage
25:56 et quelques villas.
25:59 - Et après, vous avez vécu toute la période communiste
26:02 jusqu'à il n'y a pas si longtemps que ça ?
26:05 - Il y a eu des bonnes choses pendant la période communiste.
26:08 Mon mari et moi, avant, travaillaions dans les travaux publics.
26:11 On a apporté l'eau potable et l'électricité.
26:14 On faisait aussi des actions de volontariat pour construire le pays.
26:17 Pour moi, c'était une bonne période.
26:20 On était pauvres, mais on avait du travail.
26:23 Pour les petites gens, la dictature avait aussi du bon.
26:26 Pour les riches, ce régime a été très rude.
26:29 - Vous, vous étiez pauvre ou riche ?
26:32 - Moyen.
26:35 - Une précision avant de reprendre la route.
26:38 Derby gagne 1-0 ce soir-là.
26:41 Pas de quoi se payer une voiture de luxe.
26:44 Un café et de belles rencontres suffiront largement.
26:47 A écouter leurs souvenirs, ces 3 mamies deviennent de fortes femmes
26:50 qui ont fait le coup de feu à 14 ans
26:53 et ont carburé toute une vie à l'utopie d'un monde à construire.
27:01 Aujourd'hui, la nouvelle génération marche en talons hauts
27:04 sur des trottoirs défoncés.
27:07 Un numéro d'équilibriste à l'image de cette ville
27:10 entre élégance et poids d'un passé à digérer.
27:13 Et s'il y a bien un lieu emblématique de ce monde entre 2 eaux,
27:16 c'est la pyramide, une sorte de cône de béton
27:19 plantée au milieu de la ville.
27:22 C'est moche, hein ?
27:28 C'est moche, mais ça intrigue quand même.
27:31 L'édifice fut construit en 1988
27:34 pour célébrer la mémoire de l'ancien dictateur Enver Hoxha,
27:37 40 ans de pouvoir sans partage en guise de CV.
27:40 En apparence, le lieu est laissé à l'abandon.
27:43 La construction était autrefois couverte de marbre,
27:46 rien n'était trop beau pour honorer l'ancien dictateur.
27:49 Jusqu'au jour où le peuple a récupéré son dû
27:52 en désaussant plaque par plaque les flancs de la pyramide.
27:55 Le monument tient toujours debout,
27:58 mais toute une ville se demande encore quoi en faire.
28:01 Moi, je n'ai qu'une seule envie, c'est jeter un coup d'œil à l'intérieur.
28:04 - Hé, te voilà ! - Comment vas-tu ?
28:07 - Bien, et toi ? - Bien.
28:10 - Tout va comme tu veux ? Tout se passe bien ? - Et toi ?
28:13 - Moi, ça va, je suis par là, je fais des projets.
28:16 Mais bon, il faut voir.
28:22 Je suis content parce que je cherchais vraiment un moyen d'entrer là-dedans.
28:26 La veille, j'ai croisé Alban,
28:29 une rencontre assez courante en Albanie.
28:32 Alban est étudiant et m'a proposé une petite visite dans les entrailles de la pyramide,
28:35 le genre de proposition qui ne se refuse pas.
28:38 - Bonjour. - Bonjour.
28:43 - Bonjour. - Bonjour.
28:46 - C'est un peu le bordel, mais bon.
28:49 - C'est de l'archéologie, mais en Albanie.
28:52 Ça change de l'Égypte.
28:55 - C'est de l'archéologie moderne. - Incroyable.
28:58 - La lumière ici est incroyable.
29:05 Parce que dès l'entrée, elle te suit sans arrêt.
29:10 - Où est-on ? C'est quoi, cet endroit ?
29:15 - Ce lieu est un peu comme un jardin.
29:18 C'est un des lieux et un des endroits les plus marquants d'Albanie.
29:21 Ces 70 000 m2 ont été construits en moins de 3 ans.
29:28 - Mais que s'est-il passé ?
29:33 - De 1992 à aujourd'hui, pas mal de choses.
29:36 Et il nous faudra sans doute encore du temps pour comprendre tout ce qu'on a vécu.
29:39 Nous sommes toujours dans une période de transition,
29:42 et c'est ce que nous raconte cet endroit.
29:45 - La réponse est énigmatique, mais la visite plaît tout autant.
29:48 Dans cet espace incroyable, des échafaudages,
29:51 une statue pas très engageante, des visages d'un autre temps...
29:54 Plus loin, quelques potes d'Alban préparent la déco d'un futur festival électro.
30:00 Mais le festival aura lieu 200 km plus loin.
30:06 Conçu à l'origine pour être un musée, la pyramide n'accueille plus de public.
30:09 Le lieu n'est pas franchement ouvert, ni vraiment fermé,
30:12 pas complètement abandonné, ni vraiment exploité.
30:15 - Alors on va où ?
30:20 - Nous allons voir, j'espère, la scène principale du théâtre.
30:23 - OK.
30:26 - Qui devrait être...
30:29 ici.
30:32 - Ah ouais !
30:35 Je ne pensais pas trouver une telle scène ici.
30:38 - Une telle scène ?
30:41 - Complètement abandonnée, comme s'il n'y avait rien.
30:44 - Cette salle est immense.
30:47 - Même dans le désert, tu trouves de l'eau, tu sais.
30:50 - C'est une jolie expression.
30:53 - Au début de la démocratie en Albanie,
31:00 cet endroit servait de centre culturel international.
31:03 On a entendu parler de projets comme la rénovation du théâtre
31:06 ou l'installation du nouveau parlement albanais.
31:09 Il y a beaucoup d'histoires qui courent autour de ce symbole.
31:12 - OK.
31:15 Récapitulons.
31:18 Depuis 1991, cette pyramide de béton fut un centre culturel,
31:21 le siège de l'OTAN.
31:24 Elle a abrité des ONG, une boîte de nuit, un plateau télé.
31:27 Aujourd'hui, c'est un espace en suspens.
31:30 Et personne n'a encore décidé quel avenir lui donner.
31:33 Emblème de la dictature, elle symbolise un héritage encore loin porté.
31:36 Faut-il la conserver comme lieu de mémoire
31:39 ou la détruire pour laisser place à tout autre chose?
31:42 Qu'est-ce que tu attends de cet endroit?
31:45 - J'aimerais que cet endroit soit ouvert 24h/24.
31:48 C'est comme ça que je l'imagine.
31:51 J'aimerais que de nouvelles personnes découvrent un espace
31:54 où des étrangers ou des artistes albanais viendraient se produire.
31:57 Pour les gens qui ne connaissent rien de l'Albanie
32:00 ou qui n'ont jamais visité Tirana,
32:03 ils pourraient découvrir une nouvelle scène
32:06 et connaître en même temps l'histoire de ce lieu.
32:09 - Donc tu aimes ce bâtiment?
32:12 - Oui, j'aime le bâtiment.
32:15 J'ai joué pendant des années sur les flancs de la pyramide,
32:18 donc j'y suis attaché.
32:21 - Quand tu fais ça pour la dernière fois?
32:24 - Je ne sais pas, ça doit faire 15 ans.
32:28 - C'est plus la science de la vie!
32:31 ...
32:39 - Quand on était petit,
32:42 on pouvait voir beaucoup de verdure d'ici
32:45 et on voyait l'Alana, la vieille rivière de Tirana.
32:48 Maintenant, à chaque fois que je monte ici,
32:51 je découvre de nouvelles choses.
32:54 Tout est mouvement, de nouveaux buildings, plein de choses.
32:57 C'est un bon point de vue
33:00 et un point de vue qui évolue.
33:03 - C'est vrai, tu es un philosophe!
33:06 - Je ne sais pas!
33:09 - Avec la fin de la dictature,
33:12 une ville mise sous cloche pendant 40 ans
33:15 s'est mise à bouillir, chauffée à blanc
33:18 par une liberté retrouvée.
33:21 Et depuis, elle ne s'est jamais arrêtée.
33:24 Tirana est une ville balkanique,
33:27 qui a des gens qui sont très contents
33:30 et de grande soif de liberté.
33:33 Pour sortir des sentiers battus,
33:36 j'ai rencontré un artiste qui se prenait pour Dali.
33:39 Et là, tout ce qui peut paraître improbable ailleurs
33:42 deviendrait presque normal à Tirana.
33:45 On est où, là?
33:48 Au milieu de l'usine,
33:51 devant quelques troncs,
33:54 il décrit sa prochaine création.
33:57 Je veux sculpter une grande porte
34:00 autour de 22 personnalités européennes.
34:03 Elle aurait pour thème la culture européenne.
34:06 En bois, la France serait comme sa bolle Molière,
34:09 pour l'Allemagne, Goethe,
34:12 l'Italie, Federico Fellini,
34:15 l'Espagne, Picasso,
34:18 l'Angleterre aura William Shakespeare.
34:21 Je veux que William Shakespeare soit un homme.
34:24 Un homme, un homme, un homme.
34:27 Mon guide un peu fou sort de nulle part.
34:30 Un siège, une bouteille, une table?
34:33 Avec son odeur, vous allez vous faire mal.
34:36 Bref, j'ai pas tout compris,
34:39 mais j'ai bien voyagé.
34:42 Dans cette folie douce,
34:45 il faut savoir trouver ses guides.
34:48 Le chauffeur de la 1re heure était l'un d'eux.
34:51 - Hey!
34:54 - Ça va bien?
34:57 - Oui.
35:00 - Parfait.
35:03 - Alors, tu es devenu un vrai tyrannée?
35:06 - Petit à petit.
35:09 - Vous êtes taxi depuis combien de temps?
35:12 - Depuis que j'ai pris ma retraite.
35:15 - Vous faisiez comme travail avant?
35:18 - J'étais policier.
35:21 Je m'occupais d'assurer la sécurité des bâtiments.
35:24 - D'accord, vous étiez policier.
35:27 Pendant combien d'années?
35:30 - Pendant 40 ans.
35:33 - Je vois qu'il y a des taxis jaunes.
35:36 Taxi officiel, j'imagine.
35:39 Et vous, il n'y a rien d'officiel.
35:42 - Pour arrondir mes fins de mois,
35:45 je rends service comme taxi privé.
35:48 - C'est une mosquée?
35:51 - Oui.
35:54 - Vous êtes musulman?
35:57 - Je suis un musulman bektachie.
36:00 - Et là, Mehdi confirme la règle.
36:03 Toute personne, même policier,
36:06 a un chemin de découverte à ouvrir
36:09 pour se retrouver librement.
36:12 - Vous êtes un peu déçu?
36:15 - Non, je suis content.
36:18 - Vous êtes content?
36:21 - Oui.
36:24 - Vous êtes content?
36:27 - Oui.
36:30 - Vous êtes content?
36:33 - Oui.
36:36 - Le lieu impose d'emblée respect et curiosité.
36:39 Mehdi me propose de rencontrer le grand baba,
36:42 le chef spirituel de la communauté.
36:45 Si le nom peut faire sourire,
36:48 les portraits dans le hall calment vite mes envies de jeu de mots.
36:51 - Tu sais que c'est un grand honneur d'être ici,
36:54 d'être accueilli par le baba mondial des bektachies.
36:57 C'est parce que je suis un grand fidèle
37:00 qu'il a accepté de te recevoir.
37:03 - Fais-le.
37:06 - Donne-moi ton âme.
37:14 - Je t'en prie.
37:17 - Comment s'appelle ta mère?
37:40 - Chantal.
37:43 - Je t'aime.
37:46 - Je t'aime.
37:49 - Je t'aime.
37:52 - Et voilà, je viens d'être béni par le grand baba.
37:55 Et un peu plus que ça.
37:58 A coup de sanglots, il aspire les pensées négatives,
38:01 puis souffle sa bienveillance.
38:04 Et croyez-moi, l'intensité qu'il met dans l'opération est impressionnante.
38:07 Forcément, ça donne envie d'en savoir plus.
38:10 - Je ne savais pas que les bektachies existaient.
38:13 On n'en parle pas en France.
38:16 Donc je suis arrivé ici grâce à Mehdi et je découvre complètement.
38:19 - Le bektachisme est un courant mystique de l'islam.
38:22 Nous sommes 150 millions à travers le monde.
38:25 Au Kosovo, Monténégro, Serbie, Bosnie, Bulgarie, Roumanie,
38:28 Turquie, Iran, Irak, Liban, Libye, Syrie,
38:31 Tchernobyl, les Etats-Unis,
38:34 la France, l'Irak, le Japon,
38:37 on a aussi des adeptes en Inde,
38:40 aux Etats-Unis et en Égypte.
38:43 Sous l'empire ottoman,
38:46 on pouvait réunir tous les bektachies.
38:49 Mais on a eu beaucoup de difficultés après la période ottomane.
38:52 Il y a eu la première guerre mondiale,
38:55 la deuxième guerre mondiale,
38:58 puis il y a eu le communisme en Albanie
39:01 qui nous a complètement isolés des autres fidèles bektachies.
39:04 Mais aujourd'hui, nous sommes tous réunis.
39:07 On est de nouveau libres de pratiquer notre religion.
39:10 - On m'a expliqué qu'il y avait une grande liberté
39:13 dans la pratique religieuse.
39:16 - Dans la tariqa, ce qu'on appelle le chemin mystique,
39:19 il y a toujours eu beaucoup plus de souplesse
39:22 et de liberté dans la pratique de l'islam.
39:25 Nous, nous sommes très tolérants.
39:28 Nous avons pour devise de respecter tout le monde,
39:31 quelle que soit sa race, son pays ou sa religion.
39:34 - Je suis tourné car le réseau des modèles.
39:37 (musique douce)
39:40 - La bektachia.
39:51 (musique douce)
39:55 (musique douce)
39:58 - Bonjour.
40:05 (chant)
40:08 (chant)
40:15 (chant)
40:20 (chant)
40:27 - C'est un jour particulier aujourd'hui.
40:33 Aujourd'hui, on vient commémorer la mort
40:36 de l'un de nos chefs spirituels.
40:39 - D'accord.
40:42 (sanglots)
40:45 (musique douce)
41:01 (musique douce)
41:04 - Ca, c'est les autres grands babas.
41:11 - Dede Ali Rizai,
41:14 Dede Jafar Saddiq
41:17 et Baba Bayram Mahmutai.
41:20 - Baba Bayram Mahmutai a été emprisonné avant la démocratie.
41:23 Il était considéré comme un ennemi politique
41:26 par la dictature de l'Islam.
41:29 - Ca veut dire que pendant les 40 ans de la dictature,
41:32 vous, en tant que bektachine, vous vous cachiez, alors?
41:35 - Oui, tous les fidèles pratiquaient leur religion en cachette.
41:38 On continuait à faire les rites à la maison,
41:41 mais on ne se montrait pas.
41:44 - L'ancien policier n'a plus besoin de se cacher
41:47 et peut vivre pleinement aujourd'hui cette drôle de religion.
41:50 (musique douce)
41:53 (musique douce)
41:56 - Les bektachins sont les plus célèbres de l'Islam.
41:59 Mais dit me montre leur futur lieu de culte,
42:02 une construction qui témoigne de la vitalité
42:05 du courant bektachie en Albanie.
42:08 Les bektachies se réclament de l'Islam,
42:11 mais ne suivent pas les interdits de la religion musulmane.
42:14 Ils ont leur propre spiritualité et leurs propres règles.
42:17 Une religion finalement à l'image d'un pays
42:20 où chacun est désormais libre de faire comme il l'entend,
42:23 et où chacun peut se réclamer de son propre pays.
42:26 - Alors vous, vous êtes fier de ce lieu-là?
42:29 - Bien sûr que je suis fier.
42:32 D'autant plus que ce lieu a été construit sans l'aide de personne,
42:35 uniquement avec les noms des fidèles.
42:38 Chacun a donné ce qu'il pouvait pour contribuer
42:41 à bâtir ce grand lieu de prière.
42:44 - Je repars conquis.
42:47 J'ai trouvé ici tout ce que j'aime dans mes voyages,
42:50 pour reprendre ma route.
42:53 Et en Albanie, les chemins de traverse ne manquent pas.
42:56 Je crois même qu'il n'y a que ça.
42:59 Là, je ne suis plus à Tirana, mais à 200 km au sud,
43:02 une auberge de montagne et une soirée bien arrosée.
43:05 Comment j'en suis arrivé là?
43:08 Tout a commencé par un petit moment de solitude.
43:11 J'avais un petit peu peur,
43:14 mais j'ai compris que c'était un lieu de prière.
43:17 Tout a commencé par un petit moment de solitude.
43:20 - Un dimanche à Tirana.
43:25 Il n'y a pas de foule, hein?
43:28 Je crois qu'ils partent tous à la plage.
43:31 Moi aussi, je vais y aller.
43:34 D'abord, il a fallu s'équiper.
43:42 - J'ai trouvé la carte routière. C'est déjà un bon début.
43:45 Bon conseil pour la route.
43:48 - C'est un autre monde.
43:51 Il me manquait juste une voiture taillée pour l'aventure.
43:54 - C'est la classe.
43:57 Et me voilà en route pour le paradis.
44:14 A 30 km de Tirana, je trouve une station balnéaire.
44:17 - Bon, 1re étape à Doulos.
44:22 Et là, j'ai comme un doute.
44:25 Du béton, du monde, c'est pas encore ça.
44:28 116 km plus tard, j'arrive à Vioré.
44:33 Et là, le bord de mer est déjà plus engageant.
44:36 Mais on m'a promis un autre monde.
44:41 Il était temps de prendre un peu de hauteur,
44:44 changement de décor, de la montagne et de la belle.
44:47 Merci pour le 4x4.
44:50 Je fais escale dans une auberge à 970 m d'altitude précisément.
44:58 Dans ce refuge de montagne, repas copieux,
45:02 très copieux...
45:07 Et ambiance familiale, voire musicale.
45:10 - Santé.
45:26 - Gozwar.
45:29 Et c'est là que tout a basculé.
45:32 - Vas-y, prends une bière et amène-lui. Assieds-toi.
45:35 - Comme ça, je peux partir de l'eau.
45:38 - Je lève mon verre à l'invité.
46:01 Allez, souhaitons la bienvenue à Thomas.
46:04 - Gozwar.
46:07 - Grand gozwar.
46:10 - A votre santé et à votre accueil.
46:13 - Du raki, oui.
46:19 C'est bon. C'est fort aussi.
46:22 - Ça donne envie de chanter.
46:25 (Chant)
46:28 (Chant)
46:32 (Chant)
46:35 <i>♪ Que fait-il, là-bas ? ♪</i>
46:38 <i>♪ Que fait-il ? ♪</i>
46:40 <i>♪ Le maritime est venu ♪</i>
46:43 <i>♪ À la maison du roi ♪</i>
46:45 <i>♪ Il a perdu ses yeux ♪</i>
46:47 <i>♪ Mais qu'est-ce qu'il a fait ? ♪</i>
46:50 <i>♪ Le maritime est revenu ♪</i>
46:52 <i>♪ De la vie, de l'homme ♪</i>
46:54 <i>♪ La vie, la vie, la vie ♪</i>
46:57 <i>♪ Chez lui, il est resté au chemin ♪</i>
47:00 <i>♪ Il est resté au chemin ♪</i>
47:02 <i>♪ Des égoïstes ♪</i>
47:04 <i>♪ Au cercle, la vie ♪</i>
47:05 <i>Autour de la table,</i> <i>on chante des chansons de bergers,</i>
47:08 <i>des histoires d'amour impossibles</i> <i>et de montagne au perché.</i>
47:12 <i>♪ Ella, pobre chamuchepe ♪</i>
47:15 <i>♪ Ella te puesto en denuevo ♪</i>
47:18 <i>♪ La morige que la pia pa'a ♪</i>
47:20 <i>♪ Ella, pobre chamuchepe ♪</i>
47:24 <i>♪ Ella te puesto en denuevo ♪</i>
47:30 <i>- Bonne soirée ! - Santé !</i>
47:32 <i>Les chansons que vous chantez,</i>
47:34 <i>c'est des vieilles chansons</i> <i>ou c'est vous qui inventez les paroles ?</i>
47:38 <i>"Mon amour est parti, mon mal est incurable"...</i>
47:41 <i>- Chaque chanson est très vieille.</i>
47:45 <i>Il est probable qu'avec le temps,</i> <i>elles aient évolué,</i>
47:49 <i>mais ce sont des chansons ancestrales.</i>
47:53 <i>- Et chacune raconte une histoire,</i> <i>une histoire vraie.</i>
48:00 <i>- Tout concerne un thème</i> <i>comme l'amour, la mort,</i>
48:03 <i>les bergers, les pleurs</i> <i>d'une mère.</i>
48:05 <i>- Mais elles ont, je sais pas,</i> <i>100 ans, 200 ans, 500 ans.</i>
48:09 <i>- 3000 ans même.</i>
48:11 <i>On a une chanson qui raconte</i> <i>l'histoire d'un couple d'amoureux,</i>
48:15 <i>mais leur famille respective</i> <i>ne voulait pas qu'ils se marient.</i>
48:18 <i>L'homme a dit à sa bien-aimée,</i> <i>"Quand tu entendras le tir</i>
48:20 <i>de mon arme, tu boiras le venin."</i>
48:23 <i>Cette histoire est arrivée</i> <i>au village de Ducat.</i>
48:30 <i>- C'est transmise en chanson.</i>
48:32 <i>- Je ne pense pas qu'en France</i> <i>il y ait des histoires d'amour</i>
48:35 <i>qui aillent aussi loin</i> <i>dans les passions</i>
48:37 <i>que cette histoire.</i>
48:38 <i>- Alors, moi, ça m'est pas arrivé.</i>
48:40 <i>- Peut-être que tu n'as jamais</i> <i>été vraiment amoureux.</i>
48:43 <i>(Chant)</i>
49:04 - A l'excellence !
49:05 - Bravo !
49:07 - Ça y est, ça commence à rire !
49:09 - C'est bien !
49:13 - Vous lancez une chanson.
49:14 (Chant)
49:16 Et vous, vous répondez.
49:17 <i>- Celui qui commence</i> <i>s'appelle le preneur.</i>
49:20 <i>Le répondeur, lui, répond</i> <i>dans un style haché,</i>
49:22 <i>puis le lanceur reprend.</i>
49:23 - Vous chantez toujours à plusieurs ?
49:25 <i>- Généralement, c'est ceux</i> <i>qui sont là.</i>
49:27 <i>Il y en est cinq, six, maximum.</i>
49:29 - Et pourquoi pas plus ?
49:31 <i>- Plus nombreux, ça</i> <i>détruirait l'harmonie.</i>
49:35 <i>Et la soirée se poursuit</i> <i>sans fausses notes.</i>
49:38 <i>- À grands coups de chansons,</i> <i>de rires et de râques.</i>
49:44 - Et ce soir, vous célébrez quelque chose de particulier
49:46 ou ça vous arrive souvent ?
49:48 <i>- C'est le hasard</i> <i>qui est le roi du monde.</i>
49:51 - Vous savez quoi, ce soir, c'est moi le roi du monde.
49:54 <i>- C'est un grand plaisir.</i>
49:56 <i>- Tu vas dormir chez nous</i> <i>et c'est toi qui mettra fin</i>
49:59 <i>à cette soirée.</i>
50:00 (Chant)
50:04 <i>- Toute la famille réunie</i> <i>et leurs copains</i>
50:06 <i>me donnent une belle</i> <i>leçon de fête,</i>
50:08 <i>rire, boire et danser.</i>
50:10 <i>Ça sent bon les Balkans</i> <i>et la simplicité.</i>
50:13 <i>Et quand j'ai rendu les armes,</i>
50:14 <i>croyez-moi, ils étaient</i> <i>encore en train de chanter.</i>
50:17 (Chant)
50:22 (Musique)
50:36 <i>Le lendemain, un peu brumeux,</i> <i>le ciel comme moi,</i>
50:40 <i>je poursuis ma quête.</i>
50:41 (Musique)
50:43 <i>La route plonge vers la mer.</i>
50:45 <i>J'y vois la promesse</i> <i>d'une crique déserte</i>
50:48 <i>et le chemin a déjà</i> <i>le goût du paradis.</i>
50:50 (Musique)
50:56 <i>Premier arrêt,</i> <i>un peu de jet set,</i>
50:58 <i>tentant, mais il y a</i> <i>peut-être mieux.</i>
51:00 (Musique)
51:02 <i>Quelques kilomètres plus loin,</i> <i>c'est déjà plus route,</i>
51:05 <i>mais je n'y suis pas encore.</i>
51:07 (Musique)
51:11 C'est par là, le paradis !
51:12 (Musique)
51:14 <i>Au bout de mon voyage,</i> <i>je touche au but.</i>
51:17 <i>Une plage déserte</i> <i>et une mer azurée.</i>
51:19 Hé ! J'ai trouvé le paradis !
51:22 <i>Il n'y avait plus</i> <i>qu'à plonger.</i>
51:23 (Musique)
51:27 <i>L'Albanie</i> <i>cache une ville un peu folle</i>
51:29 <i>et des kilomètres</i> <i>de côte sauvage à explorer,</i>
51:31 <i>un petit miracle</i> <i>qui ne pourrait pas durer.</i>
51:34 <i>Le grand navire touristique,</i> <i>ses hôtels et ses circuits balisés</i>
51:37 <i>ne devraient pas tarder à coster.</i>
51:39 <i>Alors, un dernier conseil</i> <i>pour la route,</i>
51:42 <i>amateur de folies douces</i> <i>et de voyages improvisés,</i>
51:45 <i>le Far-Est de l'Europe,</i> <i>c'est maintenant qu'il faut y aller.</i>
51:48 (Musique)
51:56 C'est pas tout ça, mais j'ai de la route à faire.
51:59 (Musique)
52:08 -Attends que t'en as autant à vivre !
52:11 -On a v'là. -Ah, OK.
52:13 (Musique)
52:18 (Musique)

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