Les crises du management : autorité, réalités, leadership [Ibrahima Fall]

  • il y a 5 mois
En management, il n’y a pas de vérités absolues c’est-à-dire de bonnes pratiques, « magiques », qui permettraient de « faire bien » et de « faire le bien » partout et tout le temps quoi qu’en pensent les évangélistes et autres gourous des « bonnes pratiques ». Néanmoins, on peut identifier les erreurs et les illusions en management qui mènent inexorablement à la désolation des êtres humains et, par voie de conséquence, à une performance non soutenable.  [...]

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00:00 En management, il n'y a pas de vérité absolue, c'est-à-dire de bonnes pratiques magiques
00:12 qui permettraient de faire bien et de faire le bien, partout et tout le temps, quoi qu'en
00:17 pensent les évangélistes et autres gourous des bonnes pratiques.
00:20 Néanmoins, on peut identifier des erreurs et des illusions en management qui mènent
00:25 inexorablement à la désolation des êtres humains et par voie de conséquence à une
00:29 performance non soutenable.
00:31 Parmi les sources d'erreurs et d'illusions, on peut noter la place que prennent de plus
00:36 en plus la force et la ruse dans le gouvernement des hommes, dans les organisations, alors
00:42 même que le discours n'a jamais été aussi humanisant.
00:45 Ce paradoxe est pour moi l'expression d'une double crise, une crise de l'autorité et
00:51 une crise du rapport au réel.
00:52 La légitimité procédurale en entreprise a de tout temps reposé sur le grade.
00:59 Le grade du chef venait sanctionner une connaissance du métier par le biais de l'expérience
01:05 et de l'expertise.
01:06 Le chef était donc connecté au terrain et savait écouter et sentir le travail.
01:11 Il pouvait ainsi jouer son rôle de régulateur du travail au sein des équipes, mais aussi
01:16 de courroie de transmission et de traducteur entre ses équipes et la hiérarchie.
01:20 Avec ce que les historiens et les sociologues ont appelé le tournant gestionnaire à partir
01:25 des années 80, marqué par un renforcement de l'émiettement du travail compensé par
01:31 des dispositifs de contrôle de toute nature et de gestion de la cohérence, le chef commença
01:36 progressivement à déserter le terrain, faute de temps pour s'atteler aux tâches administratives
01:41 de pilotage, de contrôle et de reporter.
01:44 Il fut donc de moins en moins en capacité de reconnaître le travail réel, au-delà
01:49 du travail prescrit, car pour reconnaître, il faut connaître, comme le dit Yves Clou.
01:54 Cette désertion du chef et son incapacité à statuer sur le travail réel érodent son
01:59 capital confiance et le délégitimisent inexorablement, d'autant plus que, sans une réelle connaissance
02:07 du travail, la propension consistant, comme le disait Claude Veil, à liquider les gens
02:12 qui posent des problèmes plutôt que les problèmes que les gens posent, est exacerbée,
02:18 car les problèmes, soit ils ne les voient plus, soit il n'a plus ou pas intérêt à
02:23 les voir.
02:24 Du moment où l'entreprise ne se conçoit plus comme une institution, mais comme un
02:29 véhicule technique permettant de minimiser les coûts et de maximiser les gains pour
02:34 répondre aux besoins d'un marché économique, il est difficile d'en appeler à une légitimité
02:39 substantielle, c'est-à-dire aux qualités intrinsèques du travail fourni, car le sort
02:44 d'une telle entreprise ne fait pas l'unanimité loin s'en faut.
02:48 Le vide appelant le plein, un ersatz de légitimité substantielle a fini par émerger, le leadership.
02:55 Il ne s'agit pas de n'importe quel leadership, c'est un leadership qui s'autonomise du
02:59 management au grand dam du réel, comme nous le rappelle Henri Mintzberg.
03:04 Je pense que cela a été une grande erreur de séparer le leadership du management.
03:10 La conséquence est que l'on a maintenant des leaders qui ne sont pas des managers.
03:15 Aussi, nous avons besoin de plus de management et de le combiner avec le leadership et de
03:21 surtout ne pas les séparer.
03:23 Ce leadership autonome dont parle Henri Mintzberg est un leadership du récit, d'ailleurs
03:30 une nouvelle forme, je dirais même une nouvelle marque de leadership est propulsée sur le
03:35 marché tous les ans, leadership charismatique, servante leadership, leader transformational,
03:42 etc.
03:43 Le dénominateur commun de tous ces différents variants de leadership est une vision romantique
03:48 voire romanesque du leadership qui n'a pas pour objectif d'aider à transformer le réel
03:53 mais d'offrir un discours séduisant sur un réel fantasme.
03:57 Du côté des travailleurs, lorsque la confiance n'existe pas ou plus, chacun se protège
04:02 comme il peut, la stratégie de couverture par les courriels est un cas d'école avec
04:06 ce que les anglo-saxons appellent la stratégie « cover your ass » qui n'a jamais reçu
04:13 un email dans lequel l'auteur prend en témoin des personnes qui, dans un fonctionnement
04:18 basé sur la confiance, ne devraient pas jouer les armes.
04:21 Les deux crises dont nous venons de parler perdureront aussi longtemps qu'un nouveau
04:26 pacte social en entreprise marqué par le partage de la souveraineté managériale n'aura
04:32 pas vu le jour, car la confiance ne se décrète pas, elle s'institue.
04:36 En effet, comme l'avait bien vu Sieyès, le pouvoir vient d'en haut et la confiance
04:41 vient d'en bas.
04:42 A bon entendeur, salut.
04:44 [Musique]
04:48 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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