• il y a 5 mois
Chaque Français consomme en moyenne 100 grammes de sucre par jour en France, soit quatre fois plus que les recommandations de l'OMS. Si le sucre n'est pas officiellement reconnu comme une addiction, il a des effets sur notre cerveau en passant par les cellules gustatives.

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Transcription
00:00 C'est votre vie bien être, précisément, comme tous les vendredis, avec Margot de Trouville.
00:05 Quand la gourmandise, Margot, devient une addiction, c'est vrai que c'est difficile de s'arrêter après un premier biscuit, un premier bonbon, un premier carré de chocolat.
00:13 C'est pas la gourmandise en fait, c'est le sucre le problème.
00:16 On peut être gourmand de fromage aussi.
00:18 Une addiction, c'est une drogue le sucre.
00:20 Alors, c'est pas officiellement reconnu comme une addiction au même titre que l'ont été récemment les jeux vidéo,
00:25 et ça fait consensus, mais pour un spécialiste français, le neuro-addictologue Serge Hamed, qui est chercheur au CNRS,
00:30 oui, ça ne fait pas de doute.
00:32 Et c'est son équipe qui a fait une expérience au début des années 2000, un peu par hasard,
00:37 qui l'a révélée en fait, au début, ils s'intéressaient sur des rongeurs à l'effet des drogues.
00:42 Ils ont exposé les rongeurs à de la cocaïne, à de l'héroïne,
00:45 et ils ont vu que ça entraînait une consommation excessive,
00:48 et des modifications aussi neurobiologiques au niveau du cerveau.
00:51 Jusque là, pas de surprise, sauf qu'ils se sont dit, est-ce qu'on peut vraiment parler de perte de contrôle
00:54 dans la mesure où ces rats n'ont pas le choix.
00:56 Donc ils ont introduit un choix en proposant soit les drogues, soit des boissons ou de l'eau sucrée,
01:01 et là, ils ont été très étonnés, à la surprise de tous les neuroscientifiques,
01:05 de voir que les rats se détournaient complètement de la drogue pour préférer l'eau sucrée.
01:09 Ça a été une surprise. Au début, ils se sont dit, est-ce qu'il y a un souci ?
01:12 Ça peut être par instinct de survie pour se nourrir aussi.
01:14 Exactement, mais ils se sont dit quand même, est-ce qu'il y a un problème dans notre expérience ?
01:17 Ils ont répété l'expérience, ça a été fait aussi de nombreuses fois à l'étranger.
01:21 Alors vous allez me dire, on n'est pas des rats, heureusement,
01:23 mais l'expérience menée chez l'homme après, ultérieurement, a conduit à prouver
01:28 qu'environ 5 à 10 % de la population pouvait développer une addiction au sucre.
01:33 On ne sait pas encore expliquer pourquoi certains plutôt que d'autres,
01:36 mais c'est des chiffres qu'on retrouve dans les mêmes addictions.
01:38 Chez les personnes obèses, ce taux peut même passer de 20 à 25 %.
01:42 Est-ce qu'on sait aujourd'hui comment le sucre agit, non pas sur notre estomac,
01:46 parce que ça on le sait, mais sur notre cerveau ?
01:47 On le sait un peu mieux. D'abord, ça passe par les cellules gustatives
01:51 qui vont transmettre directement au circuit de la récompense.
01:54 C'est le circuit qu'on stimule quand des sensations nous ont procuré un plaisir
01:58 et ça nous donne envie d'y retourner.
02:01 C'est des neurones qui utilisent un neurotransmetteur dont vous avez tous entendu parler,
02:04 la fameuse dopamine qu'on appelle la molécule du plaisir.
02:07 Et l'autre effet que l'on a découvert plus récemment, c'est un effet plus tardif
02:10 qui se fait au moment de la digestion, via le tube digestif,
02:13 et plus précisément via les cellules gustatives du pit intestin,
02:16 ce qu'on appelle les neuropodes.
02:18 Elles aussi vont agir sur ce cerveau de la récompense,
02:21 sauf que ce n'est pas de façon consciente,
02:23 et ce serait ce mécanisme précisément qui serait à l'origine de l'addiction.
02:27 Il y a un seuil à partir duquel on est complètement accro.
02:30 Est-ce qu'on peut rester sous une...
02:32 C'est comme les drogues, on ne peut pas dire à partir de tant de grammes
02:35 qu'on peut devenir addict.
02:36 Comme je vous l'ai dit, en plus, on ne sait pas très bien expliquer
02:38 pourquoi certains ne sont plus disposés à devenir addict.
02:41 L'addiction, elle se définit, commence un peu...
02:44 L'envie irrépressible de consommer et aussi une perte de contrôle.
02:47 Donc certains scientifiques disent en fait, on ne peut pas parler d'addiction
02:50 parce que pour certaines drogues, on peut avoir envie de se prostituer,
02:52 on ne va pas se prostituer pour un carré de chocolat.
02:54 Oui, mais par exemple, on peut parler d'addiction quand on essaie de se sevrer,
02:56 qu'on se sent en manque.
02:57 Exactement.
02:58 Et ça, ça va être un effet qui est bien différent de celui de l'héroïne
03:01 ou même de la cocaïne, ça, il faut vraiment le rappeler.
03:04 Sauf que les chercheurs estiment qu'on peut avoir quand même
03:07 une sensation d'anxiété.
03:09 Mais Margot, on voit que vous n'avez jamais eu une envie irrépressible de chocolat
03:11 et que vous n'aviez pas de chocolat dans le placard.
03:13 C'est un peu une autoconsultation que je fais.
03:15 Ça, c'est tous les jours sur mon bureau.
03:17 Ah d'accord, ça c'est la boîte à bonbons de Margot de Frouvé.
03:19 Vous allez marquer "Priez à ceux qui se servent de bien vouloir remplir des bons moments".
03:21 C'est vrai que j'en ai piqué un l'autre jour.
03:23 Tout le monde se sert.
03:24 Mais je ne peux pas vivre sans sucre.
03:26 Après, chaque repas, c'est un dessert et parfois un dessert, ça suffit.
03:28 Mais c'est violent une envie de sucre.
03:30 Pour avoir été fumeuse, on ressent la même chose en vie.
03:35 Mais les spécialistes expliquent évidemment que c'est moins dur le sevrage que pour les drogues.
03:41 Mais quand on arrête de fumer, pour le sevrage, on a des patches.
03:44 Si on arrête de manger des bonbons, on a des patches aussi ?
03:47 Non, mais comme je vous l'ai dit, ce n'est pas vraiment reconnu.
03:51 Et quand on dit "J'adore, j'ai une addiction au sucre", ça fait sa tête à sourire.
03:56 Sauf qu'on peut en parler clairement à un addictologue, si vraiment ça va trop loin, ou à un psychiatre.
04:02 Il y a parfois des traitements qui peuvent aider,
04:05 et aussi des thérapies cognitivo-comportementales, de la relaxation, ou d'autres.
04:10 Damien peut témoigner, ça fait trois semaines.
04:12 Je suis en période de sevrage, bientôt.
04:14 Tu n'as pas arrêté de manger du sucre depuis hier ?
04:16 Non, j'ai arrêté les bonbons.
04:17 Pas le sucre, mais les bonbons.
04:18 D'en voir, effectivement, c'est...
04:20 C'est dur là ?
04:21 C'est une sensation d'anxiété ?
04:22 Ça dépend des moments, mais là c'est dur.
04:24 Il n'y a pas que du sucre en plus.
04:25 Désolée, mais moi j'ai fait un vrai sevrage l'année dernière,
04:28 et je me disais vraiment tous les jours "Demain j'arrête".
04:30 C'est vraiment comme la clope, se dire "Demain j'arrête" et ne pas y arriver.
04:34 Et réessayer, et rééchouer.
04:37 J'ai tenté l'hypnose, ça n'a pas marché.
04:39 C'est très compliqué.
04:40 Excuse-moi, Marc.
04:41 Non, non, non.
04:42 Mais la consommation de sucre...
04:43 Enfin, le problème aujourd'hui, c'est qu'avant, autrefois le sucre c'était rare,
04:45 c'était un plaisir vraiment qu'on s'accordait.
04:47 Aujourd'hui, c'est quasiment impossible de trouver un produit sans sucre.
04:50 Il est partout.
04:51 Il compte dans les pizzas.
04:52 Exactement.
04:53 Une seule part de pizza, ça peut être cinq morceaux de sucre.
04:55 On dit qu'il ne faut pas consommer plus de 100 grammes par jour,
04:57 ça vous paraît énorme, ça représente l'équivalent de cette assiette.
05:01 Sauf qu'un adulte sur cinq et un ado sur quatre dépassent cette valeur.
05:03 Pour les enfants, c'est 60 grammes en principe pour les 4-7 ans.
05:06 Les trois quarts sont au-delà.
05:08 Et 75 grammes pour les 8-12 ans, on a 60% qui les dépassent.
05:11 Et le souci, c'est qu'on sait que ce n'est pas bon sur poids ou obésité.
05:15 Merci Margot.

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