• il y a 7 mois
Avec Clément Postec, Conseiller arts visuels et prospective en charge des expositions aux Ateliers Médicis de Seine Saint-Denis.

Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out

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😹
Amusant
Transcription
00:00 Avec l'astrophysicienne Fatoumata Kebe ! Ce soir, Fatoumata Kebe, on continue de regarder
00:05 dans le ciel avec vous pour nous emmener dans l'espace.
00:08 Vous, vous avez choisi les images de télescopes.
00:10 Nous, on a voulu vous présenter quelqu'un qui lui aussi nous emmène dans l'espace
00:15 mais sans quitter la Terre.
00:16 On vous présente donc quelqu'un qui est allé presque sur Mars.
00:19 C'est Passion Mars sur France Inter, introduite par un extrait de Follow the Water, avec mon
00:24 accent merveilleux, un film documentaire de Pauline Julliet et Clément Postek.
00:27 Imaginez que vous soyez orphelin et que vous essayez de retrouver vos parents, vous savez
00:39 qu'ils se sont décédés.
00:40 Ce que vous allez essayer de trouver, c'est quelqu'un de votre famille qui était suffisamment
00:44 proche pour essayer de comprendre un petit peu à qui vous appartenez, à qui vous ressemblez
00:49 etc.
00:50 Essayez de retracer un petit peu cette histoire.
00:52 Et bien c'est ce qu'on fait avec Mars.
00:55 C'est mystérieux.
00:57 Bonjour Clément Postek.
00:59 Bonjour Marie.
01:00 Vous êtes conseiller artistique au sein des ateliers Medicines en Seine-Saint-Denis,
01:05 vous étiez en train de le dire à Fatoumata Kebe, et commissaire d'exposition et cinéaste.
01:09 Dans votre documentaire Follow the Water, vous vous interrogez sur les projections qu'on
01:14 fait tous depuis toujours sur la planète Mars.
01:16 Mars comme mère d'adoption, comme le suggère la scientifique Nathalie Cabrol au début
01:21 du film, ou Mars comme l'image du monde aride et invivable qui nous attend peut-être.
01:25 Vous essayez vous de nous proposer d'autres récits pour la planète Mars depuis le désert
01:29 d'Atacama au Chili, où vous êtes allé tourner avec Pauline Julliet, car c'est l'endroit,
01:34 ce désert, sur Terre, dont les conditions se rapprochent le plus de Mars.
01:39 Clément Postek, alors est-ce qu'il suffit d'aller dans le désert d'Atacama pour aller
01:42 sur Mars ? Ça réduit sacrément le budget de la conquête spatiale.
01:45 Alors je ne sais pas s'il suffit d'aller dans le désert d'Atacama.
01:48 En tout cas, Nathalie Cabrol, dont on entendait la voix il y a quelques instants, est une
01:53 scientifique qui se rend dans le désert d'Atacama et précisément au sommet du volcan Likhan
01:59 Kabour.
02:00 Elle y plonge en fait dans un lac d'altitude.
02:02 Et pourquoi dans ce lac ? Parce qu'en fait c'est l'endroit sur Terre qui ressemble
02:08 le plus à la planète Mars.
02:09 C'est-à-dire qu'on y trouve les conditions limites de l'apparition de la vie.
02:13 Ce, en tout cas, pourquoi Nathalie Cabrol, par exemple, travaille sur ses recherches.
02:19 Et alors vous, vous avez eu l'impression d'être un peu sur Mars quand vous baladiez
02:22 dans le désert d'Atacama ?
02:24 Complètement.
02:25 En tout cas, suffisamment seul par moments.
02:26 On a fait plusieurs voyages avec Pauline Julliet avec qui j'ai réalisé le film.
02:30 Le premier, on était seulement en duo, en équipe très réduite dans notre petit vaisseau.
02:35 Il y a eu des moments très solitaires à réaliser des prises de vue par nous-mêmes
02:41 dans des endroits évidemment arides et désertiques, totalement.
02:46 Pourquoi ça vous intéresse, vous, en tant qu'artiste, d'étudier comment les hommes
02:49 se projettent sur Mars ?
02:50 Alors, ce qui nous intéressait au départ, c'est sans doute la folie humaine, plus que
02:55 les hommes qui se projettent sur Mars.
02:57 C'est-à-dire la tension en tant qu'artiste justement, Pauline Julliet et moi, la tension
03:03 qu'on voit aujourd'hui, qu'on observe entre le désir d'exploration, la soif d'explorer
03:10 in assouvis et donc en l'occurrence jusqu'à la planète Mars et à la fois la soif d'extraction
03:15 en même temps sur Terre, on creuse très profondément aujourd'hui pour répondre à nos besoins,
03:22 nos besoins en ressources au quotidien et ici par exemple, dans ce studio depuis lequel
03:25 on parle.
03:26 Fatoumata Kébé, vous, la conquête de Mars, ça vous parle en tant qu'astrophysicienne,
03:31 on devrait le faire pour se sauver ?
03:32 Alors, pour se sauver, je pense qu'on va détruire Mars, donc on va encore chercher
03:37 une autre solution derrière.
03:38 En fait, le mot conquête pose déjà problème, c'est plutôt explorer Mars à la limite,
03:45 mais conquérir Mars, c'est-à-dire qu'on va modifier Mars pour que ça réponde à
03:49 nos besoins.
03:50 Et comment vous avez procédé Clément pour faire ce film, pour capturer ces images ? Vous
03:55 vous êtes perdu sur Mars, sur Mars Atacama ?
03:57 Oui, sur Mars on se perd, c'est une spectatrice du film qu'on a pu montrer au Centre Pompidou
04:03 entre autres, qui nous disait qu'elle avait eu la sensation qu'il n'y avait plus de
04:06 bord, plus de haut, plus de bas dans Follow the Water et peut-être que c'est ça, être
04:11 sur Mars en tout cas, c'est d'autres repères.
04:13 Néanmoins, on retrouve quand même dans cette exploration des choses très humaines, très
04:18 matérielles, très techniques et notamment des rovers dont on a utilisé les images,
04:24 ou en tout cas dont on a suivi la technique pour produire un film en trois écrans.
04:28 Follow the Water, c'est un triptyque, c'est un film qui tente d'inventer une nouvelle
04:32 vision peut-être pour tenter de parler de ce territoire, à la fois Mars et le désert
04:37 d'Atacama et l'ensemble des protagonistes, les scientifiques, les industriels et les
04:42 militantes, en tout cas les personnes qu'on dit militants, parce qu'ils et elles défendent
04:46 les ressources naturelles et premières.
04:48 Du désert d'Atacama.
04:49 On imagine que sur Mars, il y a moins de militants.
04:50 A priori.
04:51 Clément, vous savez que vous avez vraiment utilisé un robot de la NASA.
04:55 Comment vous avez fait ? Est-ce que c'est une sorte de voiture téléguidée ? Est-ce
04:59 que vous êtes vraiment attaché à ce robot comme dans tous les films américains ?
05:01 Alors ce robot, contrairement peut-être à certains films américains, est très grand.
05:05 C'est presque la taille d'une petite Fiat 500, je pourrais dire.
05:08 Donc on ne s'y est pas attaché, on en a rencontré un vrai.
05:11 En fait, on était dans le désert d'Atacama et on est tombé nez à nez avec un robot
05:15 qu'on pourrait dire Astromobile en français ou Rover en américain.
05:18 Et en fait, le rover était là dans le désert d'Atacama puisque la NASA utilise le désert
05:25 pour entraîner les robots puisque c'est le territoire le plus proche de la planète Mars.
05:29 Mais vous ne l'avez pas volé ce robot ? Vous avez demandé une autorisation ?
05:32 On l'a simplement suivi.
05:33 On a pris le temps de l'observer, de comprendre comment est-ce qu'il fonctionnait.
05:36 En fait, c'est un vrai laboratoire mobile.
05:38 Il a une vingtaine de caméras, un laboratoire chimique, il peut prélever des pierres, les
05:42 analyser et puis envoyer des images qui sont plus ou moins belles.
05:45 En tout cas, que les scientifiques analysent une fois qu'ils les reçoivent, une fois qu'il
05:49 et elle les reçoivent sur Terre, quelques heures après.
05:51 Alors vous essayez de créer de nouvelles représentations de la planète Mars.
05:55 Pourquoi est-ce que les grands films américains comme Ad Astra ou Sol sur Mars ne vous suffisent
05:59 pas Clément ?
06:00 J'aime beaucoup Ad Astra.
06:01 J'ai un beau souvenir de vertige au début du film notamment.
06:05 Mais ce n'est pas que ça ne nous suffit pas, c'est que je pense que le travail des
06:08 artistes aujourd'hui plus que jamais peut être d'aller plus loin, de créer des alternatives.
06:12 Et ces films hollywoodiens, notamment hollywoodiens, relèvent d'un storytelling, en tout cas constituent
06:18 une histoire aujourd'hui largement répandue, qu'on pourrait dire dominante.
06:21 Et c'est comme si Mars était déjà américain en quelque sorte, en tout cas appartenait
06:26 au cinéma américain.
06:27 Et la question, elle est de se demander, mais en réalité, est-ce qu'on peut essayer
06:30 de regarder Mars un peu à côté, faire quelques pas de côté pour mieux comprendre ce qui
06:37 s'y joue ?
06:38 Parce que le storytelling, c'est le héros qui explore mais qui vit, découvre.
06:43 Et derrière cette exploration et cette découverte, il y a aussi un enjeu de pouvoir.
06:46 Et derrière le pouvoir, il y a sans aucun doute un enjeu de colonialité.
06:50 Fatoumata Kebe, vous en parlez parfois de la colonisation de Mars en disant que c'est
06:55 vraiment le pire mot peut-être pour parler de l'exploration de Mars.
06:58 Vous iriez quand même si la NASA vous disait "Fatoumata, on vous a choisi parmi les premières
07:05 exploratrices de Mars".
07:06 Oui, en fait, le problème, c'est que les entités privées qui veulent aller sur Mars
07:11 parlent elles-mêmes de colonisation.
07:12 Donc ça ne présage rien de bon.
07:15 Et si la NASA me propose d'aller sur Mars, je leur dirais "Et la Lune ?"
07:18 Parce que Mars, c'est quand même 8 mois de voyage, elle est simple.
07:21 Et le problème aujourd'hui, certes, il y a la technique, donc construire le vaisseau
07:26 pour aller sur Mars.
07:27 Mais pour moi, ce qui est le plus compliqué, c'est la psychologie des gens avec qui je
07:30 partirais en fait.
07:31 Parce que c'est un peu long.
07:32 8 mois, elle est simple, 6 mois sur place, 8 mois retour.
07:35 Et moi, en fait, je suis vraiment de l'équipe étape par étape.
07:39 Et pour moi, il faut d'abord qu'on aille sur la Lune, qu'on voit comment ça se passe
07:42 sur la Lune et ensuite aller sur Mars.
07:43 La Lune, c'est combien de temps de trajet ?
07:44 Même pas 3 jours.
07:45 Ah oui, ça va, ça se fait !
07:47 Franchement, ça se fait.
07:48 Donc si la NASA vous propose d'aller sur Mars, vous leur dites "Ecoutez, moi j'irai
07:52 plutôt sur la Lune, ce que je vous propose c'est qu'on change de trajectoire et vous
07:55 me déposez sur la Lune".
07:56 Et ça vous coûtera moins cher en plus.
07:58 Mais oui !
07:59 Clément Impostec, vous expliquez que dans votre film, Mars regarde le désert d'Atacama
08:04 et qu'Atacama regarde Mars.
08:06 Vous gardez quoi comme souvenir de votre séjour là-bas et de tous ces témoignages collectés ?
08:09 C'est un peu une vision en miroir de ce qui nous attend dans l'espace ?
08:12 Vous pensez à ce qui se passe dans le désert d'Atacama ?
08:14 Oui, Atacama et Mars se regardent en miroir.
08:18 Et Mars, c'est peut-être aussi la boule de cristal en fait, qui peut nous raconter le
08:22 passé et le futur de la Terre.
08:25 Donc je garde en souvenir cette possibilité peut-être de comprendre les enjeux, mais
08:28 les enjeux sont bien présents.
08:30 Dans le désert d'Atacama, c'est une zone sacrifiée pour Cité Karen Lusa militante,
08:35 puisque dans le désert d'Atacama, on y exploite aussi le lithium pour les batteries.
08:39 Et ce que je garderai en mémoire de ce voyage, qui était une enquête, c'est aussi une
08:44 parole de Violaine Sauteur, une scientifique à qui le film doit beaucoup.
08:48 Violaine disait "moi je veux bien aller sur Mars, mais qui va m'aider à me relever
08:51 une fois arrivé ?"
08:52 Parce que même lorsque le voyage des 8 mois sera effectué, j'arriverai sur cette planète,
08:59 mais la gravité et les conditions feront que je n'aurai plus les muscles pour me relever.
09:04 Alors qui m'aidera à me relever ?
09:05 Visiblement, ce ne sera pas Fatou Matake, mais qui sera sur la Lune.
09:11 Merci beaucoup Clément Postek.
09:13 Dans le désert d'Atacama, on trouve aussi des montagnes de vêtements utilisés partout
09:18 dans tout le monde occidental.
09:20 C'est une décharge à ciel ouvert de vêtements.
09:21 On va parler de débris spatiaux dans quelques minutes, comme quoi le désert d'Atacama
09:25 est peut-être vraiment le miroir de la planète Mars.
09:28 Merci de nous avoir offert un petit aller-retour sur Mars.
09:31 Je rappelle le nom de votre film, réalisé avec Pauline Julliet, Follow the Water.
09:35 J'en profite pour dire que vous dirigez également le Nouveau Printemps de Toulouse.
09:38 C'est un festival de création contemporaine.
09:40 Ce sera du 30 mai au 30 juin.

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