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00:00Michel-Olivier Lacharité, bonjour, merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes responsable des urgences de l'ONG Médecins sans frontières qui oeuvre ou tente d'oeuvrer notamment dans cette bande de Gaza.
00:13D'abord, quelles sont les remontées de vos équipes sur place ? Est-ce qu'elles peuvent encore travailler aujourd'hui ?
00:17Aujourd'hui, Médecins sans frontières, on a 400 salariés palestiniens, une trentaine d'internationaux.
00:24Hier, la journée a été compliquée, les mouvements n'étaient pas possibles sur la partie sud.
00:30Au cours de la nuit passée, il y a eu plusieurs bombardements sur la partie est.
00:34L'aide et l'arrivée du personnel est bloquée puisque les points de Rafah et de Kerem Shalom ont été fermés toute la journée hier.
00:43On est donc suspendus aujourd'hui pour voir comment ça va évoluer.
00:47Ça veut dire qu'il n'y a pas de camions qui entrent dans la bande des Gaza en ce moment ?
00:50Ça veut dire qu'il n'y a pas eu de camions qui sont passés par Kerem Shalom ni par Rafah.
00:55Hier, on a aussi vu l'évacuation d'un hôpital.
00:58Il faut savoir que depuis le 7 octobre, aujourd'hui, il n'y a qu'un tiers des 36 hôpitaux qui sont fonctionnels ou partiellement fonctionnels.
01:08Hier, il y a cet hôpital à Najar dans lequel il y avait une centaine de blessés, de malades qui ont dû être évacués.
01:16On est extrêmement préoccupés avec cette avancée.
01:21Avec une population de plus de 1 million de personnes, on a du mal à croire ou à imaginer comment elle peut se déplacer alors qu'elle est fatiguée,
01:32qu'il n'y a pas de système d'eau, qu'il n'y a pas d'abri, qu'on est sous un endroit dévasté.
01:37Le fait unique, c'est qu'au cours des derniers mois, ils ont été poussés vers un endroit qui n'avait pas été attaqué ou rasé.
01:46Et là, on leur demande de repartir sur des gravats.
01:48Ils sont en Rafah et on leur demande de remonter sur des gravats où il peut y avoir des engins non explosés.
01:54C'est extrêmement dangereux et surtout où il n'y a pas d'infrastructure.
01:58On a parlé des risques de famine ces derniers mois.
02:01C'est un sujet qui a été peu abordé récemment.
02:05On a diffusé des reportages de ces Palestiniens qui en étaient réduits à faire du thé avec du foin, à manger des cactus.
02:12On parlait de risque de famine.
02:14Est-ce que c'est toujours le cas ?
02:16Alors qu'il y avait eu des camions d'aide humanitaire qui avaient franchi les différents points de passage et des largages aussi par les airs ces dernières semaines.
02:22Il y a bien sûr cette discussion éternelle sur le nombre de camions.
02:26Aujourd'hui, il y a des camions qui ont passé et ça s'est légèrement amélioré.
02:32En revanche, il faut savoir que c'est la première fois depuis les 36 dernières années que Médecins sans frontières, où on est présent, qu'on observe des cas de malnutrition.
02:41L'Organisation mondiale de la santé rapporte environ une cinquantaine d'admissions chaque semaine dans leur centre.
02:48Et ça, c'est une vision partielle.
02:51Et s'agissant de la partie au nord, Gaza, la question ce n'est pas tant les camions qui entrent dans Gaza, mais ce qu'on appelle le dernier mille.
03:00Et comment on arrive à acheminer cette nourriture à ces endroits.
03:03C'est ça. Comment ça se passe ce dernier kilomètre ? Parce qu'on voit beaucoup ces images de camions qui parviennent à entrer.
03:07Mais la suite, c'est quoi ? Comment se passe le process ? Vous n'avez pas d'autre choix que de négocier avec les autorités en place.
03:13Les seuls ersatz d'autorité, c'est le Hamas sur place.
03:16On discute avec... La principale négociation aujourd'hui se fait pour avoir et obtenir l'autorisation de traverser.
03:24Aujourd'hui, c'est quand même l'armée israélienne qui contrôle le territoire.
03:29Au mois de mars, par exemple, seulement 50% des camions pour lesquels les Nations Unies ont fait une demande pour traverser ont été autorisés.
03:37Ce n'est pas tant d'avoir les camions dans la ville de Rafah, mais d'être capable de les acheminer.
03:42Ça, pour moi, c'est le premier élément.
03:44Le deuxième élément, c'est qu'il n'y a aucun endroit qui est sûr dans la bande de Gaza.
03:49On parle de zones où on donne l'ordre de se déplacer, mais depuis les six mois, aucun endroit n'est sûr à Gaza.
03:56Et puis, chaque jour, au cours des dernières semaines, où on était plutôt sur un moment qui n'est pas un moment de forte intensité,
04:03les autorités du ministère de la Santé dénombrent 50 morts tous les jours, essentiellement des civils.
04:11Donc aujourd'hui, d'être capable de travailler dans ces conditions et de faire des distributions de tentes, de vivre et de travailler, c'est extrêmement difficile.
04:20C'est d'ailleurs pour ça que Médecins Sans Frontières, on appelle à un cessez-le-feu.
04:26D'une part pour arrêter ce carnage, mais aussi pour être capable de travailler et de mettre en place des secours humanitaires.
04:34Il y a cette question de barges, de ports flottants déployés par les États-Unis.
04:38Washington affirme que c'est peut-être une question de jour, ça dépend des conditions météo.
04:42Est-ce que ça va vraiment aider ? Est-ce que ce sera suffisant ?
04:45C'est un choix qui est surprenant. On annonce que le coût de cette plateforme est autour de 300 millions.
04:52Donc 300 millions d'euros, on aurait plutôt dû acheter la nourriture.
04:58Il y a des routes. C'est un choix politique qui nous laisse penser que c'est plutôt de la poudre aux yeux.
05:03Un écran de fumée pour nous dire, bien sûr qu'il y a des efforts qui sont faits.
05:06En revanche, il n'y a pas de guerre humanitaire à Gaza. Ce n'est pas possible.
05:11Donc même s'il y a un quai, même si on met en scène ces camions et l'ouverture de ces différents points d'entrée sur Gaza,
05:20aujourd'hui la situation reste catastrophique pour la population gazaouie.
05:24Il y a l'urgence absolue, tout de suite, nourrir ces milliers de personnes qui peuvent mourir de faim.
05:29Et puis il va y avoir une urgence sur le très long terme ensuite.
05:32C'est déjà prêt ou on ne peut même pas encore y penser tellement l'urgence est importante maintenant ?
05:37En fait, la catastrophe est pluridimensionnelle.
05:41Notre champ d'action, c'est plutôt la question de la médecine.
05:45On parlait qu'il y avait très peu d'hôpitaux.
05:47Les équipes de médecine sans frontières, au quotidien en ce moment, sont en train de nettoyer l'hôpital de Nasser,
05:52qui a été attaqué, partiellement détruit.
05:56Puisqu'avec l'ordre d'évacuer AFA, on peut penser qu'il y a au moins 3 ou 4 hôpitaux publics supplémentaires qui seront détruits.
06:05C'est vraiment un pattern de destruction des hôpitaux.
06:08Ils ont été attaqués, ciblés, évacués.
06:10Il y a plusieurs reprises pour certains.
06:12Il y a plusieurs reprises. On peut parler de Shifaï qui a été attaqué une première fois.
06:16Ça a vivoté pendant quelques semaines, attaqué une seconde fois.
06:20S'agissant de Nasser, il y a quelques ONG et l'Organisation mondiale de la santé où on essaie de redémarrer les soins
06:27si la population remontait vers le nord et vers Rannunis.
06:31Mais la question de la gestion des eaux usées remet...
06:34C'est un hôpital, c'est un concept.
06:36Donc si on n'a pas d'énergie, c'est difficile de faire de la chirurgie.
06:39Si on n'a pas d'eau usée ou un système d'évacuation, ce n'est pas possible d'y travailler.
06:43Il y a la question de la sécurité.
06:45C'est compliqué de penser qu'on est capable de déplacer des dispositifs de soins en 48 heures.
06:58Comme on essaie de le décrire, il y a une guerre humanitaire, on n'a qu'à bouger.
07:02C'est complètement impossible.
07:04Il faut vraiment se mobiliser et appeler à l'arrêt de cette offensive sur AFA.
07:10Pendant ce temps-là, dans les rares hôpitaux qui tentent de fonctionner encore,
07:14on meurt pour des choses qui sont presque bénignes,
07:17qu'on pourrait soigner avec une médecine du genre chance si on avait le matériel et le personnel ?
07:21En fait, c'est vraiment le manque de lits qui est le vrai problème.
07:24Avant le début du conflit, on parlait de 3 500 lits d'hôpitaux.
07:27Aujourd'hui, il y a environ 700 lits qui restent du ministère de la Santé
07:31et 400 lits qui ont été mis en place avec l'aide d'hôpitaux de campagne
07:35qui sont organisés soit par des États, soit par des ONG.
07:39Mais cette pénurie de lits où on pense qu'il y a environ 5 000 personnes
07:42qui auraient besoin d'être hospitalisées, qu'est-ce qui se passe ?
07:45C'est que la personne est admise aux urgences.
07:47On lui fait un pansement, on la fait passer au bloc, peut-être qu'on lui sauve la vie.
07:52Mais après quelques jours, on va lui demander de rentrer à la maison
07:54avec une plaie qui va peut-être s'infecter,
07:56avec l'incapacité de faire un suivi correct dans la durée.
07:59Donc qu'est-ce qui va se passer ? Cette personne risque de s'infecter,
08:02ne sera pas suivie, on va peut-être l'amputer.
08:04Donc ça, c'est le cas des blessés.
08:06On peut parler aussi de l'obstétrique et des femmes qui vont accoucher
08:10ou elles viennent accoucher s'elles ont des complications.
08:12On les sort de l'hôpital très rapidement parce qu'il y a vraiment
08:15cette pénurie de lits sur Rafa et a fortiori sur tout le nord de la bande de Gaza.
08:20– Merci, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation ce matin
08:23pour témoigner Michel Olivier Lacharité.
08:25Je rappelle que vous êtes responsable des urgences de médecins sans frontières
08:29et on a bien compris qu'il faut ouvrir précisément ces frontières
08:32de la bande de Gaza pour laisser entrer cette aide humanitaire et médicale.
08:36Merci encore.