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00:00Et nous poursuivons cette page spéciale Syrie avec l'invité de Paris Direct.
00:04Bonjour David Rigoulet-Rose.
00:06Vous êtes enseignant, chercheur, rédacteur en chef de la revue Orient Stratégique.
00:10On vient de le voir, beaucoup de tensions, des combats meurtriers,
00:13des manifestations aussi des
00:15alaouites. Est-ce que c'est maintenant que ça se complique
00:18pour le HTC ? Est-ce que ça peut basculer maintenant ?
00:22C'est indéniable que la situation se complique, on le voit.
00:26C'est hautement inflammable, parce qu'effectivement il y a eu un bref
00:29moment d'euphorie,
00:30mais qui masquait la complexité
00:33de la Syrie, qui est une mosaïque ethno-confessionnelle.
00:37Et en l'occurrence, là, c'est la communauté alaouite.
00:39Les alaouites se sentent d'autant plus en danger
00:42qu'ils ont peur d'être comptables de l'ancien régime,
00:45puisque le régime de Bachar el-Assad était
00:47issu de la communauté alaouite. Et donc évidemment, tout ce qui renvoie
00:51à une forme de pouvoir alaouite, évidemment, pour les nouvelles
00:54autorités, en tout cas pour le reste de la population,
00:56constitue effectivement un problème
01:00à gérer dans la réalité post-Bachar.
01:04Ils sont souvent présentés comme la garde prétorienne
01:07de Bachar el-Assad, mais est-ce qu'ils ont encore un poids
01:10et une influence
01:12assez importante dans le pays ?
01:14Tous les alaouites n'étaient pas derrière Bachar el-Assad,
01:17c'est le problème évidemment, quand on est une minorité dans un pays
01:20où il y a une majorité différente.
01:23Mais incontestablement, le pouvoir de Bachar el-Assad a été indexé
01:27sur sa communauté alaouite. Le clan Assad, évidemment,
01:30justement,
01:32de la ville de Kardaïa,
01:37le consolet du père Assad, Afez el-Assad, a été indexé.
01:40Et là, vous évoquez un autre consolet qui était alaouite.
01:43Il y a la communication du nouveau ministre Mohamed Abdelrahman
01:45de l'intérieur, qui est très embarrassé, évidemment, parce qu'il sait très bien
01:48que c'est hautement inflammable.
01:49Il fait référence à une vidéo qui aurait été tournée,
01:52non pas fin décembre, mais le 1er décembre, lors de la prise de la ville.
01:56C'est un sanctuaire d'Al-Assad bin Abd al-Qassimi,
01:59qui est une des figures très importantes de la secte alaouite.
02:02Je mets secte au sens premier du terme, c'est-à-dire
02:05une branche minoritaire d'une confession,
02:08et plusieurs personnes auraient été exécutées,
02:12en les accusant d'avoir été proches du régime.
02:14La question est de savoir si ce sont des initiatives intempestives,
02:19tragiquement individuelles, ou si ça relève d'une situation
02:26incontrôlée de manière plus générale.
02:28C'est là que la fiabilité, la crédibilité des nouvelles autorités va être posée.
02:32Le HTC a annoncé hier un accord de dissolution des différentes factions
02:39pour que ces factions soient intégrées dans une armée nationale.
02:46Est-ce que c'est possible ?
02:47On vient de le voir, il y a beaucoup de tensions.
02:49Nos envahis spéciaux ont rencontré les Druze,
02:52qui, pour l'instant, refusent de laisser leurs armes.
02:55C'est un énorme défi pour le HTC ?
02:57C'est probablement le plus grand défi, puisque Mohamed Al-Djoulani
03:03considère qu'il doit y avoir un monopole des armes par l'État,
03:08en tout cas les nouvelles autorités.
03:10Ce qui, en soi, est cohérent.
03:12Le problème, c'est la situation de la Syrie,
03:15parce que chaque minorité se sent en situation de faiblesse
03:17et considère que rendre les armes, c'est potentiellement se trouver à la merci
03:21d'une majorité qui aurait la possibilité de les opprimer.
03:25Ça vaut pour les Alaouites, mais comme vous l'évoquiez,
03:27les Druze également, et puis les Kurdes.
03:30La remise des armes constitue le point d'achoppement de la transition au cours,
03:36parce que c'est un point central, et en même temps,
03:39on voit bien à quel point ça va être extrêmement compliqué,
03:41d'autant que certains probablement ont des calculs de déstabilisation,
03:47possiblement d'ailleurs des membres de l'ancien régime
03:49qui n'ont pas tous fui le pays,
03:52et donc c'est susceptible de dégénérer,
03:54on le voit avec les premières manifestations sanglantes.
03:57Justement, pour revenir sur ces manifestations et ces risques d'instrumentalisation,
04:02cette vidéo a été diffusée et rediffusée.
04:05C'est peut-être interne, mais ça peut peut-être aussi venir de l'extérieur,
04:10d'autres pays aux alentours qui y verraient un intérêt ?
04:13On ne peut pas exclure une instrumentalisation, de toute façon.
04:17C'est bien ce qui préoccupe le dirigeant Al Joulani,
04:21c'est qu'il est conscient de ça,
04:23d'autant plus qu'il a du mal lui aussi à pouvoir soumettre des groupes périphériques
04:28qui ne renvoient pas directement à la gouvernance d'HTS, HTC,
04:33mais qui sont effectivement sur les marges,
04:35et dont certains ne sont pas forcément sur la ligne
04:38qui veut faire prévaloir aujourd'hui une forme de normalisation
04:43pour une gouvernance future qui serait inclusive, comme il l'a annoncé,
04:48mais qui va être très difficilement, à supposer qu'il soit de bonne foi,
04:52qui va être très difficilement mise en oeuvre.
04:55David Rigolero, ce qui semble aussi extrêmement complexe,
04:58c'est ce besoin ou ce désir de justice.
05:01On a évoqué tout au long de la matinée,
05:04c'est Rescapé de la Gouta qui réclame cette justice.
05:07Une équipe de l'AFP a pu remarquer qu'il y avait des fausses,
05:12peut-être des charniers effectivement qui ont été retrouvés.
05:15Comment on fait entre ce désir de justice et le besoin de réconciliation nationale ?
05:23Oui, c'est le deuxième grand point après la question de la remise des armes,
05:27c'est celui effectivement de la demande de justice.
05:31Et en l'occurrence, dans les affrontements qui ont eu lieu justement en pays halawites,
05:36c'était à l'occasion d'une tentative d'arrestation à Kirbet el-Maysé,
05:39c'est un village halawite, d'un ancien juge effectivement du régime
05:43qui avait officié, entre guillemets, dans la sinistre et tragique prison de Saynaya,
05:51en l'occurrence c'était Mohamed Kanji Hassan,
05:53et donc il a refusé en fait d'être arrêté.
05:57En réalité, il a été défendu par ses proches et ça a donné lieu à une embuscade
06:01et à des combats effectivement avec une quinzaine de tués des forces gouvernementales,
06:06entre guillemets en tout cas celles de la transition,
06:08et ce qui justifie aujourd'hui des opérations qui sont menées encore maintenant
06:12pour traquer justement non seulement les personnalités du régime qui se cacheraient,
06:18mais aussi effectivement un certain nombre d'activistes liés à l'ancien régime
06:24qui peuvent considérer qu'il est légitime d'engager une confrontation
06:32avec les nouvelles autorités aujourd'hui.
06:35Et pour terminer cet entretien, une image aussi forte, alors qu'il date d'hier,
06:39les autorités, les nouvelles autorités ont mis feu à du Cap Tagon,
06:43le Cap Tagon qui a permis notamment à Bachar al-Assad d'accumuler une fortune
06:47et qui effectivement a transformé la Syrie en arcopays.
06:54Ça c'est important, c'est un signal qui est lancé à la communauté internationale
06:57et qui veut dire qu'on va aller vers un autre pouvoir, une autre façon de gouverner ?
07:03Ah bah incontestablement, alors là pour le coup c'est plutôt pour l'extérieur,
07:07le Cap Tagon effectivement qui représentait l'équivalent de 5 milliards de dollars
07:10et donc de revenus pour le régime qui n'avait plus de rentrée fiscale de toute façon
07:16et qui était effectivement, qui supervisait notamment le frère de Bachar al-Assad,
07:21avec la 4ème division qui suivait et pervésait ce trafic à destination des pays consommateurs du Golfe.
07:27Et là il y a un message effectivement d'Al-Joulani
07:29qu'il a lancé lors de son premier discours à la mosquée des Omaïades,
07:34notamment aux pays du Golfe et à l'Arabie Saoudite, c'est d'une certaine manière,
07:38je donne des gages, il entend donner des gages sur la lutte contre le trafic
07:42et il attend en contrepartie une aide et donc c'est effectivement un message à double détente
07:47qui est notamment dans la perspective longue d'une reconstruction du pays
07:51qui pour l'instant est encore largement hypothéqué.
07:54Merci David Rigoulet-Rose d'avoir été l'invité de Paris Direct
07:59et on le rappelle donc en Syrie, la tension augmente.