• il y a 7 mois
Maître Nabil Boudi, avocat de la mère de Nahel, 17 ans, tué par le tir d'un policier l'an dernier lors d'un contrôle routier, était l'invité de BFMTV ce lundi soir.

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Transcription
00:00C'est hier que la justice a organisé une reconstitution de la scène de la mort de Nahel.
00:05Nahel, le prénom résonne encore aujourd'hui, bien sûr, c'est cet adolescent qui a été tué par le tir d'un policier.
00:10C'était le 25 juin dernier, 2023, et s'en sont suivis les émeutes qu'on a tous en mémoire.
00:15Elles ont duré 15 jours.
00:16Justement, nous allons reparler de cette reconstitution avec l'avocat, Maître Nabil Boudi, avocat de la maire de Nahel,
00:23et avec Maxime Brandstetter, journaliste pour les justices de BFMTV.
00:25Bonsoir, Maître.
00:26– Bonsoir.
00:27– Bonsoir, Messieurs.
00:28– Commence.
00:28– Comment s'est déroulée cette reconstitution qui s'est terminée tard hier soir ?
00:32– Oui, elle s'est terminée très tard, elle a duré très longtemps.
00:36Mais permettez-moi, avec tout le respect que j'ai pour cette émission,
00:40en matière de détails concernant la reconstitution,
00:42c'est couvert par le secret de l'instruction, c'est couvert par le secret de l'enquête,
00:46donc vous imaginez bien que je ne vais pas pouvoir donner des détails
00:51qui n'ont pas encore été, en tout cas, révélés dans le cadre de l'ébat public.
00:54– A-t-elle été satisfaisante selon vous ?
00:56– Alors, elle s'est bien déroulée, c'était une enquête sérieuse,
00:59une reconstitution sérieuse, précise.
01:03Les magistrats instructeurs ont pris le temps, ont donné la parole à toutes les parties.
01:07Et donc oui, c'est une avancée pour l'enquête puisque chacun en tira les conséquences.
01:12Mais la reconstitution s'est passée dans des conditions parfaites, sérénité totale.
01:16– Avec le véhicule ? Avec le véhicule incriminé ?
01:19– Ce n'était pas le véhicule incriminé parce que, comme on le sait aujourd'hui,
01:21il a terminé à la casse, donc c'était exactement le même modèle, même série.
01:27– Et le policier auteur du tir ?
01:29– Et les deux mises en cause, exactement.
01:35– Ils étaient là, ils étaient présents ?
01:36– Ils étaient présents, c'est le principe même de la reconstitution,
01:39c'est figer la scène, celle qui concerne le crime,
01:42donner la parole aux personnes qui étaient là au moment des faits,
01:45et ensuite confronter les déclarations différentes,
01:49celles qui convergent, celles qui divergent,
01:50et puis ensuite, la justice tirera les conséquences de ces divergences.
01:54– 14 heures de reconstitution, c'est quand même extrêmement long,
01:5714 heures, je crois que vous avez reconstitué une scène de 25 secondes à peu près,
02:00qu'est-ce que ça veut dire qu'on reconstitue aussi longtemps ?
02:03– Oui, alors la reconstitution a été particulièrement longue, éprouvante pour les partis,
02:07nous les avocats, on a l'habitude, la justice prend beaucoup de temps,
02:10notamment en audience, mais la reconstitution a été éprouvante
02:14parce que les versions divergent, et vu que les versions divergent,
02:17on a été obligé de reproduire chaque version,
02:21la scène s'étant déroulée en plusieurs actes,
02:23il a fallu reproduire chaque version selon les différents actes systématiquement,
02:27donc ça qui a été particulièrement long.
02:28– Est-ce que pour vous, c'est en quelque sorte le procès avant le procès ?
02:31Est-ce que c'est un moment clé de l'instruction ?
02:33– C'est une vraie question, certains commentateurs considèrent
02:36que c'est un mini-procès avant l'heure,
02:38alors moi je ne tire pas cette conclusion-là trop rapidement, pourquoi ?
02:42Parce qu'on est uniquement, je dis même si ça paraît long,
02:46on est à moins d'un an des faits,
02:48donc sur la temporalité de la justice, ce n'est pas une très longue période.
02:51Il y a encore d'autres éléments qui doivent arriver,
02:53qui sont en cours d'exploitation.
02:54– Lesquels ?
02:55– On ne va pas en parler aujourd'hui, pardonnez-moi.
02:57– Il y a des expertises qui ne sont pas encore terminées ?
02:59– Il y a d'autres expertises, il y a des personnes qui doivent être entendues,
03:00il y a des paroles qui doivent être confrontées, etc.
03:03Les instructions, surtout vu la nature du drame et toute l'ampleur qu'il y a eu autour,
03:09à mon sens, les magistrats instructeurs vont apporter une considération particulière
03:13en termes de consistance de l'enquête.
03:14– Ce que vous avez dit, c'était long aussi,
03:17parce que chacun défendait sa version,
03:19il fallait donc écouter la version de chaque protagoniste.
03:22Ça veut dire qu'au bout de ces 14 heures de Constitution,
03:25il n'y a pas une vérité qui s'est dégagée évidente,
03:27en disant finalement, c'est ça qui s'est passé, pas autre chose.
03:31– Il y aura une seule vérité au final,
03:33ce sera celle qui sera rendue dans un premier temps par le juge d'instruction,
03:37s'agissant non pas de la culpabilité, mais uniquement au stade des poursuites.
03:42Est-ce qu'on va renvoyer cette affaire-là devant une cour d'assises ou pas ?
03:46Donc il y aura cette vérité-là, c'est-à-dire est-ce qu'il y a suffisamment…
03:48– Vous êtes confiant ?
03:49– Alors, si vous voulez, moi je suis tempérament assez confiant de manière générale,
03:56sur ce dossier, je le suis particulièrement, pourquoi ?
03:58Et c'est une vraie question qui nécessite une réponse particulière,
04:02parce qu'en matière de violence policière,
04:05vous savez, les victimes partent souvent avec un handicap,
04:08c'est qu'on ne les croit pas, c'est comme ça,
04:10c'est un fait avéré, c'est objectif.
04:12On va partir du principe que le policier va dire la vérité,
04:15et que la personne, il y a des délires routiers,
04:17peut-être qu'on en parlera tout à l'heure, a forcément menti.
04:21Sauf que cette fois-ci, on a non pas une vidéo,
04:24on a plusieurs vidéos qui permettent aujourd'hui de penser, de constater,
04:29et encore une fois, chacun analyse, interprète les vidéos.
04:33Moi je ne suis pas là pour distribuer des bouts de cheveux.
04:35– Et vous, ce que vous voyez ?
04:36– Moi mon positionnement est très simple,
04:37c'est ce que je dis depuis le départ dans cette affaire,
04:40il faut avoir une analyse particulièrement stricte.
04:42– Et qu'est-ce que vous voyez, vous, sur ces vidéos ?
04:44– Il va falloir avoir une analyse particulièrement stricte du cadre légal.
04:48Vous avez des policiers en fonction,
04:49qui vont intervenir suite à un premier refus d'obtempérer,
04:54ce qui va se passer dans les 25 secondes dont vous avez fait mention tout à l'heure,
04:57c'est une temporalité qui est assez proche de ce qu'on voit depuis le début,
05:01les 25 secondes entre 25 et 30, ça diverge.
05:04On voit une scène de violence, moi c'est ce que je vois sur les vidéos,
05:08qui va précéder le tir, je vois une scène de violence particulièrement intense.
05:12– De la part de qui la violence ?
05:13– De la part des policiers.
05:15– Avant le tir ?
05:15– Avant le tir, je vois une scène de violence sur ces vidéos,
05:19je vois une scène de violence particulièrement intense,
05:23j'entends pas les policiers demander aux conducteurs de se retirer du véhicule,
05:29c'est le préalable en matière administrative,
05:31une fois que la scène est figée, monsieur descendez du véhicule,
05:34je vois des policiers se précipiter vers le véhicule,
05:37je vois des policiers sortir leur arme avant même d'avoir adressé la parole au conducteur,
05:43et dans un tel climat, la violence va débuter,
05:46la violence va s'accentuer dans une temporalité très courte,
05:51donc on parle de réelle intensité,
05:53et à partir de ce moment-là, tout devient incontrôlable.
05:57Le contrôle et le tir qui va arriver derrière,
06:00ce que je vais vous dire, c'est que le tir finalement,
06:03il n'est que le prolongement de l'épisode de violence qu'on voit dans ces images.
06:07– Et quand vous dites violence, c'est des coups ?
06:10– Alors, chacun en tira, moi je vois des coups,
06:13certains disent que ce n'est pas des coups.
06:15– Les policiers notamment ?
06:17– Les policiers contestent, etc.
06:18ça a été expliqué ce matin par mon confrère, mais…
06:21– Maître Liénard qui est l'avocat des policiers.
06:22– Tout à fait, surtout celui qui est mis en examen, vous avez raison.
06:26– Vous voyez des coups des policiers,
06:28du policier sur le conducteur son arrière ?
06:31– Moi je vois des coups sur la vidéo,
06:33et la vidéo c'est quoi ?
06:34Judiciairement, c'est un élément objectif.
06:36– Et des coups qui sont injustifiés selon vous à ce moment-là ?
06:38– Injustifiés puisqu'il n'y a pas d'échange,
06:40et les coups vont être portés à l'égard de Naël,
06:44immédiatement à l'arrivée des policiers.
06:46Il n'y a pas d'échange verbal, il n'y a pas de « retirez votre ceinture »,
06:49il n'y a pas de « ouvrez la porte », on n'essaie pas d'ouvrir la porte.
06:52Et si vous voulez, pourquoi c'est important de parler de tout ce préalable-là ?
06:56Parce qu'en matière d'intervention policière et notamment de l'usage des armes à feu,
07:00il y a la question de la nécessité.
07:02La nécessité c'est, est-ce que, avant d'utiliser mon arme à feu,
07:08est-ce que j'ai pris les précautions nécessaires
07:10qui rendent finalement le tir impossible ?
07:12– Mais sur cette intensification de la violence,
07:15il y a la version des policiers, vous n'allez pas la découvrir,
07:18qui eux disent que Naël M refusait de s'arrêter,
07:21et ils assurent qu'à ce moment-là, il voulait redémarrer.
07:24Qu'il voulait redémarrer, qu'il n'avait pas d'autre choix,
07:27c'est le policier qui a tiré qui dit ça,
07:29qui n'avait pas d'autre choix que de le tirer dessus pour s'arrêter,
07:32parce qu'il était en train de redémarrer.
07:33– Alors, encore une fois, cette version-là est évolutive,
07:37puisque dans un premier temps…
07:39– Mais la reconstitution hier a permis d'éprouver cette version.
07:41– Attendez, l'expert n'a pas encore rendu son rapport,
07:43mais concernant ce point précis,
07:46s'agissant du véhicule qui redémarrait ou ne redémarrait pas.
07:50Aujourd'hui, il est acté, c'est-à-dire que c'est de manière objective,
07:55le véhicule n'a pas fait le moindre mouvement pendant le contrôle.
07:59On peut discuter ensuite au moment du tir,
08:01ça va être le sujet, à mon avis, de la suite,
08:03mais pendant le contrôle, il n'y a aucun mouvement du véhicule.
08:06C'est constaté par les différents témoins, c'est constaté par les images,
08:09et c'est même déclaré par toutes les personnes qui étaient présentes
08:13lors de cette scène-là.
08:14– Pour vous, Nel M, à ce moment-là, il avait décidé de s'arrêter ?
08:17– Mais je ne sais pas ce qu'il a décidé de faire.
08:19Moi, j'ai au ventre un véhicule qui est à l'arrêt.
08:21Et derrière, parmi les explications qui sont apportées par la Défense,
08:24notamment ce matin, on vient de nous dire,
08:27finalement, que l'attitude du conducteur laissait présager
08:31un départ ou une fuite ou un refus d'obtempérer.
08:33Aujourd'hui, cette thèse-là est contredite
08:35par des éléments objectifs du dossier.
08:37Il ne faut pas avoir peur de le dire.
08:39Pourquoi je vous fais part de cette intensification
08:42et de cette absence, cette inertie du véhicule ?
08:45C'est parce que les versions sont en train d'évoluer
08:49s'agissant de l'usage du tir.
08:51Sur ça, j'ai entendu mon confrère, et je rebondis à ce qu'il dit,
08:54c'est le parallélisme des formes,
08:56il y a la Défense qui s'exprime, on peut s'exprimer derrière.
08:59Dans un premier temps, on nous a dit que le véhicule allait percuter le policier.
09:04C'est la première déclaration qui est constatée dans la radio.
09:07Qu'il allait redémarrer.
09:09Non, non.
09:09Qu'il allait percuter pour se protéger.
09:11Qu'il était en face du véhicule, c'est ce qui est constaté.
09:15Il était en face du véhicule et que le conducteur lui fonçait dessus.
09:19S'il n'y a pas cette vidéo, qu'est-ce qu'on fait ?
09:22C'est terminé.
09:23Le policier a dit ça, son collègue a dit ça.
09:26Ils n'ont aucune raison de mentir.
09:28Il y a la vidéo qui sort dans la foulée.
09:31Et là, la version va évoluer.
09:33Alors, cette fois-ci, ce n'est plus que le véhicule fonçait sur le mis en cause.
09:38C'est qu'il allait redémarrer.
09:40Et que le second policier avait le buste à l'intérieur du véhicule.
09:46Une autre vidéo qui sort, beaucoup plus proche,
09:49on voit que le policier n'avait jamais son corps,
09:51en tout cas son buste, à l'intérieur du véhicule.
09:53Donc il n'y avait aucun risque que le véhicule ne l'embarque.
09:56Troisième motif à invoquer pour justifier du tir,
09:59on nous explique que l'individu auteur du tir était en danger
10:03qu'il allait être emporté par le véhicule
10:05et qu'il n'avait pas de solution de repli.
10:07C'est ça le terme utilisé.
10:09On s'aperçoit de quoi aujourd'hui ?
10:11Que l'auteur du tir était quasiment collé à son collègue au moment du tir.
10:15Si un a une solution de repli,
10:18il va falloir qu'on nous explique en quoi le second n'en a pas une.
10:21Ça, l'expert va se prononcer là-dessus.
10:23Ça a été fait hier.
10:25Qu'est-ce qu'il reste maintenant ?
10:26Il reste la théorie, la nouvelle musique qu'on nous a chantée ce matin.
10:30Oui, mais les autres passants étaient à proximité et pouvaient être en danger.
10:35Ça, donc maintenant...
10:37On a aperçu une vidéo d'ailleurs sur un passage-voit que...
10:41Attendez, laissez-moi finir ma démonstration s'il vous plaît.
10:42Le véhicule qui est conduit par Naël évite de peu un piéton.
10:45Je termine juste cette observation-là
10:47s'agissant du nouveau motif qui est invoqué ce matin.
10:53Donc là, on n'est plus sur un motif qui est concomitant à la dangerosité ou au tir.
10:58On est sur un motif qui devient hypothétique.
11:01C'est-à-dire qu'on part du principe que sur la conduite dangereuse, il va y avoir un drame.
11:06Dernière observation, il va falloir être clair.
11:09Si toutes les fois où un délit routier est consommé par un conducteur,
11:16on fait feu.
11:17Et quand je parle de conduite, il y a eu une conduite dangereuse précédente.
11:21Par Naël, c'est pas contesté.
11:23C'est pour ça d'ailleurs qu'il était poursuivi par la police.
11:24Mais attendez, il y a des conduites sous alcool,
11:27dix fois plus dangereuses où là on n'a pas le contrôle de son véhicule.
11:30Il y a des conduites sous stupéfiants.
11:32Il y a des conduites où les individus prennent la fuite.
11:36On est sur des mises en danger de la vie d'autrui.
11:39Il y a des délits de fuite.
11:41On fait feu à chaque fois ou pas ?
11:42Ou on fait attention ?
11:43On fait attention.
11:45Donc on aurait dû faire attention aussi.
11:47Les conclusions seront pour quand ?
11:49Alors, malheureusement, je ne peux pas répondre à votre question
11:53sur la question du calendrier.
11:55Ce que je souhaite, c'est que l'enquête avance sereinement.
11:59Qu'on ne vienne pas nous annoncer sur des plateaux télé
12:01qu'un non-lieu va être prononcé.
12:03C'est ce qui a été fait de la part de mon confrère ce matin.
12:04Maître Liénard, avocat du policier.
12:06S'il a la recette pour pronostiquer une décision de justice au préalable,
12:11je veux bien qu'il me la donne, mais pas de non-lieu.
12:14Peut-être une dernière très courte.
12:15La mère de Nathalie était présente hier.
12:18Mounia était présente.
12:19Mounia fait preuve d'une particulière résilience.
12:22Elle a été traînée dans la boue.
12:23Elle a été instrumentalisée de toutes parts.
12:26Elle va un peu mieux.
12:27Elle a été très courageuse.
12:28Elle est venue sur la scène.
12:29Elle n'a pas assisté à la reconstitution.
12:30C'était trop douloureux pour elle.
12:32Mais c'était important pour elle d'être place Nelson Mandela.
12:35Merci, maître Nabil Boudi.
12:37Merci, Maxime Brandstetter.

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