• il y a 7 mois
Journée événement sur la forêt primaire en partenariat avec l’association Francis Hallé pour la forêt primaireDeuxième partie : La pluralité des défis dans le contexte européen13h45 : Qu'est-ce qu'une forêt primaire ?Les forêts primaires sont des écosystèmes complexes et d’une grande richesse écologique. Quels sont leurs caractéristiques ? Comment fonctionnent-elles ? Alors qu’elles ont quasiment disparu en Europe, des initiatives émergent pour les protéger.Table ronde avec : • Francis Hallé Botaniste, spécialiste des arbres et des forêts tropicales, président de l'association Francis Hallé pour la forêt primaire • Marc-André Selosse, biologiste, professeur au Muséum national d'histoire naturelle • Élodie Magnanou, biologiste, ingénieur de recherche au CNRS, gestionnaire de la Réserve Naturelle Nationale de la Forêt de la MassaneModération : Rémy Marion  

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00:00 Merci à tous d'être là cet après-midi. On va attaquer, je dirais, directement dans
00:10 le dur. Ce matin, on a parlé d'émotion, on a parlé d'esthétisme, on a parlé aussi
00:14 de l'association, c'est important, de voir comment avance et l'enthousiasme d'Éric
00:20 Fabre porte tout le monde en compagnie de Francis. Donc ça, c'est très, très important.
00:25 Cet après-midi, on va parler de qu'est-ce qu'une forêt primaire ? Donc rentrer vraiment
00:29 dans les détails. J'espère que là, vous aurez de nombreuses questions. On va essayer
00:32 de prendre un petit peu plus de questions que ce matin, ce sera plus facile. Donc voilà.
00:38 Avec Francis, on aura Marc-André Célos, mais en distanciel. Est-ce que Marc-André
00:44 est avec nous ? À droite ? Allô Marc-André ? On ne t'entend pas ? On ne t'entend pas.
00:58 Oui, je n'ai pas mis de micro. C'est une bonne raison, Marc-André, effectivement.
01:09 Salut, salut. Merci d'être avec nous cet après-midi. Tu es où là ?
01:14 Je suis à Belhème, en Normandie, pour les journées mycologiques annuelles. Donc, je
01:22 fais de la mycologie.
01:23 La mycologie. Très bien. Merci d'être avec nous. Donc, avec nous sur scène, donc,
01:27 aux côtés de Francis, donc, Elodie Magnanou, qui est biologiste et gestionnaire de la réserve
01:32 naturelle nationale de la Massane. Donc, on parlera beaucoup de cette réserve qui est
01:37 tout à fait exemplaire. Je voudrais, pour lancer la discussion sur qu'est-ce que c'est
01:46 qu'une forêt primaire, quelque chose qu'on a déjà commencé à évoquer ce matin, c'est
01:50 le temps, qui est très, très important, le temps. Et je voudrais vous soumettre une
01:54 petite citation de Romain Garry, extraite de l'Education européenne. Donc, on est complètement
01:59 dans le thème. On est dans l'Europe aussi. Donc, publiée en 1956. Donc, ça se passe
02:04 en forêt ukrainienne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les forêts d'Obronski sont
02:12 aussi ici par hasard. Pourtant, elles ont du courage et de la patience depuis des millénaires.
02:18 Pourquoi les hommes n'en auraient-ils pas ? Je pense que tout est dit dans cette citation
02:24 de Romain Garry. La forêt a du temps. Est-ce que les hommes auront la même possibilité
02:29 d'avoir du temps ? Et donc, on va parler de forêt primaire. Francis, si tu veux ouvrir
02:36 cette discussion. Ça marche ? Ça fonctionne ? Vous m'entendez là ? Oui. Très bien.
02:42 Il y a des quantités de différences entre une forêt primaire et une forêt secondaire.
02:47 Mais je crois que je vais commencer par les plus importantes. Une forêt primaire, si
02:53 elle est suffisamment grande, elle attire la pluie. Il pleut dessus. J'ai des souvenirs.
03:00 Moi, quand j'étais très jeune chercheur en Afrique, on était dans une savane écrasée
03:05 de soleil et tout d'un coup, à l'horizon, on voit un petit nuage. Alors, on met le cap
03:11 sur ce petit nuage et on s'aperçoit qu'au-dessous, il y a une forêt. Et quand on rentre dans
03:16 cette forêt, il pleut. Et quand on a traversé la savane pendant 4-5 heures, ça tombe très
03:23 bien si je puis dire. Les forêts, quand elles sont grandes et profondément anciennes,
03:31 elles font pleuvoir. Nous avons maintenant des mécanismes très précis sur cette liaison
03:36 entre les forêts et la pluie. Il n'y a pas que ça. Il y a aussi la qualité des sols.
03:41 Si vous voulez les sols les plus fertiles, ça n'avait pas échappé à nos ancêtres,
03:48 il faut les chercher sous les forêts primaires. Plus la forêt est ancienne, plus le sol est
03:53 fertile. Fertile, ça veut dire très riche en flore et en faune. La recharge des nappes
04:05 phréatiques en eau pure, c'est aussi typique de la forêt primaire parce que les arbres,
04:11 au lieu d'avoir un pivot comme on le pensait, ils en ont une centaine. Et donc, ça dirige
04:18 l'eau vers le bas. En forêt primaire, les nappes phréatiques sont toujours pleines et
04:23 c'est toujours de la bonne eau filtrée. Un point très important, c'est la biodiversité.
04:29 On l'a dit ce matin. À mesure que les années passent, et surtout si on laisse le bois mort
04:35 au sol, on voit la biodiversité augmenter. Et jusqu'où va-t-elle ? La limite, c'est
04:44 la latitude.
04:45 On va en parler. Marc-André, évidemment, si on va commencer à parler de la forêt
04:52 primaire, il faut commencer sous la terre. C'est là que ça va commencer. Comment tu
04:56 résumes le sol d'une forêt primaire ?
04:59 Ça commence en dessous, mais aussi au-dessus. C'est un peu la poule et l'œuf, l'arbre
05:05 et le sol. Mais c'est vrai que les sols de forêt primaire sont des sols qui n'ont
05:09 pas été perturbés par des extractions abusives de bois. C'est la première chose. Et deuxièmement,
05:16 c'est des sols qui ont une longue continuité écologique. Du coup, il y a des diversités
05:21 qu'on n'a pas forcément ailleurs. On commence à étudier dans des forêts comme
05:25 celle de Biaouvéja, la diversité microbienne, notamment.
05:29 Outre ces aspects de sol, purement, comme les évoquait Francis à l'instant, il y
05:37 a une chose qu'il faut bien réaliser. Il se passe dans le cycle sylvicole des choses
05:45 qui ne se passent pas dans nos forêts gérées. Les arbres finissent par devenir très vieux.
05:49 Nous, on les récolte avant qu'ils deviennent creux. C'est-à-dire qu'on récolte des
05:53 arbres pour un arbre, en l'équivalent d'une quarantaine d'années pour un homme ou une
05:58 femme. On les récolte jeunes pour qu'ils ne soient pas creux. Plus le temps passe,
06:04 plus les preuves qu'ils seront creux, plus il y en a qui meurent, même s'il y en a
06:07 qui survivent. Là-bas, les arbres ne sont pas... Là-bas, je pense à Biaouvéja, j'ai
06:12 l'esprit sur ce modèle, mais dans une forêt privère, les arbres ne sont pas coupés.
06:17 Ils tombent au sol. Ces géants vont mettre 50 ans à se décomposer. C'est les extensions
06:24 du sol. Ça abrite une diversité. J'ai pleuré en forêt de Biaouvéja. J'ai vu des tonnes
06:30 de Phomitopsis rosea, de Phoenus crossaeus, des trucs dont je n'avais pas espéré les
06:35 voir un jour, autrement qu'en photo. Il y a des diversités qui tiennent. Il y a des
06:40 niches écologiques qui n'existent plus dans les forêts gérées. En forêt gérée, on
06:45 récolte les arbres avant qu'ils ne deviennent creux, un peu avant la pleine maturité. Je
06:51 ne sais pas si Francis sera d'accord, mais ce qui est certain, c'est que ce cycle cyclical
06:55 spécial autorise une diversité qui n'existe pas.
06:57 - Tout à fait. Justement, on a un exemple en France, je pense, et Elodie va nous en
07:04 parler. On a un exemple en France d'une forêt ancienne, qui n'est pas primaire, mais qui
07:10 a quelques années de libre évolution. Elodie, est-ce que tu peux nous parler
07:15 de la forêt de la Massane que tu diriges ?
07:17 - La forêt de la Massane, c'est une étrée que l'on trouve au sud de la France, dans
07:22 le département des Pyrénées-Orientales, sur les contreforts des Pyrénées, à 4 km
07:26 de la Méditerranée. Le premier point commun avec la forêt de Biello-Vieja, c'est que
07:30 comme elle, elle est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, au titre des forêts
07:34 anciennes et primaires de Hètre, des Carpathes et autres régions d'Europe. Ce qui les singularise,
07:41 les distingue, en tout cas, c'est que l'une est primaire, Biello-Vieja, et la forêt de
07:45 la Massane est une forêt ancienne. Pourquoi ? Simplement une forêt ancienne, parce qu'elle
07:49 a été exploitée jusqu'à il y a 140 ans. Donc on bénéficie maintenant de 140 ans
07:54 de quiétude et de libre évolution. Mais ce que l'on peut montrer sur cette forêt de
07:59 la Massane, c'est qu'elle est une forêt ancienne, c'est-à-dire qu'on a pu démontrer
08:03 la continuité de la présence du Hètre depuis des millénaires sur le site de la Massane.
08:09 On va essayer de passer une petite vidéo que tu nous as amenée de 4 minutes pour justement
08:16 montrer ta forêt de la Massane et justement qu'on ait une meilleure vision ici même,
08:21 et que tu peux nous commenter d'ailleurs pendant cette vidéo.
08:24 Alors finalement, le premier point d'entrée, c'est un des éléments que vient d'évoquer
08:33 Marc-André, c'est la maturité du peuplement, c'est-à-dire qu'on est en présence de
08:38 vieux arbres et de très vieux arbres, qui ne sont donc pas coupés. Les arbres, lorsqu'ils
08:42 meurent, restent debout, à l'état de chandeliers, ou sont au sol et se décomposent naturellement.
08:47 Et c'est ce qui permet d'observer la formidable biodiversité, en particulier d'insectes
08:53 et de champignons qui sont associés à ce compartiment des vieux arbres et du bois
08:57 mort, niche écologique que l'on ne retrouve effectivement pas dans les forêts gérées.
09:02 Tu peux nous rappeler le nombre d'espèces qui ont été identifiées ?
09:08 Alors oui, la maçonne est singulière du fait qu'elle a été l'objet d'inventaires
09:13 très poussés dans tous les compartiments du vivant, et on est actuellement à plus
09:17 de 10 200 espèces inventoriées sur seulement 336 hectares. C'est la plus forte densité
09:23 d'espèces inventoriées, c'est-à-dire connue une par une au monde. Ça ne veut pas
09:28 dire que c'est la plus forte densité d'espèces qui existe, parce que Francis, immédiatement,
09:33 va me parler des tropiques et là on n'est certainement pas en mesure de congourir.
09:38 Multiplié par 100 pour la biodiversité.
09:42 Mais en revanche, l'un des leitmotifs de cette forêt de la maçonne, ça a été de
09:47 comprendre de quoi est constitué un écosystème de vieilles forêts, et en quoi la libre évolution
09:54 est une énorme plus-value pour la biodiversité. Et cette biodiversité, elle a un rôle fondamental
09:59 dans le fonctionnement de l'écosystème, dans sa résilience face au changement, et
10:05 je tiens à dire aujourd'hui que la crise climatique que nous traversons ne pourra
10:08 pas être résolue si nous ne l'accompagnons pas d'une résolution de la crise de biodiversité
10:14 que nous traversons. La biodiversité et le climat sont intimement liés, et il faut
10:19 penser à la conjonction de ces deux éléments pour traverser les bouleversements que nous
10:26 imposons à notre planète.
10:28 Voilà, il a cité le torchepeau, évidemment l'un des oiseaux qui tirent parti des cavités
10:36 qu'elle tapisse de torchie, de sorte que la taille du trou de son nid ne lui soit favorable
10:43 qu'à elle.
10:44 Et donc cette forêt est un... alors vous allez me dire "mais vous ne faites rien alors
10:51 puisque la forêt est en libre évolution, qu'est-ce que vous faites ?"
10:54 C'est vrai.
10:55 C'est vrai ! Et on est loin d'être au chômage en fait, on peut la considérer comme un laboratoire
10:59 à ciel ouvert puisqu'on a initié il y a 20 ans un suivi forestier qui permet de voir
11:05 la manière dont cette forêt de haitre réagit au changement du climat. Quels sont les arbres
11:10 qui survivent, quels sont ceux qui meurent, puisqu'il n'y a aucune intervention de l'homme,
11:14 ce sont les processus naturels qui ont lieu, c'est la sélection naturelle qui opère,
11:19 et c'est une façon de voir comment naturellement un écosystème répond à un changement du
11:24 climat artificiel imposé par l'homme.
11:27 Et c'est en ça que ce projet de forêt de 70 000 hectares c'est aussi une formidable
11:33 opportunité pour le vivant de se déplacer, d'ajuster ses aires de distribution au changement
11:40 du climat que l'on va subir.
11:42 Ça va favoriser des déplacements d'espèces, ce sont des éléments qui sont très pénalisés
11:47 actuellement, la migration des espèces est très compliquée puisque l'homme crée des
11:53 routes, des champs, des milieux urbanisés, des milieux anthropisés qui freinent les
11:59 mouvements d'espèces parce que ça, ça fait partie de l'adaptation.
12:02 Et donc ces grands territoires qui sont proposés, offerts à la libre évolution font aussi
12:09 partie des stratégies d'adaptation du vivant et ça c'est un point très fort de votre
12:14 projet Francis.
12:15 Marc-André, j'imagine que tu connais les sols de la Massane et pour toi c'est déjà
12:22 une étape importante ?
12:23 Alors, mais je connais la Massane surtout parce que lorsque j'étais professeur à
12:29 l'université de Montpellier, j'y emmenais mes étudiants qui préparaient l'agrégation
12:32 tous les ans.
12:33 C'est une forêt extrêmement émouvante et intéressante, d'ailleurs avec une forme
12:37 assez intéressante de sol parce que comme il y a un peu de paquage diffus, de vaches,
12:41 il y a une dynamique des humus qui est assez particulière avec cette perturbation et ces
12:45 apports-là et puis surtout, surtout, voilà ce que je trouve génial, qu'on retrouve
12:49 d'ailleurs pour ceux qui sont à Jean-Parisienne en allant aux abords de la réserve intégrale
12:53 de la forêt Fontainebleau.
12:54 Ce que je trouve absolument fabuleux, c'est cette dynamique de mort des arbres.
12:58 On les a vus là, il y a absolument partout des polypores, il y a des abattoirs et c'est
13:04 de ça que meurtres de vieillesse et d'êtres creux, ils cassent finalement, c'est de ça
13:09 que meurtres de vieillesse, les êtres et c'est la dynamique normale.
13:13 La mort fait partie de la vie, c'est le début du recyclage.
13:15 Mais il y a aussi sur ces images des choses qui me font penser aux champignons, pardon
13:20 d'insister, mais bon, je suis mycologue donc on ne se refait pas.
13:23 Je vois ces pivers, qu'est-ce qu'ils mangent les pivers ? Ils mangent des insectes.
13:28 Je vois tous ces insectes qu'il y avait dans le bois.
13:30 Oui, mais en fait les insectes du bois, ils mangent des champignons.
13:35 Dans ces énormes morceaux de bois, ce qui fait qu'il y a ces insectes, ce n'est pas
13:40 que les insectes vont digérer le bois.
13:41 La plupart des larves de ces insectes vivent dans le bois, ils sont éventuellement mangés
13:45 par les pivers, mais ne digèrent pas la lignine bien sûr, parce qu'il n'y a que les champignons
13:48 qui digèrent ça.
13:49 Beaucoup ne digèrent pas la cellulose, d'ailleurs leurs crottes qui bouchent leurs tubes sont
13:53 bourrées de cellulose et de lignine.
13:55 Simplement, ils broient ça pour extraire le jus de champignon, c'est de ça qu'ils
13:58 se nourrissent.
13:59 Donc moi je vois toute cette présence fongique, je vois tous ces champignons de vieux bois
14:05 et de gros bois en décomposition, je vois les insectes qui les mangent, qui sont des
14:09 énormes insectes qu'il ne peut pas y avoir dans les brindilles d'une forêt digérée,
14:12 et puis du coup, en haut de chaîne alimentaire, champignons, insectes, je vois le piver.
14:18 Et ça c'est un truc important, pédagogiquement pour moi c'était une forêt de démonstration.
14:24 Et j'attends avec impatience, je ne sais pas si dans 700 ans je donnerai encore des
14:29 cours, mais j'attends avec impatience la forêt primaire de Francis pour mes enseignements.
14:33 - Evidemment, on attend tous d'ailleurs.
14:35 Elodie, tu l'as évoqué justement, et comme Marc-André l'évoque aussi, donc là c'est
14:41 une forêt de démonstration, la forêt est ouverte au public j'imagine, et en plus aussi
14:47 il y a des chercheurs, parce que c'est aussi un espèce de laboratoire.
14:49 Je pense qu'il faut que tu rappelles aussi que cette forêt est juste aux limites de
14:52 deux zones géographiques extrêmement importantes, entre la Méditerranée et le nord de l'Europe,
14:57 et ça, ça procure aussi une biodiversité importante.
15:00 - Ce que vous n'avez pas pu percevoir sur les images, et que je n'ai pas dit non plus,
15:06 c'est que la forêt de la Massane est entourée de végétation méditerranéenne, et donc
15:10 on se retrouve dans une étrée, entre 600 et 1000 mètres d'altitude, qui est une position
15:15 totalement atypique pour le hêtre en Méditerranée.
15:17 On ne trouve pas le hêtre si bas en altitude, c'est une espèce qui aime la fraîcheur
15:22 et l'humidité, et qui là se trouve déjà un peu en difficulté, et cette position atypique
15:28 a beaucoup intrigué.
15:29 Donc là on avait, avec des collègues, recherché dans l'histoire du hêtre pour comprendre
15:34 sa présence, et en fait c'est un vestige de la période des glaciations, où le climat
15:39 européen était beaucoup plus froid, de manière naturelle, et le hêtre était réfugié dans
15:43 le sud de l'Europe, et quand ce hêtre a recolonisé, lorsque le climat s'est petit à petit avoisiné
15:50 et approché du climat que nous connaissons aujourd'hui, en se réchauffant depuis les
15:53 12 derniers mille ans, lorsque ce climat s'est réchauffé, il est resté cette poche de hêtre
16:00 qui est encore présente à la Massane.
16:01 Donc c'était un refuge pendant les périodes glaciaires, et le hêtre se trouve aujourd'hui
16:05 en difficulté.
16:06 Et donc c'est en ça qu'on considère que cette forêt de la Massane est un poste avancé
16:11 du changement climatique, puisqu'on est en train de voir comment le hêtre réagit à
16:15 des conditions que les autres populations de hêtres d'Europe, plus au nord, plus en
16:19 altitude, vont connaître bientôt malheureusement.
16:22 Donc en ça, oui, on est au chevet de la forêt, on n'intervient pas, mais par contre on essaie
16:28 de comprendre son fonctionnement, comment elle réagit, comment le débourrement des
16:32 bourgeons est modifié par le changement du régime de température, comment les gels
16:38 tardifs ont une incidence sur la physiologie du hêtre, comment les épisodes de sécheresse
16:42 que nous connaissons impactent la forêt.
16:44 Et cette forêt, ce hêtre est l'espèce clé de voûte de l'écosystème.
16:48 Donc il est à la base de la présence d'un grand nombre d'espèces d'insectes qu'on
16:52 a vues, et des champignons évidemment.
16:54 Et donc tout ce cortège d'espèces là va devoir passer le cap, on l'espère, mais
17:01 se retrouve assez en difficulté effectivement.
17:04 - Francis, tu veux compléter ?
17:05 - Oui.
17:06 Non, c'est une question.
17:07 - C'est une hêtress qui souffre du changement climatique, c'est bien ça.
17:13 Mais il y a certainement une variation entre les différents êtres par rapport à ces
17:19 symptômes de malaise.
17:21 Je trouve ça très intéressant.
17:24 Il faut savoir que ce n'est pas le même génome tous ces êtres.
17:27 - Non, effectivement, ça on l'a étudié.
17:29 Le classement de l'UNESCO d'ailleurs le prenait en compte.
17:32 L'objectif de l'UNESCO, c'était de classer la variété des habitats du être, mais aussi
17:38 la variété des familles génétiques qui existent au sein de cette espèce.
17:42 Une espèce, ce n'est pas un bloc monolithique où on se voit tous dans la salle, on est
17:45 tous différents.
17:46 Et les êtres, ils sont tous différents du part l'endroit où ils ont grandi, à côté
17:51 de qui ils ont grandi, sur quel sol, mais aussi leurs caractéristiques propres.
17:54 Et on a des familles génétiques différentes.
17:57 - Ils existent plus ou moins bien ?
17:58 - Alors justement, l'hypothèse qu'on pose à la maçonne, c'est de se dire que ça fait
18:01 12 000 ans que cette forêt de l'être est présente dans des conditions qui sont plutôt
18:05 très sèches par rapport à ce qu'elle aime, et plutôt chaudes par rapport à ce que l'être
18:09 affectionne.
18:10 Et est-ce que cette population-là n'aurait pas une prédisposition à encaisser les changements
18:16 et les réchauffements que l'on subit ? Donc avec des collègues à Bordeaux, on est en
18:20 train de regarder à partir de quand l'être ne sait plus faire circuler la sève montante.
18:25 C'est-à-dire, quand il y a des...
18:26 On appelle ça un phénomène de cavitation, c'est comme une embolie, il y a des bulles
18:29 d'air, parce qu'il n'y a plus assez d'eau dans le sol, et que pourtant il y a de l'évaporation
18:33 au niveau des feuilles.
18:34 Et donc on se rend compte qu'il y a certaines populations justement du sud qui entrent en
18:38 cavitation, donc qui ont ces problèmes physiologiques plus tard que les autres, parce qu'elles sont
18:42 déjà un peu habituées.
18:43 - Le son a été coupé du côté de la Cité des sciences.
18:46 Le son a été coupé, je ne vous en prie.
18:48 - Marc-André Célasse ne reçoit plus.
18:51 - Le micro de la Cité des sciences est coupé.
18:54 - Le micro est coupé.
18:55 - C'est mieux là Marc-André ? Tu m'entends ? Non ?
19:03 - Apparemment pas.
19:04 - Ah ah ! La Normandie c'est loin.
19:09 Excuse-moi de t'avoir coupé Élodie.
19:13 Ce serait bien que Marc-André puisse réagir aussi, donc qu'il ait le retour son.
19:17 Non ? Non, non, non.
19:22 Pas de retour son.
19:24 Désolé.
19:25 Non ?
19:26 Si ? Bon d'accord.
19:27 Et vous essayez de se connecter.
19:38 - D'accord.
19:39 - Oui donc.
19:40 - Oui donc je disais, voilà, on suppose, peut-être que cette population de la Massane
19:43 a des prédispositions pour mieux réagir à des sécheresses et à des épisodes de
19:50 canicule jusqu'à un certain point.
19:51 Et donc jusqu'où on peut aller dans l'idée d'ontification ? Parce que là tu parlais
19:55 vraiment presque de population ou de famille, presque sur un lieu par-ci.
19:59 Est-ce qu'on peut justement avoir des individus déjà qui sortent du lot, on va dire, un
20:03 petit peu comme chez les mammifères ?
20:05 - Alors la Massane, elle fait partie d'une population qui est de Catalogne Sud et qui
20:09 après la dernière glaciation a recolonisé jusqu'au sud du Massif Central.
20:12 Donc c'est une famille génétique assez restreinte géographiquement.
20:16 Et après à l'intérieur, effectivement, on est en train d'essayer de faire le lien
20:20 entre le patrimoine génétique complet, donc le génome complet.
20:24 On a 150 individus dont on dispose du génome complet.
20:27 C'est des technologies qui sont lourdes à mener mais qui sont de plus en plus accessibles.
20:31 Et on essaie de faire le lien entre ces caractéristiques génétiques et la façon dont les arbres
20:36 réagissent aux sécheresses ou aux canicules.
20:41 Donc on essaie de faire des liens en disant, alors, c'est pas aussi simple que tel gène
20:45 qui code pour la couleur des yeux.
20:47 C'est un ensemble d'éléments génétiques qui vont converger vers le fait que l'arbre
20:52 déboure peut-être plus tôt, c'est-à-dire les bourgeons s'ouvrent plus tôt ou plus
20:54 tard, ou il réagit mieux à la sécheresse que le voisin.
20:58 - Là on touche du doigt, Francis, la difficulté d'avoir des forêts qui soient primaires,
21:03 ou enfin secondaires, tertiaires, ou je ne sais quoi.
21:05 Par exemple, quand on va dans les pays scandinaves, où on prend les graines d'un même arbre
21:10 et qu'on replante partout, on n'a qu'un seul individu quelque part.
21:13 Et donc évidemment, ça fragilise par rapport à tous les stress potentiels liés au réchauffement
21:17 climatique.
21:18 - Non, non, si on sème des graines, c'est pas le même individu.
21:22 - Non, mais l'individu ne convient pas pour les arbres.
21:25 - Pourquoi ? - Parce qu'ils sont divisibles.
21:26 - Mais quelque part, on a le même génome ?
21:30 - Non, non, non.
21:31 - Non, non ?
21:32 - Non.
21:33 - En précis, nous, alors ?
21:34 - Dans une famille, les enfants n'ont pas tous le même génome.
21:36 - Mais par contre, ils viennent tous du même lieu, aussi.
21:38 Ils ont la même capacité, je dirais.
21:41 Et donc si on replante les graines d'un même arbre un petit peu partout, on n'a aucune
21:48 diversité et donc beaucoup plus de fragilité.
21:50 - Mais si, mais si.
21:51 - Je pense que ce que veut dire Rémi, c'est que quand on fait de la sélection de variétés
21:58 ou de sélection d'individus, on a peut-être des familles, des groupes d'arbres qui sont
22:05 beaucoup plus proches génétiquement les uns des autres que dans la diversité naturelle.
22:09 Et effectivement, en ça, on se rapproche...
22:12 Enfin, plus on est diversifié, plus il y a une chance qu'il y en ait un qui tire son
22:16 épingle du jeu face à un problème.
22:18 Et effectivement, l'homme, il a sélectionné des arbres en fonction de leur aptitude à
22:22 bien croître, à faire des fibres de bois bien linéaires.
22:25 Et on n'a pas sélectionné des arbres pour réagir au changement du climat ou pour encaisser
22:31 des arrivées massives de certains...
22:33 - Parasites, ou voilà.
22:34 - De certains sectes ou parasites.
22:36 Et donc effectivement, dans les forêts primaires ou dans les forêts naturelles, on laisse
22:40 la part à la nature pour faire le tri elle-même, plutôt que de choisir nous qui on considère
22:46 comme étant aptes et peut-être à tort.
22:47 - J'ai une autre question concernant la maçane.
22:50 Qu'est-ce qu'il y avait comme grande faune au départ ? Est-ce qu'on le sait, ça ?
22:55 - Non, ça, on n'a pas d'éléments.
22:57 On sait que...
22:58 Donc on a eu le sapin pectiné en association avec l'hyphéleutre jusqu'au début de notre
23:05 siècle antérieur.
23:06 Et le sapin pectiné a disparu.
23:08 Alors il a disparu de manière concomitante sur le pourtour méditerranéen.
23:11 Donc on ne sait pas si c'est un événement climatique ou peut-être la faune de l'emprise
23:15 romaine qui régulait beaucoup plus la coupe de sapin pectiné.
23:19 Donc c'est peut-être plus une histoire humaine qu'une histoire climatique.
23:22 - Et qu'est-ce qu'on a de la faune ?
23:23 - De la faune, on n'a pas d'éléments archéologiques.
23:28 - On ne trouve pas de...
23:29 - Non, on a des vestiges de charbon.
23:31 Les squelettes, non, on n'a rien.
23:33 Donc on ne sait pas ce qu'il y avait au départ.
23:35 - Non, on sait que...
23:37 Alors Pyrénées, ça vient de Pyrrhos parce qu'il y avait déjà du brûlage dirigé
23:41 pour installer, à l'époque grecque, du pâturage et du pastoralisme.
23:46 Mais je ne peux pas vous remonter avant.
23:49 - Marc-André, tu as repris la question.
23:55 Vas-y, on t'écoute.
23:56 - Oui, parce que je ne vous entendais plus à un moment.
23:58 Donc oui, il y a quand même une chose qu'il faut voir, c'est que la gestion humaine est
24:03 souvent liée à des goulots, des goulets d'étranglement génétique.
24:11 Parce que quand vous...
24:13 On ne travaille pas sur une régénération acquise la plupart du temps.
24:16 On coupe les arbres, on laisse quelques semenciers.
24:19 Voire, on coupe tous les arbres et on replante des arbres qui viennent d'une pépinière.
24:23 Donc quand on n'a qu'une seule mer...
24:26 Bon, le pollen, il vient de partout, mais si on laisse un pied ou deux de chêne ou
24:31 de hêtre pour ressemer la parcelle, ils ont tous la même mer.
24:34 Et puis si on vient slenter des choses d'une pépinière, souvent, il y a une certaine
24:38 homogénéité génétique.
24:39 Et ça, c'est vraiment important parce que dans les forêts, le nombre d'individus, qu'ils
24:42 soient gérés ou pas, il est le même.
24:44 Mais leur homogénéité génétique n'est pas la même.
24:46 Et donc la résilience du système, comme disait Elodie, avec l'idée que plus il y a de diversité,
24:50 plus il y a de chances d'avoir des individus adaptés aux changements, notamment aux changements
24:53 climatiques, moins leur résilience est grande.
24:56 Cela dit, je ne voudrais pas avoir l'air de dire qu'une forêt primaire est une forêt
25:01 sans homme.
25:02 Dans le projet de Francis, par exemple, mais Francis pourra nous le confirmer, il y a cette
25:06 perspective d'avoir une forêt...
25:08 Vous m'entendez toujours ? Oui ?
25:11 Il y a la perspective d'avoir une forêt où l'homme peut aller voir.
25:18 Et c'est important de se dire qu'il n'y a plus de forêts primaires au sens strict, il
25:23 y a simplement des forêts moins entrepisées.
25:26 Et ça a une conséquence importante.
25:30 Ça veut dire que si jamais cette forêt brûle, moi je pense en 88, par exemple, quand la
25:34 forêt de Yellowstone a brûlé, on l'a laissé brûler au début, parce que le feu fait partie
25:40 de la dynamique spontanée.
25:41 Puis à un moment, quand 30% ont eu brûlé, on s'est dit, oui, mais OK, mais on va perdre
25:46 notre forêt primaire et on n'a pas forcément beaucoup d'autres, donc les pompiers se sont
25:49 mis en action.
25:50 Et ça, c'est une vraie question.
25:52 Si jamais la forêt primaire qu'on a conservée se met à brûler, qu'est-ce qu'on va faire ?
25:55 On se dit, ça fait partie de son cycle ? C'est problématique.
26:00 Je ne sais pas ce que Francis en pense, d'ailleurs.
26:01 Mais mon idée à moi, c'est qu'une forêt primaire doit se voir comme une forêt où
26:04 l'homme intervient de façon minimale.
26:06 C'est important parce qu'il y a ce rêve d'une forêt primaire au sens vierge.
26:12 Et sans cesse, ça ne existe pas.
26:13 Même la forêt amazonienne, les travaux de Rostin, par exemple, admirables, les douze
26:18 travaux d'Hercule dans l'Amazonie, vous montrent très bien que c'est une forêt qui a été
26:20 jardinée longtemps par l'homme, mais jardinée vertueusement.
26:23 Et donc, ce qu'on veut, c'est une présence de l'homme qui accompagne les dynamiques naturelles
26:27 et qui ne s'y substitue pas de façon grossière et maladroite.
26:30 Francis, une réaction par rapport à l'intervention de Marc-André ?
26:36 On craint beaucoup les feux pour ce projet.
26:39 C'est d'ailleurs pourquoi on a abandonné l'idée de s'installer dans le midi.
26:44 Moi, ça m'aurait bien plu, mais ce n'est pas la peine de rajouter en plus des problèmes
26:48 de feu.
26:49 Il va falloir prévoir des pare-feux.
26:52 Des pare-feux, classiquement, ce sont des vastes étendues, 100 m de large, par exemple,
26:57 où il n'y a rien qui pousse.
26:58 On s'arrange pour qu'il n'y ait même pas un brin d'herbe.
27:01 Ça ne me paraît pas très bon.
27:03 Nous, on a une autre idée qu'on veut mettre en œuvre.
27:05 C'est de donner ce pare-feu à des maraîchers.
27:09 C'est pour eux.
27:11 Ils vont faire du maraîchage là-dessus.
27:13 Je crois que le feu ne passera pas.
27:16 Oui, c'est une belle option.
27:19 Le feu dans la Massane, ça peut être aussi un gros problème.
27:24 Il y a eu des feux récemment, parce qu'on est en milieu méditerranéen.
27:27 En milieu méditerranéen, on est exposé à une repousse naturelle, une régénération
27:32 du chêne qui fait qu'on a des grandes unités, des grands massifs homogènes de chêne vert
27:38 qui ont repoussé après la déprise agricole.
27:40 Donc, on a des massifs extrêmement uniformes et qui sont susceptibles au feu.
27:45 Ensuite, parfois, je suis un peu provocatrice parce que je ne sais pas comment répondre
27:52 à la question.
27:53 Dans le fond, quand je dis que la meilleure façon qu'une bufferée ne brûle pas, c'est
27:58 de la couper.
27:59 Il n'y a aucune garantie qu'elle ne brûle pas.
28:02 Mais la forêt de la Massane, évidemment, on me dit que le cubage de bois de la Massane
28:10 est d'autant plus sujet au feu.
28:13 Et pas forcément.
28:14 Parce que tout le bois mort que vous voyez au sol, ce sont des vraies éponges gorgées
28:17 d'eau.
28:18 Et donc, tous les mètres cubes de bois ne sont pas équivalents.
28:21 La haîtré présente la particularité de ne pas être très sujette au feu par rapport
28:26 aux forêts méditerranéennes.
28:27 C'est le premier atout.
28:28 Et puis, tout ce bois mort et gorgé d'eau, ce sont des éponges d'eau.
28:31 Donc, ce n'est pas forcément un danger supplémentaire face au feu.
28:36 - Marc-André, tu confirmes qu'évidemment, s'il y a des sols qui sont déjà gorgés
28:43 d'eau parce qu'il y a toute la biodiversité, évidemment, tout ça, ce sont des remparts
28:47 pour éviter des feux qui couvrent pendant très longtemps.
28:50 - Et puis, surtout, le bois au sol, c'est un bois qui subit essentiellement, au moins
28:56 quand il y a des feuillus, une pourriture que l'on dit blanche où les champignons
29:00 attaquent la mine.
29:01 Ça donne ces bois que vous connaissez sans doute, qui sont fibreux et blancs et mous.
29:05 Il ne reste que la cellulose qui représente plus de 60% du volume du bois.
29:10 Et cette cellulose est hydrophile.
29:12 Donc effectivement, là, en ce moment, je suis en Normandie, dans une très belle forêt,
29:16 mais il faudrait gérer la forêt de Bélême.
29:18 Et dans cette forêt, on voit très, très bien que, alors qu'il n'y a pas trop, trop
29:23 de pluie ces derniers temps, le bois humide en pourriture blanche, le retrait de la lignine
29:29 qui empêche l'eau de rentrer permet au contraire d'avoir un reste purement cellulosique qui
29:34 est gorgé d'eau.
29:35 Quand on écrase le bois, il y a de l'eau qui sort.
29:37 Il faut se débarrasser de cette idée que cet aspect de l'absence de gestion favorise
29:42 le feu.
29:43 C'est vrai qu'il y a plus de broussailles, il y a plus de continuité verticale que si
29:47 on retire tous les buissons dans une forêt primaire.
29:51 Tous les étages sont peuplés.
29:53 Mais néanmoins, et ça c'est vrai que pour le feu, ce n'est pas génial, mais néanmoins,
29:55 au sol, on a des réserves d'eau.
29:57 Et voilà, l'idée, c'est que c'est surtout les pare-feu, à mon avis, qui sont une chose
30:05 importante si on veut effectivement préserver ce bien à tout prix.
30:08 - Marc-André G2, question pour toi.
30:13 D'abord, pourquoi tu n'es pas venu ?
30:16 - Une bonne question.
30:17 - Je suis au champignon à Bélaine, une grosse réunion de temps de Nicolas.
30:23 - Chacun a une autre chose.
30:24 Réellement, on aimerait beaucoup mieux que tu sois avec nous, ça c'est clair.
30:27 Et puis, une autre question.
30:31 Je cherche depuis longtemps des exemples de forêts primaires, où que ce soit dans le
30:36 monde, qui auraient brûlé.
30:38 Et c'est très difficile.
30:40 Et une vraie raison à ça, c'est ces bois au sol qui sont gorgés d'eau.
30:46 Si jamais tu trouves un exemple de forêt primaire ayant brûlé, ça m'intéresse.
30:51 C'est ça ma question.
30:53 - Je ne connais pas bien l'histoire de Yellowstone.
30:54 Je suis désolé, les cloches se mènent de la partie là.
30:57 Je ne connais pas bien l'histoire de Yellowstone, mais je me demande si ce n'est pas un exemple
31:01 de forêt ancienne.
31:02 En tout cas, ce qui est certain, c'est que le problème risque de se poser à cause du
31:08 changement climatique.
31:09 Si on exclut la discussion qu'on a là, de toute façon, le changement climatique menace
31:13 des forêts, même très au nord.
31:15 Et ça, ça veut dire qu'indépendamment de la politique de conservation, il faut vraiment
31:19 qu'on ait plus globalement une politique de prévention par rapport au climat.
31:24 Ça, c'est un autre problème, mais c'est un problème qui commence à venir vraiment,
31:27 vraiment très urgent.
31:28 - On l'a perdu.
31:33 Non, c'est bon.
31:36 - Je suis là, mais je vous épargne les cloches.
31:40 - Francis, ce matin avec Eric, vous évoquiez les deux sites potentiels pour la forêt primaire.
31:51 Ces deux sites qui ont des caractéristiques aussi relativement différentes, ce qui donne
31:56 aussi un intérêt d'ailleurs.
31:58 Mais justement, qu'est-ce qui va vraiment les caractériser au niveau de la gestion
32:01 ou du programme ? Est-ce qu'il y a des différenciations que vous allez mettre en place ?
32:04 - Ça ne se ressemble pas du tout.
32:08 Le relief est différent.
32:10 La flore, il y a des choses communes aux deux, mais il y a aussi des belles différences.
32:15 Moi, personnellement, les deux sites me conviennent.
32:18 Et dans l'un comme dans l'autre, nous avons constaté qu'il y avait des zones où notre
32:24 projet pourrait se dérouler sans problème.
32:26 Donc voilà, il faut maintenant faire un choix.
32:30 Je dois dire que le projet du ministre Béchus de prendre tout ça, il est bien gentil, mais
32:37 lui, il a du personnel.
32:38 Nous, on est une petite association et malgré tout, on ne peut pas se disperser.
32:43 Je pense qu'il vaut mieux commencer petit et être sûr que ça marche.
32:48 En tout cas, c'est ma proposition.
32:52 - Je crois qu'on n'a pas évoqué ce matin l'âge de ces forêts qui ont été identifiées.
32:56 Je crois qu'on ne l'a pas dit.
32:58 Parce que l'idée est quand même de ne pas commencer à zéro, mais de commencer peut-être
33:01 d'avoir 50, 100 ans d'avance.
33:02 - On a évoqué 1000 ans ce matin, mais c'est à partir d'un sol nu.
33:06 On ne va pas commencer.
33:07 - Donc à Charleville-Mézières ou dans les Ardennes, on est dans des forêts qui ont...
33:11 - 200 ans les plus grands.
33:12 - 200 ans.
33:13 - Donc ça fait tout de même un an.
33:14 - On a quand même gagné deux siècles.
33:16 Et justement, Marc-André, au niveau des sols, est-ce que toi, tu peux déjà dire, tiens,
33:23 cet endroit-là va être vraiment le plus intéressant ou l'un des plus intéressants
33:28 pour que justement cette forêt primaire reprenne pied ou continue, je dirais, à se développer?
33:33 - Alors j'espère que...
33:35 Je suis désolé, il y a un concert de cloche, 14h24.
33:38 Je ne sais pas à quoi ça correspond dans la liturgie, mais visiblement, c'est un moment
33:42 important.
33:43 Je suis vraiment désolé.
33:44 Si vous m'entendez, j'aimerais vous dire que...
33:46 Bon, déjà, on part avec un acquis.
33:47 Quand on a une forêt à 200 ans, dans le sol, on a une certaine diversité.
33:51 D'accord?
33:52 Et c'est vrai qu'il y a des bouleversements réguliers liés à l'exploitation, notamment
33:55 aux coupes à blanc, qui sont une vraie destruction, parce que la logique, qui est que le sol est
34:00 nourri par les apports de carbone des racines, notamment aux champignons qui vivent en symbiose
34:05 avec les racines, cette logique, elle est perturbée.
34:09 Mais néanmoins, il y a une certaine résilience et on ne part pas de zéro.
34:11 Ça, c'est important, parce qu'il y a quand même un héritage.
34:15 Et c'est un héritage, il faut le dire quand même en positif pour les forestiers, c'est
34:19 un héritage d'une perturbation relativement minime, mais ça n'a rien à voir avec la
34:24 perturbation des sols agricoles.
34:25 C'est une perturbation, il y a des tas de choses qui ont disparu, on en est d'accord,
34:30 mais on part avec un acquis.
34:31 Cela dit, sur les sols européens, les forêts européennes, j'aimerais dire quelque chose,
34:36 c'est des sols qui sont quand même un peu moins riches que les sols agricoles et qui
34:38 ont été approuvrés au Moyen-Âge.
34:40 Ça, on le dit peu, mais il y a une preuve de ça, c'est que le mot qui désigne les
34:44 feuilles mortes, comme le mot qui désigne ce qu'on met sous les animaux dans les écuries
34:50 ou dans les étables, c'est le même, c'est la litière.
34:53 Et ça, ça vient du fait qu'on a longtemps utilisé les feuilles mortes pour mettre sous
34:57 les animaux.
34:58 D'ailleurs, on a aussi nourri les animaux avec des feuilles, des branches qu'on abattait
35:02 en été dans la forêt.
35:03 Il y avait souvent du paquage, comme dans la maçane.
35:05 Et ça, ça a beaucoup appauvri les forêts, parce que ça a soustrait beaucoup de matière.
35:09 Donc nos forêts, aujourd'hui, leurs sols sont des sols appauvris.
35:13 J'espère que vous m'entendez parce que moi, je ne m'entends pas.
35:16 C'est tout à fait clair, Marc-André.
35:18 C'est tout à fait passionnant.
35:20 On l'a perdu.
35:24 Et c'est fini.
35:25 OK, merci beaucoup.
35:26 Merci beaucoup.
35:27 On n'entend plus les cloches.
35:28 Oui, justement, là, on va peut-être revenir à Bialowieża et à la maçane, justement.
35:35 Donc là, il y a peut-être quelques centaines d'années d'écart entre ces deux forêts.
35:40 Il va falloir encore quelques centaines d'années pour que la maçane ressemble à Bialowieża.
35:46 Il y a une énorme différence.
35:48 Je prends le cas de la forêt polonaise.
35:51 Il y a des quantités de scientifiques, très nombreuses, mais des centaines par moment.
35:57 Il reste six mois, un an, deux ans.
36:00 Il y a une très grosse différence.
36:02 C'est que quand ils sont arrivés là, la forêt primaire existait déjà.
36:04 Alors ils se contentent de l'étudier, ce qui est déjà très bien.
36:08 Mais dans notre projet, l'intérêt, c'est qu'on va voir la mise en place de la forêt
36:13 primaire à partir d'une forêt secondaire.
36:16 Et ça, pour l'instant, on a très peu de données.
36:19 Donc, ça va être, sur le plan scientifique, un défi très important.
36:24 Tout à fait, enthousiasmant.
36:25 Complètement.
36:26 Et à la maçane, justement, le projet de Francis est important, justement, parce que
36:31 justement, ça va être un exemple d'aller voir plus loin pour plus longtemps.
36:34 La maçane a toujours porté haut les couleurs des vieilles forêts, a toujours essayé de
36:41 faire passer au public, comme à vous qui êtes là aujourd'hui, l'idée que ces vieilles
36:47 forêts sont importantes.
36:48 Et finalement, on a un gros problème, c'est que le mot forêt désigne tout et n'importe
36:55 quoi.
36:56 Le mot forêt, c'est la forêt des Landes dans laquelle j'ai grandi, des pins alignés.
37:00 - On ne parle pas des forêts.
37:01 - Oui, mais on se balade dans la forêt.
37:02 J'étais petite, on allait en forêt.
37:04 Et alors, on devrait appeler ça un champ d'arbres, je suis d'accord.
37:07 Une prairie et un champ, ce n'est pas la même chose.
37:09 Et une plantation d'arbres et une forêt, ce n'est pas la même chose.
37:12 Mais malheureusement, tout ça rentre dans le même fourre-tout et on finit par ne même
37:16 plus savoir à quoi ressemble une véritable forêt naturelle.
37:20 Donc, ça, c'est le message qu'a toujours diffusé la maçane et qu'on comprenne à
37:24 quel point la biodiversité est pénalisée quand on se retrouve dans une forêt où
37:28 on retire les vieux arbres et le bois mort.
37:30 Et moi, on est déjà heureux du simple fait que vous ayez eu ce projet et qu'il soit
37:36 entendu.
37:37 Ça, c'est déjà fabuleux.
37:40 Que le projet puisse être écouté.
37:42 Et je ne suis pas sûre qu'il y a une décennie ou deux, on vous aurait pris au sérieux.
37:46 Et le simple fait qu'on puisse déjà ouvrir des portes et qu'on puisse vous entendre
37:52 et aussi qu'on puisse proposer aux nouvelles générations une réponse.
37:55 Parce que le constat, maintenant, tout le monde est à peu près unanime.
37:58 Et on dit, et après, oui, et on fait quoi ? Et donc maintenant, quoi ? Et parce qu'effectivement,
38:03 même le grand public, moi-même, si on me dit, je fais une extension de ma maison,
38:06 bah oui, alors je vais la faire en bois parce que c'est plus écolo, parce que c'est
38:09 plus respectueux, parce que je stocke du scarbonne.
38:11 Mais avec quel bois ? D'où ? Est-ce que ça ne pénalise pas les forêts ? Et à côté
38:15 de ça, on me dit qu'il faut protéger les forêts.
38:17 C'est vraiment un discours schizophrène dans lequel on ne sait pas se positionner.
38:20 Donc, effectivement, il faut des magnifiques projets comme celui-là qui sanctuarisent.
38:24 Alors attention, le mot "sanctuariser", évidemment, ça veut… qui sanctuarise,
38:28 en tout cas, la non-exploitation forestière, mais qui laisse un accès respectueux de l'évolution
38:35 de la forêt.
38:36 Et à côté de ça, d'autres modes de vie avec la forêt.
38:40 Et justement, parce que, Élodie, tu gères une réserve naturelle, c'est bien ça.
38:45 Parce qu'il y a aussi les statuts.
38:47 Je pense que c'est aussi important d'un parc national, par exemple, on sait que c'est
38:51 un taux de protection, on va dire, qu'on peut modifier.
38:53 Mais même les réserves naturelles n'ont pas forcément, dans leur décret de création,
38:57 la non-exploitation forestière.
38:59 Voilà, donc ce n'est pas inscrit.
39:00 Non.
39:01 Donc justement, la forêt de ton projet, Francis, de votre projet, il aura quel statut ?
39:06 Juridique.
39:07 Oui, parce qu'il faut bien lui en donner un.
39:12 Oui, mais ça, je ne pense pas que les juristes puissent répondre parce qu'ils n'ont pas
39:15 l'habitude de travailler sur le si long terme.
39:17 Oui, oui.
39:18 Il va falloir sans doute inventer des outils juridiques nouveaux.
39:23 Ça passe aussi, Parlain ?
39:25 Oui, oui, oui.
39:27 N'est-ce pas ?
39:28 Bien sûr.
39:29 M. Fabre, tout à fait.
39:30 Tout à fait.
39:31 Ça fait vraiment partie des questions.
39:34 Bien sûr, bien sûr.
39:35 Donc trouver un statut à cette forêt.
39:37 Oui, vas-y, Francis.
39:39 Je voudrais insister un peu sur un point qu'a évoqué Elodie.
39:45 Une plantation d'arbres, ce n'est pas une forêt.
39:47 Ça me choque beaucoup quand on parle de forêt des Landes, puisque tous ces arbres-là
39:52 ont été plantés, ou dans le Morvan, et le plateau des Millevaches, etc.
39:57 Ce n'est pas des forêts.
39:59 D'ailleurs, c'est tout à fait évident que ce n'en est pas, puisque c'est une seule
40:03 espèce.
40:04 Et en plus d'être une seule espèce, c'est un seul âge d'individu.
40:10 Ils ont tous le même âge.
40:11 Oui, une seule génération.
40:12 Vous remarquez qu'on les met déjà dans des conditions épouvantables, puisqu'ils
40:16 ont besoin de la même ressource.
40:17 Donc on les met en compétition maximale dès le début.
40:21 Sans soutien des adultes.
40:23 Le conservateur de la Massane dit que c'est comme si on mettait tous les enfants de 4
40:26 ans dans une cour de récréation, on les laisse tout seuls, on s'en va, et on revient
40:29 dans 30 ans pour voir comment ils ont grandi.
40:30 Il n'y a aucun adulte.
40:31 Il n'y a personne qui est là pour les aider.
40:32 Il faut parler des autres, c'est intéressant.
40:33 Oui, mais il n'y a aucun adulte qui apporte des ressources.
40:36 Il n'y a aucun nombre apporté.
40:38 Il n'y a rien.
40:39 Marc-André, que tu veux compléter ?
40:41 Ça, c'est vraiment important, parce que la logique de la forêt de Tempéré, c'est
40:46 la logique de l'entraide des adultes vers les jeunes.
40:49 Moi, je ne fais pas des réseaux mycorhiziens comme certains qui parlent de l'amour entre
40:52 les arbres ou d'Ouadouéb.
40:55 Ce que je sais, c'est que les forêts tropicales sont hyper diverses, parce que, pour la raison
41:00 suivante, quand un individu d'une espèce germe, il attire plus de maladies que de microbes
41:06 favorables dans le sol, et donc les petits ne germent pas autour.
41:09 Donc, même s'il y a une autre espèce qui utilise la même niche écologique, elle peut
41:13 s'installer.
41:15 Et donc, on obtient des forêts hyper diverses, parce que, dès qu'une espèce est là, elle
41:19 fait de la place pour les autres.
41:20 En forêt tempérée, nous avons des forêts qui sont peu diversifiées.
41:26 Il y a des hectares.
41:27 À Borneo, on a 650 espèces de plantes.
41:29 C'est des records.
41:30 On compte 450 espèces pour toutes les forêts d'Europe.
41:35 On a des forêts qui sont assez homogènes, avec des peuplements de même espèce.
41:40 Et ça, ça vient de la chose suivante, c'est que les arbres de nos forêts, ils récoltent,
41:45 ils ramènent plus de micro-organismes favorables dans le sol quand ils s'installent, que
41:49 de défavorables.
41:50 C'est notamment les fameux champignons mycorhiziens que moi j'ai étudiés.
41:52 Cep, amanite, russule, girole, trompette de la mort, truffe aussi.
41:59 Et donc, quand ils s'installent, les adultes, ils entretiennent des organismes qui vont
42:06 être utiles aux petits.
42:07 Notamment, ces champignons mycorhiziens, on sait très bien qu'ils grandissent dans
42:12 le sol et qu'ils vont s'associer aux racines de plantes voisines.
42:14 Donc, quand il y a une plante tulle, elle hérite des champignons entretenus par les
42:18 adultes.
42:19 Sauf si c'est une coupe à blanc.
42:20 Parce que là, évidemment, plus personne ne nourrit ces champignons, ils ne sont plus
42:23 là.
42:24 Donc, on a vraiment ce besoin d'entretoiser les générations.
42:27 Et je voudrais dire un mot important là, quelque chose qui est peut-être le plus important
42:31 de ce que je pourrais dire aujourd'hui.
42:32 Cette réserve, c'est une merveille d'un point de vue pédagogique, d'un point de
42:38 vue environnemental.
42:39 Il faut la faire.
42:40 Ou les faire si on en fait deux ou trois ou quinze.
42:42 Tant pis pour l'association, ça fera beaucoup entretenir.
42:45 Mais le problème, c'est aussi de trouver une attitude vertueuse dans notre gestion
42:50 des autres forêts, voire même des plantations.
42:52 Je veux dire par là que ces plantations, pour qu'on les fasse évoluer vers des vraies
42:55 forêts, comme on aussi les appellerait forêts.
42:58 Et ça, ça demande, petit, de savoir ce que c'est qu'une vraie forêt, c'est-à-dire
43:03 une forêt perturbée au minimum par l'homme.
43:06 Donc, l'expérience de Francis ou la Massan sont des outils absolument merveilleux pour
43:10 comprendre ça.
43:11 Et deuxièmement, il faut trouver cette foresterie qui mélange les espèces, ne fait pas des
43:17 peuplements "équiliennes", comme on les appelle, c'est-à-dire où tous les arbres
43:20 ont le même âge, mais mélange les différents âges et fait une exploitation où on exploite
43:24 les vieux, mais on laisse en mélange pousser des jeunes.
43:27 On met tous les âges en mélange, plein d'espèces en mélange.
43:29 Ça existe.
43:30 Ça s'appelle ProSilva.
43:32 La sylviculture ProSilva.
43:34 Moi, quand j'étais étudiant à l'école forestière, c'était un peu des doudingues,
43:39 mais intéressant.
43:40 Maintenant, on commence à voir que leurs forêts marchent, sont productives et plus
43:44 résilientes.
43:45 Donc, ce que je veux dire, c'est qu'il faut aussi qu'on jette ce qu'on apprend des forêts
43:49 primaires et des forêts peu perturbées vers une gestion plus vertueuse des forêts gérées.
43:54 Merci, Marc-André.
43:55 On va prendre quelques questions.
43:57 Merci beaucoup.
43:58 Il est bien Marc-André.
43:59 Il connaissait.
44:00 Ah oui, c'est vrai, il est venu à la maçonne.
44:01 Oui, on se connaît avec Elodie.
44:02 Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu, mais on se connaît.
44:08 Question.
44:09 Allez.
44:10 Mais on a de plus en plus de monde, il me semble.
44:15 Je n'ai pas vu tout le monde arriver, mais...
44:18 Voilà, à droite, là.
44:21 Oui, allez-y.
44:22 Une question pour Marc-André, peut-être pour tout le monde.
44:26 Marc-André, tu es là, excuse-moi.
44:28 Est-ce qu'il est possible, souhaitable, de peut-être prendre des échantillons de sol
44:34 dans une forêt en pleine santé, en plein potentiel écologique, une forêt primaire,
44:38 et de ensemencer d'autres sols pour accélérer, on va dire, la succession écologique ?
44:45 Marc-André, tu as entendu la question de Tariq ?
44:48 Oui, c'est une question intéressante, mais je pense qu'il faut plutôt penser les sols
44:53 comme des belles bois dormantes.
44:54 Excuse-moi, on n'a pas bien reçu.
44:55 Est-ce que tu peux répéter, s'il te plaît ?
44:58 Oui, il faut plutôt penser nos forêts et nos sols comme des belles bois dormantes.
45:04 C'est-à-dire que si on fait les bons gestes, eh bien, on va permettre aux espèces qui
45:08 sont un petit peu en souffrance, voire même à celles qui arrivent, de s'installer.
45:12 Moi, je ne suis pas pour les transplantations.
45:14 Par contre, et je ne suis tellement pas pour les transplantations que je n'aime pas du
45:17 tout l'idée des essences introduites d'autres continents.
45:19 Par contre, la migration assistée qui consiste à introduire des espèces venues de tout
45:23 à côté, là où les conditions climatiques actuelles ressemblent à celles qu'il va
45:26 y avoir ensuite, là où on les plante, c'est une bonne idée.
45:29 Mais moi, je suis pour la proximité et donc pas les introductions à distance parce qu'on
45:33 ne sait pas si ça va être adapté.
45:35 Et je pense que tout réside dans les gestes qui permettent aux sols de vivre.
45:39 L'inoculation, ce n'est pas si nécessaire.
45:42 Il faut juste les réveiller.
45:43 Les espèces sont encore là pour la plupart du temps.
45:46 Simplement, il va falloir avoir les gestes de gestion, c'est-à-dire pas de coups pas
45:49 blancs, par exemple, des peuples moins irréguliers et diversifiés en espèces.
45:53 Il va falloir avoir ces gestes-là surtout.
45:54 Merci Marc-André.
45:56 D'autres questions ? Oui, au milieu de la salle, monsieur.
46:02 Oui, bonjour.
46:03 Dans certaines actions de préservation de l'environnement, on nous demande parfois
46:06 de réouvrir des milieux fermés pour favoriser la biodiversité.
46:10 Et ça paraît contraire à ce que vous disiez tout à l'heure sur le fait que dans les
46:15 milieux forestiers, la biodiversité est plus importante.
46:17 Qui veut répondre ? Élodie ?
46:21 Dans le cas de la Massane, on avait pris le parti de maintenir le pastoralisme sur les
46:31 crêtes qui sont au sommet de la réserve et qui sont des crêtes d'origine anthropique.
46:34 Ces sommets seraient colonisés par la forêt s'il n'y avait pas de pastoralisme extensif
46:41 qui existe depuis des siècles.
46:42 Et c'est une autre pente de biodiversité qui est maintenue par l'ouverture des milieux.
46:48 Donc, toute la biodiversité sur Terre n'existe pas dans les forêts.
46:54 C'est-à-dire que c'est une mosaïque de milieux qui permet la cohabitation de l'ensemble
46:59 des espèces que l'on est en mesure de connaître aujourd'hui.
47:03 Donc finalement, en laissant ces pelouses artificielles d'origine anthropique présentes
47:10 sur le haut des crêtes à la Massane, on favorise tout un pan de biodiversité associé
47:13 à ces milieux ouverts.
47:14 Mais ça, c'est la vraie question, enfin c'est une question qu'on se pose de quel
47:20 est l'état initial ? Quelle est la référence ? De quoi on veut se rapprocher ? La référence
47:25 est quoi ? C'est le pastoralisme qui existe depuis l'époque des Grecs et des Romains.
47:30 C'est avant que l'homme n'arrive avec des milieux qui étaient certainement ouverts
47:33 par des incendies mais qui n'avaient pas la récurrence à laquelle on les connaît
47:37 aujourd'hui et qui assurait cette mosaïque de milieux, en milieu méditerranéen, avec
47:43 des milieux complètement ouverts, des milieux moitié refermés, des forêts complètement
47:47 resserrées.
47:48 Je ne crois pas que ce soit antinomique avec le fait de dire qu'il y a énormément de
47:55 biodiversité en forêt, c'est juste un autre pan de biodiversité.
47:58 J'ai une vision un petit peu différente de ces choses-là.
48:02 On m'a fait souvent le reproche que vous allez comprendre tout de suite.
48:08 Une forêt, ça élimine les prairies avec des orchidées et des campanules et nous on
48:12 aime bien ça.
48:13 Alors il faut savoir que quand la grande faune européenne est complète, je prends l'exemple
48:19 de la Pologne là aussi, les grands animaux, ce ne sont pas des vaches mais là ce sont
48:24 des bisons, ils ouvrent des clairières.
48:28 Parce que ce sont des animaux forestiers dans la journée, mais ils n'aiment pas du tout
48:33 dormir sous des arbres.
48:35 Donc ils ouvrent des clairières et on a à nouveau, mais créé par la faune locale,
48:43 les petites plantes herbacées qu'on aime bien.
48:45 Donc il faut une biodiversité pleine et entière.
48:49 Et puis même sans eux, la forêt fait ses clairières elle-même.
48:54 Dans la forêt, dans la zone intégrale de Fontainebleau, on trouve ces clairières avec
48:58 des germinations d'érable, des fraisiers, des digitales, qui viennent dans les trouées
49:06 de lumière venues de l'écroulement des très grands individus.
49:09 Et donc la diversité forestière, ce n'est pas que la diversité de la forêt elle-même,
49:13 c'est aussi celle des clairières.
49:15 Et la forêt fait ses clairières.
49:17 C'est là où vous avez raison tous les deux.
49:19 Ce n'est pas une clairière.
49:22 Je suis d'accord.
49:24 Ce qui se passe, c'est qu'on n'a pas l'entretien par l'animal.
49:26 Mais on a quand même des ouvertures où il y a une autre végétation qui vient et
49:31 croyez-moi, mycologiquement aussi, une autre diversité.
49:35 Mais je suis d'accord, ce n'est pas des clairières au sens où on peut les espérer
49:40 quand elles sont entretenues.
49:41 Pour connaître la forêt de Piano Bécharz, je vais aller dans ce sens-là.
49:48 On a derrière une magnifique photo, je ne sais pas si c'est Pierre ou Jessica qui l'a prise.
49:52 Mais on est dans une eulenaie, on est dans une zone humide et c'est aussi évidemment
49:55 hyper important parce que l'eau arrive beaucoup plus au sol avec ce type d'arbre.
50:00 Et elle entretient toutes ces nappes en surface.
50:02 Le réseau hydrique est extrêmement important.
50:04 Donc du coup, il y a une mixité et c'est fondamental dans le projet de Francis,
50:08 de l'association.
50:09 C'est la mixité, c'est la variété, c'est la liberté.
50:12 Je voulais revenir un instant sur la forêt de Massane, qui est une haie très.
50:15 Moi, je viens de la forêt de Compiègne.
50:16 On a 40% d'êtres.
50:18 A Bialowiecza, il n'y a pas du tout d'êtres.
50:20 Donc ça donne aussi une idée des variantes de population.
50:23 Chez nous, les arbres, les grands êtres sont aujourd'hui récoltés pour motif d'épérissement
50:29 des houppiers.
50:30 Donc évidemment, perte de productivité par l'exploitant qui est en l'occurrence l'ONF.
50:35 Je suis très surpris et très étonné et très heureux de savoir qu'il y a des variétés
50:39 d'êtres méditerranéens.
50:40 Je ne sais pas si c'est une typologie qu'on peut leur donner, qui sont à priori plutôt
50:44 résistantes.
50:45 Est-ce que les services de développement de l'ONF, est-ce que Laurent, est-ce que d'autres
50:49 personnes font remonter de l'information ? Parce que chez nous, aujourd'hui, ils essayent
50:52 de planter du cèdre, ils essayent de planter tout ce qu'ils trouvent dans les pépinières,
50:57 mais sans aucune vision à moyen et encore évidemment moins à long terme de ce qu'est
51:02 une forêt.
51:03 Oui, alors ces tests d'essence qui pourraient être des essences qui sauveraient, je mets
51:10 des énormes guillemets, les forêts européennes face au changement du climat ne prennent que
51:15 très rarement en compte la richesse au sein de l'espèce, la richesse des variants qui
51:21 existent au sein de chaque espèce.
51:23 Et on lance des plantations d'écalyptus sur tout le gradient atlantique, là depuis
51:30 le Portugal jusqu'en Écosse, pour voir si l'écalyptus serait une essence d'avenir.
51:34 On sait que c'est une essence qui est idéale pour les feux d'ailleurs, ça c'est vraiment
51:37 un très bon choix.
51:38 Et ces écalyptus-là, ils doivent provenir d'une seule provenance, et on n'a absolument
51:45 pas à regarder la diversité.
51:47 Donc au-delà du fait que c'est questionnable dans l'absolu, parce que c'est souvent des
51:51 essences exotiques, il y a aussi le fait qu'effectivement on ne prend pas en compte les variations intra-espèces.
51:58 Alors pour ce qui est du être, en fait on n'a encore aucune preuve de...
52:06 La question c'est toujours le coût-bénéfice.
52:07 On va se retrouver face à des choix, on va devoir emprunter des pistes pour essayer
52:14 de trouver des solutions.
52:15 La question est de savoir si les solutions qu'on propose, elles ne sont pas plus apprenti-sorcier
52:20 que de laisser faire tout seul, et ça je n'ai pas la réponse.
52:22 Mais supposons qu'on trouve à la maçane certains individus qui ont un patrimoine génétique
52:29 qui leur permet de tolérer la sécheresse, et on pourrait être tenté de dire "ouah,
52:34 c'est l'avenir de toutes les traits européennes, on va les planter partout en Europe", mais
52:38 quel est leur historique de relation avec le sol ? Quel est leur historique de relation
52:43 avec les mycorhizes qui sont différentes ailleurs que celles de la maçane ? Quel
52:48 est leur historique de relation et leur co-évolution avec certains pathogènes ? On ne sait pas.
52:53 Donc on va prendre un critère comme étant celui qui va sauver le être en disant "c'est
52:57 la résistance à la sécheresse", mais par ailleurs on n'a aucune idée de si c'est
53:02 vraiment la population ou les individus qui vont tirer leur épingle du jeu dans les scénarios
53:09 qu'on projette.
53:10 - C'est un travail d'apprenti-sorcier.
53:12 - Oui, je trouve.
53:13 - Oui, Marc-André ?
53:14 - Si je peux me permettre, non seulement c'est du travail d'apprenti-sorcier ce qui se fait
53:20 en ce moment, mais c'est aussi du travail pour dévaster nos impôts.
53:26 Je m'explique.
53:27 Les tests que fait l'ONF sont tout à fait intéressants.
53:30 Mais vous trouverez en ligne et gratuit un livre, un mémoire qu'a fait la Société
53:35 Botanique de France sur son site sur les essences introduites.
53:38 Aujourd'hui, dans les régions, les essences qui sont subventionnées à la plantation,
53:44 attention, par vos impôts, c'est des listes d'espèces bien connues pour lesquelles les
53:50 CSRPN ont donné un avis consultatif, souvent négatif, mais on n'a pas écouté.
53:54 Donc, vos impôts servent à planter des espèces invasives comme le chêne rouge ou le tulipier
53:59 de Virginie que dans certaines régions d'Europe, on n'arrive même plus à enlever quand on
54:02 vient planter la forêt.
54:03 Et ça, ça va menacer les forêts primaires, on en aura reconstitué.
54:07 Donc, on plante des espèces invasives, des espèces qui amènent des maladies, des espèces
54:10 comme le disait Lely, qui ne sont pas adaptées au climat de demain.
54:12 On les plante en plus n'importe où, ce qui fait qu'elles ne sont pas adaptées au climat.
54:16 Les essences exotiques, c'est un drame pour la forêt française.
54:19 Il faut arrêter le Prunus serotina, qui est un invasif en forêt de Compiègne, par exemple.
54:25 C'est une bonne idée des forestiers de 1900.
54:28 Il faut arrêter avec les plantes introduites.
54:30 Il faut faire de la migration assistée, mais il faut la faire de façon maligne, c'est
54:33 vrai, et Lody a raison.
54:35 Mais on a des plantes qui ne sont pas très loin de chez nous, qui sont en continuité
54:38 territoriale et des provenances génétiques en continuité territoriale avec les nôtres
54:42 qui font qu'on peut pousser un peu vers le nord.
54:44 Mais il faut arrêter avec les essences exotiques et il faut arrêter d'utiliser nos impôts
54:49 à faire n'importe quoi, c'est-à-dire notamment avec le Calyptus, planter les incendies de
54:52 demain.
54:53 Merci Marc-André.
54:54 Je pense que c'est un beau mot de la fin pour cette session, ne pas faire n'importe
55:01 quoi avec nos impôts, c'est pas mal.
55:03 Merci beaucoup Lody, merci beaucoup Francis.

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