Il a défendu les militants du FLN, des étudiants en Mai 68, des militants de gauche dans les années 70. Avec Robert Badinter, ils ont lutté contre les idées du négationniste Robert Faurisson. Henri Leclerc, le président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, est l’invité de France Inter.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00Grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous avons l'honneur de recevoir une légende
00:04du barreau, grand avocat humaniste depuis ses tout premiers combats.
00:08Il a défendu les militants du FLN, des étudiants en mai 68, des militants de gauche dans les
00:13années 70, Robert Badinter, son compagnon de route notamment contre le négationniste
00:19Robert Faurisson.
00:20Il est le président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme.
00:23Vos questions, chers auditeurs, au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:29Maître Henri Leclerc, bonjour.
00:31Bonjour.
00:32Et bienvenue, nous avons beaucoup de questions à vous poser mais d'abord, vous êtes devenu
00:35une institution maître, vous avez maintenant une salle Henri Leclerc, d'où le conseil
00:40de l'ordre des avocats au barreau de Paris, il a été inauguré cette semaine.
00:44Oui, ben écoutez, c'est comme ça, j'ai été très ému, très ému que mes confrères
00:49et beaucoup plus jeunes que moi, que mes confrères beaucoup plus jeunes que moi essayent de voir
00:54ce qu'a été le parcours d'un avocat qui a été d'abord avocat et militant d'ailleurs
01:00en même temps et que l'ensemble des confrères dans le conseil de l'ordre donnent à leur
01:06salle de réunion mon nom était émouvant.
01:08Et quel parcours et quel combat ? Et en l'occurrence, vous avez formé, inspiré des générations
01:13d'avocats, on va en parler mais depuis plusieurs jours, un sujet que vous connaissez bien d'ailleurs
01:18et qui remonte à vos premières plaidoiries dans les universités, des facs françaises
01:26à Sciences Po Paris, à la Sorbonne, à l'école de journalisme de Lille, on a vu des blocages
01:31des étudiants qui manifestaient pour dénoncer les bombardements à Gaza, pour réclamer
01:35un cessez-le-feu.
01:36Quel regard portez-vous sur ce qui se passe en ce moment ? On a souvent entendu ces derniers
01:40jours la comparaison avec mai 68, comparaison n'est pas raison ?
01:44C'est-à-dire ? Non, parce qu'effectivement mai 68 c'est il y a 65 ans quelque chose
01:50comme ça et quand même ce qui se passe il y a 65 ans que j'ai vécu de très près
01:55est différent, certes il y avait le problème du Vietnam à l'époque et il y avait déjà
02:00eu des manifestations mais il est évident que la crise qui a démarré de l'université
02:07en particulier de l'université de Nanterre d'ailleurs et également de Paris, la crise
02:13a été très importante et cette histoire que j'ai vécue de très près est une histoire
02:18assez extraordinaire parce que je dirais qu'au début il y avait des manifestations pacifistes
02:23des étudiants, c'est après les affrontements à la police, cette incursion de la police
02:29dans la Sorbonne etc. qui a obligé les manifestations puis les violences de plus en plus grandes
02:35et puis des affrontements et puis surtout le mouvement social français, c'est-à-dire
02:41cette grève immense qui va secouer toute la France, qui montre bien qu'il y avait
02:46une crise, Pompidou rouvre la Sorbonne, après bon et puis la fin de mai 68 à la fin du
02:53mois de mai.
02:54Donc c'est très différent mais quel regard portez-vous sur ce qui se passe aujourd'hui
02:57dans ces établissements ?
02:58Mais c'est différent, c'est différent parce que là nous sommes en face de quoi ? D'un
03:02mouvement du cœur et ce qui se passe actuellement à Gaza est quelque chose qui bouleverse alors
03:10bien entendu personne ne conteste le fait que le 7 octobre est une horreur absolue,
03:15que c'est un acte barbare, les femmes, les enfants, les viols etc. c'est insupportable
03:20et la prise d'otages qui est insupportable.
03:23Mais en même temps ce qu'il se passe, la mesure de rétorsion, alors certes certains
03:28disent mais le 7 octobre c'était une rétorsion, alors c'est vrai, moi ça fait depuis plus
03:38de 60 ans que je me bats pour les droits des Palestiniens mais en même temps la réponse
03:44qui est donnée est quelque chose d'effroyable, c'est-à-dire ces populations civiles massacrées,
03:49ces pans de murs qu'on voit encore quelques fois qui représentent ces villes écrasées,
03:53ces gens qui se réfugient partout, cette aide alimentaire qui n'arrive pas.
03:57Nous avons actuellement un massacre, alors la cour pénale internationale a envisagé
04:04le fait qu'il y avait des menaces de génocide, bon on ne va pas faire du droit, ce qui se
04:11passe c'est terrible, alors est-ce que le chiffre donné par le Hamas de 40 000 morts
04:15est exact ? C'est vraisemblable, compte tenu de ce qu'on voit qui est devenu, il
04:21se passe là quelque chose d'horrible.
04:23Alors toujours la population étudiante a manifesté des élans du cœur et toujours
04:29pour ceux qui sont écrasés, rarement pour les autoritaires et ce qui s'est passé
04:36pour le Vietnam c'est vrai, dans les années 68-70, quand le napalm tombait, qu'il y
04:42avait cette petite fille qui écartait les bras toutes nues sur la route, il y a quand
04:47même un élan du cœur et là véritablement pour Gaza, c'est un élan du cœur mais
04:52en même temps c'est une position politique, c'est-à-dire que ce peuple a droit à quelque chose.
04:57Henri Leclerc, vous parliez de la police, la police qui est intervenue notamment à
05:01la Sorbonne aussi dans le cadre de ces manifestations pour Gaza, à Sciences Po aussi pour mettre
05:07fin au blocage, est-ce que c'est sa place à la police ? Parce que dans la déclaration
05:11des droits de l'homme, la police, article 12, elle est indispensable à la garantie
05:14des droits de l'homme, article 11, il y a aussi le droit à manifester.
05:17Non mais bien sûr, mais non mais attendez, c'est incontestable.
05:20La police est intervenue, elle avait fait une grande erreur en 68, grande erreur parce
05:26que c'est l'intervention de la police le 3 mai, je crois, le 3 mai, 3-4 mai, l'intervention
05:32de la police qui a déclenché la manifestation.
05:34Moi j'ai défendu les premiers arrêtés, le dimanche matin.
05:39Les premiers étudiants arrêtés.
05:40Et le lundi, j'allais à la Sorbonne pour au rectorat, pour défendre Daniel Khodbandit
05:47qui était poursuivi disciplinairement, il ne l'a pas été d'ailleurs et ils ont
05:51annoncé, complètement annoncé, mais j'arrivais à Paris, dans les rues de Paris, ça y était,
05:56ça sentait le gaz lacrymogène, c'était la bataille, elle était partie, il libérait
06:00nos camarades, etc.
06:01Donc l'intervention de la police, on ne dit pas trop qu'il y a eu des heurts violents.
06:07Non.
06:08Non, alors voilà, c'est-à-dire que c'est là qu'est le problème, à partir du moment
06:12où il y a un affrontement entre la police et les étudiants, c'est un fait historique
06:16et constant, c'est là que les choses dégénèrent.
06:19Mais un mot quand même Henri Leclerc, parce que certains voient dans ces mouvements d'étudiants
06:23pas simplement le cri du cœur d'une génération qui est interpellée par ce qui se passe
06:28à Gaza, mais en l'occurrence on entendait Hugo Michron, chercheur spécialiste de l'islamisme,
06:33hier dire qu'il s'agissait de l'instrumentalisation d'un bastion de la démocratie, ces lieux
06:38universitaires et Sciences Po Paris en particulier, il y a ceux qui voient aussi une forme d'antisémitisme
06:45ou un antisémitisme qui s'affirme dans ces mouvements, comment est-ce que vous, où
06:50est-ce que vous mettez le curseur ?
06:51Bon, d'abord je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait ça.
06:54Alors l'antisémitisme c'est pour moi un combat depuis mon enfance je dirais.
06:59L'antisémitisme j'ai toujours considéré que c'était une horreur absolue et je me
07:05battrai jusqu'au bout pour combattre tout antisémitisme.
07:10Certes, la Ligue des droits de l'homme a été fondée en 1898 pendant le procès
07:15d'Alfred Bréfus et a été fondée réunissant un certain nombre d'acteurs, mais il faisait
07:20un manifeste dans lequel il traitait l'antisémitisme de grande folie.
07:25Et il est évident que l'antisémitisme est une tendance absolument effrayante, mais
07:34je ne crois pas du tout que l'antisémitisme domine actuellement en France.
07:39C'est pas ça.
07:40Certes, il y a des antisémites, il y en a toujours eu, peut-être sont-ils un peu plus
07:43nombreux aujourd'hui, peut-être ont-ils d'autres fondements que ceux de l'antisémitisme
07:48d'autrefois, mais je crois qu'ils sont très minoritaires.
07:51Je ne crois pas actuellement que nous ayons affaire à un mouvement antisémite, en tout
07:56cas je peux le dire, si j'en sens les manifestations, je les combattrai de toutes mes forces.
08:02Henri Leclerc, la députée LFI Mathilde Panot et la candidate LFI aux européennes Rima
08:06Hassan ont été entendues mardi par la police judiciaire dans le cadre d'une enquête
08:10pour apologie du terrorisme.
08:12On se rappelle qu'elles n'avaient pas voulu qualifier de terroristes le mouvement
08:15islamiste Hamas.
08:16Elles sont mises en cause pour leurs produits.
08:19Pourquoi c'est ridicule ?
08:20Parce que d'abord le terme de terroriste est un terme qui a une définition juridique,
08:25certes, mais enfin on sait ce que c'est.
08:27Alors, vous savez, je me rappelle d'une fois où quelqu'un de droite m'a demandé
08:34de défendre la cause arménienne, enfin du moins un militant qui était poursuivi
08:39pour un acte terroriste fait pour demander à la Turquie de reconnaître le génocide
08:46arménien.
08:47Et comme je m'étonnais que cet homme de droite défende, il m'a dit oui mais cette
08:50fois-ci la cause est juste.
08:51Malheureusement le terrorisme c'est souvent ce qu'on reproche à l'adversaire.
08:56Rappelez-vous que quand même la Manouchion qui vient d'entrer au Panthéon a été qualifiée
09:03de terroriste sur une affiche, la libération par la terreur, et donc on ne peut pas considérer
09:12que Manouchan soit un terroriste, ça c'est la première chose.
09:14Donc c'est ridicule de convoquer ces deux élus ?
09:16Mais ce qui est ridicule c'est de les convoquer aujourd'hui, oui, ça je crois vraiment
09:21profondément que c'est ridicule, pourquoi ? D'abord parce que c'est une manœuvre
09:26policière, c'est-à-dire que certes il y a des injonctions judiciaires pour le diriger
09:31mais c'est des gens qui sont convoqués à la police, entendus par la police.
09:37On sait que les questions qu'on leur pose sont des questions très approfondies sur
09:41leur religion, sur leurs idées politiques, etc.
09:46Or l'apologie du terrorisme ça ne peut pas être une atteinte absolue à la liberté
09:52d'expression et tout de même tout le monde est juge de qualifier des actes commis à
09:59l'étranger, etc.
10:01Certes ils peuvent considérer que c'est...
10:04Mais elle est encadrée la liberté d'expression maintenant, c'est clair.
10:07Non mais justement, oui.
10:08Et vous le savez mieux que personne puisque vous avez défendu le repère banataire.
10:11Elle est très encadrée par l'amiral article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme
10:14mais également l'article 10 de la Convention européenne et je rappelle que sur ce sujet
10:19la Cour européenne, dont on aura peut-être à reparler tout à l'heure, a une position
10:23extrêmement claire, extrêmement nette depuis 1972 avec une formule qu'elle reprend
10:29partout et elle dit que la liberté d'expression n'est pas faite seulement pour les idées
10:34et les informations qui sont inoffensives ou même accueillies avec ferveur mais aussi
10:42pour ces idées, ces informations qui heurtent, choquent et inquiètent une partie de la population.
10:49Ainsi, dit la Cour européenne, le vol, la tolérance, l'ouverture de la société,
10:58le pluralisme, éléments nécessaires à toute société démocratique.
11:04Donc elles ont fait usage de la liberté d'expression.
11:05Et je crois que c'est très important, c'est-à-dire qu'à partir du moment où même il y a une
11:09idée qui heurte, qui choque un certain nombre de gens, il faut la laisser s'exprimer.
11:14Bon, certes, attention, pas les appels à la haine, pas les actes racistes, oui, mais
11:21lorsqu'il s'agit de qualifier un acte commis à l'étranger, je crois qu'il y a une grande
11:26liberté d'expression.
11:27Et ce qu'il y a de grave, c'est la condamnation de ce syndicaliste du Nord à ce sujet.
11:33Bon, Panot, tout ça, ça passera à mon avis, on n'en parlera plus dans quelques temps.
11:38Mais je trouve que l'utilisation...
11:40Je rappelle que sur ce sujet, la Cour européenne a condamné la France pour la condamnation
11:47de Jean-Marc Rouillant, qui était un des leaders d'Action Directe et qui avait dit
11:52que les assassins de janvier 2015, les assassins de Charlie Hebdo, avaient été courageux.
12:01Et il a été condamné.
12:03Mais la Cour européenne dit « vous l'avez condamné à de la prison ». Elle dit « c'est
12:07pas possible de condamner à de la prison », même avec sursis, la prison.
12:11Et votre loi sur ce sujet n'est pas bonne.
12:14Et elle a condamné la France.
12:15Parce que l'apologie, c'est quand même une expression.
12:19Alors, c'est vrai que ça élargit.
12:22C'est la présentation sous un jour favorable.
12:24Alors effectivement, présenter sous un jour favorable les horreurs du Hamas du 7 octobre
12:30peut être choquant.
12:31Mais en même temps, c'est une idée qui est une idée qui choque.
12:34C'est pas une idée de haine.
12:36Et je trouve que véritablement, je ne comprends pas la position qu'a pris le gouvernement
12:41français sur ce sujet.
12:42Quelle est la différence entre une idée qui choque et une idée de haine ?
12:46L'idée qui choque n'est pas forcément une idée de haine.
12:49C'est-à-dire considérer par exemple que certains actes de guerre, considérer effectivement
12:55que certains actes de… Je rappelle quelque chose.
12:58La résistance à l'oppression est un des quatre droits imprescriptibles et naturels
13:04et imprescriptibles de l'homme que définit l'article 2 de la déclaration des droits
13:08de l'homme.
13:09La résistance à l'oppression.
13:10Et donc effectivement, il y a plusieurs façons de voir la résistance à l'oppression.
13:14Est-ce qu'il y a une oppression ? Est-ce qu'il n'y a pas d'oppression ? Est-ce
13:17qu'il faut une résistance ? Pour moi, il y a une répression.
13:19Il y a une oppression.
13:20Et donc…
13:21De la part de l'émancipation.
13:22Alors que le discours de haine, c'est effectivement le discours antisémite.
13:26Ça, le discours antisémite ou le discours anti-musulman sont des choses absolument intolérables.
13:31Comment expliquer, maître Henri Leclerc, que de plus en plus nombreux sont les hommes
13:36politiques qui mettent en cause justement les cours de juridiction supérieurs à la
13:42juridiction française ?
13:44La Cour européenne des droits de l'homme, par exemple, mais même, en France, le Conseil
13:47constitutionnel ou le Conseil d'État.
13:49Oui, le Conseil constitutionnel qui a…
13:51Vous y voyez une attaque à l'État de droit ?
13:53Oui, mais je rappelle que le Conseil constitutionnel a annulé une grande partie de la loi sur
13:59l'immigration qui avait été proposée par le gouvernement à la fin de l'année
14:032023.
14:04Et le Conseil constitutionnel, le gouvernement dit « mais on le savait, on l'avait fait
14:08exprès ».
14:09C'est aberrant.
14:10C'est aberrant qu'on mette des choses…
14:12Le Conseil constitutionnel est là pour rappeler les principes fondamentaux.
14:16Bon, et quant à la Cour européenne des droits de l'homme, qui a été fondée par la France,
14:21par un certain nombre, dans le cadre du Conseil de l'Europe, qui n'est pas tout à fait
14:23l'Union européenne.
14:24Il y a 46, 50 même peut-être maintenant, États qui y adhèrent.
14:28C'est quelque chose d'extraordinaire dans l'histoire du monde.
14:33C'est une juridiction qui a des pouvoirs de principe.
14:37Elle n'a pas de militaire, elle n'a pas de police pour exécuter ses décisions.
14:42Mais en même temps, la Cour européenne des droits de l'homme donne des principes qui
14:46sont les principes fondamentaux d'un certain nombre de démocraties.
14:50Elle rappelle qu'il y a des principes fondamentaux et que les États, qui ne sont pas forcément
14:55des États fascistes, des adversaires même de la démocratie, mais que les États peuvent
15:01être condamnés et qu'ils sont obligés de respecter les décisions qui ont été
15:06rendues.
15:07Or, la décision rouillante dont je vous parlais tout à l'heure par exemple, est une décision
15:11qui s'impose.
15:12Je rappelle par exemple que la Cour européenne, après tant d'années, vient enfin de condamner
15:18les conditions dont la France a accueilli les harkis qui l'avaient servi pendant la
15:22guerre d'Algérie et qui ont été traités d'une façon abominable.
15:26Il y a eu des réparations, mais la Cour européenne des droits de l'homme a dit que ce n'étaient
15:30pas suffisantes ces réparations.
15:31Et ça, je trouve que cette idée d'une Cour européenne est une idée essentielle,
15:37qui fait que les États démocratiques même peuvent être, par le mouvement, par les
15:42circonstances, amenés à dépasser les principes.
15:45Je rappelle quelque chose.
15:46Robert Bannater avait une formule extraordinaire que je reprends à mon compte.
15:51Il disait « Le problème n'est pas de savoir si la France est le pays des droits de l'homme,
15:56ce qu'il y a de sûr, c'est que la France est le pays de la déclaration des droits
15:59de l'homme.
16:00» Et là, il y a vraiment un certain nombre de principes fondamentaux qui sont intégrés
16:04à notre constitution aujourd'hui, et il est important qu'il y ait même un regard
16:09extérieur pour le faire.
16:10Maître Henri Leclerc, Reporters sans frontières publie aujourd'hui son classement annuel
16:14pour la liberté de la presse.
16:15Celui qu'on vient de voir aujourd'hui est terrible.
16:17Pourquoi il est terrible ?
16:18Parce qu'il y a le nombre de journalistes qui sont poursuivis dans le monde est absolument
16:23considérable et que la position de la France n'est pas considérée comme absolument
16:28exemplaire comme elle devrait l'être.
16:31Et il y a les journalistes environnement qui sont particulièrement visés.
16:35Ça me révolte complètement, parce que si on ne peut plus orienter la recherche du
16:44progrès, nous sommes dans une société démocratique et la société démocratique, elle ne doit
16:48pas seulement être pluraliste, tolérante, comme le dit la Délégo européenne, mais
16:54la société démocratique, elle doit aussi viser le progrès, c'est évident.
16:57La société démocratique, chaque fois qu'elle se replie sur elle-même, dérape les tentations
17:03d'autorité, etc.
17:05Et donc, je trouve qu'avoir un regard qui est un regard paresseux et même qui est un
17:16regard critiquable sur tout ce qui peut être dit sur le climat aujourd'hui, sur l'évolution
17:24en ce domaine, me paraît regrettable.
17:27Vous êtes inquiet pour la démocratie française et l'État de droit aujourd'hui, maître
17:31Henri Leclerc ?
17:32Je suis moyennement inquiet, je suis inquiet pour deux raisons.
17:36La première, c'est le comportement actuel sur tous ces sujets dont je parlais, et pas
17:41seulement parce qu'il n'y a pas que les droits politiques et civiques, il y a aussi les droits
17:44économiques et sociaux, ce qui s'est passé au niveau des retraites, sur la démocratie,
17:52la loi c'est la volonté générale.
17:53On ne peut pas dire qu'au moment des retraites, ça a été la volonté générale, ce qui
17:58se passe sur le chômage, ce qui se passe sur le logement.
18:00Tout cela, c'est un peu inquiétant, mais il y a pire, il y a les menaces, et les menaces
18:08effectivement d'un dérapage autoritaire, d'un dérapage vers des partis et des idées,
18:20qui sont des idées qui me paraissent contraires justement à la démocratie.
18:24Exemple ?
18:25Par exemple, la façon dont on considère ce que doit être le traitement des étrangers
18:31qui viennent en France, y compris des réfugiés, de ceux qui fuient des régimes abominables.
18:36Et là, la conception d'extrême droite est une conception critiquable.
18:41Ce qui m'inquiète un peu, c'est quelquefois, non seulement qu'ils ont réussi à conquérir
18:47une partie de l'opinion publique, peut-être des votes, ça on en est encore au niveau
18:51des sondages, mais que la vieille droite républicaine semble un peu déraper vers cela.
18:58Bonjour Cécile !
18:59Bonjour !
19:00Et bienvenue sur France Inter, vous avez une question pour Maître Leclerc ?
19:03Oui, bonjour Maître Leclerc, je vous remercie de prendre ma question.
19:08Bonjour mon frère, je suis avocate, je voulais d'abord vous dire que je suis une grande
19:14admiratrice de votre carrière et de vos combats, que je vous écoute toujours avec beaucoup
19:19d'attention.
19:20Je vous ai écouté ce matin, je suis évidemment tout à fait d'accord avec vous sur les dérives
19:26actuelles, autoritaires, par contre je vous ai entendu dire que selon vous il n'y avait
19:33pas de questions aujourd'hui particulières sur l'antisémitisme, et là je me sens obligée
19:39de réagir parce que, en réalité, c'est la première fois de ma vie que je suis confrontée.
19:44J'ai plus de 40 ans, je suis avocate, on va dire, une avocate de gauche, engagée sur
19:50la question du droit des étrangers, l'antisémitisme pour moi ce n'était pas du tout une question
19:55et ça l'est malheureusement depuis maintenant un petit moment.
19:58Mes enfants y sont aussi confrontés, donc voilà, j'ai du mal à entendre qu'aujourd'hui
20:05ça ne serait pas une vraie question, une vraie problématique, il y a malheureusement
20:12une explosion des actes antisémites et je suis peinée de vous entendre expliquer que
20:18ce n'est pas une réalité alors que j'en ai une malheureusement.
20:22Merci Cécile, votre réponse Mme Réveillère ?
20:25Oui, je pense effectivement qu'il y a des actes antisémites, ça c'est sûr, nous
20:32savons le nombre d'actes antisémites qui sont relevés par la commission de contrôle
20:37raciste de la CNCDH sont absolument essentiels, la commission consultative des droits de l'homme.
20:43Ce sont des actes, il n'y a pas actuellement de politique antisémite, il n'y a pas me
20:50semble-t-il un grand mouvement antisémite, il y a des actes antisémites, ils doivent
20:55être effectivement non seulement réprouvés mais donner lieu à des condamnations.
20:59Mais ce n'est pas évident à entendre ce que vous dites M.
21:01Henri Leclerc, c'est vrai que vous, vous avez connu le moment où vous avez vu débarquer
21:06vos copains à l'école quand vous étiez enfant avec une étoile jaune, vous avez combattu
21:11Robert Faurisson quand le négationnisme était une expression qui pouvait être audible
21:17et prononcée dans les stages publics, vous avez défendu Robert Badinter, donc vous avez
21:22l'air de relativiser ce qui se passe aujourd'hui.
21:24Non, je ne relativise pas, je trouve qu'il ne faut pas au contraire l'amplifier, je crois
21:32que l'opinion publique n'est pas antisémite, alors qu'en Allemagne l'opinion publique
21:37est antisémite, voire la France de Vichy, vous savez la grande exposition qu'il y avait
21:42eu à Paris et un certain nombre de choses, certes il y a eu en France des justes qui
21:47ont caché des juifs heureusement, mais il y a eu aussi un certain silence sur cette
21:53horreur.
21:54Moi j'ai connu, c'est vrai, à l'école les enfants avec l'étoile jaune et c'est mes
21:57parents qui m'ont appris à ce moment-là qu'il fallait combattre l'antisémitisme et donc
22:02j'ai été, j'ai fini par rejoindre la Ligue des droits de l'Homme et en être président
22:07alors que c'était, elle a été fondée sur le grand moment d'antisémitisme.
22:13Qui a été l'affaire Dreyfus.
22:14Qui a été l'antisémitisme, l'antidreyfus, l'antisémitisme de l'armée par exemple à
22:18ce moment-là.
22:19Bon donc, mais l'adhésion à ce moment-là à la Ligue des droits de l'Homme a été considérable
22:25et le nombre de gens qui ont décidé de combattre l'antisémitisme était important.
22:30Certes, il y a eu la bascule affroyable de la Shoah, oh effroyable, dans l'histoire du
22:36monde ça reste une blessure terrible.
22:39Je crois qu'aujourd'hui nous avons des actes antisémites, il faut les combattre, les combattre
22:46fortement.
22:47Je ne crois pas qu'il y ait une bascule antisémite qui soit dans les théories de même de gens
22:53qui sollicitent le pouvoir, enfin il n'y a pas de partis politiques qui se disent antisémites.
22:58Certes, nous avons eu il y a 20 ans les propos de Jean-Marie Le Pen qui étaient inquiétants,
23:04je ne les entends plus prononcer aujourd'hui.
23:06Maître Leclerc, j'ai une question sur la violence des jeunes.
23:08Vous savez qu'on a vu une série de violences extrêmement graves avec des jeunes qui ont
23:13été tués, y compris par leurs camarades, on parle de Shem Sedin, on parle de Matisse.
23:17Gabriel Attal démarre aujourd'hui des concertations avec les syndicats.
23:21Est-ce qu'il faut changer la loi en la matière et notamment est-ce qu'il faut ouvrir, comme
23:25l'a dit le Premier ministre, le débat sur l'excuse de minorité ?
23:28Alors je n'ai pas à ce sujet moi-là de statistiques officielles.
23:33J'ai trouvé sur internet par hasard un journal de 1900 dans lequel le procureur général
23:40de Paris se plaignait de ce que les jeunes soient de plus en plus délinquants, de plus
23:46en plus jeunes et que ce soit de plus en plus violent.
23:48En 1900 ?
23:49En 1900.
23:50Et depuis ça n'a jamais cessé.
23:52Nous avons une législation concernant les mineurs.
23:55Elle n'est pas parfaite, elle est bonne.
23:58Elle a progressé.
23:59Il y a bien de progrès à faire encore.
24:01Mais je dis qu'aujourd'hui je n'ai pas de statistiques officielles sur ce qui se passe.
24:07Et vous savez par exemple que les mouvements d'opinion sont très fort.
24:11Je ne crois pas qu'il y ait hélas beaucoup plus de viols qu'il y en avait autrefois.
24:19Alors ces violences des jeunes, je ne sais pas, en tout cas je ne pense pas qu'il faille
24:27à n'importe quel moment diminuer, par exemple, l'excuse possible de minorité.