Fruit d’une enquête menée sur trois continents, une plongée édifiante dans les arcanes complexes de l’économie du médicament, mise à mal par la course aux profits des laboratoires.
Anti-inflammatoires injectables, anticoagulants, anti-infectieux, anticancéreux et même boules de coton font défaut. Comme de nombreuses autres en France, la pharmacie de l’hôpital de Rennes est en permanence sur le fil. Ces deux dernières décennies, les pénuries de médicaments et de produits sanitaires ont été multipliées par vingt en Europe. Tous les laboratoires ou presque étant concernés, les praticiens et les établissements de santé sont contraints de jongler avec les contingentements pour pallier les insuffisances. Certains doivent même se résoudre à prioriser les patients dans l’accès aux traitements, selon des barèmes établis par les agences de santé. Aux Pays-Bas, des pharmacies hospitalières se sont résignées à fabriquer elles-mêmes les molécules dont elles manquent cruellement, tandis que l’arrêt de la distribution de stylos injecteurs d’adrénaline en Espagne, pourtant fabriqués sur le territoire, a obligé les autorités de santé ibériques à ruser pour en importer…
Lobbying et délocalisations
Mises en lumière dernièrement par la pandémie de Covid-19, au début de laquelle l’absence de masques, de surblouses jetables ou de paracétamol s’est avérée criante, les pénuries de produits pharmaceutiques et sanitaires ont des causes multiples. Au-delà de la recherche de profits des grands acteurs du secteur, qui privilégient les molécules innovantes et délaissent les anciennes, moins lucratives, l’enquête de Xavier Deleu (Cannabis : quand le deal est légal, Plus vite, plus haut, plus dopés) et de la journaliste indépendante Rozenn Le Saint pointe le lobbying mené par les labos auprès des gouvernements et des autorités sanitaires pour conforter leurs marges, mais aussi les délocalisations de leurs usines dans des pays à bas coût de production, comme la Chine et l’Inde, où les exigences environnementales sont moindres. Menée sur les continents européen, asiatique et américain, et solidement documentée, cette plongée dans les arcanes de l’économie du médicament recueille la parole, poignante, de patients et de leurs proches, mais aussi de médecins et de spécialistes de la santé, qui ouvrent des pistes pour remédier à ces logiques dommageables pour la vie de millions de malades.
Documentaire de Xavier Deleu (France, 2021, 1h30mn)
Anti-inflammatoires injectables, anticoagulants, anti-infectieux, anticancéreux et même boules de coton font défaut. Comme de nombreuses autres en France, la pharmacie de l’hôpital de Rennes est en permanence sur le fil. Ces deux dernières décennies, les pénuries de médicaments et de produits sanitaires ont été multipliées par vingt en Europe. Tous les laboratoires ou presque étant concernés, les praticiens et les établissements de santé sont contraints de jongler avec les contingentements pour pallier les insuffisances. Certains doivent même se résoudre à prioriser les patients dans l’accès aux traitements, selon des barèmes établis par les agences de santé. Aux Pays-Bas, des pharmacies hospitalières se sont résignées à fabriquer elles-mêmes les molécules dont elles manquent cruellement, tandis que l’arrêt de la distribution de stylos injecteurs d’adrénaline en Espagne, pourtant fabriqués sur le territoire, a obligé les autorités de santé ibériques à ruser pour en importer…
Lobbying et délocalisations
Mises en lumière dernièrement par la pandémie de Covid-19, au début de laquelle l’absence de masques, de surblouses jetables ou de paracétamol s’est avérée criante, les pénuries de produits pharmaceutiques et sanitaires ont des causes multiples. Au-delà de la recherche de profits des grands acteurs du secteur, qui privilégient les molécules innovantes et délaissent les anciennes, moins lucratives, l’enquête de Xavier Deleu (Cannabis : quand le deal est légal, Plus vite, plus haut, plus dopés) et de la journaliste indépendante Rozenn Le Saint pointe le lobbying mené par les labos auprès des gouvernements et des autorités sanitaires pour conforter leurs marges, mais aussi les délocalisations de leurs usines dans des pays à bas coût de production, comme la Chine et l’Inde, où les exigences environnementales sont moindres. Menée sur les continents européen, asiatique et américain, et solidement documentée, cette plongée dans les arcanes de l’économie du médicament recueille la parole, poignante, de patients et de leurs proches, mais aussi de médecins et de spécialistes de la santé, qui ouvrent des pistes pour remédier à ces logiques dommageables pour la vie de millions de malades.
Documentaire de Xavier Deleu (France, 2021, 1h30mn)
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00:00:00La crise du Covid nous a fait redécouvrir un mot et une réalité oubliée.
00:00:30La pénurie.
00:00:35Cette difficulté, on la croyait réservée au passé, aux guerres.
00:00:52Mais aujourd'hui, des médicaments sont en rupture de stock, même dans les pays riches.
00:00:59Nous soyons honnêtes et un peu cyniques.
00:01:01Par le passé, ce problème concernait principalement l'Europe du Sud ou de l'Est.
00:01:05Maintenant, il touche même les États les plus riches de l'Union Européenne.
00:01:09C'est la raison pour laquelle cette question a gagné en apportions.
00:01:13Pourquoi l'industrie pharmaceutique, qui pèse 1000 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel, ne parvient-elle pas à répondre à la demande ?
00:01:22Vous devrez faire face à des ruptures de stock si vous payez des prix trop bas.
00:01:26Et ce n'est pas moi qui décide tout seul, ce sont aussi les gouvernements.
00:01:30Dans les bras de fer, entre l'industrie pharmaceutique et les États, c'est toujours l'industrie pharmaceutique qui gagne.
00:01:35Des laboratoires abandonnent des médicaments anciens et moins rentables, même lorsque la vie des patients est en jeu.
00:01:43C'est vraiment malheureux que 1600 enfants soient morts à cause de la pénurie dans tout le pays.
00:01:51Le Viagra ne manque jamais. Il n'y a pas de pénurie de Viagra.
00:01:55Ça nous renseigne sur les priorités du marché.
00:01:58L'important, pour l'industrie pharmaceutique, ce sont les médicaments innovants.
00:02:03Mais ils sont tellement chers que les patients ne savent pas s'ils y auront besoin.
00:02:08Deux millions d'euros. Je me revois dire au docteur, surtout, utilisez-le jusqu'à la dernière goutte.
00:02:20J'ai hâte de l'avoir. J'irai mieux puisqu'il est révolutionnaire.
00:02:38C'est dans les pharmacies et les hôpitaux que la pénurie se fait le plus ressentir.
00:02:50Il faut plus de 3000 médicaments pour la vie des patients.
00:02:53Les médecins ne sont pas en mesure d'en faire plus.
00:02:56Les médecins ne sont pas en mesure d'en faire plus.
00:02:59Les médecins ne sont pas en mesure d'en faire plus.
00:03:02Les médecins ne sont pas en mesure d'en faire plus.
00:03:06Il faut plus de 3000 médicaments et 20 000 dispositifs médicaux pour faire fonctionner correctement un hôpital.
00:03:14La santé est un commerce international sans lequel il est impossible de bien soigner aujourd'hui.
00:03:23Cette mondialisation provoque des pénuries.
00:03:26En Europe, elles ont été multipliées par 20 en 20 ans.
00:03:31On est en rupture sur de nombreuses molécules, de nombreux médicaments.
00:03:35On a 69 ruptures en cours.
00:03:38Et depuis les 3 dernières semaines, on a eu 17 nouvelles ruptures à gérer.
00:03:44Si je prends un listing des molécules,
00:03:47aujourd'hui, on est en rupture sur des médicaments tout à fait classiques, des anti-inflammatoires injectables.
00:03:53L'aspergique 500 mg, on va être en rupture sur des médicaments anti-inflammatoires.
00:03:58On va être en rupture sur des médicaments anticoagulants, des héparines.
00:04:02On va être en rupture sur des médicaments anti-infectieux, de l'aciprofloxacine.
00:04:06On va être en rupture sur des médicaments anti-cancéreux, le méthotrexate.
00:04:11Tous les laboratoires sont concernés par les ruptures.
00:04:14J'ai le laboratoire Sanofi, le laboratoire Octapharma, le laboratoire Pfizer, le laboratoire Mylan,
00:04:19le laboratoire Fisher, le laboratoire Leofarma, le laboratoire Sandoz.
00:04:25On est vraiment la plupart du temps mis devant le fait accompli.
00:04:29Trouver des solutions aux pénuries est devenu une activité chronophage.
00:04:34Je viens de recevoir un appel du bloc de chirurgie vasculaire, ils n'ont plus de boules de coton.
00:04:38Je ne sais pas si vous avez fait une commande récemment.
00:04:40On devait recevoir la semaine dernière et on n'a aucune nouvelle du labo.
00:04:45Il faut qu'on arrive à les joindre et ils ne répondent pas.
00:04:49Oui, bonjour, c'est au sujet de la rupture ménésis.
00:04:53C'est un problème de production.
00:04:55D'accord, donc on n'a toujours pas de délai alors, si je comprends bien.
00:04:58On n'a toujours pas de délai, on a essayé plusieurs grossistes en Italie, on en a plusieurs, ils sont muets.
00:05:04Donc là, avec les quelques boîtes que vous allez avoir bientôt, vous pensez que vous allez pouvoir nous livrer ?
00:05:09Le nombre de boîtes, c'est vraiment dérisoire.
00:05:12D'accord.
00:05:13C'est l'ordre de 70 boîtes.
00:05:15Pour toute la France ?
00:05:16Oui, ils sentent bien que ce soit une rupture nationale.
00:05:19Merci beaucoup, au revoir.
00:05:20Merci, au revoir.
00:05:21Normalement, on a tout le temps en permanence de quoi couvrir trois semaines de consommation de l'hôpital.
00:05:27Normalement, c'est ça qui se passe.
00:05:29Et là, aujourd'hui, j'ai des produits sur lesquels je n'ai même pas dix jours de stock.
00:05:34Et ça, c'est les produits où on a de la chance.
00:05:36Il y en a où on n'en a plus du tout.
00:05:51Je vais vous présenter un produit qui est en pénurie depuis quelques années.
00:05:54C'est le BCG Medak.
00:05:56Ce médicament est indispensable pour traiter nos patients.
00:06:00C'est un médicament qui a vraiment des tensions d'approvisionnement importantes.
00:06:03Le terme, c'est un contingentement médical.
00:06:07Un contingentement médical, c'est lorsqu'un médicament en pénurie n'est donné comme malade prioritaire.
00:06:22Certains patients n'ont pas droit au traitement.
00:06:27Je souffre de tumeurs cancéreuses à la vessie.
00:06:30Des polypes cancéreux.
00:06:33Un urologue a révélé que c'est un traitement qui existe.
00:06:37C'est l'installation BCG.
00:06:39Mais, à ma grande surprise, l'urologue dit, de toute façon, vous ne pourrez pas l'avoir.
00:06:42Il n'est pas disponible.
00:06:45Depuis 2020, le laboratoire allemand Medak est le seul à vendre ce traitement en France.
00:06:52Mais il n'est pas en capacité de répondre à la demande des hôpitaux.
00:06:56Et aucun grand laboratoire ne s'intéresse à ce vieux médicament issu d'un vaccin inventé il y a plus d'un siècle.
00:07:03Le fameux BCG donné aux enfants contre la tuberculose.
00:07:15Comment un médicament qui est aussi ancien,
00:07:17comment sait-il qu'il ne soit pas produit en stock suffisant ?
00:07:22C'est d'autant plus rageant de savoir que ça fait plus d'un siècle qu'on l'a inventé.
00:07:25Dans les années 50, on vaccinait massivement les enfants avec le BCG,
00:07:29et puis là, il n'y en a plus.
00:07:31C'est difficile à comprendre.
00:07:35Après ma première opération, j'ai récidivé.
00:07:37Mon urologue m'a parlé d'un formulaire de deux mondes,
00:07:41à points, que nous avons complétés ensemble.
00:07:44Comme à l'école, un carnet de notes où on cumule des points,
00:07:48sans savoir de toute façon l'ombre de points suffisant
00:07:51qu'il faudrait éventuellement avoir pour pouvoir bénéficier du traitement.
00:07:56Comme c'est superficiel, je n'ai pas le maximum de points.
00:07:58C'est un haut grade.
00:08:00Donc ça fait 5 points.
00:08:03Ce n'est pas un stade trop profond.
00:08:07J'ai moins de 8 tumeurs.
00:08:09Les tumeurs ne sont pas plus grosses que 3 centimètres.
00:08:12Mais j'ai de la récidive, donc ça fait 2 points de plus.
00:08:14Ça fait 7.
00:08:15J'ai moins de 70 ans, donc je n'ai pas de points.
00:08:17Donc ça fait 7 sur 34.
00:08:19Je n'étais pas dans les barèmes suffisants.
00:08:22Le fait d'avoir des points, c'est un peu...
00:08:24C'est angoissant.
00:08:25On a l'impression personnellement de ne pas peser.
00:08:28Qu'est-ce qu'on vaut des points ?
00:08:29Mais j'espérais encore que le filet de sécurité,
00:08:32l'état de providence, la sécurité sociale,
00:08:35aient évité ce genre de problème.
00:08:40Ce n'est qu'après sa troisième opération
00:08:42qu'il a eu le droit au traitement.
00:08:48Sélectionner les patients selon l'urgence médicale
00:08:51est une pratique inspirée de la médecine de guerre.
00:08:57Le professeur Yann Neusiller n'a pas eu d'autre solution
00:09:00que de mettre en place cette priorisation des patients.
00:09:03Une première en France.
00:09:06C'est toujours difficile de devoir dire à un patient
00:09:09qu'il ne peut pas avoir accès à un traitement.
00:09:12Mais quitte à ce que cela survienne,
00:09:15il vaut mieux que ce soit pour des raisons médicales,
00:09:18pour pouvoir sélectionner.
00:09:21C'est vraiment un mot qu'il ne faut pas abuser.
00:09:24Trier, quelque part, les patients,
00:09:26au sens répartir en termes de gravité leur maladie.
00:09:30C'était surtout assurer une équité sur le territoire français
00:09:34de l'accès aux médicaments,
00:09:36pour ne pas que un patient qui habite dans une région moins médicalisée
00:09:40ait moins de chances d'avoir accès aux médicaments
00:09:43que quelqu'un qui habite une grande métropole.
00:09:45D'autre part, faire en sorte qu'il n'y ait aucune influence financière,
00:09:48qu'un patient qui soit prêt à débourser de l'argent
00:09:51pour avoir son médicament n'ait pas plus de chances.
00:09:54C'était totalement impossible à imaginer
00:09:56pour nous médecins d'un point de vue éthique.
00:09:59La pénurie de ce médicament a commencé il y a plus de dix ans.
00:10:05À l'époque, il est produit par Sanofi,
00:10:08numéro 3 mondial de l'industrie pharmaceutique.
00:10:12Sanofi a les capacités industrielles de le fabriquer en grande quantité
00:10:16dans une usine à Toronto.
00:10:20Mais en 2012, la production est interrompue.
00:10:25Dans cette lettre adressée à Sanofi,
00:10:27l'Agence américaine du médicament, la FDA,
00:10:30annonce avoir détecté des problèmes de contamination.
00:10:35Vous avez échoué à mettre en place
00:10:37un système adéquat de nettoyage et de désinfection
00:10:40des zones de traitement aseptiques et des équipements.
00:10:44Des oiseaux nicheurs ont été observés
00:10:46dans les grilles des unités de traitement de l'air.
00:10:50Sanofi remet son usine aux normes et l'activité redémarre.
00:10:55Mais en 2016, le groupe annonce l'abandon du produit,
00:10:59officiellement en raison de difficultés de production.
00:11:05Un prétexte étrange.
00:11:08Car d'après des documents internes que nous nous sommes procurés,
00:11:11l'équipe en charge de la production a tout mis en œuvre
00:11:14pour alimenter le marché.
00:11:19C'est incroyable de voir comment vous avez tous amélioré vos performances
00:11:22pour que l'immuciste redevienne disponible pour les patients.
00:11:28L'équipe BCG démarre bien l'année 2016.
00:11:30Nous montons en puissance pour doubler la production.
00:11:35Rendement record, augmentation spectaculaire de la performance.
00:11:41Mais Sanofi n'était pas prêt à investir davantage
00:11:44pour produire un vieux médicament peu rentable.
00:11:49Cette souche de BCG, pour eux, c'est une infime partie de leur chiffre d'affaires.
00:11:54Et donc, continuer de mettre de l'argent dans une usine qui produit la perte,
00:12:01ce n'était pas le souhait du siège monde de Sanofi.
00:12:04Et c'est au niveau du siège monde de Sanofi que la décision a été prise d'arrêter la production.
00:12:11En quittant un marché où sa présence est indispensable,
00:12:14Sanofi provoque la pénurie du traitement du cancer de la vessie.
00:12:23L'industrie pharmaceutique est une industrie à but lucratif,
00:12:27qui recherche le profit.
00:12:30Si une entreprise peut rediriger sa production vers quelque chose
00:12:34qui lui permet de gagner plus d'argent, elle le fera.
00:12:38Même si cela implique qu'un médicament important ne soit plus disponible.
00:12:46La rentabilité d'un médicament évolue avec le temps.
00:12:49Au départ, le médicament est protégé par un brevet.
00:12:54Un prix élevé est accordé au fabricant qui a le monopole des ventes pendant 10 ou 20 ans.
00:13:01C'est la période la plus rentable, celle où le prix et le volume des ventes sont au plus haut.
00:13:10Lorsque le brevet prend fin, il peut être copié sous la forme de générique.
00:13:17Il devient alors moins rentable sous l'effet de la baisse des prix et de la concurrence.
00:13:24Beaucoup de médicaments très courants, et depuis très longtemps,
00:13:28sont retirés du marché juste pour être réintroduits plus tard à un prix plus élevé.
00:13:34Ou bien parfois ils font même du chantage.
00:13:36Si vous ne voulez pas de pénurie, vous allez devoir payer plus cher.
00:13:45Les questions de rentabilité expliquent de nombreuses pénuries.
00:13:50Certains laboratoires n'hésitent pas à retirer du marché des produits vitaux lorsque les États baissent leur prix.
00:14:01Je m'appelle Sarah, j'ai 19 ans, je suis allergique depuis ma naissance.
00:14:07Je dois toujours avoir de l'adrénaline sur moi,
00:14:10parce que si je fais une réaction allergique très grave, qui se transforme en choc anaphylactique,
00:14:16je dois m'injecter de l'adrénaline tout de suite,
00:14:19sinon je risque de ne pas arriver à l'hôpital, de ne pas pouvoir respirer et de mourir.
00:14:31L'adrénaline est un produit connu depuis plus d'un siècle.
00:14:35Il se présente aujourd'hui sous la forme de stylos injecteurs, prêts à l'emploi.
00:14:40Les stylos sont fabriqués à Madrid, à 25 km de chez Sarah.
00:14:45Le laboratoire ALK en produit pour 500 000 clients dans le monde.
00:14:50Mais en 2017, il cesse de vendre ses injecteurs en Espagne.
00:14:55Il refuse une baisse des prix imposées par le gouvernement.
00:14:58Pour les patients, il devient difficile de se procurer le produit.
00:15:10C'est assez anxiogène pour moi,
00:15:14parce qu'il suffit que tu sors dîner avec des amis,
00:15:18et que quelqu'un ait mangé quelque chose, et il te touche,
00:15:23ça te provoque une réaction allergique.
00:15:27On ne peut jamais savoir.
00:15:30Alors, Sarah, tu te souviens de ta première réaction allergique ?
00:15:34Non, je ne m'en souviens pas.
00:15:38On a eu peur et on a couru à l'hôpital.
00:15:42Tu avais le visage rouge et gonflé, ton visage si petit et si gonflé.
00:15:47Quel frayeur, mon Dieu !
00:15:50À partir de là, le monde des allergiques est entré à la maison.
00:15:55Si je pouvais parler aux laboratoires,
00:15:59je leur dirais clairement qu'ils pourraient laisser le produit sur le marché
00:16:04et ne pas faire de chantage en laissant les gens sans médicaments.
00:16:10Ils peuvent certainement compenser cette perte de profit
00:16:14avec les autres produits pharmaceutiques qu'ils fabriquent.
00:16:18C'est ce qu'ils font.
00:16:20Voilà ce que je leur dirais. Ce n'est pas compliqué.
00:16:24C'est compliqué.
00:16:27Le siège du laboratoire est situé à 2500 km de l'usine de Madrid,
00:16:32au nord de Copenhague.
00:16:39Spécialisé dans le traitement des allergiques,
00:16:43il s'agit d'un laboratoire qui fait des tests
00:16:47Spécialisé dans le traitement des allergies,
00:16:51c'est le leader mondial de l'immunothérapie.
00:16:56Lorsque nous avons lancé le produit,
00:17:00il était à 34 euros en 2011 en Espagne.
00:17:04Ensuite, il y a eu plusieurs baisses de prix, jusqu'à 27 euros.
00:17:09Enfin, la dernière baisse de prix imposée en 2018
00:17:13l'a fait tomber à 24 euros.
00:17:16Et là, c'en était trop pour moi.
00:17:2024 euros, ce serait de loin le prix le plus bas d'Europe.
00:17:24C'est prendre le risque de tuer tout notre business,
00:17:28parce qu'en substance, le prix le plus bas
00:17:31deviendra à la fin le prix de tout le monde.
00:17:34Cela tuerait la vente de ce produit.
00:17:37C'est pour ça que j'ai dit
00:17:40« Désolé, cher gouvernement espagnol, c'est impossible pour nous d'accepter ça. »
00:17:43Le prix était déjà trop bas.
00:17:46Là, nous devons vous dire « Non, merci. »
00:17:51A Madrid, le laboratoire ALK continue de produire pour l'exportation,
00:17:56mais pas pour les patients espagnols.
00:18:00Le gouvernement est contraint d'importer de l'étranger
00:18:04des stylos d'adrénaline produits sur son propre sol.
00:18:08Le problème des pénuries est très très grave,
00:18:12car en fin de compte,
00:18:15la santé des consommateurs sert de monnaie d'échange
00:18:19quand il s'agit de fixer les prix.
00:18:22Cela montre à quel point la relation
00:18:25entre l'industrie pharmaceutique et les gouvernements
00:18:28est fragile et vulnérable.
00:18:30Je pense que si on veut vraiment s'attaquer
00:18:33aux problèmes des pénuries,
00:18:36il faut mettre en place des amendes,
00:18:39des sanctions ou des mesures dissuasives.
00:18:43Des sanctions qui tiennent compte du nombre de pénuries
00:18:47et de la gravité de chacune d'elles.
00:19:01L'affrontement entre l'État et le laboratoire danois
00:19:05aura duré trois ans.
00:19:09Et finalement, on s'est mis d'accord
00:19:12pour revenir à l'ancien prix de 27 euros,
00:19:15ce qui est déjà très très très bas.
00:19:18À ce prix, il est très difficile pour nous
00:19:21d'avoir du stock en Espagne,
00:19:24parce que nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir de pertes.
00:19:27Le prix est devenu tellement bas.
00:19:30Ils réduisent leur stock de sécurité
00:19:33parce qu'ils n'ont pas les moyens d'avoir la moindre perte.
00:19:36Et c'est cela qui entraîne des pénuries.
00:19:39Donc, de mon point de vue, je sais que je ne suis pas objectif,
00:19:42mais payer trop peu n'est jamais une très bonne affaire.
00:19:45Vous devrez faire face à des ruptures de stock
00:19:48si vous payez des prix trop bas.
00:19:51Et ce n'est pas moi qui décide tout seul,
00:19:54ce sont aussi les gouvernements.
00:19:57L'argument du coût toujours plus bas
00:20:00imposé par les Etats sur certains médicaments plus anciens,
00:20:04c'est l'argument classique de l'industrie pharmaceutique
00:20:07qui dit qu'on veut bien produire ces médicaments,
00:20:10mais qu'il faut nous donner plus d'argent.
00:20:13On entend ce discours qui revient comme une sorte de refrain.
00:20:16En fait, c'est un chantage.
00:20:19Il faut que les politiques publiques se basent
00:20:22sur les besoins de la population
00:20:24et sur le développement à des enjeux industriels et commerciaux des firmes.
00:20:27Donc, il faut prendre le problème par l'autre bout.
00:20:30C'est-à-dire, quels sont les médicaments dont nous avons besoin ?
00:20:33Comment on les produit ? A qui on confie la production ?
00:20:36Tout ça, ça doit être pensé.
00:20:40Les politiques peuvent-ils faire pression sur les laboratoires ?
00:20:46Jusqu'en février 2020,
00:20:49les questions sanitaires étaient quasiment absentes
00:20:51dans la région européenne.
00:20:56Il aura fallu la crise mondiale du Covid-19
00:20:59pour que les États prennent conscience
00:21:02qu'ils avaient perdu le contrôle de l'économie du médicament.
00:21:09C'est l'effet Corona.
00:21:12On réalise soudain qu'on est très dépendant
00:21:15d'importation de matières premières et de médicaments.
00:21:18Et que lorsqu'il y a un problème de transport,
00:21:21il y a soudain 100 médicaments et 100 vaccins.
00:21:28S'il y a un souci de pollution, un naufrage,
00:21:32nous nous retrouverons sans matières premières.
00:21:36C'est une discussion en cours au sein de l'Union européenne.
00:21:40Mais les problèmes existaient depuis longtemps.
00:21:46Les trois quarts des médicaments consommés en Europe
00:21:48dépendent d'une production en Asie.
00:21:52Notamment pour la matière première, le principe actif.
00:21:57Le principe actif, c'est la molécule qui soigne.
00:22:01Produite par des sous-traitants en Asie,
00:22:05elle est importée par les laboratoires en Europe,
00:22:10où elle est assemblée et conditionnée
00:22:13sous la forme de gélules, comprimés, sirops.
00:22:22C'est le cas du paracétamol,
00:22:25la molécule antidouleur la plus vendue au monde.
00:22:32On la retrouve dans le doliprane, le dafalgan,
00:22:35l'efferalgan, le perdolan,
00:22:39et aussi dans nos médicaments contre le rhume
00:22:42et contre les grippots.
00:22:56Jusqu'en 2008, c'est sur ce site chimique de Roussillon,
00:22:59dans l'Isère, qu'était produite la molécule
00:23:02la plus consommée par les Français.
00:23:08Le paracétamol produit à Roussillon est la seule unité en Europe.
00:23:12On ne peut pas laisser partir cet outil de travail à l'étranger.
00:23:17Depuis, les unités de production ont été transférées en Chine.
00:23:22Et 100% du paracétamol européen est désormais importé de Chine,
00:23:27d'Inde ou des Etats-Unis.
00:23:32A l'époque, 115 000 tonnes de paracétamol
00:23:35étaient consommées chaque année dans le monde.
00:23:38Il s'en vend 180 000 tonnes aujourd'hui.
00:23:41Pourquoi a-t-on délocalisé une production aussi prometteuse ?
00:23:48Les sous-traitants pharmaceutiques rejettent la faute sur les Etats.
00:23:54Le premier facteur, c'est tout simplement la pression sur les prix
00:23:58qui s'est exercée dans tous les pays européens,
00:24:01c'est-à-dire que, sur pression des organismes de sécurité sociale,
00:24:06on a tenu à ce que les médicaments soient de moins en moins chers.
00:24:10Donc, les entreprises qui fabriquaient ces médicaments
00:24:13et leurs fournisseurs ont dû baisser les coûts.
00:24:16La deuxième raison, ce sont les contraintes environnementales,
00:24:19et c'est bien normal, qui sont de plus en plus strictes en Europe
00:24:23et qui ont conduit des producteurs à préférer externaliser
00:24:27leur production dans des pays moins stricts
00:24:29plutôt que de continuer à fabriquer en Europe.
00:24:34Mais après le pic de la première vague,
00:24:36le président français se rend lui-même chez Sanofi
00:24:38pour demander la relocalisation du paracétamol.
00:24:44Le pays craint d'en manquer.
00:24:46L'Inde vient de suspendre ses exportations,
00:24:49préférant garder le médicament pour elle-même.
00:24:54Nous lancerons une initiative de relocalisation
00:24:58de certaines productions critiques.
00:25:00On pourra, par exemple, pleinement reproduire,
00:25:04conditionner et distribuer du paracétamol en France.
00:25:09Relocaliser, mais à quel prix ?
00:25:14Est-il encore temps d'inverser le sens de l'histoire ?
00:25:2830% des principes actifs du paracétamol consommé dans le monde
00:25:32proviennent d'Inde.
00:25:34En volume, c'est la 3e industrie pharmaceutique mondiale.
00:25:42Aujourd'hui, l'Inde fabrique de nombreux médicaments
00:25:46qu'on trouve dans nos armoires à pharmacie.
00:25:50Elle est le 1er producteur mondial de vaccins,
00:25:53de génériques et de pilules contraceptives.
00:26:04Comment est-elle devenue aussi indispensable ?
00:26:10Tapan Shah est conseiller juridique
00:26:13pour l'industrie pharmaceutique indienne.
00:26:17L'Inde est à la pointe en matière de réduction des coûts
00:26:21et de transfert de technologies.
00:26:24Au fil du temps, notre pays a développé une expertise
00:26:28dans la production de médicaments,
00:26:30aussi bien en termes de rentabilité que de qualité.
00:26:35Une qualité qui est conforme aux normes de l'AFDA américaine,
00:26:39de l'Agence européenne du médicament
00:26:42ou d'autres organismes de contrôle.
00:26:45Et compte tenu des économies d'échelle réalisées,
00:26:49de 15 à 20% pour chaque médicament,
00:26:52de grosses multinationales de pays développés
00:26:55installent maintenant leurs unités de fabrication sur le sol indien.
00:26:59Quels sont les laboratoires qui sous-traitent en Inde ou ailleurs en Asie ?
00:27:04Et pour quels médicaments ?
00:27:10Contactés, aucune de ces big pharma n'a voulu nous répondre,
00:27:14se réfugiant poliment derrière le secret des affaires.
00:27:21Conformément à notre politique générale,
00:27:24nous ne disposons pas de médicaments.
00:27:26Conformément à notre politique générale,
00:27:29nous ne divulguons pas les détails de nos sources
00:27:32pour des raisons de confidentialité commerciale.
00:27:36Ce refus trahit sans doute l'autre raison des délocalisations,
00:27:40les normes environnementales moins contraignantes en Inde.
00:27:47C'est ce que constate Mahesh Pandia, un ingénieur de l'environnement.
00:27:52En délocalisant la production des médicaments,
00:27:56l'industrie délocalise la pollution.
00:28:01La pollution numéro une est la pollution de l'air,
00:28:04car comme vous le voyez autour de moi, il y a beaucoup de cheminées d'usines.
00:28:08Elles produisent une fumée sale, noire,
00:28:11et les gens respirent directement cet air pollué
00:28:14et abîment leur système respiratoire.
00:28:22Ce qui l'inquiète aussi, ce sont les effluents,
00:28:26les eaux usées rejetées par les usines pharmaceutiques.
00:28:31Traitées par des stations d'épuration parfois hors d'âge ou désaffectées,
00:28:36elles se déversent dans les champs.
00:28:41Et aussi dans le fleuve Sabarmati, qui traverse l'état du Gujarat.
00:28:51Regardez ça avec l'œil de la caméra,
00:28:54comme la rivière Sabarmati est contaminée, gravement polluée.
00:29:02Il y a des principes actifs chimiques, des antibiotiques, des phénols,
00:29:06des métaux lourds dans cette eau.
00:29:13Tous ceux qui habitent le long de cette rivière
00:29:16sont obligés de boire cette eau.
00:29:19Il n'y a pas d'alternative.
00:29:22Et c'est pareil pour l'irrigation, les plantes, l'agriculture, l'élevage.
00:29:30Dans le lait animal, nous avons retrouvé des métaux lourds et des produits toxiques.
00:29:36Dans la lait.
00:29:43Les entreprises pharmaceutiques sauvent la vie des gens.
00:29:49Malheureusement, les mêmes entreprises ne traitent pas correctement leurs eaux usées.
00:29:55C'est un cercle vicieux.
00:29:58D'un côté, les médicaments sauvent des vies.
00:30:01Mais de l'autre, les rejets des usines de médicaments tuent, lentement.
00:30:11L'Union européenne, elle ne sait pas que ce fleuve est pollué ?
00:30:14Le Royaume-Uni, la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques,
00:30:18tout le monde sait.
00:30:20Ils ne veulent pas de pollution dans leur propre pays,
00:30:23mais ils permettent de polluer en Inde, en Chine, au Brésil et en Afrique du Sud.
00:30:39Pour exporter des médicaments en Europe ou aux Etats-Unis,
00:30:42notre industrie doit se conformer aux bonnes pratiques de fabrication.
00:30:46Malheureusement, ces bonnes pratiques ne prennent pas en compte les normes environnementales.
00:30:53Ainsi, la pollution de l'environnement par une usine en Inde
00:30:56n'est pas un problème pour les entreprises qui vendent ces médicaments aux Etats-Unis ou dans l'Union européenne.
00:31:05On a laissé nos usines partir vers des pays avec des normes environnementales moins contraignantes.
00:31:12Et ce n'est qu'une question de temps que leurs pays, leurs populations vont leur imposer les normes de l'Europe.
00:31:18Et quand ça arrivera, ils seront obligés d'arrêter leur production.
00:31:21Et derrière, il n'est pas certain que les entreprises reviennent en Europe
00:31:24une fois que les règles dans ces pays auront été durcies.
00:31:26Donc finalement, l'Europe aurait mieux fait d'accompagner les industriels en Europe
00:31:30à atteindre des normes environnementales plus strictes
00:31:33plutôt qu'à les laisser partir avec une probabilité de retour assez faible.
00:31:37Les seules normes contrôlées sont les normes de qualité du produit fini.
00:31:46Les médicaments exportés en Europe doivent respecter certains standards de production.
00:31:53Ce laboratoire d'analyse, le plus grand du pays, contrôle 16 000 échantillons chaque année.
00:32:00L'Agence indienne de contrôle des médicaments bloque l'exportation des produits non conformes.
00:32:05C'est une des principales causes de pénurie.
00:32:11Tous les types de tests imposés dans la pharmacopée sont effectués ici.
00:32:18On teste les comprimés, les capsules, les liquides, les gouttes, les sérums, les vaccins.
00:32:24Nous sommes les garants de la sécurité, de l'efficacité et de la pureté des produits pharmaceutiques.
00:32:33Chaque site de production est inspecté au moins une fois par an.
00:32:39Certaines inspections sont annoncées, d'autres sont des inspections surprises.
00:32:45Si une plainte nous parvient qui concerne la qualité,
00:32:48nous visitons l'usine sans l'avertir à l'avance.
00:32:57Cette usine produit du paracétamol, de l'ibuprofène, des antibiotiques.
00:33:08Cette usine n'a pas de locaux adéquats.
00:33:11Il y a des fissures sur les murs et les sols,
00:33:13on a trouvé des reptiles à l'intérieur.
00:33:17Le personnel technique n'est pas qualifié.
00:33:20Ils n'ont pas de laboratoire de contrôle qualité.
00:33:24Cette entreprise a reçu un préavis.
00:33:27Si elle ne respecte pas la remise aux normes dans les délais,
00:33:31elle sera fermée définitivement.
00:33:33Une usine fermée, ce sont des milliers de médicaments essentiels
00:33:37qui ne seront pas délivrés à l'autre bout du monde.
00:33:43En délocalisant, les laboratoires ont fragilisé la chaîne d'approvisionnement.
00:33:49Quelles sont les alternatives quand nos médicaments sont bloqués
00:33:53et qu'ils ne sont plus disponibles ?
00:33:56La question est simple.
00:33:59Quelles sont les alternatives quand nos médicaments sont bloqués
00:34:03à des milliers de kilomètres ?
00:34:12Aux Pays-Bas, une dizaine de pharmacies d'hôpitaux publics
00:34:16fabriquent les traitements qui manquent.
00:34:20La qualité est la même que celle des produits vendus par l'industrie.
00:34:25En ce moment, on teste la molécule du midazolam.
00:34:30Nous faisons un spectre infrarouge.
00:34:33Ces petites courbes-là,
00:34:36que nous comparons avec celles du midazolam dans la base de données.
00:34:44Vous voyez, cela correspond parfaitement.
00:34:47Maintenant, nous sommes certains que le pot contient du midazolam.
00:34:50Le midazolam est un sédatif qui a manqué dans le monde entier
00:34:54aux patients atteints du Covid-19.
00:34:57Il est fabriqué par seulement 7 usines,
00:35:00toutes situées en Inde.
00:35:04Cette pharmacie d'hôpital a augmenté sa production
00:35:08quand les stocks étaient au plus bas.
00:35:12On ajoute de l'eau dans le conteneur
00:35:15et ensuite les matières premières pesées.
00:35:17Le tout est mélangé et cela donne une solution.
00:35:22Puis, on effectue un contrôle.
00:35:25On prend des échantillons pour voir si le pH est bon,
00:35:29ce qui est fait par notre laboratoire.
00:35:32Si tout est bon, on remplit les poches de perfusion avec la solution.
00:35:41Cette production en circuit court a permis d'éviter le pire,
00:35:44en fournissant un quart des hôpitaux du pays.
00:35:47Elle a soigné 6 500 patients chaque jour.
00:35:54Ici, le but n'est pas de faire du profit,
00:35:57mais de pallier les défaillances du marché.
00:36:01La centaine de médicaments qui sortent de cette pharmacie
00:36:04est vendue à prix coûtant,
00:36:06ce qui donne des indications sur les marges des laboratoires.
00:36:11Ce flacon de médicaments,
00:36:13ce flacon produit par la pharmacie hospitalière revient à 60 euros.
00:36:18Son équivalent est vendu à 370 euros par un laboratoire.
00:36:24Ce traitement destiné aux nourrissons coûte 3000 euros par an.
00:36:28Il est vendu 50 fois plus cher par l'industrie.
00:36:35Mais cette production n'est pas totalement indépendante.
00:36:39Comme celle de l'industrie,
00:36:41elle repose sur des matières premières,
00:36:44les principes actifs, toujours importés de l'étranger.
00:36:52Nos fournisseurs néerlandais achètent les principes actifs en Asie,
00:36:56en Chine ou en Inde.
00:37:01Il y a 20 ou 30 ans, nous étions capables de les fabriquer.
00:37:05Nous pouvons le faire de nouveau.
00:37:09En France, la relocalisation des principes actifs
00:37:13a commencé dans cette usine du groupe Sequence,
00:37:16le numéro 2 européen de la chimie pharmaceutique.
00:37:23On se prépare à rapatrier 13 molécules essentielles,
00:37:27dont le paracétamol,
00:37:29qui fournira de grands laboratoires comme Sanofi et Upsa.
00:37:39Si nous souhaitons être capables de fournir sans à-coups
00:37:43à nos clients, à la population, les principes actifs,
00:37:47nous sommes obligés, sur ces matières premières critiques,
00:37:50d'aller vers une relocalisation dans nos usines,
00:37:53en Europe, plus particulièrement en France,
00:37:55de ces molécules clés.
00:37:57On ne pourra pas accélérer de manière sensible, sans innovation,
00:38:00sans soutien.
00:38:02Le soutien de l'État va permettre d'accélérer,
00:38:05dans les mois qui viennent, cette relocalisation.
00:38:08Après avoir maximisé ses profits en délocalisant,
00:38:11l'industrie demande au gouvernement de financer son retour.
00:38:17L'État paiera un tiers de la relocalisation du paracétamol,
00:38:20qui respectera les contraintes environnementales,
00:38:23promet le sous-traitant.
00:38:26On peut penser que les gens puissent être inquiets du risque
00:38:30que la chimie puisse avoir une image de pollueur.
00:38:33Développer des procédés avec le plus faible impact écologique
00:38:36et au cœur de tous nos travaux,
00:38:38pour développer en sécurité, avec une empreinte faible,
00:38:41les prostitutes actives que nous souhaitons relocaliser.
00:38:47Bientôt, l'Europe consommera du paracétamol 100% européen.
00:38:57Il sera produit sur la plateforme chimique de Roussillon, en Isère.
00:39:03Là même où avait fermé la dernière usine de paracétamol en 2008.
00:39:09Une relocalisation sous perfusion des pouvoirs publics,
00:39:13malgré la santé financière éclatante des laboratoires.
00:39:18Cette production fournira un tiers de la consommation européenne.
00:39:25Mais pour quelques molécules symboliquement rapatriées,
00:39:29combien resteront produites en Asie et soumises aux pénuries ?
00:39:39La santé fait l'objet de négociations permanentes
00:39:43entre les secteurs privés et publics.
00:39:46De simples désaccords entre les laboratoires et l'État
00:39:50rendent des médicaments indisponibles.
00:39:53Cela représente même un quart des pénuries,
00:39:56d'après l'Agence du médicament.
00:40:02En France, c'est le Comité économique des produits de santé
00:40:05qui fixe le tarif des médicaments vendus en pharmacie.
00:40:10Philippe Bouilloux préside ce comité.
00:40:14Notre métier consiste d'abord à discuter et beaucoup à négocier.
00:40:19Et cela avec les laboratoires.
00:40:22Sur chaque médicament, nous examinons la proposition
00:40:26que fait le laboratoire et le comité réagit.
00:40:31Chaque semaine, le comité réunit des représentants
00:40:35des ministères de la santé et des finances à huis clos.
00:40:39C'est ici que se jouent les bras de fer entre l'État et les laboratoires.
00:40:47Pour un médicament, on regarde quel est le service médical qui l'apporte.
00:40:53Nous regardons ensuite si, pour cet objectif de soins,
00:40:59il fait mieux, un peu mieux, beaucoup mieux ou pas mieux.
00:41:05Que les produits qui sont déjà sur le marché.
00:41:09Le laboratoire va vouloir se comparer à tel médicament,
00:41:12qui est un médicament cher.
00:41:14Le comité va peut-être dire qu'il faut plutôt le comparer
00:41:17à tel médicament, qui est un médicament moins cher.
00:41:20C'est effectivement un grand défi de devoir à la fois
00:41:24satisfaire les attentes des patients, les besoins des patients
00:41:29et, en même temps, de ne pas mettre en danger
00:41:33la soutenabilité des finances publiques.
00:41:40Les États pourront-ils supporter les prix de plus en plus élevés
00:41:44réclamés par les laboratoires pour les nouvelles thérapies géniques ?
00:41:50Ces thérapies qui soignent les maladies rares
00:41:53suscitent un grand espoir des malades.
00:41:59Mais leurs coûts exorbitants bloquent leur mise sur le marché.
00:42:04Tu veux regarder Booba ?
00:42:09Lorsque Pia a eu 5 mois, on a découvert qu'elle était atteinte de SMA,
00:42:14c'est-à-dire d'une amyotrophie spinale.
00:42:18La SMA est une maladie musculaire.
00:42:21Les muscles se dégradent petit à petit,
00:42:23y compris ceux du cœur et des poumons.
00:42:28Nous avons consulté un neurologue qui nous a dit
00:42:30que l'espérance de vie de Pia ne dépasserait pas 2 ans.
00:42:36Cette maladie génétique touche un enfant sur 10 000.
00:42:40Tu veux aller dans le fauteuil ?
00:42:43Si Pia était née plus tôt, elle n'aurait sans doute pas survécu.
00:42:48Mais en 2019, l'année de sa naissance,
00:42:51un traitement miracle change la donne.
00:43:01Le traitement de Novartis n'est alors disponible qu'aux Etats-Unis.
00:43:05Il n'est pas remboursé en Europe,
00:43:07ni même approuvé par l'Agence européenne du médicament.
00:43:14J'ai lu qu'il existait un programme spécial qui acceptait des enfants
00:43:18en dehors des Etats-Unis, pour une période de 2 ans.
00:43:21C'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'exemple.
00:43:24C'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'exemple.
00:43:27C'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'exemple.
00:43:30C'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'exemple.
00:43:36C'est là que nous avons appris qu'il fallait payer nous-mêmes ce médicament.
00:43:43Il fallait payer 2 millions d'euros pour pouvoir donner ce médicament à Pia.
00:43:52Notre première idée, ça a été de demander de l'argent à des gens qui en avaient.
00:43:56Les plus riches de ce monde.
00:43:59Des gens comme Bill Gates, Oprah Winfrey,
00:44:02et même Kim Kardashian.
00:44:07On a envoyé beaucoup de messages à ces gens-là,
00:44:10mais nous n'avons eu aucune réponse.
00:44:12Rien.
00:44:14Une personne de Novartis nous a contactés,
00:44:16nous a dit qu'ils compatissaient,
00:44:18qu'ils étaient très touchés par notre histoire,
00:44:20mais qu'ils ne pouvaient pas nous faire de réduction.
00:44:22En fait, ce qu'ils disaient, c'est,
00:44:25si vous n'avez pas les 2 millions,
00:44:27elle n'aura pas le médicament.
00:44:36Pendant longtemps,
00:44:38dans ma tête,
00:44:40j'ai préparé ces funérailles.
00:44:45Je pensais à des poésies.
00:44:53Ou à des chansons
00:44:56que les gens allaient chanter.
00:45:00Mourir
00:45:02alors qu'il existe un médicament qui sauve,
00:45:07c'est quelque chose de très difficile à gérer.
00:45:14Le gouvernement belge invite le laboratoire
00:45:17à offrir le traitement à Pia
00:45:19sans attendre le temps.
00:45:20Novartis refuse.
00:45:27Je me suis sentie comme une lionne
00:45:30qui protège sa petite
00:45:32et qui devait tout faire
00:45:34pour que sa petite survive.
00:45:41Pour tenter de rassembler la somme réclamée par Novartis,
00:45:44Hélène fait appel à l'association
00:45:46pour lutter contre la maladie.
00:45:47Chaque donateur peut envoyer 2 euros
00:45:50par un simple SMS.
00:45:56Des bénévoles se mobilisent
00:45:58pour organiser la collecte.
00:46:04Chacun sait ce que c'est de se sentir impuissant.
00:46:07Alors pouvoir changer les choses
00:46:09avec seulement 2 euros,
00:46:11quand on a atteint ce niveau-là,
00:46:14c'est vraiment incroyable.
00:46:16Quand on a atteint 100 000 euros,
00:46:18puis 200 000,
00:46:20puis 300 000,
00:46:22les gens se sont mis à y croire.
00:46:24On va y arriver.
00:46:26Parce que tout le monde a envie
00:46:28de participer à une belle histoire.
00:46:33En quelques semaines,
00:46:35950 000 SMS sont envoyés.
00:46:40C'était comme si tout le pays se rassemblait.
00:46:43Tous ensemble, les Belges.
00:46:46Comme si Pia était l'enfant de tous les Belges.
00:46:55Lorsque nous avons réalisé
00:46:57que la somme était réunie,
00:46:59nous avons prévenu les neurologues de Pia.
00:47:01Ils ont contacté Novartis
00:47:03pour qu'ils envoient le traitement
00:47:05des Etats-Unis en Belgique.
00:47:09Il est arrivé dans cette petite boîte
00:47:11qui contenait 6 petits flacons.
00:47:152 millions d'euros.
00:47:17On l'a gardé comme souvenir.
00:47:20C'est de l'or.
00:47:22C'était de l'or.
00:47:24Oui, je me revois dire au docteur,
00:47:26surtout, utilisez-le jusqu'à la dernière goutte.
00:47:33Un médicament à prix d'or
00:47:35qui, dès sa première année,
00:47:37rapporte à Novartis près d'un milliard de dollars.
00:47:43Comment le géant pharmaceutique suisse
00:47:45justifie-t-il ce prix
00:47:47jusqu'alors jamais atteint pour un médicament ?
00:47:50Contacté,
00:47:52voici ce que Novartis nous a répondu.
00:47:55Aux Etats-Unis,
00:47:57le prix du Zolgensma est inférieur d'environ 50 %
00:48:00au coût du traitement actuel de la SMA
00:48:02pris sur 10 ans.
00:48:05Novartis n'a pas calculé le prix
00:48:07en fonction des coûts de fabrication,
00:48:09mais en fonction de ce que la société
00:48:11est prête à payer pour accéder au traitement.
00:48:16Les entreprises pharmaceutiques
00:48:18ont le droit de le faire.
00:48:20Ce n'est pas interdit.
00:48:22Elles ont le monopole.
00:48:24Elles demandent le prix qui leur semble juste.
00:48:27Mais c'est comme si vous lanciez une bouée
00:48:29à quelqu'un qui se noie.
00:48:32Ensuite, cette personne vous demande
00:48:34« Combien je vous dois ? »
00:48:36Et vous lui répondez
00:48:38« Je t'ai sauvé la vie,
00:48:40tu vivras encore 20 ans,
00:48:42donc ça fait 20 fois 80 000 euros. »
00:48:44soit 1,6 million d'euros.
00:48:49Donc en fait, ce chiffre n'a rien à voir
00:48:51avec le prix de la bouée.
00:48:57Le marché pharmaceutique
00:48:59se caractérise par une opacité totale.
00:49:01Nous, on leur dit
00:49:03« Très bien, vous dites que vous investissez
00:49:05beaucoup en recherche et développement
00:49:07et que vous investissez beaucoup
00:49:09dans les infrastructures,
00:49:11mais dans ce cas-là, soyez transparent,
00:49:13c'est le chiffre. »
00:49:15Et elles le refusent.
00:49:17Donc, pourquoi refuser d'être transparent
00:49:19si les choses sont si claires ?
00:49:21Cinquième plus grande entreprise
00:49:23pharmaceutique au monde,
00:49:25Novartis n'a pas développé ce traitement.
00:49:28Le géant s'est contenté d'acheter,
00:49:30avec SIS,
00:49:32la start-up américaine de biotechnologie
00:49:34qu'il a mise au point.
00:49:36Un achat à 8,7 milliards de dollars.
00:49:39Ce que nous appelons les big pharma,
00:49:42c'était autrefois des entreprises
00:49:44qui faisaient elles-mêmes leurs recherches
00:49:46pour développer de nouveaux médicaments
00:49:48en les proposant à des prix raisonnables.
00:49:52Maintenant, les big pharma
00:49:54sont devenues des capitales risqueurs.
00:49:56Elles recherchent des produits intéressants
00:49:59permettant de gagner beaucoup d'argent.
00:50:02Elles développent elles-mêmes
00:50:04seulement un quart des produits
00:50:06qu'elles mettent sur le marché.
00:50:08Novartis a payé 8,7 milliards de dollars
00:50:11pour acheter cette biothèque
00:50:13et son invention.
00:50:15Ils ont probablement investi
00:50:17encore un milliard pour la construction
00:50:19d'une chaîne de production.
00:50:21Nos pouvoirs publics
00:50:23ont fait des calculs
00:50:25et, d'après eux,
00:50:27ils ont développé
00:50:29une chaîne de production
00:50:31qui est en train de se développer.
00:50:33C'est-à-dire qu'ils ont développé
00:50:34une chaîne de production
00:50:36qui est en train de se développer.
00:50:38Le prix réclamé pour ce médicament
00:50:40serait donc
00:50:4211 à 12 fois plus élevé
00:50:44que son coût réel.
00:50:46Novartis ne veut pas confirmer
00:50:48cette marge bénéficiaire.
00:50:56En France aussi,
00:50:58le prix du Zolgensma
00:51:00est en négociation.
00:51:02Une autorisation provisoire
00:51:04permet à une dizaine d'enfants par an
00:51:06d'en bénéficier
00:51:08au tarif réclamé par Novartis.
00:51:10Mais l'État souhaite l'acheter
00:51:12à un prix plus bas.
00:51:15Si le laboratoire nous dit
00:51:17ce médicament
00:51:19que je vous mets aujourd'hui
00:51:21sur le marché,
00:51:23j'ai besoin qu'il soit très cher
00:51:25parce que moi-même,
00:51:27je l'ai acheté.
00:51:28J'ai investi,
00:51:30j'ai acquis une biothèque,
00:51:32ça m'a coûté très cher.
00:51:34Si c'est une acquisition
00:51:36qui a été faite
00:51:38dans une période de bulles
00:51:40sur le marché des biothèques,
00:51:42je ne crois pas
00:51:44que ce soit à l'Assurée sociale
00:51:46en France d'en supporter le coût.
00:51:48Un coût problématique
00:51:50car ce traitement
00:51:52est issu de la recherche publique française
00:51:54financée par plusieurs dizaines
00:51:56de millions d'euros
00:51:58par la recherche publique.
00:52:01En 1995,
00:52:03une chercheuse de l'hôpital Necker à Paris
00:52:06identifie le gène
00:52:08qui cause l'amniotrophie spinale.
00:52:12En 2011,
00:52:14une autre équipe française
00:52:16financée par les dons du Téléthon
00:52:18met au point une thérapie génique
00:52:20sur des souris.
00:52:24Des recherches mises à profit
00:52:26par la start-up américaine
00:52:28et des essais cliniques sur des bébés
00:52:30avancent au rachat par Novartis.
00:52:37Vendu par Novartis,
00:52:39ce médicament est le plus cher au monde.
00:52:44Souvent,
00:52:46la recherche publique débouche
00:52:48sur des bénéfices privés.
00:52:52Pour obtenir le remboursement
00:52:54de produits hors de prix,
00:52:56les labos proposent aux États
00:52:58d'acheter le médicament.
00:53:00Il ne suffit pas de me dire
00:53:02ou de dire au comité
00:53:04mon produit est très cher,
00:53:06je vous demande 2 millions,
00:53:08mais ce n'est pas grave
00:53:10parce que je vais vous faire crédit.
00:53:12Non, ce n'est pas ça le sujet.
00:53:14Le premier sujet,
00:53:16c'est vous me demandez 2 millions,
00:53:18est-ce que ces 2 millions sont justifiés ?
00:53:20Les tractations financières
00:53:22plongent les patients
00:53:24dans une douloureuse attente.
00:53:28Je ne peux pas guérir cette maladie
00:53:30pour le reste de ma vie,
00:53:32mais je peux me soigner
00:53:34au maximum quand même.
00:53:36Et en tout cas, j'essaye.
00:53:41Le médicament que j'attends
00:53:43s'appelle le Caf-Trio.
00:53:45J'ai hâte de l'avoir.
00:53:49Le Caf-Trio
00:53:51est une thérapie inventée
00:53:53et commercialisée
00:53:55par le laboratoire américain Vertex.
00:53:57Une biothèque spécialisée
00:53:59dans le traitement de la mucoviscidose.
00:54:02Depuis 30 ans,
00:54:04tous les traitements de fond de la maladie
00:54:06sont issus de ce laboratoire.
00:54:08Sa dernière découverte,
00:54:10le Caf-Trio,
00:54:12est considérée comme révolutionnaire
00:54:14par les autorités de santé.
00:54:17Sa commercialisation aux Etats-Unis
00:54:19a permis au laboratoire
00:54:21d'augmenter son chiffre d'affaires
00:54:23de près de 50 % en un an.
00:54:27Mais un an après son autorisation
00:54:29de mise sur le marché
00:54:31par l'Agence européenne du médicament,
00:54:33le traitement n'est toujours pas disponible
00:54:35dans la moitié des pays de l'Union.
00:54:41Les difficultés continuent
00:54:43pour ces malades en lutte
00:54:45contre le mucus
00:54:47qui bloque leur voie respiratoire
00:54:49et digestive.
00:54:51On part du principe
00:54:53qu'il ne faut pas laisser stagner ce mucus.
00:54:56Pour ne pas qu'il s'infecte,
00:54:58il faut le bouger tous les jours.
00:55:02C'est comme des glaires
00:55:04qui sont dans les poumons.
00:55:06Donc l'air,
00:55:08il est freiné par le mucus
00:55:10qui est collé.
00:55:12Il faut le faire bouger,
00:55:14le décoller,
00:55:16et ensuite,
00:55:17on peut le cracher.
00:55:20En tout cas,
00:55:22le but,
00:55:24c'est de le bouger.
00:55:41Les médicaments,
00:55:43j'en ai vraiment besoin.
00:55:44Le créon,
00:55:46avant de manger,
00:55:48quand je prends quelque chose de gras,
00:55:50ça me permet de ne pas avoir mal au ventre.
00:55:52J'ai le chlorure de sodium
00:55:54pour me donner du sel.
00:55:56J'ai aussi le Bactrim,
00:55:58quand je tousse,
00:56:00et j'ai l'Orkambi.
00:56:02Et tout ça,
00:56:04ça fait à peu près 32.
00:56:06Je vais compter.
00:56:09Tout ce que Zélie fait,
00:56:11tous les jours,
00:56:12pour mettre son mucus en mouvement,
00:56:14le cafetrio,
00:56:16lui, il le fait tout seul.
00:56:18Alors forcément,
00:56:20ça ne peut que nous faire rêver.
00:56:30En attendant d'avoir droit aux médicaments,
00:56:32Zélie poursuit son programme intensif
00:56:34contre la maladie.
00:56:37Une heure et demie de soins,
00:56:39de kiné,
00:56:40et de sport chaque jour.
00:56:44Allez Zélie, t'es à combien là ?
00:56:46Il t'en reste quatre.
00:56:50Elle fait beaucoup de renforcement musculaire,
00:56:53parce que plus sa pompe respiratoire sera forte,
00:56:57mieux elle pourra respirer.
00:57:01Plus on attend
00:57:03pour avoir ce fameux médicament,
00:57:05plus la maladie évolue,
00:57:07donc oui, on perd des chances.
00:57:08On perd des chances, bien sûr.
00:57:10Je m'en fiche de savoir qui est la faute.
00:57:13Est-ce que c'est l'État ?
00:57:15Est-ce que c'est le laboratoire ?
00:57:17Nous, ce qu'on voit simplement, c'est le concret,
00:57:19c'est qu'il n'est pas là,
00:57:21c'est qu'il n'est pas à la maison, le médicament.
00:57:23J'ai quand même un peu hâte de l'avoir.
00:57:25Je serai contente
00:57:27et j'aurai peut-être un peu moins de contraintes,
00:57:29et puis ça ira mieux, ça je le sais en tout cas.
00:57:32Le précédent médicament
00:57:34issu du même laboratoire Vertex,
00:57:36elle l'avait attendu quatre ans.
00:57:39Il coûte 120 000 euros par an,
00:57:42remboursé à 100 % par la Sécurité sociale.
00:57:50Le CAF Trio
00:57:52pourrait doubler le coût de la prise en charge de la maladie.
00:57:55Les associations de patients
00:57:57craignent que les négociations durent des années.
00:58:00Ça fait dix mois que CAF Trio
00:58:02a eu l'autorisation de mise sur le marché.
00:58:04On a fait pas mal de démarches,
00:58:06rencontres avec le laboratoire,
00:58:09échanges avec le ministère,
00:58:12et pour autant,
00:58:14les patients attendent
00:58:16et voient leur état de santé se dégrader.
00:58:18Et au final, on se retrouve coincés
00:58:20au même point que pour tous les autres médicaments d'avant,
00:58:23et ça ne va pas plus vite en fait.
00:58:25Là, on s'enlise un peu.
00:58:28Ça fait 31 ans
00:58:30que j'attends un médicament comme ça.
00:58:32Depuis 31 ans, mon état se dégrade petit à petit,
00:58:34et on est un peu schizophrène entre...
00:58:37« Merci Vertex, grâce à vous,
00:58:40on a cet espoir,
00:58:42et on a déjà des patients qui vont mieux. »
00:58:45Et d'un côté,
00:58:47« Mais pourquoi vous nous faites ça ?
00:58:49Vous avez le traitement, donnez-le nous. »
00:58:51Après avoir discuté avec Vertex,
00:58:54en fait, si on leur met trop la pression,
00:58:57ils nous disent tout de suite
00:58:59« Si c'est comme ça,
00:59:01on arrête de travailler sur le mycoviscidose,
00:59:02vous n'aurez pas d'autres médicaments,
00:59:04et puis on travaillera sur d'autres trucs. »
00:59:07Est-ce que c'est humain, finalement,
00:59:10de laisser mourir les patients
00:59:14en attendant le traitement ?
00:59:17Ouais, médicament, c'est super compliqué.
00:59:24Après un an de négociations,
00:59:26en juillet 2021,
00:59:28le médicament a été mis sur le marché français
00:59:30à 200 000 euros par an.
00:59:33C'est du moins le prix officiel,
00:59:35le prix catalogue.
00:59:38Ce qui est courant en France et ailleurs,
00:59:41c'est qu'on discute d'un prix qui est un prix catalogue,
00:59:44et ça n'empêche pas dans la négociation de dire
00:59:46« Vous avez une population cible très élevée,
00:59:48ça va coûter très cher,
00:59:50et dans ce cas-là, on a besoin en réalité
00:59:52que vous accordiez une remise
00:59:54pour que ce soit acceptable. »
00:59:56Et cette remise, elle est de combien ?
00:59:59Je ne peux pas vous indiquer sur ce produit
01:00:02ou sur un autre
01:00:05quels étaient les éléments de la négociation.
01:00:08Ça relève de la confidentialité des affaires,
01:00:11et je ne peux pas vous donner ces chiffres-là.
01:00:173 000 Français ont désormais accès aux médicaments.
01:00:20Mais il est pour l'instant réservé
01:00:22aux plus de 12 ans.
01:00:26J'ai deux ans à attendre,
01:00:28c'est long deux ans quand on attend,
01:00:31mais je me dis que j'irai mieux de toute façon après.
01:00:52Aucun gouvernement n'a osé affronter
01:00:55l'industrie pharmaceutique comme celui du Mexique.
01:00:59Depuis 2019,
01:01:01le pays est dirigé par un président réformateur
01:01:04qui a promis de lutter contre la corruption
01:01:07et de remettre la morale au cœur de l'action politique.
01:01:16Le président López Obrador
01:01:19s'attaque à l'industrie pharmaceutique
01:01:21et tente de résoudre les pénuries
01:01:23qui frappent le pays depuis des années.
01:01:29Le nouveau gouvernement annule des contrats publics
01:01:32passés avec des sociétés pharmaceutiques
01:01:34accusées d'être trop gourmandes ou corrompues.
01:01:58Il s'attaque aux distributeurs
01:02:00en confiant la distribution des médicaments à l'État.
01:02:04Il lance une enquête contre le laboratoire PISA,
01:02:07l'un des fleurons du secteur
01:02:09qui fournit la moitié des anticancéreux du pays.
01:02:16Le président a chargé une de ses proches,
01:02:18Raquel Buenrostro,
01:02:20de mettre en œuvre cette politique.
01:02:24Le laboratoire PISA a eu un problème au Mexique.
01:02:26L'agence du médicament a inspecté leur usine
01:02:29et s'est rendu compte qu'ils ne respectaient pas les normes.
01:02:32Des bactéries s'étaient répandues dans leur laboratoire.
01:02:35Quand la ligne de production a été arrêtée,
01:02:38qu'a fait PISA ?
01:02:40PISA a rencontré les dirigeants de l'agence
01:02:43et, moyennant un peu de trafic d'influence,
01:02:45a tenté de relancer la production sans remise aux normes.
01:02:49Mais comme le trafic d'influence n'a pas fonctionné,
01:02:52PISA refuse d'approvisionner le marché.
01:02:56Qu'a fait PISA ?
01:03:03L'État a fermé sept usines en tout.
01:03:06D'un coup, les lignes de production se sont arrêtées.
01:03:10Il y a eu une pénurie générale de médicaments.
01:03:13Ce gouvernement, à son arrivée, a voulu créer un nouveau régime,
01:03:17rompre avec le système antérieur.
01:03:20Ils sont arrivés sans stratégie.
01:03:22On n'avait jamais vu autant de médicaments en rupture.
01:03:24Plus de 30 %.
01:03:32L'affrontement entre l'État et l'industrie
01:03:35désorganise le marché du médicament.
01:03:39Des traitements vitaux sont interrompus du jour au lendemain.
01:03:46Je suis la maman de Fernando,
01:03:49à qui on a diagnostiqué un rétinoblastome bilatéral,
01:03:52un cancer de la rétine.
01:03:57Il est arrivé à l'hôpital aveugle, littéralement aveugle.
01:04:01Il ne voyait rien.
01:04:03Et quand il a commencé à recevoir son traitement, les chimios,
01:04:07en sortant justement d'un bâtiment d'oncologie, il m'a dit
01:04:10« Maman, c'est quoi ? »
01:04:12« C'est un arbuste. »
01:04:14« Ah, c'est beau ! »
01:04:16« Et tu le vois ? »
01:04:18« Oui ! »
01:04:19C'est là qu'il a déclaré une partie de sa vie.
01:04:24Tout allait très bien jusqu'à sa septième chimiothérapie.
01:04:28Il y a eu une pénurie de médicaments.
01:04:31À ce moment-là, dans les pharmacies où nous avons cherché,
01:04:35il n'y avait pas de médicaments.
01:04:37Il n'y avait pas le médicament dont nous avions besoin pour mon fils.
01:04:45Et au bout d'une quinzaine de jours,
01:04:47la docteure m'a dit
01:04:49« On a fait tout ce qu'on a pu.
01:04:52Je ne veux plus mettre en jeu la vie de l'enfant. »
01:04:55Il a été opéré.
01:04:57Ils ont dû lui retirer l'œil gauche.
01:05:00Et c'est ainsi que mon enfant a perdu la vue.
01:05:09Les enfants victimes de pénurie se comptent par centaines dans tout le pays.
01:05:14Les manifestations se multiplient pour réclamer l'accès au traitement.
01:05:23La colère se dirige contre le gouvernement,
01:05:26perçu comme principal responsable.
01:05:44À Mexico, une avocate s'est spécialisée dans la défense des enfants privés de soins.
01:05:52Je crois qu'en tant que fonctionnaire, il est de leur devoir d'attaquer la corruption.
01:05:57Mais ils doivent aussi garantir les achats de médicaments dans tout le pays.
01:06:06Andrea Rocha défend des centaines de familles.
01:06:10Je le fais sans faire payer les gens.
01:06:13Parce qu'il y a des parents qui n'ont même pas de quoi manger.
01:06:22Pour leur obtenir des médicaments,
01:06:25elle invoque la Constitution du Mexique,
01:06:27qui garantit l'accès universel aux soins.
01:06:31Ça signifie qu'il est donné un ordre aux autorités.
01:06:34Elles ont 24 à 48 heures pour fournir les chimiothérapies
01:06:38ou tout autre traitement dont les enfants ont besoin.
01:06:42Comme ça, les mamans arrivent à l'hôpital et peuvent dire
01:06:45« Voici le recours juridique qu'on vient de m'accorder ».
01:06:48Et à ce moment-là, les autorités concernées,
01:06:51en l'occurrence le directeur de l'hôpital,
01:06:53sont dans l'obligation d'administrer les chimiothérapies en temps et en heure.
01:07:01L'avocate parcourt le Mexique pour délivrer le précieux document.
01:07:07On a obtenu des recours juridiques pour plus de 200 parents dans tout le pays,
01:07:11mais il y a plus de 8 000 parents qui n'en bénéficient pas.
01:07:21La première fois où une famille m'a ouvert les portes de sa maison,
01:07:25dès cet instant, j'ai pris la mesure du problème.
01:07:28Et tu ne peux pas baisser la garde,
01:07:30parce que c'est toi leur représentant juridique.
01:07:32Ils placent en toi un espoir qu'ils ne trouvent pas du côté du gouvernement.
01:07:38Dans cet hôpital public, des enfants attendent leur chimiothérapie.
01:07:44L'avocate va tenter d'obtenir la reprise des traitements.
01:07:57Allez, ça va aller.
01:07:59Mais certains découvrent la protection juridique trop tard.
01:08:06Comme cette femme, Lorena, qui a perdu son fils de deux ans.
01:08:12Nous avons décidé d'incinérer mon fils.
01:08:15Comme ça, je sens sa présence.
01:08:17Il est proche de moi.
01:08:19Pas comme je le voudrais, mais il est à la maison.
01:08:27L'avocat a fait un choix.
01:08:29L'avocat a fait un choix.
01:08:31L'avocat a fait un choix.
01:08:33L'avocat a fait un choix.
01:08:35L'avocat a fait un choix.
01:08:37L'avocat a fait un choix.
01:08:39L'avocat a fait un choix.
01:08:42Il est mort d'un cancer.
01:08:45Mais il y avait une pénurie de chimio, en fait.
01:08:51Et je me demandais, pourquoi ?
01:08:55Puis j'ai vu que le garçon dans le lit à côté est décédé.
01:09:00Et puis aussi la fille d'en face.
01:09:03Il y en avait tellement.
01:09:05Et je me suis dit, c'est pas possible.
01:09:07Pratiquement tous n'avaient pas de fils.
01:09:09C'est pas possible.
01:09:11Pratiquement personne n'avait de tube pour les perfusions.
01:09:14De pansements stériles.
01:09:16De chimiothérapie.
01:09:18Et il n'y avait pas de morphine non plus.
01:09:21J'ai dû me procurer de la buprémorphine pour calmer ses douleurs.
01:09:30Il a souri et m'a dit au revoir.
01:09:34Il était en boule, comme quand j'ai accouché.
01:09:38Ils me l'ont donné comme ça, en boule.
01:09:41Quand il est parti, il était tout recrevillé.
01:09:45Et c'est comme ça qu'il a terminé ses jours.
01:09:55Lorena a porté plainte contre le président López Obrador pour homicide.
01:10:00Elle le tient responsable de la mort de son fils.
01:10:07Ce que nous voulons, c'est pouvoir traîner en justice les autorités responsables.
01:10:12Et que des excuses publiques soient présentées à Lorena.
01:10:15Et qu'il y ait une réparation du dommage.
01:10:18Naturellement, personne ne pourra lui rendre son fils.
01:10:21Rien ne peut réparer la mort.
01:10:29Au Mexique, selon les chiffres de l'association pour les enfants cancéreux,
01:10:33plus de 1600 enfants ont perdu la vie à cause de la pénurie.
01:10:37Et ce chiffre continue d'augmenter.
01:10:45Nous présentons aujourd'hui devant le parquet général de la République
01:10:49la première plainte pour homicide après la mort du petit Evan Paulina Aguilar
01:10:54dans l'état du Nuevo León, dans la clinique 25.
01:10:58En tant que clinique, ils sont tenus de respecter l'article 4
01:11:02qui garantit l'administration de médicaments aux mineurs qui en ont besoin.
01:11:07Nous présentons les factures des produits de chimiothérapie
01:11:10que les parents ont dû se procurer par eux-mêmes.
01:11:13Ce qui prouve que la clinique n'en fournissait pas.
01:11:24Soigner sans médicaments est le quotidien de nombreux médecins.
01:11:37C'est moi.
01:11:39Et c'est moi aussi.
01:11:42Ils m'accréditent comme médecin-oncologue.
01:11:47Hier, un enfant est mort qui ne devait pas être mort.
01:11:54Et ça m'a vraiment fait mal.
01:11:57Et j'aimerais vous poser une question aux grands directeurs de la santé au Mexique.
01:12:05Comment vais-je gérer les enfants qui ont le cancer ?
01:12:09Mais il n'y a pas d'Incristina.
01:12:12Il n'y a pas d'Eleas Paraginasa,
01:12:15la pièce fondamentale du traitement de l'enfant avec le leucémie.
01:12:20Il n'y a pas d'Oxorubicina.
01:12:23Il n'y a pas d'Cardioxane.
01:12:26Ce n'est pas un honneur de mourir pour un travailleur.
01:12:29Et ce n'est pas un honneur de mourir à cause de Lopez Obrador.
01:12:36L'enfant avec le cancer a le droit.
01:12:39Et il a le droit à la vie.
01:12:43Si vous ne voulez rien faire,
01:12:46quittez le milieu.
01:12:51Visionné des dizaines de milliers de fois,
01:12:54cette vidéo lui a valu d'être convoquée par le directeur de l'hôpital.
01:12:58J'ai publié la vidéo le vendredi,
01:13:01et le lundi, on m'a dit que j'étais l'ennemi du système.
01:13:07Donc je suis allé à Mexico, au ministère de la Santé,
01:13:11et je leur ai dit,
01:13:14il n'y a pas de médicaments, c'est une réalité.
01:13:17Et les parents des enfants atteints de cancer qui m'accompagnent
01:13:21ne font pas partie du système.
01:13:24Et les parents des enfants atteints de cancer qui m'accompagnent
01:13:27ne font que demander le nécessaire.
01:13:29Et en plus, on veut me virer.
01:13:36Le docteur Gomez a conservé son poste.
01:13:39Salut Iker !
01:13:41Comment ça va ?
01:13:43Grâce à sa vidéo, il a recueilli 170 000 euros de dons
01:13:47pour acheter des médicaments à ses patients.
01:13:49Ils ont été achetés à l'étranger, via des ONG.
01:13:54Quand un médicament vient à manquer,
01:13:57on s'adresse à l'association Nez Rouge,
01:14:00et en 24 heures, il est là.
01:14:02Pour moi, c'est génial.
01:14:05C'est pas nous qui créons les problèmes.
01:14:07Nous, on essaie de trouver des solutions.
01:14:13Les médicaments sont gratuits pour les familles.
01:14:18Je me sens très gênée,
01:14:20et à la fois très reconnaissante pour ce qu'ils font.
01:14:23Parce que sans eux,
01:14:25il serait vraiment plus difficile d'obtenir les traitements.
01:14:28Ici, je viens chercher du carboplatine,
01:14:30de l'ephosphamide, de l'étoposide,
01:14:32et après, je les apporte à l'hôpital
01:14:34pour qu'on lui administre sa chimiothérapie.
01:14:40Le président López Obrador a décidé de faire appel à l'ONU,
01:14:45qui livre des médicaments vitaux.
01:14:48Un dispositif d'urgence habituellement réservé aux pays les plus pauvres.
01:14:54Le gouvernement n'a pas réussi à faire plier l'industrie pharmaceutique.
01:15:06Jamais le rapport de force n'a été aussi favorable au laboratoire
01:15:10que depuis la pandémie.
01:15:15Une situation exceptionnelle
01:15:17qui leur a permis de recevoir plus de 4 milliards d'euros de l'Union européenne
01:15:22et 5 milliards des États pour mettre au point les vaccins.
01:15:26Un effort sans précédent.
01:15:31Souvenez-vous, en mai 2020,
01:15:33il y a eu des réunions virtuelles très médiatisées à Bruxelles,
01:15:36avec la présidente de la commission, Ursula von der Leyen,
01:15:39qui invitait les dirigeants à donner de l'argent
01:15:41en disant que ce serait un bien public mondial.
01:15:47Avec le recul, c'était du pur cynisme.
01:15:50C'était hypocrite parce qu'au même moment,
01:15:53l'Union européenne avait rejoint la course pour doubler tout le monde
01:15:56et s'assurer qu'elle serait la première servie.
01:16:06Conséquence de cette course aux vaccins,
01:16:10dans les pays du Sud,
01:16:12les populations peinent à se procurer leur première dose.
01:16:20En Inde, un seul fabricant a obtenu l'autorisation
01:16:24de produire le vaccin d'un laboratoire occidental.
01:16:28Le Serum Institute of India.
01:16:3390 millions de doses du vaccin d'AstraZeneca
01:16:36sortent chaque mois de ces usines.
01:16:40Loin, très loin des besoins d'une population d'un milliard d'habitants.
01:16:44Sans compter celles des pays alentours auxquels cette production est aussi destinée.
01:16:53Historiquement, l'Inde a toujours produit beaucoup de vaccins.
01:16:57Nous avons un vaste tissu industriel de producteurs
01:17:00capables de mettre en œuvre la technologie requise
01:17:03pour fabriquer ces vaccins.
01:17:07Donc, jusqu'à ce que les vaccins locales soient disponibles,
01:17:10à moins qu'ils n'obtiennent, par exemple, la licence d'AstraZeneca,
01:17:14ils risquent des poursuites en contrefaçon.
01:17:17Les brevets sont donc un obstacle majeur.
01:17:24En 2020, d'autres fabricants indiens ont souhaité produire des doses
01:17:28avant qu'il ne soit trop tard.
01:17:30C'est pour cela que l'Inde a décidé de ne pas produire d'AstraZeneca.
01:17:34C'est pour cela que l'Inde a décidé de ne pas produire d'AstraZeneca.
01:17:37En vain.
01:17:39Les vaccins restent la chasse gardée des firmes pharmaceutiques.
01:17:47Six mois plus tard,
01:17:4990% des Indiens n'étaient pas protégés face à la vague épidémique
01:17:53qui a frappé leur pays.
01:17:54Six mois plus tard,
01:17:5690% des Indiens n'étaient pas protégés face à la vague épidémique
01:18:00qui a frappé leur pays.
01:18:25Je me souviens d'une autre pandémie,
01:18:28le Sida,
01:18:30qui a touché autant le nord que le sud.
01:18:33À l'époque, un militant séropositif avait dit
01:18:37« Je ne prendrai pas d'antirétroviraux
01:18:40tant que le monde n'y aura pas accès. »
01:18:43Et c'est fort,
01:18:45parce que cette personne était vraiment à risque.
01:18:48C'est ce qu'elle a fait.
01:18:49Et c'est fort,
01:18:51parce que cette personne était vraiment à risque.
01:18:54Et qu'elle disait « Tant que tout le monde ne l'aura pas,
01:18:57je n'en veux pas. »
01:19:01Nous avons le même problème maintenant.
01:19:04Je vois des collègues qui affichent des photos
01:19:07de gens heureux d'avoir été vaccinés,
01:19:09que leur mère, leur père, leurs voisins aient été vaccinés,
01:19:13mais ils ne réalisent pas que pendant ce temps,
01:19:16dans les pays du sud,
01:19:17personne ne se fait vacciner.
01:19:20Cette incapacité à voir que nous subissons la même chose,
01:19:24mais que pour certains, il y a un remède,
01:19:27et que pour d'autres, non,
01:19:29je trouve ça obscène.
01:19:34Le produit de santé le plus demandé du moment
01:19:37est un des moins bien partagés.
01:19:41L'Europe n'a jamais exigé des laboratoires
01:19:43qu'ils rendent publiques la technologie des vaccins
01:19:46qu'elle avait financées.
01:19:52Tous ces vaccins contre le Covid
01:19:55ont été développés rapidement grâce au financement public.
01:20:01En fait, on paye deux fois.
01:20:04On paye le prix fort,
01:20:06mais on ne se sert pas du fait qu'on a financé les recherches.
01:20:10À ce moment-là,
01:20:12les autorités de l'Union auraient dû dire
01:20:15voici les milliards,
01:20:17on veut voir les vaccins le plus vite possible,
01:20:20mais vous devrez partager la technologie
01:20:22qui permet de fabriquer ces vaccins.
01:20:25Lorsque la pandémie a commencé,
01:20:28l'industrie a saisi l'occasion pour promouvoir ses objectifs
01:20:32qui existent depuis longtemps.
01:20:35L'un d'eux est que l'industrie ne veut voir aucun changement
01:20:37dans le régime de propriété intellectuelle.
01:20:41La propriété intellectuelle pour les sociétés pharmaceutiques,
01:20:44c'est le Graal,
01:20:46la pierre angulaire de leur modèle économique.
01:20:52Le modèle économique de l'industrie pharmaceutique
01:20:55est basé sur des brevets qui récompensent l'innovation.
01:20:58La loi permet de partager les brevets
01:21:01en cas de crise sanitaire.
01:21:03C'est la solution réclamée par l'OMS.
01:21:08Nous sommes dans une crise sans précédent
01:21:11qui nécessite des actions sans précédent.
01:21:14Nous avons une crise de vaccins chronique.
01:21:19Les provisions de l'Organisation mondiale de l'exportation des vaccins
01:21:23ont été conçues pour une situation comme celle-ci.
01:21:28Si nous ne les utilisons pas maintenant,
01:21:31alors quand ?
01:21:37Mais les big pharmas s'y opposent.
01:21:39Elles souhaitent garder leur monopole
01:21:42et récolter seules les lauriers et les profits de la course aux vaccins.
01:21:50Je suis un représentant du lobby de l'industrie pharmaceutique.
01:21:55Je représente les points de vue de l'industrie pharmaceutique innovante.
01:22:00Ça va d'Amgen à Aviv, à Teva, Pfizer, Novartis et Roche,
01:22:05toutes les grandes entreprises japonaises, européennes, américaines.
01:22:13Vous devez garder à l'esprit que la capacité mondiale
01:22:17de fabrication de vaccins avant le Covid, y compris contre la grippe,
01:22:21était d'environ 5 milliards de doses.
01:22:24Maintenant, pour vacciner le monde,
01:22:27il faut fabriquer 10 à 11 milliards de doses en une seule année.
01:22:31Cela signifie passer de 0 à 11 milliards en un an.
01:22:35C'est un défi colossal.
01:22:40Ensuite, il y a eu ce succès inattendu, si rapide.
01:22:45326 jours entre le développement et la mise sur le marché du premier vaccin.
01:22:50C'est 3 ans de gagnés sur le plus rapide des développements de vaccins jusque-là,
01:22:55le vaccin contre Ebola, qui avait pris 4 ans.
01:22:59Pour l'industrie, le partage des brevets n'est pas une solution.
01:23:05La levée temporaire des brevets, c'est en quelque sorte du divertissement politique.
01:23:11Car cela ne permettrait pas de fabriquer une seule dose supplémentaire.
01:23:15Et cela sous-estime la complexité des partenariats industriels.
01:23:23Johnson & Johnson a perdu 60 millions de doses
01:23:26parce que l'un de ses sous-traitants a fait une erreur.
01:23:29Ils ont tout gâché.
01:23:31Lever la propriété intellectuelle serait probablement disruptif,
01:23:35mais sans intérêt à court terme.
01:23:37Et à plus long terme, cela signifierait qu'en cas de nouvelle pandémie,
01:23:41il n'y aurait plus de propriété intellectuelle.
01:23:43Et ce n'est pas un message souhaitable.
01:23:48Les multinationales pharmaceutiques,
01:23:50celles qui ont mis sur le marché des vaccins à RMSHG contre le Covid,
01:23:54ont mis en place des transferts de technologies
01:23:56avec des firmes qui n'avaient aucune expérience en production de vaccins à RMSHG.
01:24:00Et ces firmes-là ont été capables en très peu de temps, en moins de 4 mois,
01:24:04de produire des millions de vaccins, des millions de doses.
01:24:07Donc cela montre bien que ce transfert de technologies, il est possible.
01:24:10Lever les brevets, ça ne va pas affaiblir les firmes pharmaceutiques.
01:24:14Cela va simplement peut-être limiter un peu le profit de leurs actionnaires.
01:24:20En défendant leur monopole,
01:24:22les labos ont préservé leurs bénéfices.
01:24:24En un an, le vaccin le plus vendu a rapporté 36 milliards de dollars
01:24:29au laboratoire américain de Pfizer.
01:24:3216 milliards à son partenaire allemand BioNTech.
01:24:36Celui de leur concurrent Moderna, 20 milliards de dollars.
01:24:4020 milliards, c'est la somme qui aurait permis de vacciner
01:24:44l'ensemble des pays à faible revenu.
01:24:55Réclamé par de nombreux pays,
01:24:58le partage des brevets est soutenu par le président américain Joe Biden.
01:25:03Mais pas par l'Union européenne.
01:25:08Les politiques pensent toujours qu'il est dangereux
01:25:11de changer la loi sur la propriété intellectuelle.
01:25:14C'est une sorte de syndrome de Stockholm pharmaceutique
01:25:18qui est difficile à comprendre.
01:25:21Ce syndrome de Stockholm transparaît dans les contrats signés
01:25:25entre la Commission et l'industrie pharmaceutique.
01:25:29Olivier Eudemann enquête sur le rôle des lobbies.
01:25:35Beaucoup de questions brûlantes sur ce qui n'a pas fonctionné
01:25:39dans les négociations sur les vaccins
01:25:42et pourquoi ce ne sont pas des biens publics
01:25:45trouvent leur réponse dans ces documents.
01:25:48Les parties visibles des contrats témoignent
01:25:51d'une très forte influence de l'industrie pharmaceutique.
01:25:56Nous avons compté le nombre de réunions cette année-là.
01:25:59Le chiffre est assez étonnant.
01:26:02140 réunions avec l'industrie pharmaceutique
01:26:06et les organisations en faveur du maintien des brevets
01:26:09et une seule réunion avec un partisan de la levée des brevets.
01:26:13C'est complètement déséquilibré.
01:26:18Le 16 décembre 2020, lors d'une réunion,
01:26:22ils ont discuté de la levée provisoire des brevets.
01:26:25Dans le compte-rendu écrit,
01:26:28l'industrie pharmaceutique soutient que cette proposition
01:26:31serait une mesure extrême pour un problème inexistant.
01:26:36Ils prétendent qu'il n'y aura pas de problème de production de vaccins,
01:26:40qu'ils seront capables d'en produire suffisamment.
01:26:43Dans le compte-rendu,
01:26:45la Commission européenne soutient l'industrie pharmaceutique,
01:26:49soutient le monopole privé sur les brevets,
01:26:52l'exact opposé d'un bien public mondial.
01:26:55Et c'est une erreur historique
01:26:58commise dans le contexte d'une pandémie mondiale.
01:27:01Donc, la Commission européenne a une responsabilité très forte
01:27:06et a beaucoup à expliquer.
01:27:09Le Covid a renforcé l'emprise de l'industrie pharmaceutique sur les États
01:27:15qui n'ont jamais été aussi généreux avec des laboratoires
01:27:19plus puissants que jamais.
01:27:22Nos systèmes de protection sociale
01:27:25résisteront-ils longtemps aux exigences des labos ?
01:27:30Ma colère est vraiment adresse au gouvernement
01:27:33qui a décidé de laisser vraiment les clés de la maison
01:27:36à l'industrie pharmaceutique.
01:27:39Ils ont considéré qu'il n'y avait absolument rien à dire,
01:27:42rien à faire, que c'était les industriels qui étaient en charge,
01:27:45qui avaient le carnet de chèques, etc.
01:27:48Les labos pharmaceutiques étaient des géants.
01:27:51Maintenant, ce sont des titans.
01:27:54Et ils ont été élevés au rang d'interlocuteurs politiques clés,
01:27:57sans contrôle et avec très peu de compte à rendre.
01:28:00Et nous voyons cette politisation.
01:28:03Les dirigeants de l'industrie pharmaceutique
01:28:06téléphonent directement aux premiers ministres et aux chefs d'État.
01:28:10Cette politisation est sans précédent.
01:28:13Il s'agit maintenant de savoir
01:28:16comment rééquilibrer ce rapport de force.
01:28:19Sinon, je pense que les systèmes de santé et de solidarité
01:28:22que nous partageons en Europe vont souffrir,
01:28:25et de manière inévitable et irréversible.
01:28:30Je pense que ce sera un loin combat.
01:28:33Il n'y a aucune garantie de réussite,
01:28:36abandonner n'est pas une option.
01:29:06Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
01:29:36Lors de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annonce de l'annon