• il y a 8 mois
Un aperçu des règles européennes pensées pour faciliter la réparation des biens, avec Flavie Vonderscher, responsable du plaidoyer de HOP (Halte à l'obsolescence programmée) et Sandra Auboy, chargée du développement France d’iFixit. Elles décryptent les freins à la réparabilité, les leviers d’action contre l’obsolescence programmée ou prématurée, ou encore le bonus réparation en vigueur en France.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
00:06 [Musique]
00:12 Le débat de Smart Impact. Je vous présente tout de suite mes invités.
00:16 Sandra Aubois, bonjour. Bienvenue. Vous êtes responsable du développement du marché français et des réseaux sociaux en Europe chez iFixit.
00:23 Et Flavie Van Der Scher, bonjour et bienvenue. Responsable du plaidoyer à l'association Hop!Alt! à l'obsolescence programmée.
00:31 Deux questions de présentation pour démarrer. iFixit, Sandra Aubois, c'est quoi ?
00:36 Alors iFixit, c'est une plateforme en ligne qui a vocation d'aider les gens à réparer eux-mêmes leurs appareils.
00:44 On propose des tutos gratuits. Actuellement, on en a à peu près 100 000 en ligne, gratuitement.
00:51 On a la chance d'accueillir la plus grande communauté de réparation en ligne au monde.
00:58 Et on a la partie boutique en ligne où on propose des outils de démontage.
01:02 Oui, le modèle économique, il est là. Il y a des kits de bricolage ou de démontage.
01:07 Les outils qu'on suit en interne avec les pièces détachées pour aider les gens à réparer leurs appareils.
01:12 Un mot de l'association Hop!Alt! à l'obsolescence programmée. En lisant le titre, on comprend ce que vous faites. Elle existe depuis quand ?
01:20 L'association Hop!Alt! à l'obsolescence programmée existe depuis 2015, depuis que le délit d'obsolescence programmée a été reconnu.
01:27 Et nous, on se bat au niveau français et européen pour avoir des produits plus durables et réparables mis sur le marché.
01:34 On se sensibilise aussi à la réparation, au réemploi, etc.
01:37 Mais on se bat surtout pour une société avec des produits plus réparables mis sur le marché, des normes et de l'information consommateur.
01:44 Pour avoir un changement plus systémique.
01:46 Vous luttez notamment contre la sérialisation des pièces détachées. De quoi il s'agit ?
01:52 On est tous confrontés à ça, mais sans savoir exactement ce que c'est.
01:56 La sérialisation, c'est le fait de relier une pièce détachée à un numéro de série d'un produit.
02:03 Ce qui veut dire que quand on prend deux produits côte à côte et qu'on essaye de changer les pièces entre elles, ça ne fonctionnera pas.
02:08 Ou en tout cas, il y aura des messages d'erreur où on ne pourra pas utiliser le produit avec toutes ses fonctionnalités comme avant.
02:15 Donc nous, chez Hop, on se bat contre la sérialisation.
02:18 C'est un vrai frein à la réparation pour les consommateurs quand ils essayent de faire la réparation eux-mêmes.
02:22 Mais aussi pour les réparateurs, les reconditionneurs.
02:25 Nous, on a porté plainte contre Apple, qui est un des acteurs qui pratiquent la sérialisation en 2022.
02:31 L'enquête est toujours en cours et on attend la suite.
02:34 C'est principalement dans ce secteur-là, on va dire informatique, téléphonie, numérique, ou ça touche d'autres secteurs aussi ?
02:43 Alors ça touche les équipements électriques et électroniques, les ordinateurs, les smartphones.
02:48 Ça touche aussi l'automobile.
02:50 Chez Hop, on vient de sortir un rapport sur l'obsolescence accélérée des véhicules thermiques et électriques.
02:56 Et on observe qu'il y a des pièces sérialisées aussi dans l'automobile qui sont un vrai frein pour réparer.
03:03 Et on a des voitures de plus en plus connectées.
03:05 Donc il faut savoir que ces pratiques-là, ça mêle en même temps des pratiques logicielles,
03:09 mais aussi des pratiques techniques pour empêcher vraiment de remplacer une pièce.
03:13 Les eurodéputés ont voté ce mardi 23 avril un texte pour faciliter la réparation des biens et augmenter leur durée de vie.
03:23 Et puis il y a un autre texte dans lequel justement ils s'attaquent à l'obsolescence prématurée des objets.
03:27 Comment vous recevez ces réformes ? Votre avis, Sandra Ouboua.
03:31 On est dans une prise de conscience, enfin. Est-ce qu'elle vous semble suffisamment ambitieuse ? Comment vous les recevez ?
03:38 Alors oui, on sent que c'est une prise de conscience. On est plutôt heureux que ça va dans le bon sens.
03:43 Après, est-ce que c'est suffisant ? Probablement pas. Comme disait Flamy, il y a des choses encore à travailler.
03:51 Par exemple, la directive qui vient d'être votée par le Parlement européen.
03:55 Donc sur le droit à la réparation, c'est ça ?
03:58 C'est un bon point de départ. Après, il y a pas mal de notions qui restent assez floues.
04:06 Par exemple ?
04:07 Comme par exemple la notion de prix raisonnable. Pour une réparation, prix raisonnable.
04:11 Après, en application, on ne sait pas trop comment le fait que le prix soit raisonnable ou pas.
04:17 On attend de voir comment ça va être mis en place.
04:20 Sachant qu'on sait qu'à peu près la plupart des gens, si la réparation dépasse les 30% du coût total de l'appareil,
04:28 ils vont être découragés de la réparer.
04:30 Donc c'est un point pourtant important. La sérialisation est aussi dedans.
04:35 Par contre, il y a une sorte d'échappatoire pour les marques.
04:38 Parce que ça peut être potentiellement faisable sous réserve de droits intellectuels ou de sécurité.
04:45 Donc les marques peuvent justifier la sérialisation sous certaines conditions.
04:49 Donc encore une fois, c'est une bonne base.
04:53 Est-ce que dans ce texte, dans cette directive, il y a des obligations pour les femmes ?
05:00 Est-ce que c'est suffisamment contraignant ?
05:02 Parce qu'on sait que parfois, il faut un aiguillon réglementaire suffisamment puissant pour faire changer les comportements.
05:10 On espère. Ça va être une première base.
05:14 C'est à l'usage qu'on s'en rendra compte.
05:16 Ça sera plutôt à l'usage. Parce que là, pour l'instant, ça vient des devotés.
05:19 On sent qu'il y a quelque chose qui se passe.
05:21 Parce que par exemple, Apple a annoncé il y a quelques semaines qu'ils veulent un peu limiter la sérialisation des pièces
05:29 quand on interchangera les pièces entre des iPhones du même génération.
05:33 Par contre, pareil, l'annonce reste assez floue parce qu'on ne sait pas sur quelle génération d'iPhone,
05:37 à quel moment ça va être mis en place, comment ça sera possible.
05:41 Mais on voit que ça oblige les marques à bouger un peu dans le bon sens.
05:45 Sur ce droit à la réparation, Flavie Wenderscher a publié, je crois que c'était au mois de janvier,
05:51 une étude sur ce qui se passe en France.
05:53 L'impact de ce bonus réparation applicable notamment aux équipements électriques et électroniques.
05:59 Qu'est-ce qui ressort de cette étude ? Ça marche ?
06:01 En fait, en France, on a des mesures qui sont assez intéressantes pour pousser à la réparation.
06:05 Il y a le bonus réparation qui est depuis 2022 pour les équipements électriques et électroniques.
06:09 Et là, depuis fin 2023, pour les textiles et chaussures.
06:11 Oui, on en a parlé ici même.
06:13 C'est très intéressant. Nous, c'est un dispositif auquel on croit beaucoup.
06:15 Il y a encore des ajustements à faire parce qu'on observe qu'il y a beaucoup de consommateurs
06:19 qui ne sont pas au courant que le bonus existe.
06:21 Donc, comment on peut inciter les gens s'ils ne sont pas au courant ?
06:24 On incite à avoir plus de communication sur le sujet.
06:27 Après, on a d'autres outils aussi sur l'information et l'incitation à la réparation.
06:33 C'est l'indice de réparabilité qui se transforme en indice de durabilité.
06:37 C'est une note de 1 à 10 qui permet au consommateur, en rayon,
06:41 au moment où il achète le produit neuf, de savoir à quel point le produit est réparable ou pas.
06:45 Et donc, de faire des meilleurs choix.
06:47 Mais ça, ça reste des mesures qui sont très intéressantes et qu'on pousse aussi à avoir dans d'autres pays.
06:52 Parce que pour que ce soit efficace, il faut que ce soit vraiment très développé.
06:55 Mais l'important, c'est quand même d'avoir des normes de base et pas juste des mesures d'incitation
07:00 pour avoir des pièces détachées disponibles, un prix raisonnable de pièces détachées
07:04 et vraiment la possibilité de réparer.
07:06 Alors ce que j'entends, ce que vous dites, c'est que très bien il y a un bonus qui est mis en place,
07:11 mais on n'est pas encore dans l'écosystème de la réparabilité, c'est ça ?
07:15 De plus en plus, mais on a toujours le constat que pour 68% des Français,
07:20 le premier frein à la réparation, c'est le prix.
07:22 Donc là, on a cette directive du droit à la réparation qui permet d'avoir une base écrite sur le prix raisonnable.
07:28 Mais comme disait Sandra, on ne sait pas ce que ça va donner.
07:30 Donc le bonus, ça permet de faire ça, puisque les consommateurs peuvent se rendre chez le réparateur.
07:35 Donc c'est chez les réparateurs labellisés pour avoir accès au bonus et ils n'ont rien à faire en amont.
07:41 C'est le réparateur ensuite qui se fait rembourser le bonus.
07:44 Donc il a directement la réduction sur la facture.
07:46 Donc ça, c'est une vraie incitation, puisqu'on est dans un constat que le prix est un frein.
07:51 Le bonus, c'est une vraie réponse.
07:53 C'est parfois difficile pour nous consommateurs de choisir entre réparation et remplacement.
07:59 Est-ce qu'il y a des critères ?
08:01 Est-ce qu'il y a une sorte de bonne grille de lecture si vous deviez donner des conseils ?
08:05 C'est-à-dire ?
08:07 C'est-à-dire, je ne sais pas, quand est-ce que...
08:09 Vous parliez du prix, le fait de se dire "au-delà de 30%, je ne vais pas me lancer dans la réparation, je vais plutôt remplacer".
08:16 Vous voyez ce que je veux dire ?
08:18 Alors, non, nous, on va toujours privilégier la réparation.
08:20 Oui, ça c'est votre modèle économique, forcément.
08:22 Non, même, parce que c'est nos valeurs.
08:25 Après, c'est vrai qu'on sait que, comme disait Flavie, le prix est un frein à la réparation.
08:31 Est-ce qu'on peut évaluer la réparabilité d'un objet, vous voyez, avant de se dire, avant de prendre un tuto et de se lancer dans un...
08:39 Justement, l'indice de réparabilité français essaie de mettre ça en place.
08:44 La loi européenne est plus limitée à ce niveau-là.
08:47 C'est un peu dommage parce que c'est vrai qu'ils n'ont pas repris forcément les bases de la France à l'appliquer en Europe.
08:53 Après, c'est aussi aux consommateurs de faire une démarche en ce sens, en disant, voilà, est-ce que cette marque fait un pas vers la réparabilité ?
09:02 De se renseigner un petit peu, et pas juste sur les caractéristiques des performances des appareils.
09:06 Ça pourrait être bien aussi de regarder un peu le côté plus réparable si la marque...
09:10 Oui, mais c'est presque un état d'esprit qu'on doit changer.
09:13 Parce que pendant des décennies, quand on arrivait avec un objet à réparer, on disait, franchement, changez-le, prenez un neuf, ça va être trop compliqué de le réparer.
09:22 Moi, j'ai entendu ça je ne sais combien de fois dans différents magasins.
09:25 Donc, c'est un état d'esprit à réinventer en quelque sorte.
09:30 Oui, c'est ça. Il faut faire changer les consciences un peu des gens et d'aller vers de l'avant.
09:36 Mais des vendeurs aussi. Ce que je veux dire, ce n'est pas nous consommateurs.
09:39 C'est tout le monde, en fait. C'est aussi tout le monde de prendre la responsabilité de dire, OK, ma batterie fonctionne moins bien, l'autonomie est moins bien.
09:47 Pourquoi je rachèterais un nouveau téléphone alors qu'il fonctionne bien juste pour une batterie ?
09:51 Et c'est aussi aux vendeurs. Après, c'est vrai que le bonus réparation, le fait d'avoir des possibilités de réparation, même en magasin, peuvent pousser à...
09:59 Est-ce que vous diriez, Flavie Wunderscher, que la France est plutôt en avance par rapport à d'autres pays européens ou même par rapport à la législation européenne en général ?
10:07 Oui, sur les sujets de réparation, la France est clairement en avance.
10:10 On avait cet indice qui est très ambitieux. Il y a des critères dans cet indice de disponibilité d'informations, de disponibilité des pièces et aussi un critère sur le prix des pièces détachées.
10:20 Donc ça, c'est très intéressant d'avoir ça. L'Union européenne s'est inspirée de l'indice, mais malheureusement, n'a pas repris tous les critères.
10:27 Et on se retrouve aujourd'hui, ça va arriver en 2025 pour les smartphones, avec un indice pour les smartphones qui ne prendra pas en compte le prix des pièces détachées.
10:35 Et ça, c'est très problématique parce que ça veut dire qu'on peut avoir des industriels qui proposent des produits avec des pièces détachées très chères et qui peuvent avoir de très bonnes notes,
10:44 alors que le prix de la pièce, c'est un élément essentiel de la réparabilité d'un produit. Et vous parliez aussi de changer les mentalités.
10:51 Et je suis complètement d'accord avec ça. Mais sur la responsabilité, le consommateur doit reprendre les bonnes réflexes de réparation.
10:59 Mais encore faut-il qu'il puisse le faire. On ne peut pas attendre des consommateurs de payer plus cher une réparation que le produit neuf.
11:06 Donc il y a aussi une responsabilité de la part des industriels.
11:08 En France, il y a la responsabilité élargie du producteur, justement. Alors ça ne concerne pas directement ou pas uniquement la réparabilité, mais c'est quand même là aussi un progrès. Vous êtes d'accord avec ça ?
11:18 Oui. Alors sur la responsabilité élargie des producteurs, donc la REP, nous on suit ça de près. Le bonus réparation, ça fonctionne dans ce système-là.
11:25 Ce qu'on observe, c'est que nous on a du mal à avoir accès aux données de toute cette REP, parce qu'il y a des éco-organismes qui sont en charge de prendre en compte la filière pour laquelle ils sont dédiés.
11:38 Et aujourd'hui, on manque de pouvoir public remis au centre de ce système. Il devrait y avoir parfois des décisions prises par les pouvoirs publics dans ce cadre-là de la REP.
11:49 Et ce n'est pas le cas, parce que c'est les éco-organismes qui sont en charge de ça. Mais les éco-organismes, indirectement, c'est les fabricants.
11:56 Donc on se retrouve avec des fabricants qui sont en même temps jugés partie de ce qu'ils doivent faire. Et ça, c'est une vraie problématique aujourd'hui.
12:02 Une amélioration potentielle. Merci beaucoup. Merci à toutes les deux et à bientôt sur Bsmart. On passe à notre rubrique Smart Ideas, une start-up à l'honneur.

Recommandations